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III. ANALYSE DES INCIDENCES DES ACTIVITES FORESTIERES SUR L'ENVIRONNEMENT

par

H.L. Teller 1/ Unesco

1. INTRODUCTION

En sa qualité de gérant responsable d'une ressource biologique renouvelable et de son environnement, l'aménagiste de terrains forestiers doit se préoccuper des conséquences éventuelles de ses décisions sur les processus interdépendants oui assurent le bon fonctionnement de cet environnement.

Un grand nombre de ces processus ont fait, grâce à la recherche, des progrès considérables en ce qui concerne leur exploitation et leur évaluation quantitative; mais l'hétérogénéité des environnements forestiers ne permet guère encore de prédire avec quelque précision ce qui résultera d'un projet d'intervention determin e en un lieu donn . Dans beaucoup de parties du monde, jusqu'à aujourd'hui$ les décisions des gestionnaires à propos d'activités telles que l'exploitation à grande échelle, la construction de routes ou le développement des fonctions récréatives sont prises sans égard pour leurs conséquences en matière d'érosion du sol, de perte d'éléments fertilisants ou de pollution de l'eau.

Cependant, dans de nombreux pays parmi les plus développés, l'opinion a désormais si bien pris conscience de l'importance de l'environnement que ceux sur qui reposeront les décisions sont obligés d'annoncer clairement quelles incidences aura l'utilisation des terres qu'ils proposent, particulièrement lorsqu'il s'agit du domaine public. Dans bien des cas, l'opinion réclame que d'autres voies soient étudiées qui aient un effet moins nuisible sur le milieu, Si d'immenses superficies forestières continuent d'être exploitées et détruites dans le monde pour le seul profit immédiat de quelques uns, certains signes montrent que, devant l'intérêt croissant manifesté par le public et les milieux professionnels, l'aménagiste de terrains forestiers sera de plus en plus obligé non seulement d'approfondir les conséquences de ses décisions, mais aussi de maintenir un juste équilibre entre la mise en valeur et la conservation.

1/ H. Leo Teller est spécialiste principal des programmes à la Division des sciences écologiques de l'Unesco.

2. ANALYSE DES INCIDENCES SUR L'ENVIRONNEMENT

Bien qu'elles s'amenuisent aujourd'hui dans beaucoup de pays, il est fait de plus en plus appel aux ressources naturelles, parce que la population se multiplie ou qu'elle est plus prospère. Pour observer, dans sa décision, le juste milieu entre deux extrêmes également inacceptables, d'une utilisation aveugle ou d'une conservation intégrale de ces ressources, le responsable devra évidemment disposer des faits les mieux établis pour savoir comment tel projet d'activité affectera un environnement donné. La méthode permettant de trouver une réponse à cette question est connue sous le nom d'analyse des incidences sur l'environnement 1/, et se formule communément par un état de ces incidences.

Est-il nécessaire de souligner qu'une estimation des incidences sur l'environnement a pour objet de minimiser les effets dommageables, bien plus nue de réduire l'activité économique ? Pourtant, aussi bien dans les pays industrialisés que dans ceux en voie de développement, on entend exprimer des craintes à ce propos, et pour différents motifs. Mais les écologistes sont des gens rationnels qui demandent que les décisions soient basées sur des faits plutôt que sur des arguments émotionnels, que le développement s'appuie sur la connaissance du potentiel de ressources, que les coûts et profits soient évalués sur une échelle aussi large eue possible où seront envisagées toutes les conséquences, à court et à long termes, directes et indirectes, el: que l'analyse comprenne toute la gamme des alternatives.

Bien que l'analyse des incidences sur l'environnement soit d'abord destinée à fournir à l'intéressé des données de fait et de prospective qui conféreront plus d'objectivité à sa décision, l'état produit remplira éventuellement d'autres objets. Car s'il peut simplement servir à établir les conditions de milieu existant dans la zone, il permettra certainement aussi de mieux planifier, à court et à long termes, le développement comme la conservation; enfin, il pourra fournir des armes juridiques là où il y a possibilité de litige et, bien entendu, remplir toutes obligations légales existantes.

Le principe et la méthodologie de l'analyse moderne des incidences sur l'environnement ont commencé d'être élaborés au milieu et à la fin des années 60, lorsque quelques pays se sont mis à comprendre que l'on ne pouvait continuer indéfiniment d'utiliser et de mettre en valeur sans contrôle les ressources naturelles, et qu'il devenait indispensable de renforcer l'intervention de l'Etat. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis la loi de 1970, dite National Environmental Policy Act (NEPA), a rendu obligatoires pour les organismes publics la préparation d'états des incidences sur l'environnement, avant d'entreprendre toute action d'envergure susceptible d'entraîner des conséquences importantes pour celui-ci.

De nombreux autres pays ont maintenant adopté une législation analogue, bien que, à l'échelle mondiale, les régions où n'existe pas de réglementation adéquate des activités de développement soient encore, malheureusement la majorité.

1/ Cf. Munn, 1975, pour le traitement général du sujet.

3. PORTES ET CONTENU DE L'ANALYSE DES INCIDENCES SUR L'ENVIRONNEMENT

Il est bien évident que les opérations liées à l'aménagement des ressources forestières n'auront pas toutes une dimension ou un impact sur l'environnement suffisamment importants pour justifier la préparation d'un état des incidences. L'aménagiste responsable doit décider où et quand cette analyse devra être entreprise et si l'effet de l'intervention envisagée vaut la dépense.

Le Manuel du Service forestier américain (1974) déclare que " ... les états sur l'environnement devront être préparés... en cas d'actions fédérales affectant notablement la qualité de l'environnement humain. Cet "effet important" implique toutes interventions ayant aussi bien des incidences bénéfiques que préjudiciables... Les catégories suivantes de critères seront à considérer:

Le contenu d'un état sur les incidences de l'environnement varieront évidemment avec la nature et la portée de l'analyse, selon qu'il s'agira de petites interventions relativement simples, d'impact local, ou de projets de développement complexes et à grande échelle pouvant avoir une incidence nationale ou même internationale. De nouveau, les points que l'analyse aura à couvrir sont donnés ici à titre indicatif, sans comporter aucun caractère obligatoire ou exhaustif. Ils sont extraits des recommandations de l'U.S. Council of Environmental Quality (congrès des Etats-Unis, 1973).

4. POINTS A RETENIR DANS LES ETATS DES INCIDENCES

Ces états devront comporter:

5. PREPARATION DE L'ANALYSE

Chacun des points énumérés ci-dessus comporte, naturellement, des difficultés d'analyse à des degrés divers. Si certains sont en grande partie descriptifs et peuvent être présentés sous forme narrative (comme la définition de l'action proposée et de ses buts, la description de l'environnement intéressé, le rapport de l'action proposée avec les plans et la politique d'utilisation des terres), en revanche l'évaluation réelle de l'incidence probable sera certainement bien plus complexe. Si elle implique la comparaison des diverses alternatives, comme cela devrait être le cas généralement, il sera essentiel de quantifier les incidences probables.

Ce serait cependant un exercice qui irait relativement de soi, si l'on était en mesure d'appréhender exactement les rapports entre les incidences sur l'environnement et leurs effets correspondants. Par exemple, si, pour un périmètre forestier donné, on ,avait que la coupe à blanc étoc de x pour cent du boisement produira un accroissement de y centimètres de ruissellement, il serait plus facile d'estimer l'incidence hydrologique probable de l'abattage d'une autre proportion quelconque de ce peuplement. Malheureusement, l'appréciation quantitative claire des incidences nue les modifications de l'utilisation des terres ont sur les processus naturels d'un écosystème relève de l'exception, davantage que de la règle. Mais, à supposer même que l'on dispose de données chiffrées pour une zone particulière, l'extrapolation à des périmètres plus petits ou plus grands, comme à d'autres sols, formations géologiques, climats ou coutumes sociales, est en général très aventurée - c'est le moins que l'on puisse dire.

Nonobstant, comme dans la plupart des démarches humaines, l'analyste de l'environnement devra agir au mieux de ses possibilités, avec les ressources et les connaissances dont il dispose. En fait, dans beaucoup de pays, il existe déjà une grande masse d'informations, particulièrement dans les secteurs ou les disciplines qui ont de longue date suscité l'intérêt. Les nouvelles recherches peuvent donc être très limitées ou même entièrement superflues: c'est le cas, pour ne citer qu'un exemple, de l'application des pesticides les plus courants à certaines cultures.

Lorsque l'on peut cependant prévoir des conséquences à la suite d'une intervention novatrice, comme l'emploi d'un ncuveau produit chimique sur une forêt ou un pâturage, ou bien l'application d'une technologie relativement inédite (par exemple, l'introduction d'essences exotiques qui n'ont pas encore fait l'objet d'essais), il est souvent difficile de décider de l'ampleur et de le durée des ressources humaines ou financières qu'il conviendra d'allouer à la recherche et à l'analyse de ces incidences. Aucune règle génerale n'est possible dans ce cas, sauf que le coût des recherches et analyses doit évidemment être en rapport avec celui de l'action proposée et avec le bénéfice qu'on en attend. Un chiffre empirique de 10% des coûts du projet a été suggéré pour payer les frais d'évaluation de ses incidences sur l'environnement, y compris la recherche à terme relativement court.

6. IDENTIFICATION DES INCIDENCES ET DES EFFETS PROBABLES

Comme nous l'avons vu, une analyse des incidences doit comprendre à la fois une description de l'environnement intéressé et des interventions qu'on se propose d'y effectuer. Ces dernières sont en général mieux définies au départ que l'environnement lui-même, qui peut réclamer des études pluridisciplinaires importantes avant que ses éléments ne soient correctement exposés.

Des trois méthodes principales utilisées pour identifier les incidences sur l'environnement (listes de contrôle, matrices et hydrogrammes), la matrice, où les interventions sont inscrites sur un axe et leurs incidences mesurées sur l'autre par certains indicateurs, est sans doute la plus couramment utilisée. Un indicateur d'incidence est une variable de réponse à un impact, exprimée de préférence en chiffres: par exemple, les matériaux en suspension, le pH et l'OD (oxygène dissous) sont les indicateurs de la qualité de l'eau; les concentrations d'anhydride sulfureux et d'ozone ceux de la qualité de l'air. Certains indicateurs ne peuvent être quantifiés que par leur degré relatif: néant, faible, moyen, élevé,

A elles seules, les listes de contrôle ne montrent pas très bien les rapports entre l'intervention et son effet et peuvent davantage que d'autres techniques omettre des incidences importantes. Les hydrogrammes, qui ne sont en fait que de simples modèles qualitatifs parcellaires, affichent au contraire immédiatement les interdépendances (peut-être mieux que les matrices qui sont limitées à deux axes), mais nécessitent une meilleure compréhension des interdépendances que la matrice simple. Le Tableau 1 est une illustration d'une liste de contr8le simple, le Tableau 2 d'un diagramme d'écoulement (ou hydrogramme) également simple.

Tableau 1: Liste de contrôle partiel d'identification des incidences éventuelles des coupes

Action

Effet

Incidence sur l'environnement

Abattage des arbres - réduction de la surface fiolacée et de l'interception - ruissellement accru
- réduction de la perte par évapotranspiration (ET)
- détérioration de la structure du sol et réduction de l'infiltration - augmentation des pertes en sol et de la sédimentation dans les cours d'eau
- suppression des éléments fertilisants sur le site - réduction de la fertilité du sol

Tableau 2: Hydrogramme partiel d'identification des incidences des coupes

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Le lecteur aura noté l'importance du raisonnement intuitif sur la connaissance et même sur l'appréhension fondamentale des processus écologiques, si bien que l'on peut même poser les questions les plus essentielles. La plupart des analyses des incidences sur l'environnement doivent être terminées en relativement peu de temps et avec un budget limité; l'analyste aura donc beaucoup de mal à prédire avec précision l'ampleur des incidences, fút-ce de celles que l'on attend. C'est pourquoi celles qui ne sont absolument pas prévisibles peuvent très bien ne pas même avoir été décelées: c'est le cas, par exemple, du lien classique qui existe pour les oiseaux entre la DDT et l'épaisseur de coquille de leurs oeufs.

7. PREDICTION DES INCIDENCES

Une fois identifiés les éléments de l'environnement et leurs indicateurs d'incidence, l'ampleur de l'impact doit être prédite, de préférence quantitativement, mais, dans la pratique, le plus souvent qualitativement. Sauf nouvelles recherches, toutes les prédictions seront basées sur l'état des connaissances dans les disciplines mises en jeu, dont l'application à la situation particulière du cas examiné devra faire l'objet d'une approche scientifique.

Par exemple, on estimera l'incidence hydrologique de l'éradication de la végétation indésirable dans un certain périmètre au moyen d'hormones défoliantes, en comparant les conditions du lieu avec celles existantes dans un projet de recherche sur un bassin versant voisin, où une végétation semblable aura été supprimée. Dans ce cas, c'est la superficie de la végétation défoliée qui est la variable importante à comparer, plutôt que la nature du produit chimique utilisé. Cependant que l'on pourra prédire la persistance du défoliant dans le sol et sa mobilisation dans le cours d'eau adjacent, au moyen de données provenant d'une seconde étude sur un emplacement différent: ce sera alors la nature du produit chimique qui représentera la variable importante à comparer avec l'étude précédente. Si les informations sont à rechercher dans toutes les sources disponibles, leur extrapolation ne doit étre effectuée qu'avec le plus grand soin.

Le développement des modèles mathématiques qui deviennent de plus en plus "fins" facilitera considérablement, certes, la tâche de l'analyste d'environnement. Ainsi, les modèles qui étudient des sources variables d'impact (comme le superficie d'une forêt essartée ou le tonnage de charbon brûlé) en fonction des indicateurs d'incidence (sédimentation dans un cours d'eau, concentration de S02 dans l'atmosphère) et de variables de l'environnement (pente du terrain, précipitations annuelles, vitesse du vent), permettront à l'analyste de simuler tout un éventail de conditions hypothétiques et d'obtenir la mesure quantitative des modifications de l'environnement qui en résultent. Nombreux sont les modèles de ce genre qui fonctionnent déjà dans les domaines de l'hydrologie, de la qualité de l'eau ou de l'air. Très souvent, les spécialistes qui ont élaboré ces modèles ne sont que trop heureux d'aider à l'analyse prospective de l'environnement.

Dans de nombreux cas, il faudra procéder à de nouvelles recherches avant d'utiliser une technologie qui n'a pas encore été mise à l'essai. Cela est particulièrement vrai quand de nouvelles substances sont libérées quelque part, ou quand de nouveaux impacts risquent d'affecter de vastes superficies ou des ressources de valeur. Comme les crédits sont partout un facteur limitant, il y aura souvent des options difficiles à prendre sur la partie de l'environnement qu'il conviendra d'étudier: l'eau, le sol, les végétaux, !es animaux ou l'homme. Il sera dans ces cas-là plus facile de prendre une déanimaux objective, si l'on applique des critères uniformes à la sélection des sujets de recherche: comme la prévalence de la ressource choisie sur l'aire d'impact, son importance écologique et économique, son caractère unique, le degré d'intérêt pris par le public etc. Un simple rang hiérarchique peut même être calculé en attribuant des niveaux (néant, léger, modéré, grand) à chaque critère, dont on fera la somme ou la moyenne pour les classer ensuite par ordre ou par priorité.

8. METHODES D'ANALYSE DES INCIDENCES

Au cours des dernières années, plusieurs méthodologies d'analyse des incidences ont été imaginées. Trois d'entre elles, la Matrice de Leopold (Leopold L.B. et al 1971), La Technique des Calques (McHarg, 1969) et le Système Battelle d'évaluation de l'environnement (Dee et al, 1972), ont été assez largement adoptées. Nous en donnons ci-dessous les grandes lignes de base.

La Matrice de Leopold, l'une des premières et des plus simples, permet essentiellement d'étudier de manière ordonnée les interactions entre une liste d'interventions sur le milieu et une autre liste de "caractéristiques" et "conditions" écologiques.

Les interventions, qui sont énumérées sur l'axe horizontal ou en tête de la matrice, comprennent les types d'action suivants:

Type d'action

Exemple

A. Modification de régime modification de l'habitat
B. Transformation du terrain et constructions aéroports, routes
C. Extraction de ressources récolte de bois, pêche
D. Transformation fourniture d'énergie, raffinage de pétrole
E. Altération du terrain exploitation minière de surface, lutte contre l'érosion
F. Renouvellement d'une ressource reboisement, réapprovision de sources d'eau souterraine
G. Evolution des communications et du trafic automobile, chemin de fer
H. Décharges et détoxication effluents d'eaux usées, remblais
I. Traitement chimique fertilisation et application d'engrais
J. Accidents écoulements d'hydrocarbures, explosions

Sur l'axe vertical de la matrice, sont énumérées les caractéristiques ou les conditions de l'environnement qui peuvent être affectées par les interventions précitées. Elles sont réparties entre quatre catégories principales:

Exemple
A. Caractéristiques physiques et chimiques qualité de l'air ou de l'eau
B. Conditions biologiques flore et faune
C. Facteurs culturels fonctions esthétiques, récréatives
D. Relations écologiques eutrophisation, chaînes alimentaires

Il y aura nécessairement des chevauchements ou des doubles emplois dans les interactions. Par exemple, les incidences sur les caractéristiques physiques et chimiques figureront également dans les relations écologiques. Toutefois, ce n'est pas une gêne sérieuse.

Dans les cases délimitant chaque interaction de la matrice, là où une incidence est jugée possible, on inscrit deux chiffres compris entre 1 et 10, qui représentent l'ampleur et l'importance de l'incidence éventuelle. L'état qui accompagne la matrice explicite les incidences importantes: c'est-à-dire les colonnes et les rangs ayant un grand nombre de cases remplies et, individuellement, les cases avec les chiffres les plus élevés.

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Fig. 1: La Matrice de Leopold

La matrice a pour principaux avantages d'être relativement simple, de pouvoir s'adapter à un vaste éventail d'incidences, de prévoir à la fois J'ampleur et l'importance des incidences, enfin, de présenter une bonne image directe de la situation.

Ses plus gros inconvénients sont les suivants: elle ne différencie pas suffisamment les activités (par exemple, l'eutrophisation et la nage) ni les indicateurs d'état (par exemple, la concentration d'azotes le décompte des parasites intestinaux); elle ne concentre pas l'attention sur les préoccupa- tions humaines les plus déterminantes; elle ne prévoit pas de marge d'incertitude; elle n'est pas très objective (chaque éveluateur procédant selon son propre système de valeur). En dépit de ces défauts, c'est peut-être la methode thode la plus satisfaisante pour les études à petite échelle, effectuées avec des ressources limitées et par du personnel relativement inexpérimenté.

La Technique des Calques consiste essentiellement à relever sur la carte l'emplacement géographique des interventions et de leur impact prévu.

 

"On se sert d'une série de calques pour identifier, prédire et signaler les incidences, avec leur importance relative, dans un cadre de référence géographique à échelle plus grande que le nécessiterait une action locale." (Munn 1975).

La méthode convient surtout pour sélectionner l'itinéraire des corridors où les incidences seraient minimales comme pour les autoroutes, les oléoducs, les voies ferrées et les lignes haute tension. On reporte sur chaque calque un nu plusieurs types d'incidences sur l'environnement, leur total étant limité à 10. Par exemple, quand on aura à choisir l'itinéraire d'une servitude de passage, on pourra représenter sur une carte la densité de l'habitat humain (peut-être divisé en plusieurs catégories qualifiées de forêt, de moyenne ou faible densités, ou en classes quantitatives). Un second calque montrera le coùt d'acquisition du droit de passage (par différentes mentions de coût). Sur une troisième carte, on inscrira la gravité du bouleversement apporté à la faune sauvage et à la valeur des pêcheries; sur une quatrième, l'incidence sur la productivité des terres agricoles.

Finalement, l'incidence totale des facteurs sélectionnés se révèlera visuellement, ou quantitativement, sur chaque unité du terrain de la dimension souhaitée. Le corridor pourra alors être choisi d'après l'itinéraire provoquant l'incidence minimale. Des programmes d'ordinateur permettent de sortir une imprimante fournissant la carte renseignée que l'on désire, qui sont immédiatement adaptables là où l'on dispose du matériel et du personnel compétent.

La méthode est sélective, car l'on ne peut envisager qu'un nombre limité d'incidences: s'il est possible de bien définir chaque caractère, l'ordre de grandeur de leur effet est plus ardu à mettre en lumière, de même qu'il est difficile d'illustrer l'incertitude ou les incidences extrèmes de faible probabilité. Néanmoins, la méthode est utile pour les mises en valeur régionales de grande superficie, ainsi que pour la sélection de corridors.

9. LE SYSTEME BATTELLE D'ÉVALUATION DE L'ENVIRONNEMENT

Le Système de Battelle a été mis au point spécifiquement pour évaluer les incidences de la mise en valeur des ressources hydrauliques, mais il a de larges applications dans le domaine général des ressources naturelles.

L'un des problèmes les plus difficiles de l'analyse des incidences est de comparer quantitativement et objectivement les impacts observés, ou prédits, sur les différentes parties de l'environnement. L'ordre de classement à attribuer à diverses alternatives possibles, ou la comparaison des conditions du milieu "avec" ou "sans" telle activité, requiert la mesure des incidences en unités comparables ou compatibles.

Pour rendre compte de l'existence de plusieurs "niveaux" d'information, le système a une structure hiérarchique, qui part du palier le plus général des quatre "catégories" d'environnement jusqu'au niveau le plus détaillé des "indicateurs" de l'environnement (voir Tableau 3).

Le système procède essentiellement par trois degrés, le troisième (paramètre de l'environnement) servant de niveau-clé à l'analyse.

a) Au moyen d'une fonction de valeur, tous les paramètres estimés sont convertis à leur niveau correspondant à la Qualité de l'Environnement, de valeur 0 à 1 (Fig. 2).

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Fig. 2: Fonction de valeur-type, utilisée dans le Système Battelle d'évaluation

b) L'importance relative des différents paramètres a été exprimée en "Unités d'Importance des Paramètres" (Plu, en anglais). (voir Tableau 3). Bien que ces unités contèrent l'homogénéité nécessaire entre les projets, la méthode, dans son ensemble, est affectée d'un certain empirisme.

c) L'Unité d'Incidence sur l'Environnement (EIU en anglais) d'une in tervention sur un paramètre donné se calcule en multipliant l'Im portance du paramètre (PIU), du stade (b) ci-dessus, par la Qualité de l'Environnement (EQ), calculée au stade (a), soit: (EIU) = (PIU)x (EQ)

On fait le total des EIU de chaque catégorie principale (écologie, pollution de l'environnement,, esthétique et intérêt humain), puis on compare ce résultat pour différentes alternatives de projet, ou bien pour un projet donné "avec" ou "sans" (interventions).

Tableau 3: SYSTEME BATTELLE --IEVALUATION DE L'ENVIRONNEMENT (Dee et ai., 1972 - Référence.1)

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La plus grande difficulté, bien entendu, tient à dériver la fonction de valeur d'un certain paramètre (stade a ci-dessus) bien que, en l'absence de données réelles, on puisse utiliser des ordres de grandeur qualitatifs (c'est-à-dire zéro, bas, moyen, élevé).

Le Système de Battelle a plusieurs avantages, en admettant que l'on dispose à la fois de données techniques et d'informations sur les ressources humaines. L'analyste pourra se servir de tous les renseignements qui lui sont offerts, à quelque degré de détail que ce soit; le système est relativement objectif, en ce sens qu'il emploie des paramètres normalisés et des données techniques généralement disponibles pour calculer les indices d'incidence. Ses inconvénients tiennent à ce que certaines incidences peuvent être mesurées plusieurs fois dans différentes catégories et que les interactions ou les effets synergétiques ne sont pas évalués. Toutefois, il comporte une "sonnette d'alarme", qui alertera l'analyste sui, le risque d'incidences sérieuses.

10. CONCLUSIONS

Il n'existe pas de méthode meilleure qu'une autre pour procéder à une analyse d'incidence sur l'environnement. Selon la dimension, l'importance et la complexité des projets, il faudra varier les méthodes d'analyse, ou les combinaisons de méthode. Comme dans d'autres domaines, c'est l'expérience qui est le meilleur maître et le néophyte ne doit pas se laisser décourager au départ par le manque de connaissance ou de pratique. Toutefois, on ne saurait trop souligner l'importance d'une approche pluridisciplinaire: l'appel à des compétences multiples permettra d'ailleurs de promouvoir la coopération entre des groupes de spécialistes ou des organismes qui, auparavant, avaient tendance à travailler relativement en vase clos.

Même lorsqu'il n'existe aucune obligation légale à produire des états d'încidence sur l'environnement, l'aménageur des ressources du sol doit aujourd'hui prendre sur lui de s'assurer que les conséquences nuisibles de ses décisions et interventions seront minimisées. S'il est souvent admissible que des avantages ou même des profits à court terme, au bénéfice d'un individu ou d'un petit nombre de personnes, puissent avoir le pas sur des intérêts plus vastes et à plus longue échéance par une utilisation prudente des ressources naturelles, il est certain qu'un effort conscient pour sauvegarder la qualité de l'environnement est devenu l'un des facteurs les plus importants de l'aménagement de ces ressources,

11. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dee, N., Baker, J.K., Drobny, N.L., Duke, K.N. and Fahringer, D.C. 1972 Final report on an environmental evaluation system for water resource planning. Contract No. 14-06-D-7182, Battelle Columbus Labs, Columbus, Ohio, U.S.A., 188 pp.
Leopold, L.B., Clarke, F.E., Hanshaw, B.B. and Balsley, J.R. 1971 A procédure for evaluating environmental impact. U.S. Geological Survey Circular 645, Washington, D.C., 13 pp.
McHarg, I. 1969 Design with Nature. Natural History Press, Garden City, N.Y., P. 31-41. pp.
Munn, R.E. (ed.). 1975 Environmental impact assessment - principles and pro cedures. SCOPE Report 5. An ICSU/SCOPE publication, Reeve Bean Ltd., Waterloo, Ontario, Canada. 160 pp. (Avail. from SCOPE Secretariat, 51 Bd. de Montmorency, 75016 Paris, France).
U.S. Forest Service. 1974 Environmental Statements. U.S. Forest Service Manual, Nov. 1974, Amendment 2, Title 8400.
U.S. Congress. 1973 Preparation of environmental impact statements - Guidelines. Council on Environmental Quality. U.S. Federal Register Vol. 38, No. 147, Part II, p. 20550-20556.

 

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