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MINAGRI/PNUD/FAOSEM/89/08
PROJET RWA/87/012juin 1989

SEMINAIRE TRENTE ANS APRES L'INTRODUCTION DE L'ISAMBAZA AU LAC KIVU

Gisenyi, 6–7 juin 1989

LA SITUATION ACTUELLE DE LA PECHE AU NORD - KIVU

par

ATHANGA-pene-WILA
Coordinateur Régional de l'Environnement et
Conservation de la Nature (Goma)

Monsieur le Directeur,
Militantes et Militants du M.R.N.D.,
Mesdames, Messieurs.

Je voudrais vous exprimer, avant toute chose, le double sentiment de joie et de fierté, que la Coordination Régionale de l'Environnement et Conservation de la Nature du Nord-Kivu, éprouve pour le privilège qu'il lui est accordé d'aporter sa modeste contribution à ce séminaire sur “ TRENTE ANS APRES L'INTRODUCTION DU LIMNOTHRISSA MIODON AU LAC KIVU ”, séminaire qui est aussi organisé dans le cadre, à la fois social, politique voire technique, de concertation, d'échange et d'élaboration de l'action future de deux pays (RWANDA et ZAIRE), dans le domaine singulier de la pêche.

C'est donc à bon droit que d'aucuns pourraient être amenés à s'interroger de prime abord, sur la portée pratique de la contribution de notre région dans un climat aussi élevé de réflexion sur le développement de la pêche.

Certains d'entre vous, peuvent certainement se poser en toute sincérité, la question de savoir, quelle est la situation actuelle de la pêche au Nord-Kivu et quelles en sont les contraintes?

1.0 LE LAC KIVU

Le Lac Kivu, situé à l'Est du Zaïre, forme une frontière naturelle d'environ 100 km entre le Zaïre et le Rwanda. Anciennement les eaux de ce lac coulaient vers le nord dans le lac Idi-Amin, elles commencèrent à couler vers le Lac Tanganyika par le déversoir de la Rusizi suite aux éruptions volcaniques du Pleistoscène. Il s'agit ainsi d'un lac de barrage volcanique qui s'est formé, il y a près de 16.000 ans.

Les eaux du lac Kivu sont à une altitude de 1.463 mètres, leur profondeur maximum est de 485 mètres avec une moyenne de 285 m. La surface totale du lac est de 2.699 Km2 dont 1.700 Km2 pour la partie Zaïroise, soit 52% de sa superficie totale.

1.1 Limnologie

La température des eaux superficielles varie entre 23° C, 24° et 25° C, elle atteint un minimum de 22, 8°C à la profondeur de 70 mètres, c'est-à-dire, à la limite des eaux oxygénées. Les eaux oxygénées au dessus des fonds de moins de 50 mètres, ne représentent que 280 Km2, soit 12% de la surface totale.

1.2 Biologie

Comparativement aux autres lacs plus anciens de l'Afrique de l'Est, le lac Kivu, se caractérise par une pauvrété faunistique, par une faible diversité spécifique et par son immaturité écologique liées à l'histoire de son passé, pensaient certains observateurs. Mais au contraire, le lac Kivu n'est pas le moins empoissonné par rapport aux autres lacs, rangés dans les pays des Grands-Lacs.

Avant l'introduction des Limnothrissa miodon, la zone pélagique (soit 90% de la surface du lac qui connaissait une très grande production de plancton), était irrévocablement perdue par manque de planctonophages pélagiques. Ainsi les poissons colonisaient une très faible partie du lac (1% du volume des eaux) aussi bien en surface qu'en profondeur.

La faune ichtyologique naturelle du lac Kivu, est une version appauvrie de la faune du Lac Idi-Amin, elle est totalement apparentée à celle de rivières de son bassin versant. D'après nos connaissances actuelles, elle comprend près d'une vingtaine d'espèces appartenant à trois familles : les Cypridae, Claridae et Cylidae.

1.3 Activités d'exploitation

Avant la colonisation des eaux pélagiques par les Limnothrissa miodon, la pêche était très limitée et d'une importance économique négligeable. Elle a été relancée vers 1970 par des pêcheurs venus d'Uvira avec des techniques utilisées au lac Tanganyika. Quelques centres de pêche artisanale, se sont développés entre Goma et Bukavu, tels que Nzulo, Bweramana, Minova, Kalehe, Katana et Kazingo.

On évalue le nombre de pêcheurs artisanaux à 1500 et la production annuelle à plus ou moins 1000 tonnes.

1.4 Recommandations

Concentrer les pêcheries artisanales à certains endroits selon les besoins de la population jusqu'à ce qu'une société plus viable soit mise sur pied avec l'aide des institutions nationales et étrangères dont la première tentative est en voie d'exécution par la mise sur pied et l'exploitation d'une pêcherie semi-industrielle à Keshero, localité située à 8 km de Goma, sur la route Sake.

1.5 Contraintes

Comme partout ailleurs, le activités de la pêche artisanale au Lac Kivu, sont freinées par la rareté et la cherté du matériel de pêche, les embarcations équipées de moteurs à essence, le matériel acheté à Bujumbura semble très cher. Une assitance consisterait en la fourniture régulière de matériel approprié à bon marché et la promotion de moteurs hors bord à gasoil pour diminuer le coût d'exploitation et réussir la pêche dans ce Lac.

Au point de vue écologique, l'écosystème lacustre, n'est pas encore suffisamment exploité par la première voie d'exécution.

L'introduction des espèces nouvelles dans des eaux déjà peuplées, est un grand problème d'aménagement qui reste posé. La rentabilisation des projets de mise en valeur et d'exploitation de ressources du lac Kivu.

Dans un tel cas, l'intérêt des études hydrobiologiques, est évident, il faut établir l'état écologique actuel et respecter un certain nombre de principes pour garantir la réussite de l'introduction d' espèces nouvelles.

2.0 LE LAC IDI-AMIN

Le lac Idi-Amin est situé à l'est du Zaïre et forme une frontière naturelle d'environ 90 Kilomètres entre le Zaïre et l'Ouganda. Le plan d'eau est situé à 916 mètres d'altitude.

La profondeur maximale du lac est d'environ 117 mètres avec une moyenne de 33 mètres. Le volume d'eau est de 90 Km3, la partie zaïroise couvre une superficie de 1.630 Km2, soit 71% de la surface totale du lac.

Il est à noter que la partie ougandaise, ne contient que des eaux d'une profondeur de 40 mètres aux maximum, alors que les eaux de grande profondeur, qui doivent être condidérées comme moins productives, se trouvent toutes dans la partie ouest du lac, c'est-à-dire, au Zaïre.

2.1 Potentiel et activités d'exploitation

Le potentiel de la partie zaïroise est estimé à 15.000 tonnes de poissons par an.

Le lac Idi-Amin, est relativement pauvre en espèces de poissons par rapport au lac Mobutu. Il y a cinq espèces de poissons qui apparaissent regulièrement dans les prises des pêcheurs. Ce sont: Tilapia, Bagrus, Barbus, Protoptères et Clarias.

Deux autres espèces sont parfois trouvées dans les filets, mais ne jouent pas de rôle économique: Mormyrus et Labeo.

Le groupe le plus important des espèces non exploitées du Lac Idi-Amin, est celui des Haplochromis, bien qu'il représente une valeur économique considérable dans d'autres pêcheries lacustres en Afrique. Dans la partie zaïroise du lac, les pêcheries sont regroupées dans les localités suivantes :

Le matériel de pêche utilisé, comprend essentiellement des pirogues en bois de 7 mètres de longueur dont la plupart, sont motorisées et des filets dormants et hameçons. La capture annuelle par pirogue nom motorisée serait de 12 tonnes. Tandis que celle d'une pirogue motorisée est de 35 à 40 tonnes.

Le nombre actuel d'armateurs au lac Idi-Amin s'éleverait à 755, les pêcheurs à 4.235, et celui des pirogues à 774 dont 284 motorisées, les filets dormants à 43.358 et les hameçons à 17.290. Il y a 19 pirogues appartenant aux services administratifs pour les patrouilles sur le lac.

2.2 Moteurs

Les moteurs en usage sur le Lac, sont des marques et puissances diverses: Suzuki, Yamaha, Honda, Mercury et Johnson. Cette diversité de marques se justifie par le fait que les pêcheurs achètent ce qui est disponible sur le marché. La puissance des moteurs les plus utilisés est de 6 cv, mais il y a aussi des moteurs de 7, 5, 9, et 15 cv qui sont assez nombreux. Tous ces moteurs sont à essence.

2.3 Traitement et commercialisation des poissons

A part les Tilapias vendus frais et les poissons destinés à la consommation des pêcheurs eux-mêmes, tous les poissons, sont normalement traités selon des méthodes traditionnelles; le salage, séchage et le fumage à chaud. Tous les traitements, sont effectuées par les femmes du village.

Une grande partie de la capture journalière des Tilapia, est vendue fraîche aux commerçants venant de Goma, Bukavu, Butembo et Beni. Ces commerçants arrivent le matin à la pêcherie de Vitshumbi et Kyavinionge avec des camionnettes louées et chargées des blocs de glace pour tenir les poissons au frais, pendant le transport.

2.4 Poissons salés

Le salage est fait à la main et les poissons, sont étalés sur des nattes en bambous ou sur un terrain en béton coulé. Pendant la saison sèche, les femmes mettent trois jours pour le traitement des Tilapia. La période de conservation s'étend environ sur un ou deux mois.

2.5 Poissons fumés

Le fumage des Tilapia est pratiqué sur des feux ouverts. Trente tilapias sont placés sur une grille et exposés à la chaleur pendant 30 minutes. La conservation de ce produit, est limitée à une période de deux à trois jours.

Pour une quantité de 300 tilapia, les dépenses sont de l'ordre de 11.000 Zaïres (coûts des poissons et du bois). Les femmes de Vitshumbi, peuvent réaliser un profit net de 2.000,00 Zaïres par jour en vendant ce produit aux commerçants de Goma.

2.6 Méthodes de pêche

Filet dormant: le filet dormant, est l'engin principal de pêche utilisé au lac Idi-Amin. Il s'agit de filet en nylon, fabriqués en multiflament cablés. La grosseur du fil dépend du nombre de filaments utilisés. La plupart des pirogues non motorisées utilisant un filet dormant, sortent avec le vent très tôt le matin.

Les pêcheurs mouillent les filets vers le soir et restent près des filets pendant la nuit. A partir de 4 heures du matin, les filets sont hissé et nettoyés. Vers 10 heures, quand le vent change de direction, les pêcheurs commencent à rentrer. Après avoir vendu leur capture, les filets sont vérifiés pour la sortie du lendemain. Les pêcheurs peuvent ainsi sortir trois fois par semaine.

Les palangres sont des lignes d'environ 500 mètres de longueur auxquelles sont fixées des hameçons. Les pêcheurs utilisent entre 800 et 1.200 hameçons par ligne. Les hameçons sont appâtés avec des petits morceaux de tilapia. En opération, les palangres sont attachés à des flotteurs par les deux côtés. Les hameçons eux-mêmes reposent sur le fond. La pêche aux palangres telle qu'elle est pratiquée sur le lac Idi-Amin, est très sélective. Ce ne sont que des protoptères et des clarias de grande taille sont capturés. Les poissons ainsi attrapés, sont considérés, comme prédateurs des tilapias et l'impact de cet engin de pêche sur l'environnement, est pratiquement nul.

Nous croyons que nous avons, bien que modestement, contribué d'une manière ou d'une autre, en vous donnant une idée, sur la pêche au Nord-Kivu.

Enfin, il ne nous reste qu'à vous remercier pour l'attention que vous avez bien voulu accorder à notre intervention.

Je vous remercie.


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