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6 LES RESULTATS

6.1 Description de la famille enquêtée

La famille enquêtée consiste en un chef de ménage, la mère de famille et leurs enfants.

L'âge moyen des parents se trouve dans le Tableau 6.1.

Tableau 6.1: Age moyen, écart-type (s) et nombre (n) des pères et mères de l'échantillon

 Age moyenne (ans)sn
père44,214,832
mère40,914,445

Le chef de ménage est plus âge que la femme. Il n'y avait aucun cas dans l'échantillon où c'était l'inverse.

Dans 18% des familles interrogées, le mari est polygame. L'âge du mari polygame est significativement plus élevé (*)1 que l'âge du père monogame (x = 58,8 ans ; s = 14,6). De ce résultat, la conclusion peut être tirée que chez les couples plus jeunes, la polygamie tend à disparaître.

La famille a en moyenne 5 enfants vivants (x = 4,9 ; s = 2,7).

L'activité du chef de ménage est cultivateur (89%). Dans l'échantillon, il y a 1 commerçant, 2 enseignants, 1 planton et 1 agent de la Commune.

L'activité de la femme de ménage est cultivatrice (100%).

Comme déjà expliqué en 4.4.2.2 la classe sociale a été déterminée. Le Tableau 6.2 montre le résultat.

Tableau 6.2: Répartition des familles enquêtées en classes sociales

 famille pauvrefamille moyennefamille riche
Mushonyi2212
Busanza4183

La plupart des familles sont des familles moyennes (score social moyen = 8,5 ; s = 1,8). Il n'y a pas de différence significative entre Mushonyi et Busanza.

1) Niveaux de signification :
*     = P < 0,05 significatif
**   = P < 0,01 hautement significatif
*** = P < 0,001 très hautement significatif

Le Tableau 6.3 donne le taux d'alphabétisation.

Tableau 6.3: Taux d'alphabétisation (%) des parents enquêtés

 lareécrire
père61.959.5
mère48.643.6

Une différence significative du taux d'alphabétisation entre le père et la mère ne pouvait pas être démontrée (le taux d'alphabétisation pour le Rwanda: 61% pour les hommes, 33% pour les femmes (FAO, 1985)).

Le groupe des familles dont le père sait lire et écrire a un score social significativement plus élevé (*), comparé avec le groupe dont le père ne sait ni lire ni écrire. Ceci ne peut pas être démontré entre les deux groupes ou les mères savent ou non lire et écrire.

Le mari gère l'argent dans 68.8% des familles interrogées (chez 25% les femmes, chez 6,3% les deux parents).

Ces deux dernières constatations peuvent inspirer de dire que savoir lire et écrire par le chef de ménage augmente la chance d'une bonne gestion du budget familial, qui à son tour a un effet sur le niveau social.

Le Tableau 6.4 montre la division des familles enquêtées en ethnies.

Tableau 6.4: Division entre les différentes ethnies des familles enquêtées (taux relatif en %)

 BahutuBatutsiBatwatotal
Mushonyi25 (100%)0 (0%)0 (0%)25(100%)
Busanza18 (72%)6 (24%)1 (4%)25 (100%)
total43 (86%)6 (12%)1 (2%)50(100%)

Quand le Tableau 6.4 est comparé avec le Tableau 3.6, la division ethnique dans les secteurs de Mushonyi et Busanza est reflétée dans les échantillons respectifs.

6.2 Les cultures actuelles

Les cultures notées pendant l enquête, ne représentent qu'une image instantanée: le mois de septembre est le début de la petite saison de pluies (umuhindo), moment où les paysans sèment les haricots, petits pois, mais, sorgho etc…

En total, 4 familles ne possèdent pas de champs (8%). Pour gagner de l argent, les femmes vont travailler dans les champs d'une autre famille.

A Busanza, significativement plus de cultures différentes sont, cultivées sur les champs qu'à Mushonyi (10,2 et 6,8; voir Tableau 6.5). La répartition relative se trouve dans le même tableau. Même si à Busanza plus de cultures sont cultivées, une différence significative entre ces deux secteurs pour la répartition relative ne pouvait pas être démontrée.

Du total des récoltes, seulement 3% sont exclusivement commercialisés, 65,6% des récoltes sont exclusivement autoconsommés et 31,4% des récoltes ont un but double (Figure 6.1)

Figure 6.1: Utilisation des recoltes

Tableau 6.5: Nombre moyen et répartition relative (en aliments de base, aliments riche en protéines et fruits et légumes) des cultures cultivées aux champs des familles enquêtées

 nombre moyen de cultures5Repartition relative
aliments de base (%)5aliments riches en protéines (%)5fruits et légumes (%)5
Mushonyi  6,82,754,616,118,9  7,826,219,7
Busanza10,23,248,413,721,617,123,612,1

6.2.1 Les aliments de base

(Les aliments de base fournissent de l'énergie. Ils peuvent également être des sources appréciables de protéines, minéraux et vitamines. D'un point de vue nutritionnel, les céréales constituent un meilleur aliment de base que la plupart des racines, tubercules ou fruits féculents, qui contiennent une quantité inférieure de quelques vitamines et minéraux)

Les aliments de base qui sont cultivés par les familles enquêtées se trouvent dans le Tableau 6.6. La différence entre les familles de Mushonyi et Busanza a été examinée. Les résultats se trouvent dans le même tableau.

A peu près la totalité des familles cultivent les patates douces. Le maïs et le colocase sont en deuxième et troisième place.

Tableau 6.6: % des 50 familles cultivant les différents aliments de base et différence (significative) entre Mushonyi et Busanza

 % des famillesdifférence entre
MushonyiBusanza
patate douce96pas de différence
colocase78*9264
maïs70pas de différence
manioc624084**
sorgho44  4  84***
banane verte402456*
igname30  0  60***
pomme de terre  4pas de différence

Les quelques différences pour la culture des aliments de base entre les deux secteurs peuvent être expliqué par l'écologie différence (PURSEGLOVE, 1985). Le secteur de Busanza a une altitude moins élevée (température plus élevée), la région est plus seche et la terre semble être plus sableuse.

Le sorgho (Sorghum bicolor) est résistant à la sécheresse, il est cultivé là où il fait trop chaud et trop sec pour le maïs. Le sorgho peut être cultivé sur des terres assez acides et assez salines. Aussi le sorgho est utilisé pour la préparation de la bière de banane locale (plus de bananes sont cultivées à Busanza!).

Le manioc (Manihot esculenta) est essentiellement une culture des basses terres tropicales (<1500 m). Le manioc ne peut pas résister au froid et il donne les meilleures récoltes sur des terres sableuses.

L'igname (Dioscorea spp.) est une culture tropicale très sensible au froid; l'igname ne peut pas bien pousser en dessous de 20 °C.

Les bananes (Musa spp.) demandent aussi une température élevée (l'optimum mensuel: 27 °C).

Les colocases (Colocasia esculenta) ne poussent pas bien sur des terres seches et amples; des sols lourds, humides et fertiles sont exigés.

Toutes ces exigences des cultures correspondent avec l'écologie respective des deux secteurs (les cultures sont bien adaptées à leur environnement).

6.2.2 Les aliments riches en protéines

Les aliments riches en protéines qui sont cultivés par les familles enquêtées se trouvent dans le Tableau 6.7. La différence entre les familles de Mushonyi et Busanza a été examinée. Les résultats se trouvent dans le même tableau.

Tableau 6.7: % des 50 familles cultivant les différents aliments riches en protéines et différence (signif.) entre Mushonyi et Busanza

 % des famillesdifférence entre
MushonyiBusanza
haricots96pas de différence
soya424  80***
arachides12024**
petits pois  6pas de différence

Les haricots (Phaseolus spp.) sont cultivés par presques toutes les familles enquêtées.

Le soya (Glycine max) est beaucoup plus cultivé à Busanza. Ceci peut s'expliquer parce que le soya préfère un sol sableux et n'aime pas des extrêmes (chaud - froid). Ces conditions sont mieux rencontrés à Busanza.

Aussi pour l'arachide (Arachis hypogoia), qui est plus cultivé à Busanza, le sol peut être le déterminant primaire: les arachides exigent un sol sableux, bien drainé, avec un apport de matières organiques modéré. Un sol trop lourd est difficile pour la pénétration des fruits et la récolte des grains est aussi plus dure.

Même si une différence ne pouvait pas être démontrée, la culture des petits pois est néanmoins typique pour les zones de hautes altitudes (là les petits pois remplacent les haricots).

6.2.3 Les fruits et légumes

Les fruits et légumes qui sont cultivés par les familles enquêtées se trouvent dans le Tableau 6.8.

Tableau 6.8: % des 50 familles cultivant les différents fruits et légumes; différence (sign.) entre Mushonyi et Busanza

 % des famillesdifférence entre
MushonyiBusanza
avocats64  4880*
goyaves40  pas de différence
papayes24    4    44***
maracuja20  pas de différence
citrons16    428*
prunes de japon8pas de différence
ananas6pas de différence
oranges4pas de différence
mangues2pas de différence
raisins2pas de différence
choux10  *200
aubergines8*160
dodo6pas de différence
oignons4pas de différence
feuil. de courge4pas de différence
imbwija2pas de différence

Les avocats (Persea americana) sont extrêmement sensibles à, un mauvais drainage de l'eau. Les sols sableux ont un meilleur drainage.

Les citrons (Citrus spp.), qui sont plus cultivés à Busanza, ne poussent pas bien au dessus de 1800 m. Ils sont très sensibles à une température basse. Au contraire les citrons peuvent se maintenir aux températures hautes.

Les papayes (Carica papaya) donnent de bonnes récoltes jusqu'à environ 1500 m d'altitude en équateur. Des températures basses donnent des fruits avec un faible goût.

Les choux (Brassica oleracea), d'origine des pays tempérés, poussent mieux dans des climats de haute altitude dans les pays tropicaux.

Les aubergines (Solanum aethiopicum) poussent mieux dans des terres bien drainées.

Il est très logique que les cultures qui ne donnent pas une production satisfaisante, ne vont pas être cultivées. Les différences entre Mushonyi et Busanza peuvent très bien être expliquées par l'écologie (surtout le facteur altitude), mais ceci n'exclut pas qu'il existe d'autres facteurs intervenants.

6.3 Le cheptel

Tableau 6.9 donne le nombre moyen d'animaux par famille pour les 2 secteurs. La différence a été examinée entre le nombre de familles qui possèdent des animaux et le nombre de familles qui n'en possèdent pas.

Tableau 6.9: Nombre moyen (x) d'animaux domestiques par famille et écart-type (s) pour Mushonyi et Busanza; comparaison

 Mushonyi   Busanza
 xs  xs
vache1,26,0**0,91,1
mouton1,96,0**00   
chèvre3,24,2  1,82,0
poule0,41,0*2,54,9

Du Tableau 6.9 quelques conclusions peuvent être tirées.

En moyenne, les familles de Mushonyi possèdent plus de vaches (**), mais avec un écart-type assez élevé (comparé avec Busanza). Néanmoins, le nombre de familles, possédant une (ou plusieurs) vache(s) est significativement plus élevé (*) à Busanza (48 % des familles à Busanza, 8% des familles à Mushonyi). Ceci est expliqué par le fait qu'à Mushonyi, il y avait une famille (polygame) possédant 30 vaches. Ce nombre a augmenté la moyenne (et aussi l'écart-type), ce qui donne une impression fausse.

A Mushonyi, significativement plus de familles (**) possèdent des moutons (28 % des familles à Mushonyi, 0 % des familles à Busanza). Il n'y a pas de différence entre Mushonyi et Busanza pour le nombre de familles qui ont des chèvres ou pas.

Il y a une différence significative (*) concernant les volailles: 48 % des familles à Busanza possèdent une (ou plusieurs) poule(s), contre 16 % à Mushonyi (plus tard en effet j'ai pu prouvé qu'à Busanza la viande de poule est plus mangée; concernant les oeufs: la consommation est la même, mais j'ai trouvé qu'à Mushonyi plus d'oeufs sont acheté!).

Ces chiffres obtenus sont complètement en correspondance avec les données globales pour les secteurs (cfr. Tableau 3.6).

6.3.1 Le capital intrinsèque

Le capital intrinsèque est le capital représenté par le cheptel et il est calculé avec la formule (16):

Le capital intrinsèque =   ∑   (nombre d'animaux × prix par unité)

(pour tous les animaux différents) (16)

Le prix par unité est le prix courant de vente au marché. Tableau 6.10 donne le résultat.

Tableau 6.10: Capital intrinsèque moyenne (×) (+écart-type) par famille pour Busanza et Mushonyi (en FRW)

 xs
Mushonyi41.963160.266
Busanza21.673  24.827

L'écart-type de la moyenne de Mushonyi est beaucoup plus que la moyenne même. La raison est la même que celle expliquée pour le Tableau 6.9. Quand-même, une différence entre les deux moyennes ne pouvait pas être démontrée.

La corrélation entre le capital intrinsèque et la classe sociale a été examinée: la corrélation est significative (*) pour Busanza et Mushonyi.

6.4 Alimentation et nutrition

6.4.1 Nombre de repas par jour

Le nombre moyen de repas par jour est 2,32 (s=0,47 ; n=50). Cet chiffre concerne les adultes. Les enfants mangent significativement (***) plusieurs fois: en moyenne 3,8 fois par jour (s=0,6 ;n=18).

6.4.2 Temps de préparation et repas principal

Le repas principal est le repas du soir pour 76% des familles enquêtées (pour 14% le midi, pour 10% le matin).

La raison principale pour considérer le repas du soir comme le plus important est qu'on ne peut pas s'endormir quand on a faim (“La journée on ne sent pas la faim, parce qu'on rencontre des gens, on parle …”). Le deuxième repas est pris à midi (pour 61,8% des familles) ou le matin (pour 38,2% des familles).

En moyenne la femme dédie 3h 28min à la préparation de la nourriture (s= 45min). Ce temps dédié n'est pas “par repas”, puisqu'elle prépare pour plusieurs repas: les haricots sont préparés pour 2,9 repas (s=1,1), l'aliment de base est préparé pour 2,5 repas (s=1,2).

Ce temps estimé par les mères peut être suffisamment proche de la réalité. LAURE (dans son enquête au Rwanda en 1982) a trouvé que les temps déclarés sont similaires jusqu'à 14 % inférieurs aux temps chronométrés.

6.4.3 Fréquence de consommation des aliments et boissons

6.4.3.1 Fréquence de consommation des aliments

Le régime alimentaire est très monotone. L'aliment de base est la patate douce, complétée avec les haricots et les légumes.

La fréquence de consommation en chiffres:

Il n'y a pas de différence significative entre Mushonyi et Busanza concernant la fréquence de consommation des haricots et des patates douces, tandis qu'à Busanza la fréquence de consommation des légumes est significativement plus élevée (*): 58,5% des repas à Busanza contre 33,3% à Mushonyi.

La corrélation entre la classe sociale et la fréquence de consommation des haricots, patates douces et légumes a été examinée. Il est intéressant de voir que les coéfficients de corrélation, bien que pas significatifs, sont tous négatifs. Cela peut indiquer que, quand le niveau social augmente, l'importance relative des haricots, patates douces et légumes baisse. En d'autres mots, la diversification des ingrédients dans l'alimentation augmente.

La division a été faite entre le groupe de femmes qui savent lire et écrire et celles qui ne savent pas. Dans les familles où les femmes ne savent ni lire, ni écrire, la fréquence de consommation des patates douces est significativement (***) plus élevée (91,4% des repas; s=19,2%). Pour les haricots et les légumes ce phénomène ne pouvait pas être démontré.

6.4.3.2 La bouillie

La fréquence de consommation de la bouillie de sorgho est de 29,1% des jours (pas des repas!); s=37,4%. Il n'y a pas de différence entre Mushonyi et Busanza. Il y a une corrélation positive (*) entre la classe sociale et la fréquence de consommation de bouillie: le plus haut la classe sociale, le plus haut la fréquence.

6.4.3.3 Fréquence de consommation de boissons

Presque tout le monde boit pendant ou après un repas (96% des réponses). Les boissons principales sont: l'eau, la bière de bananes ou jus de bananes.

L'importance de la bière de bananes au Rwanda a déjà été démontrée dans assez d'oeuvres. LAURE (1982) a trouvé une quantité de 165 g/pers/jour (=1155 g/pers/semaine). VIS et al (1975) ont trouvé une quantité entre 20,2 et 322,8 g/pers/jour (=141,4 – 2259,6 g/pers/semaine). Pour notre échantillon, les quantités suivantes ont été trouvées (Tableau 6.11)

Tableau 6.11: Consommation moyenne de bière (et jus) de bananes (en g/pers/semaine) et l'écart-type (s)

 consommation
(g/pers/sem)
s
Mushonyi525,1552,7
Busanza642,9812,2

Il n'y a pas de différence entre Mushonyi et Busanza. Il n'y a pas de corrélation entre la classe sociale et la consommation de bière (ou jus) de bananes (r=0,007). Ceci peut montrer l'importance de la bière dans toutes les couches de la population.

6.4.4 La diversification des aliments consommés (Tableau 6.12)

La diversification des aliments donne une idée de la variété dans le régime alimentaire. Néanmoins, il faut tirer l'attention sur le fait que la diversification ne dit rien sur la fréquence de consommation; on sait seulement que l'aliment est consommé dans la famille.

6.4.4.1 La diversification totale

La diversité totale moyenne pour les 50 familles enquêtées est 30,1 aliments différents (s=5,8). Il n'y a pas de différence significative entre Mushonyi et Busanza.

Quelques corrélations ont été examinées. La relation entre la classe sociale et la diversification totale des aliments est positive et significative (*) aussi bien pour Mushonyi que pour Busanza (Figures 6.4 et 6.5).

La répartition de l'échantillon a été faite entre le groupe de familles où la mère sait lire/écrire et les familles dont la mère ne le sait pas: il n'y a pas de différence significative. La même répartition a été faite pour les pères de familles: la différence entre les 2 groupes était significative (***). Le groupe dont le chef de ménage sait lire/écrire a une diversification des aliments plus élevée, comparée avec le groupe dont le chef de ménage ne sait pas lire/écrire!

Tableau 6.12: Moyenne (×) et écart-type (s) des aliments différents consommés à Busanza et Mushonyi

 MushonyiBusanza
xsxs
diversification totale29,1   4,931,1   6,5
diversification aliments de base7,1    0,9  *8,01,4
diversification aliments riches en protéines 7,8    2,3  *8,62,9
diversification fruits et légumes11,8   2,712,4   2,9
diversification aliments suppl. riche en énergie2,40,72,10,9

Figure 6.2: Relation entre la classe sociale et la diversification totale des aliments (Mushonyi)

Figure 6.3: Relation entre la classe sociale et la diversification totale des aliments (Busanza)

6.4.4.2 La diversification des aliments de base

A Busanza la diversification des aliments de base est significativement plus élevée qu'à Mushonyi. Les moyennes se trouve dans le Tableau 6.12.

Les aliments de base qui sont consommés par la plupart des familles sont:

Il y a quelques différences entre Mushonyi et Busanza, concernant:

- l'igname: - à Busanza plus de familles mangent l'igname (***) qu'à Mushonyi (ça correspond avec la culture; voir Tableau 6.6)

- à Mushonyi on mange très peu d'igname, et celui qui est mangé n'est pas cultivé, mais acheté.

- le colocase: - à Busanza plus de familles mangent le colocase (**) qu'à Mushonyi (cependant le colocase est plus cultivé à Mushonyi), mais:

- à Mushonyi la plus grande partie (*) de la récolte est commercialisée (60,9% tandis qu'à Busanza elle est autoconsommée, 75%).

- le maïs: - à Busanza moins de familles mangent le mais (*).

La relation entre la classe sociale et la diversification des aliments de base est positive et significative (*) pour Busanza, tandis qu'elle est presque zéro et pas significative pour Mushonyi. Ceci peut s'expliquer comme tel: le colocase et l'igname sont plus consommés à Busanza. Quand le prix d'achat au marché de ces aliments est comparé avec le prix d'achat des patates douces et du manioc (ANNEXE 5) on constate que les premiers sont plus chers. Puisque ces deux aliments sont plus chers, ils sont plus fort corrélés avec la classe sociale.

De nouveau le facteur “alphabétisation” a été examiné pour les pères et les mères. Comme pour la diversification totale, l'effet de l'alphabétisation de la mère ne peut pas être démontré, tandis que l'effet de l'alphabétisation du père est démontré: chez les familles dont le père sait lire/écrire, la diversification moyenne des aliments de base est significativement (*) plus élevée.

6.4.4.3 Diversification des aliments riches en protéines

A Busanza la diversification des aliments riche en protéines est plus élevée (*) qu à Mushonyi (Tableau 6.12).

Les aliments riches en protéines qui sont consommés par la plupart des familles sont:

Il y a quelques différences entre Mushonyi et Busanza, concernant:

- les petits pois: - à Busanza moins de familles les mangent (**) qu'à Mushonyi; ceci correspond avec les habitudes alimentaires des zones d'altitude: Mushonyi est plutôt une zone de haute altitude (où les petits pois remplacent les haricots)

- le soya: - à Busanza plus de familles (**) le mangent (qui est aussi plus cultivé à Busanza!)

- le fromage artisanal: - à Busanza plus de familles (*) mangent (et préparent eux-mêmes) le fromage artisanal

- viande de poule: - à Busanza plus de familles (*) mangent la viande de poule (ceci correspond avec le fait qu'il y a plus de poules par famille)

- oeufs: - la consommation des oeufs ne diffère pas, tandis que l'achat d'oeufs est plus élevé (*) à Mushonyi (ceci correspond: moins de poulets à poulets à Mushonyi, même consommation, plus d'achats d'oeufs)

- viande de chèvre: - à Busanza plus de familles la mangent

La relation entre la classe sociale et la diversification des aliments riches en protéines est positive (*) pour Mushonyi, tandis qu'elle n'est pas significative pour Busanza.

Concernant le facteur “alphabétisation” l'effet pour la mère sur la diversification des aliments riches en protéines ne peut pas être démontré, tandis que de nouveau l'effet chez le père est significatif (***): chez les familles dont le père sait lire/écrire, la diversification moyenne des aliments riches en protéines est plus élevée.

6.4.4.4 La diversification des fruits et légumes

La diversité moyenne des fruits et légumes pour l'échantillon est 12,1 aliments différents (s=2,8). Il n'y a pas de différence significative entre Mushonyi et Busanza.

Plus haute est la classe sociale, plus haute est la diversité de consommation de fruits et légumes (pour Busanza et Mushonyi un coefficient de corrélation significatif (*)).

En ce qui concerne le facteur “alphabétisation”: celui de la mère n'a pas d'effet sur la diversité, tandis que celui du père a un effet positif: dans les familles dont le chef de ménage sait lire/écrire, la diversité des fruits et légumes est plus élevée (***).

Les fruits

Les fruits qui sont consommés par la plupart des familles sont:

- les avocats(86% des familles)
- la banane jaune(78% des familles)
- le goyave(70% des familles)
- le papaye(50% des familles)
- le maracuja(50% des familles)

Il y a des différences entre Mushonyi et Busanza, notamment:

Presque la totalité des fruits est autoconsommée par les familles: ce qu'on produit, on le mange. Les fruits sont très peu achetés au marché (quelques chiffres: 97% des maracuja mangés sont autoproduits, 94% des goyaves, 87% des bananes jaunes, 82% des papayes).

Les légumes

Les légumes qui sont consommés par la plupart des familles sont:

- les choux(98% des familles)
- les feuilles de courges(94% des familles)
- les feuilles de manioc(88% des familles)
- les feuilles de haricots(86% des familles)
- les poireaux(70% des familles)
- les aubergines(70% des familles)

Il n'y a presque pas de différence entre Mushonyi et Busanza pour la consommation des légumes, sauf pour le

- isogo = feuilles de morelles noires (Solanum nigrum): les feuilles de morelles noires sont mangées par plus de familles (***) à Mushonyi.

tandis que

- imbwija = feuilles d'amarantes rouges (Amaranthus cruentus) sont mangées par plus de familles (*) à Busanza.

Ces deux légumes feuilles ne sont pas cultivés senso stricto, ils sont plutôt récoltés lors des cueillettes. La différence peut alors être expliquée par l'écologie. Les isogo ont besoin des sols riches et ils ne supportent pas le manque d'eau (cfr. Mushonyi); les imbwija au contraire sont peu exigeants sur la qualité du sol (DUPRIEZ, DE LEENER, 1987).

Aussi pour les légumes, presque la totalité est autoconsommée par les familles: ce qu'on produit, on le mange. L'exception est le choux, consommé par 98% des familles, il est acheté dans 81,8% des cas.

6.4.5 Les aliments de fête

Le jour de fête par excellence est le Nouvel An. Ce jour là, la monotonie du régime alimentaire est rompue. Presque tout le monde mange de la viande et les patates douces sont remplacées par les pommes de terre, la pâte de manioc ou le riz.

La fréquence de citation d'un aliment a été calculée, par la formule (17) (LAURE, 1982).

A partir de ces fréquences, 3 listes ont été faites avec le classement des aliments de fête pour Mushonyi, Busanza et en total (Tableau 6.13).

Tableau 6.13: Classement des aliments de fête en ordre de diminution de fréquence de citation

 Total Mushonyi Busanza
1/Viande1/viande1/viande
2/Pommes de terre2/pommes de terre2/pommes de terre
3/Bière de bananes3/bière de bananes3/pâte de manioc bière de bananes riz
4/Riz4/petits pois4/haricots
5/Pâte de manioc5/riz huile de palme5/bananes vertes
6/Petits pois6/pâte de manioc bière de sorgho6/légumes
7/Haricots7/haricots jus de bananes7/huile de palme
8/Huile de palme8/fanta légumes8/jus de bananes bière de sorgho patates douces choux
9/Bière de sorgho

Légumes
Bananes vertes
9/patates douces primus bananes vertes9/arachides indugu soya tilapia
10/Jus de bananes    
11/Poissons    
12/Patates douces    
13/Fanta
Choux
    
14/Primus
Arachides
Indugu
Soya
Tilapia
    

Du Tableau 6.13 on peut remarquer que seulement à Busanza, le secteur prés du lac, les poissons sont cités comme aliment de fête.

6.4.6 Les interdits alimentaires

Les interdits alimentaires n'ont que peu d'incidence: 4 aliments rencontrés sont interdits pour certains groupes: les oeufs, le lait de vache, la viande de poule et les poissons.

Les oeufs sont mangés par 22 familles: dans 4 familles ils sont mangés exclusivement par les enfants, dans une famille exclusivement par les hommes.

Le lait de vache est bu à Mushonyi par 7 familles: dans 2 de ces familles le lait est réservé pour les enfants, dans une famille pour les hommes.

Dans une des 3 familles consommateurs la viande de poule est réservée pour l'homme.

Seulement une vieille femme disait que c'était interdit pour elle de manger des poissons (“elle ne peut même pas entrer dans une maison où on mange les poissons”)

Il est à remarquer que ces quatre aliments nommés sont des aliments riches en protéines d'origine animale: dans les 4 cas, ces aliments sont privés pour les femmes. Les aliments d'origine animale sont néanmoins importants pour le bien-être des femmes: ils contiennent beaucoup de vitamines (thiamine, riboflavine, niacine), de calcium (lait), fer (viande), les protéines sont de très bonne qualité. Il est souvent le cas en Afrique, que la nourriture des femmes est pire, bien que le stress physiologique sur elles est plus élevé (travail physique dur, la menstruation, la grossesse, l'allaitement).

6.4.7 La nourriture supplémentaire

Après un certain temps, le lait maternel doit être complété pour les nourrissons, par des aliments enrichis, bien cuits, tendres et finement écrasés (provenant autant que possible du repas familial) pour satisfaire les besoins croissants en énergie et protéines et quelques vitamines et minéraux. Le passage progressif à cette alimentation est appelé le sevrage.

Aux femmes de ménage a été demandé ce qu'elles donnent comme aliments de sevrage, et à quel âge du bébé elles commencent à introduire ces aliments.

La nourriture supplémentaire est introduite à l'âge de 8 mois (en moyenne) mais avec un écart-type de 8 mois. Ce qui veut dire qu'il y a des mères qui commencent à donner à leur enfant des aliments de sevrage à l'âge de 16 mois! En effet ce qu'on constate, c'est qu'un enfant est nourri par le lait maternel jusqu'à l'arrivée d'un nouveau bébé, puis l'enfant doit très brusquement s'habituer aux nouveaux aliments (ceci est une période de hauts risques).

L'allaitement maternel est arrêté quand l'enfant a 2,5 ans (s=9 mois) en moyenne.

La fréquence de citation (formule (17)) a été calculée. Les aliments de sevrage sont notés dans le Tableau 6.14, en ordre décroissant de citation, pour Mushonyi, Busanza et en total.

Tableau 6.14: Aliments de sevrage, cités par les femmes à Mushonyi, Busanza et en total

 TotalMushonyiBusanza
1/Bouillie de sorgho1/bouillie de sorgho1/bouillie de sorgho
2/Haricots2/haricots2/soya
3/Légumes3/légumes3/haricots bananes pommes de terre lait
4/Soya4/bouillie avec sucre bananes plantains  
5/Sucre
Lait
5/le plat familial jus de fruits soya oeufs lait  
6/Pommes de terre
Oeufs
Le plat familial
Jus de fruits
    

Il est à noter qu'il n'y a aucune citation des poissons comme aliment de sevrage (farine de poissons p.ex.)


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