A la quarantaine d'unités liées au Projet se sont ajoutées, ces trois dernières années, une cinquantaine d'unités privées pêchant essentiellement dans la partie sud du lac. Il y a donc désormais près de 1 000 personnes qui vivent de l'activité pêche.
Malheureusement, depuis 15 mois nous avons constaté une baisse importante de la prise par unités, ce qui a entraîné un abandon de l'activité pêche des équipages les plus anciens et un afflux de jeunes gens intéressés même par de bas salaires.
Néanmoins, la capture réelle réalisée sur le lac Kivu est difficilement estimable. Les seuls chiffres fiables sont ceux des débarquements au Projet par les unités liées au Projet. Ces débarquements sont en recul de plus de 40 % entre 1988 et 1987, année record pour le Projet avec plus de 401 t. Mais les unités liées au Projet développent toujours de nouveaux marchés hors Projet (toutes les captures ne sont pas comptabilisées), alors que les captures des unités privées sont inconnues.
Au niveau du crédit, pratiquement tous les pêcheurs ont remboursé le prêt qu'ils avaient obtenu lors de la remise de leur unité. Les transformations des filets pour passer de la pêche en catamaran à la pêche en trimaran doivent être payées cash pour moitié par nos pêches, le Projet octroyant un nouveau crédit de 50 % du matériel, soit une somme de l'ordre de FR 60 000 à rembourser sur la production. En fait, nombreux ont été les pêcheurs qui ont perçu plus des 50 % à crédit, et certains d'entre eux jusqu'à 100 %. Fin octobre 1988, il reste encore à rembourser plus de FR 2 700 000.
Les pêcheurs qui débarquent au Projet continuent enfin de bénéficier du crédit des pièces de rechange pendant la campagne de pêche (remboursement sur la production).
Les mauvaises productions des derniers mois ont entraîné une détérioration de la situation de nos pêcheurs, notamment des équipages. C'est pour cette raison que nombreux sont les anciens pêcheurs qui ont délaissé leur activité, donnant leur place aux jeunes, en attendant le retour du poisson.
Globalement pour l'ensemble du lac, on se trouve dans la situation suivante:
des propriétaires d'unités qui ne vont plus à la pêche et que l'on peut donc considérer comme armateurs. Néanmoins, nous devons tout de même faire une distinction entre les patrons pêcheurs qui ont délaissé le métier pour gérer leurs affaires à terre, et les propriétaires d'unités qui n'ont jamais pratiqué la pêche (commerçants, fonctionnaires) et pour qui la possession d'un trimaran représente un investissement comme un autre;
des sous-patrons qui assurent la bonne marche et la continuité de l'unité de pêche. Ils ont la confiance du propriétaire de l'unité et ils assurent de fait l'ensemble de la gestion de l'activité pêche: avitaillement - pêche - commercialisation. Ils reçoivent un salaire fixe en plus du salaire lié à la pêche;
les pêcheurs de l'équipage qui sont actuellement très jeunes et pour qui la pêche est de toutes façons un revenu net: la nuit, ils sont à bord de l'unité; dans la journée, ils restent au bord du lac près de l'unité pour préparer les repas fournis par le propriétaire. Même si leur salaire est bas, c'est un gain total.
La situation vis-à-vis du crédit lié à la pêche est simple, puisque d'un côté les privés qui ont investi, à de rares exceptions près, n'ont pas eu de problèmes à acheter cash leur unité, alors que les patrons liés au Projet continuent de bénéficier des avantages du crédit gratuit. Il n'y a donc aucune raison de voir une demande de crédit se concrétiser.
Le Cours de formation suggère que, à l'avenir et après la fin du Projet, il y aura encore besoin d'investissements dans la pêche du lac Kivu pour remplacer/renouveler les équipements de pêche et pour encourager la vente et le mareyage, particulièrement par les femmes.
Les discussions suggèrent aussi que ces investissements doivent être financés par un système de crédit bancaire et que le programme de crédit proposé soit conçu de façon réaliste et comprenne les calculs des coûts et revenus des investissements, les termes de remboursement et les taux d'intérêts. Les discussions confirment les crédits proposés, c'est-à-dire un crédit pour une unité trimaran avec frais d'exploitation à 9 % d'intérêt et à rembourser en 4 ans, des crédits séparés pour le trimaran, le chasseur, les lampes, le filet, le moteur - tous ces crédits à 9 % d'intérêt et avec termes de remboursement dans les 2 à 3 ans; trois crédits pour la commercialisation et la transformation - particulièrement pour les femmes, c'est-à-dire un crédit pour la vente locale de poissons frais et séchés pour les vendeuses/vendeurs individuels (9 %, 1 an); un crédit pour la vente locale de poissons frais et séchés pour les groupes des vendeuses/vendeurs (9 %, 1 an); et un crédit pour la vente de poissons congelés (9 %, 1 an).
La viabilité financière du système de crédit proposé ainsi que le programme du crédit ont été confirmés par les participants au Cours, et les représentants des Banques populaires ont démontré leur intérêt de participer à ce système de crédit.
Ils ont aussi expliqué que la coopération proposée entre les Banques populaires et le Projet, particulièrement l'examen préalable et l'évaluation de demande individuelle (viabilité technique par le Projet et viabilité financière par la Banque), exige la modification des règlements des Banques populaires que le Projet doit négocier avec elles.
Les discussions qui ont eu lieu pendant le Cours indiquaient elles aussi qu'il faut que tous les pêcheurs deviennent sociétaires des Banques populaires pour garantir que le crédit bancaire soit accessible non seulement aux patrons mais aussi aux membres des équipages et pour garantir un système de crédit moderne, ouvert et flexible, qui ne se borne pas à donner du crédit aux personnes qui ont déjà été assistées par le Projet.
Pour introduire un système de crédit bancaire pour les pêcheurs du lac Kivu qui inclut les membres d'équipages, c'est-à-dire les personnes qui pêchent actuellement, il est nécessaire d'introduire d'autres unités trimaran au crédit aux membres d'équipages qui aimeraient devenir propriétaires d'une unité trimaran. Les autres crédits pour les équipements de pêche, c'est-à-dire les crédits pour les éléments individuels d'une unité trimaran (trimaran, chasseur, lampes et filets) sont utiles et profitables à présent seulement pour les personnes qui sont déjà propriétaires des autres éléments d'une unité trimaran, c'est-à-dire les patrons de pêche. A l'avenir, néanmoins, les crédits pour les éléments individuels d'une unité trimaran seront utiles aussi pour les membres d'équipages qui deviendront propriétaires d'une unité trimaran avec l'aide du système de crédit proposé.
Les crédits pour la commercialisation et la transformation de la pêche sont destinés aux personnes qui s'occupent ou envisagent de s'occuper de la commercialisation et de la transformation de la pêche, particulièrement aux femmes.
En ce qui concerne l'introduction d'un système de crédit bancaire auprès des Banques populaires, il est nécessaire de débourser tous les crédits auprès de ces mêmes banques et de ne pas continuer en même temps le système de crédit auprès du Projet car le système de crédit offert par le Projet (sans intérêt et sans termes de remboursement fixes) n'est pas compatible avec un système de crédit bancaire qui vise à une viabilité financière.