Page précédente Table des matières Page suivante


2.0 RESULTATS

2.1 L'environnement

2.1.1 Généralités

Le lac Kivu est un lac de montagnes, situé à une altitude de 1.463 m. Il se trouve à l'Ouest du Rwanda et à l'Est du Zaïre, formant une frontière naturelle d'environ 100 km entre les deux pays, s'étendant entre 1°34' de latitude Sud et entre 28°50' et 29°23' de longitude Est (DAMAS, 1937; VERBEKE, 1954) (FIGURE 1).

Il atteint sa largeur maximale de 50 km à la hauteur de Kibuye et sa longueur maximale à vol d'oiseau est de 102 km. Son plan d'eau occupe une superficie totale de 2.370 km2, dont environ 1.000 km2 soit 42% se trouvent en territoire rwandais. De nombreuses îles émergent d'une crête médiane importante; au total elles sont au nombre de 150, occupant une superficie de 315 km2. La plus grande, l'île Ijwi, en territoire zaïrois, occupe une superficie de 200 km2. Des profondeurs très considérables ont été enregistrées dans le vaste Bassin du Nord, avec une profondeur maximale d'environ 490 m. La profondeur diminue vers le Sud; la profondeur moyenne du lac est de 240 m. Le volume total du lac est de 583 km3 (DAMAS, 1937; DEGENS et al., 1971, 1972; VERBEKE, 1954).

A son extrêmité méridionale le lac a son exutoire: la Ruzizi ayant un débit de 70 m3/sec. soit 3,2 km3/an, qui après un parcours de 160 km, se jette dans le lac Tanganyika. L'apport hydrologique des rivières qui se déversent dans le lac est de 2,7 km3/an, celui des précipitations est de 2,6 km3/an (BEADLE, 1974; VAN DER BEN, 1959). Les sources hydrothermales sublacustres fournissent 0,5 km3/an (DEGENS et al., 1971, 1972).

Le lac Kivu représente 75% de la superficie hydrologique totale du Rwanda et 97% du volume des eaux utilisables pour la pêche. Le lac Kivu s'est formé, comme les lacs Tanganyika, Idi Amin Dada (Edouard) et Mobutu Sese Seko (Albert) dans un système de régions déprimées, les fossés tectoniques qui font partie de la Western Rift Valley ou Graben de l'Afrique Centrale (POUCLET, 1975).

A partir d'un réseau fluvial dirigé vers le Nord, le lac s'est formé à la suite du barrage des volcans Virunga qui a provoqué l'inondation de la vallée du Kivu. Le lac a ensuite débordé et creusé un exutoire vers le Sud, la Ruzizi (BAKER et WOHLENBERG, 1971).

L'aspect actuel témoigne encore de son origine. A l'Est et à l'Ouest, des chaînes de montagnes s'allongent parallèlement au lac du Sud-Sud-Ouest vers le Nord-Nord-Est, donnant des rivages très escarpés; longueur de la côte 1.196 km. Au Nord se dresse la chaîne des volcans Virunga atteignant des altitudes de plus de 4.000 m. Leurs coulées ont formé une vaste plaine de lave descendant en pente douce, bordant le lac. Par sa grande profondeur et ses rives très abruptes, la zone littorale du lac ne représente que 12% de la surface totale, soit 280 km2 (DEGENS et al., 1971, 1972).

2.1.2 Caractéristiques climatologiques et lacustres

Le climat est de type tropical humide et continental. Il est caractérisé par une alternance de saisons humides et sèches. Une grande saison de pluies de février à mai précède la grande saison sèche de juin à septembre. La petite saison des pluies est observée durant les mois d'octobre et novembre, et au cours des mois de décembre et janvier, une petite saison sèche. La pluviosité est minimale en juillet et maximale en avril et novembre (FIGURE 2).

La pluviosité varie beaucoup d'un endroit à l'autre des rives, elle est plus forte sur la rive occidentale par la dominance des vents Sud-Est et l'action de l'île Ijwi sur les masses d'air (DAMAS, 1937; VERBEKE, 1954). La moyenne annuelle est d'environ 1.300 mm pour l'ensemble du lac, sur la rive Ouest la valeur est de 1.591 à 1.784 mm et sur la rive Est elle est de 1.148 à 1.269 mm (1943–1945/1951) (BULLETIN CLIMATOLOGIQUE, 1952).

En saison sèche, la basse pluviosité est accompagnée par une diminution de la température maximale. La température moyenne mensuelle ne varie pas fortement et se situe aux alentours de 20°C, mais des différences diurnes considérables existent. L'écart entre le maximum et le minimum est d'environ 10°C par temps ensoleillé (saison sèche), allant de 15°C à 25°C, par temps couvert; l'écart est réduit à 3–4°C (DEGENS et al., 1971, 1972).

Des vents réguliers et permanents soufflent principalement en direction du Sud-Est à l'Est, traversant le lac obliquement ou latéralement; ce sont les brises du lac. Ces brises soufflent plus fréquemment et avec plus de force durant la saison sèche. Les calmes prédominent au cours de la saison des pluies.

Pendant la nuit, ce régime est perturbé par des vents froids de terre ou de montagne. Ils débutent après le coucher du soleil et soufflent jusqu'à 0700 ou 0800 heures du matin. Souvent la brise de montagne ne se développe pas, parce qu'après le coucher du soleil l'atmosphère est troublée par des systèmes orageux.

Le lac est de type méromictique, caractérisé par un brassage partiel de ses eaux à la suite d'une stratification thermique et stable. Deux couches d'eaux superposées, de composition différente et qui ne se mélangent jamais, sont distinguées. La circulation des eaux est limitée à la couche superficielle allant jusqu'à environ 70 mètres. Cette couche peut être comparée à la masse totale d'un lac habituel avec les 3 zones épilimnion, thermocline et hypolimnion. Dans cette couche, la température et parallèlement l'oxygène décroît avec la profondeur. La température de surface varie entre 22°C et 24°C (DAMAS, 1937; NEWMAN, 1976; VAN DER BEN, 1959). L'épilimnion est toujours saturé d'oxygène, l'hypolimnion en est dépourvu en saison de stratification. Le thermocline est situé à 20 à 30 m, il est brusque et relativement important (1°C) en période de stratification (FIGURE 3). En période de brassage, le thermocline est estompé par un refroidissement plus intense qui abaisse la température de l'épilimnion (BEADLE, 1974; DAMAS, 1937) (FIGURES 4 et 5). Une homogénéisation journalière de l'épilimnion a lieu par la diminution de la température de surface la nuit. Dans cette couche vivante limitée, la photosynthèse brute présente des valeurs de productivité primaire de 240 g C/m2/an à 540 g C/m2/an, comparable à d'autres lacs du Rift (DEGENS et al., 1971, 1972).

Le pH se situe autour de 9 (FIGURE 6); il est conditionné par les carbonates et bicarbonates alcalins. Les eaux sont riches en sels dissouts de Na (44%) mais surtout de Mg (50%) et relativement pauvres en Ca (2%) (CEPGL, 1986; DEGENS et al., 1971, 1972; KISS, 1966).

La consommation de CO2 par photosynthèse provoque la précipitation de Ca CO3, les sels de Mg restent en solution. La conductivité varie entre 1.276 μmhos et 1.294 μmhos (BEADLE, 1974; DAMAS, 1937) (FIGURE 7). Le brassage remet des nutrients en circulation, ce qui provoque un développement de phytoplancton qui est suivi par une augmentation du zooplancton (FIGURE 8; TABLEAU 1).

En dessous de 70 m se trouve une couche morte, dépourvue d'oxygène. La température et la densité (salinité) augmentent rapidement avec la profondeur; ceci est causé par les apports continuels d'eaux chaudes chargées de sels minéraux par les sources volcaniques sublacustres (DEGENS et al., 1971 et 1972; JANNASCH, 1975; SCHMITZ et KUFFERATH, 1955; TIETZE, 1978; TIETZE et MAIER-REIMER, 1977).

De grande quantités de nutrients et matières organiques sont piégées dans ces couches stagnantes au gradient prononcé de densité et température, isolant ces couches de la couche superficielle. La présence de grandes quantités de gaz méthane dans les eaux en dessous de 200 m est caractéristique du lac Kivu, dont la réserve totale a été estimée à 50 km3 (DEGENS et al., 1971 et 1972). Ce gaz est maintenu en solution par la pression hydrostatique. Cette accumulation de méthane est partiellement produite par une fermentation anaérobique bactérienne des détritus organiques (plancton) au taux de 46 1/m2/an, partiellement par des bactéries productrices de méthane à partir de CO2 et H2 d'origine volcanique et partiellement par la fermentation diagénétique des sédiments (DEGENS et al., 1971 et 1972; JANNASCH, 1975; SCHMITZ et KUFFERATH, 1955).

2.2 Les ressources

2.2.1 Généralités

Des conditions hydrologiques particulières causant la perte de matières organiques dans le fond, la superficie restreinte des fonds en contact avec l'eau oxygénée et l'étendue limitée des biotopes par la nature rocheuse du fond et par la consolidation des fonds meubles par les dépôts calcaires sont à la base d'une productivité potentielle de l'écosystème restreinte. La faune benthique est peu abondante et pauvre en espèces.

La petite partie des fonds aux sédiments vaseux ou sableaux, localisés près des embouchures des rivières, dans les creux naturels et dans les baies peu profondes constituent des réservoirs d'animaux benthiques. Ces biotopes sont importants comme frayères des poissons. La pauvreté et l'immaturité écologique de la faune piscicole sont caractéristiques du lac Kivu. La faune est une version diminuée du lac Idi Amin Dada. La faune originelle plus riche a probablement été exterminée par des activités volcaniques. Par son isolement hydrographique ou géographique récent, les Virunga formant une barrière pour les poissons du lac Idi Amin Dada et les chutes de la Ruzizi pour les poissons du lac Tanganyika, le repeuplement a été fait par des espèces largement répandues dans les eaux voisines des rivières. Les espèces endémiques appartiennent aux familles des Cyprinidae, Claridae et Cichlidae (BEADLE, 1974).

Il y a quatre espèces de Barbus qui se font rares; on les trouve surtout près des embouchures des rivières. Le Barilius moorii, un poisson semi-pélagique, est répandu dans tout le lac mais à des faibles densités. Les deux espèces de Clarias, dont Clarias gariepinnus qui est le seul grand prédateur du lac, sont également peu abondantes. On les trouve surtout au Sud sur des fonds vaseux.

Trois espèces de Tilapia sont connues, dont seul Tilapia nilotica regani est endémique. Tilapia rendalli et Tilapia macrochir ont été introduits par accident à partir des étangs piscicoles aux alentours du lac.

Ces espèces se limitent également aux biotopes près des embouchures des rivières et dans les baies peu profondes. Treize espèces du genre Haplochromis sont connues actuellement. Les Haplochromis sont répandus dans toute la zone littorale sur tous les types de fonds (THYS VAN DEN AUDENAERDE et al., 1982).

Seule la biomasse des Haplochromis et des Tilapia est suffisamment importante pour supporter une activité de pêche, mais représente néanmoins une productivité faible. En 1957 une production de 841 tonnes et de 965 tonnes en 1958 a été signalée (BULLETIN AGRICOLE DU CONGO BELGE ET RWANDA-URUNDI, 1959), pour 1986 une moyenne de 723 tonnes a été évaluée: 545 tonnes d'Haplochromis et 178 tonnes de Tilapia pour un nombre de 423 unités de pêche (REUSENS, 1987). La pêche se pratique par des techniques simples, à l'aide d'une senne de plage de dimensions réduites et de filets maillants. Au lac Kivu l'écosystème est peu développé et plusieurs niches sont inoccupées.

C'est en 1953 que la mission scientifique belge d'exploration des lacs Kivu, Edouard et Albert pose le problème du repeuplement du lac Kivu (CAPART, 1959). HULOT (1956) avait pu démontrer la très grande déficience existant dans les maillons de la faune ichtyologique du lac Kivu. A la lumière de ces observations, l'exploitation rationnelle des réserves alimentaires considérables du lac Kivu ne pouvait être obtenue que par l'introduction d'un poisson pélagique et planctonophage. Par conséquent, un mélange d'alevins de deux clupéidés du lac Tanganyika, Stolothrissa tanganicae et Limnothrissa miodon, fut déversé dans le lac Kivu entre le 4 juin et le 22 juillet 1959 par COLLART (1960). Seul le L. miodon s'est acclimaté et constitue actuellement le plus grand stock du lac.

2.2.2 Biologie du L. miodon

Le L. miodon est un poisson pélagique grégaire. Au lac Tanganyika il est plus abondant dans les eaux littorales peu profondes que dans la zone pélagique; la compétition alimentaire par d'autres espèces pélagiques peut en être la cause. Par contre au lac Kivu, étant la seule espèce pélagique, il a colonisé toutes les parties du lac et des densités importantes sont présentes au large de la côte.

Etant un poisson grégaire, il constitue des bancs, ce qui est à la base d'une répartition différentielle au niveau du sexe et de la taille. Superposée à ces agrégations, une différentiation verticale et zonale existe.

De jour les poissons sont distribués en agrégations, qui à leur tour sont regroupées en deux ou trois couches distinctes à différentes profondeurs. La limite bathymétrique inférieure de cette distribution est correlée à la présence de quantité suffisante d'oxygène. En période de circulation, la profondeur maximale atteinte est généralement de 40 à 50 m et parfois de 55 à 60 m. Lors de la stratification, la limite se situe aux alentours de 40 et parfois même seulement à 30 m. Par mauvais temps, les bancs compacts se décomposent et des agrégations peu cohérentes se forment, mais les deux ou trois couches de maintiennent. Ces deux ou trois couches sont présentes dans toutes les zones, pélagique, intermédiaire et littorale. Dans ces bancs, des individus de même taille sont regroupés, contenant ainsi des individus de différents âges. Egalement la distribution en couches indique une répartition différentielle des groupes de taille, ainsi les adultes de 81 à 108 mm se trouvent dans les couches superficielles et les adultes de taille inférieure 60 à 78 mm LF dans les couches profondes (REUSENS, 1987) (FIGURES 9–16).

Au niveau des sexes, une répartition spatiale différentielle doit exister, les variations mensuelles du rapport des sexes indiquent des changements dans la distribution, soit par la formation de bancs de sexe séparés, soit par la reconstitution de bancs mixtes, soit par la migration différentielle (REUSENS, 1987). En même temps une distribution zonale différentielle existe. Les juvéniles de 10 à 35 mm LF se trouvent au littoral sur les hauts fonds, les tailles de 30–60 mm LF migrent vers le large (SPLIETHOFF et DE IONGH, 1981).

En période de ponte maximale, les juvéniles de 30–60 mm LF ne restent pas exclusivement en zone littorale mais envahissent la zone intermediaire et pélagique. Sans doute leurs grandes densités provoquent ces migrations. Les prématures et les adultes de taille de 63–78 mm LF se trouvent principalement en zone pélagique mais leur présence en zones intermédiaire et littorale a également été observée (REUSENS, 1987).

Les adultes de taille supérieure à 110 mm sont exclusivement littoraux. La reproduction s'étale sur toute l'année, cependant il y a deux périodes maximales de fraie: une période prolongée de septembre à mars et une période plus courte de mars à juin. La taille à première maturité est de 60,6 mm LF pour les mâles et de 62,4 mm pour les femelles (SPLIETHOFF et DE IONGH, 1981).

Par une acquisition précoce de la maturité et une croissance plus rapide pour les mâles, le rapport des sexes est de 0,74 en moyenne, donc 58% de femelles contre 42% de mâles (REUSENS, 1987). La fécondité varie entre 4.650 et 13.150 ovules avec une moyenne de 9.334 (REUSENS, 1987). Le taux de croissance (K) est approximativement 0,1. La longueur maximale jamais observée est de 145 mm LF (SPLIETHOFF et de IONGH, 1981). La relation longueur-poids P= 0,0128 LF2,9 (1985) et P= 0,0168 LF2,7 (1986) indique des conditions plus favorables par rapport aux autres milieux d'introduction (lacs Kariba et Cahora Bassa), mais néanmoins bonnes par rapport au milieu d'origine; le lac Tanganyika (REUSENS, 1987).

A partir de la relation longueur-poids, cinq groupes de tailles ont été discernés:

groupe I:les juvéniles de 39–51 mm LF
groupe II:les prématures de 51–75 mm LF
groupe III:les adultes de 75–90 mm LF
groupe IV:les adultes de 90–99 mm LF; et le
groupe V:de 99–135 mm LF.

La faible condition du groupe I et groupe IV semble être en relation avec la transition d'un mode d'alimentation à un autre, respectivement d'un régime de phytoplancton à un de zooplancton et d'un régime de zooplancton à un d'insectes et de juvéniles. La grande plasticité au niveau de son régime alimentaire a sans doute contribué à la réussite de son introduction, au détriment du S. tanganicae, un planctonivore spécialisé (REUSENS, 1987). Les petits juvéniles de 20–35 mm LF se nourrissent de phytoplancton, les plus grands juvéniles 35–51 mm LF de phyto et zooplancton, les prématures 51–75 mm LF et les adultes 75–90 mm LF principalement de zooplancton (SPLIETHOFF et DE IONGH, 1981). Les individus vieillissant (105–125 mm LF) deviennent insectivores et même cannibales, prédateurs de leurs propres alevins (MUTAMBA, 1987; SPLIETHOFF et DE IONGH, 1981).

Durant un cycle diurne, il y a deux périodes importantes d'activité durant lesquelles le poisson se nourrit; à l'aube entre 0400 et 0600 hrs et au crépuscule entre 1800 et 2000 hrs. Dans l'après-midi les bancs se décomposent, les poissons se dispersent et montent vers la surface pour se nourrir. La nuit les poissons restent dispersés mais descendent en profondeur où ils se distribuent en deux couches; à l'aube ils remontent vers la surface pour se nourrir et après 0700 hrs ils se rassemblent en bancs qui descendent en profondeur. Le facteur de condition et d'adiposité varie avec les saisons, les plus grandes valeurs se présentent en périodes de ponte maximale, période de haute productivité planctonique. Des différences annuelles du facteur condition, de l'adiposité, de la relation longueurpoids, du nombre d'individus matures et de la durée des périodes de ponte maximale existent en relation avec des différences des conditions environnantes (REUSENS, 1987).

2.2.3 Evaluation des ressources

2.2.3.1 Estimation par observation écho-acoustique

En septembre 1986, la biomasse totale pour la zone pélagique du lac entier (± 86% de la superficie totale) a été évaluée à 6.154 tonnes (30,2 kg/ha), dont 3.523 tonnes (29,5 kg/ha) soit 57% en territoire zaïrois et 2.631 tonnes (31,3 kg/ha) soit 43% au Rwanda (REUSENS, 1987). En mars 1987, une valeur de 7.870 tonnes (40,7 kg/ha) est observée, dont 4.721 tonnes (42,0 kg/ha) soit 60% au Zaïre et 3.148 tonnes (39,0 kg/ha) soit 40% au Rwanda (REUSENS, 1987).

Un niveau plus élevé de la biomasse en mars est sans doute causé par une augmentation de la population, dûe au recrutement accrû. Les valeurs inférieures observées en septembre 1986 sur l'ensemble du lac et en novembre 1984 (JOHANNESSON, 1985) dans la partie rwandaise du lac reflètent sans doute une baisse de la biomasse en période de stratification. La biomasse n'est pas répartie uniformément, mais des différences géographiques existent. A toutes les saisons, la valeur la plus faible est constatée dans le Bassin de Bukavu. Selon les saisons, une abondance supérieure est localisée soit dans le Bassin Nord, soit dans le Bassin Central. En juin 1985 et en mars 1987, l'abondance est supérieure dans le Bassin Nord et en septembre 1986 elle est supérieure dans le Bassin Central (TABLEAUX 2–7).

2.2.3.2 Estimation basée sur la biomasse du zooplancton

Se basant sur le modèle de KERR, la biomasse en poissons a été évaluée à partir de la biomasse du zooplancton et les captures potentielles ont été calculées suite au modèle de GULLAND (REYNTJENS, 1980). Ainsi le potentiel est de 55 kg/ha, donnant une production totale de 13.000 tonnes pour le territoire rwandais (REYNTJENS, 1980).

2.2.3.3 Estimation de la biomasse par des variables abiotiques

A partir de l'index morpho-édaphique MEI (conductivité/profondeur moyenne) qui est de 18,29 pour le lac Kivu, la production potentielle est estimée à 55,79/ha. On obtient ainsi une production totale de 13.200 tonnes pour le lac entier et pour la partie rwandaise 5.580 tonnes (REYNTJENS, 1980).

Les captures potentielles en tonnes/an/pêcheur-unité ont une valeur de 2,3 t/an/unité. Pour un nombre optimal de 1,5 unités par km2, la productivité potentielle totale revient à 8.177 tonnes et pour les eaux rwandaises la valeur est de 3.450 tonnes (REYNTJENS, 1980).

2.3 La pêche

2.3.1 Généralités

La pêche au L. miodon au lac Kivu a été décrite par différents auteurs. Les publications ou rapports de COENEN (1983 a,b; 1984 a,b), COENEN et SCHEFFERS (1984), DE IONGH, SPLIETHOFF et FRANK (1983), GALLENE (1987 a,b), GRASSET (1986), HOOD (1987), JOHANNESSON (1985), KOSKINEN (1984), REUSENS (1985; 1986 a,b; 1987) et SPLIETHOFF et DE IONGH (1981) décrivent divers aspects du secteur de la pêche.

Une enquête-cadre intensive sur la pêche au L. miodon a été menée en septembre-octobre 1987; ses résultats, HANEK et REUSENS (1987) et HANEK et al. (1987) fournissent pour la première fois une quantification et une qualification de cette pêche couvrant les deux côtés du lac y compris la zone totale de l'île Ijwi. Une synthèse de ces données est présentée ici.

2.3.2 Les pêcheurs

Un total de 1915 pêcheurs (854 au Rwanda et 1061 au Zaïre) a été recensé durant l'enquête-cadre ci-haut mentionnée, qui a couvert les 65 points de débarquement des deux côtés du lac y compris la zone totale de l'île Ijwi. Le TABLEAU 8 donne les détails de la distribution des pêcheurs et leurs dépendants par point de débarquement pendant août et septembre 1987. Le TABLEAU 8 donne aussi la localisation des pêcheurs et des moyens de production primaires (pirogues, filets, lampes) ainsi qu'une indication des infrastructures à terre existantes dans chacun des 66 points de débarquement. Afin de déterminer “l'importance” des diverses communautés de pêcheurs, une classification basée sur le nombre des unités de pêche a été établie (TABLEAU 9).

Le caractère frontalier du lac Kivu se reflète particulièrement dans la partie Sud; 6.1% des pêcheurs au Rwanda sont de nationalité zaïroise. Cela se voit principalement par le nombre de capitaines ou sous-patrons; 30 des 55 unités de pêche emploient des zaïrois. Du côté zaïrois du lac, 6.7% des pêcheurs sont de nationalité rwandaise et 0.7% sont de nationalité burundaise.

La structure d'âge des pêcheurs est donnée dans le TABLEAU 10. Au Rwanda l'âge moyen des pêcheurs est de 22.8 ans (minimum: 14 ans, maximum: 48 ans) tandis qu'au Zaïre l'âge moyen des pêcheurs est de 24.2 ans (minimum: 15 ans, maximum: 52 ans).

Le fait que la pêche au L. miodon est un phénomène relativement nouveau se reflète dans l'origine des pêcheurs (TABLEAU 10). Du côté rwandais du lac, 53.5% sont d'origine d'agriculteurs, 30.9% d'origine de pêcheurs coutumiers et le reste, c'est-à-dire 15.6% d'origine de pêcheurs artisanaux. Du côté zaïrois du lac, 35.7% de pêcheurs sont d'origine d' agriculteurs, 25.7% d'origine de pêcheurs coutumiers et 38.6% d'origine de pêcheurs artisanaux. L'important est le fait que 11.6% des pêcheurs du côté du Zaïre viennent d'Uvira (lac Tanganyika), un événement récent.

Le niveau d'instruction des pêcheurs est déterminé de cette manière: du côté rwandais du lac 50.3% des pêcheurs sont sans instruction tandis que cela monte à 65.4% du côté zaïrois du lac.

2.3.3 Flottilles de pêche

Il y a trois types d'UEP impliqués dans la pêche au L. miodon au lac Kivu. Ce sont les UEP-catamarans, UEP-trimarans et UEP-coutumières. En septembre et octobre 1987, il y avait un total de 46 UEP-catamarans, 118 UEP-trimarans et 10 UEP-coutumières opérant au lac Kivu. Du côté rwandais il y avait 42 UEP-catamarans 1 et 55 UEP-trimarans, tandis que du côté zaïrois il y avait 4 UEP-catamarans, 63 UEP-trimarans et 10 UEP-coutumières (TABLEAU 11).

2.3.4 Entrée dans la pêche

Il a été prouvé que la pêche au L. miodon au lac Kivu est un phénomène très récent. Tandis que quelques UEP étaient actives en 1976, le début du projet RWA/77/010 et sa deuxième phase GCP/RWA/008/NET du côté rwandais du lac ainsi qu'une entrée massive dans la pêche, principalement des pêcheurs venant du lac Tanganyika du côté du Zaïre, a fait monter le nombre des UEP, particulièrement au cours des deux dernières années (TABLEAU 12).

1 Au moment de la finalisation de ce document en avril 1988, 30 UEP catamarans étaient transformés en UEP-trimarans par le projet.

2.3.5 Structure, types et valeur des UEP

Trois types d'UEP sont impliqués dans la pêche au L. miodon au lac Kivu, entre autres:

(1) UEP-catamarans; (2) UEP-trimarans et (3) UEP-coutumières. Leur description suit:

2.3.5.1 Structure et valeur des UEP-catamarans

Une typique UEP-catamaran (FIGURE 17) consiste en 2 pirogues, 1 filet, 1 lampe et 5–6 pêcheurs. En septembre et octobre 1987, il y avait en total 46 UEP-catamarans; 42 UEP-catamarans du côté rwandais et 4 UEP-catamarans du côté zaïrois (TABLEAU 11).

Le matériel pour la construction et l'armement d'un catamaran et son coût figure ci-dessous:

MatérielCoût (FRW)
2 pirogues en bois lamellé-collé 70.000
1 lampe Columbus 21.500
6 rames   1.200
6 perches de levage en bois (6 m)     900
2 barres d'union des coques en bois (8 m)     400
300 m de corde PE Æ 10 mm12.000
200 m de corde PE Æ 6 mm  4.000
filet à soulever80.000
Total190.000   

Caractéristiques du matériel des UEP-catamarans

PIROGUES - total nombre 92 pirogues soit 2 pirogues/UEP-catamaran

Type de construction

IL 1 - 66 pirogues
IM 2 - 10 pirogues
en planches - 16 pirogues

Dimensions

ILC : 6.95 × 1.38 × 0.60 m
IM : 6.37 × 1.27 × 0.45 m
en planches: 7.40–8.00 × 1.20–1.40 × 0.54 m

1 IL = importée lamellé-collé
2 IM = importée en métal.

Prix d'achat/fabrication

FILETS

Caractéristiques (FIGURE 17)

Prix d'achat et provenance

45.000 FRW/filet en 1980 et 37.000 FRW/filet la dernière série (1983–1984) au projet; le prix des filets du côté zaïrois est généralement plus élevé parce que les filets viennent du Burundi.

Coût de réparation

4.500–9.500 FRW/an/filet.

LAMPES   •   total nombre: 6 lampes soit une lampe/UEP-catamaran du côté rwandais et 4 lampes Coleman (FIGURE 18) et 2 lampes Columbus (FIGURE 19).

Types de lampes

42 lampes Columbus no 9 (toutes au Rwanda) et
12 lampes Coleman +
 2 Columbus toutes du côté zaïrois.

Prix d'achat

21.500 FRW/lampe Columbus
3–4.000 Z/lampe Coleman

Coût et réparation

7–8.000 FRW/an/lampes Columbus et
2–3.000 Z/an/lampe Coleman

Technique de pêche

La pêche avec catamaran s'effectue de nuit. A la tombée de la nuit la lampe Columbus type no 9 est allumée, puis le filet est maillé. L'engin de pêche est relevé toutes les heures ou plus fréquemment si le poisson apparaît sous la lampe: 5 à 7 coups de filet sont réalisés par nuit.

2.3.5.2 Structure et valeur des UEP-trimarans

Une UEP-trimaran typique (FIGURE 20) consiste en 3 pirogues, 1 filet, 2 lampes et 8–10 pêcheurs. Il y a cependant des exceptions du côté zaïrois, particulièrement dans la partie Sud du lac, 84.1% des UEP-trimarans utilisent un bateau-chasseur. Ensuite la configuration des lampes est beaucoup plus compliquée. En septembre-octobre 1987 il y avait un total de 118 UEP-trimarans au lac Kivu: 55 UEP-trimarans du côté rwandais et 63 UEP-trimarans du côté zaïrois (TABLEAU 11).

Le matériel pour la construction et l'armement d'un trimaran et son coût figure ci-dessous:

       MatérielCoût (FRW)
3 m3 de bois rouge   60.000
4 lampes Columbus  86.000
7 rames    1.400
6 pots de P.38  14.400
21,5 kgs de clous    2.150
filet à soulever complet117.336
rouleau métallique (treuil manuel)    2.440
6 perches de levage de 6 m  10.392
2 perches de levage de 7 m    4.600
4 barres doubles d'union des coques de 8 m  39.189
400 m de corde PE Æ 10 mm  12.000
250 m de corde PE Æ 6 mm    3.250
salaire pour main d'oeuvre construction  10.000 
 Total  353.757

Caractéristiques du matériel des UEP-trimarans

PIROGUES - total nombre 354 pirogues soit 3 pirogues/UEP-trimaran. Néanmoins 102 des 118 UEP utilisent un bateau-chasseur, soit 118 bateaux-chasseurs.

Type de construction

100% de pirogues en planches de construction locale.

Dimensions

longueur-moyenne: 8.28 m (min. 6.70 m; max. 8.60 m)
largeur-moyenne : 1.37 m (min. 1.15 m; max. 1.56 m)
hauteur-moyenne : 0.49 m (min. 0.44 m; max. 0.58 m)

Peinture

Seulement 8 des 354 pirogues sont peintes, les autres pas (coût peinture: 13–15.000 FRW/3 pirogues).

Prix d'achat/construction

Construction locale au Rwanda: 22.000 FRW/pirogue (c'est-à-dire 2.000 FRW/pirogue pour le matériel et 10.000 FRW/pirogue pour la main d'oeuvre).
Construction locale au Zaïre: environ 20.000 Z/pirogue (11.000 Z/pirogue pour le matériel et 9.000 Z/pirogue pour la main d'oeuvre).

Bateau-chasseur

102 des 118 UEP-trimarans utilisent un bateau-chasseur.

Type de construction

100% des bateaux-chasseurs en planches et sans peinture.

Dimensions

longueur-moyenne: 4.38 m (min. 4.00 m; max. 4.80 m)
largeur-moyenne : 1.15 m (min. 0.96 m; max. 1.23 m)
hauteur-moyenne : 0.40 m (min. 0.30 m; max. 0.44 m)

FILETS

total nombre 118 filets soit un filet/UEP-trimaran.

Caractéristiques (FIGURES 21 et 22)

Prix d'achat

Le prix d'achat varie beaucoup entre 140–300.000 FRW/filet selon son origine. Les filets en provenance du Burundi, de la Tanzanie et du Zaïre sont très chers, généralement de mauvaise qualité et malheureusement de très petite maille (3–4 mm dans la poche puisque ce matériel est destiné à la pêche au S. tanganicae).

Coût de réparation

Entre 3–5.000 FRW/filet/an.

LAMPES - total nombre 843 lampes soit 24 lampes Columbus, 301 lampes Coleman, 181 lampes Drum et 337 lampes Anchor.

Configuration des lampes/UEP-trimaran

varie beaucoup; du côté rwandais normalement 2 lampes Columbus ou Drum (FIGURE 23) placées sur un trimaran et en moyenne 5–9 lampes Coleman/UEP-trimaran placées sur le bateau-chasseur. Du côté zaïrois, les configurations suivantes ont été notées:
35 UEP avec 6 Anchor et 2 Drum chacune
24 UEP avec 3–5 Anchor et 2 Drum chacune
  3 UEP avec 6 à 7 Anchor seulement
  1 UEP avec 12 Anchor (6 pour le bateau-chasseur et 6 pour le trimaran) et 2 Drum
.

Prix d'achat

Columbus- 21.500 FRW/lampe
Coleman- 3–4.000 FRW/lampe
Anchor- 3–4.000 Z/lampe
Drum- 25–30.000 Z/lampe

Coût réparation

estimative 15–25.000 FRW/an.

Technique de pêche

La technique est la même que pour les catamarans. Le pouvoir de capture, plus important est dû à la puissance lumineuse plus forte et mieux dispersée; 2000 CD au lieu de 1000 pour catamaran, et à la surface de bouche du filet plus importante. Les trimarans qui emploient un bateau-chasseur ont deux lampes de plus, situées à l'arrière du bateauchasseur.

2.3.5.3 Structure et valeur des UEP-coutumières

Signalées pour la première fois dans la baie de Keshero (à 10 km de Goma) où il y a une plage non-rocheuse contrairement aux autres baies du lac Kivu, une dizaine d'UEP-coutumières y pêchent le L. miodon. La composition des UEP consiste en trois pêcheurs, deux petites (3–4 m) pirogues monoxyles, deux pagaies et un haveneau de fabrication artisanale.

Technique de pêche

Commencement de la pêche à 1700 hrs environ pour quelques heures. Dans la période du premier et dernier quartier, pêchent toute la nuit. Dans une pirogue un pêcheur frappe l'eau à l'aide de la pagaie, dans l'autre pirogue un pêcheur pagaie et le deuxième tient et freine le bateau dans l'eau.

Valeur - estimée à 5–8.000 Z/UEP.

2.3.6 Pêche expérimentale au L. miodon

Au cours des deux premières phases du projet, diverses autres techniques de pêche ont été essayées, entre autres catamaran pêchant au filet maillant, pêche à la senne tournante et coulissante avec pirogue en bois et pêche à la senne tournante avec l'ISAMBAZA FAO 99. Les résultats n'étaient pas encourageants. Ces techniques sont brièvement décrites ci-dessous:

2.3.6.1 Catamaran pêchant au filet maillant (FIGURE 24)

Caractéristiques du filet

filet maillant dérivant en monofilament de 260 × 16 m en mailles étirées de 18 mm; diamètre de fil: 0.15 mm.

Technique de pêche

Le filet a été essayé durant une très courte période de jour et de nuit, sans lumière artificielle. Pour les nuits, le temps d'immersion était d'environ 12 hrs. Les essais de jour, le filet a été levé toutes les heures.

2.3.6.2 Pêche à la senne tournante et coulissante avec pirogue en bois

Caractéristiques de la senne (FIGURE 25)

longueur 176 m armée
profondeur 73,54 m étirée
maille de 15 mm étiré R 75 TEX
poche = maille 15 mm étiré R 100 TEX.

Technique de pêche

Trois porte-lampes munis de deux lampes Columbus no 9 sont disposés à des endroits différents. Les premiers coûts de senne sont effectués autour de chaque porte-lampe toutes les 0200 à 0230 hrs. Avant le jour, les porte-lampes sont groupés ensemble, car en général le meilleur coup de senne s'effectue avant le lever du soleil.

2.3.6.3 Pêche à la senne tournante avec l'ISAMBAZA FAO 99

Caractéristiques de l'“ISAMBAZA FAO 99”

Caractéristiques générales
Type de coque: Fibre de verre GRP, CYGNUS GM 32
Longueur hors tout: 9,90 m
Longueur à la flottaison: 9,20 m
Largeur: 3,66 m
Tirant d'eau: 1,22 m
Déplacement: 10.000 kg
Capacité carburant:   1.000 litres
Moteur: Perkins (diesel); 50 ch à 1.800 tours/mn
Réducteur: Borg Warner 71 CR, rapport 2,91 à 1,00
Diamètre d'hélice: 76 cm maximum
Traction au point fixe: 1.200 kg
Vitesse (maximum): 7 noeuds
Passerelle: libre, inclinée sur l'avant, moulée
Contenance de la cale à poissons: 6.250 kgs
Système électrique: 4 batteries, 12 V, 4×80 Ampères - à la terre
Treuil: Cabestan pour senne, double
 
Equipement de communication
Emetteur-récepteur: Type SSB-100 B, marque Stoner Communication Inc.
 
Equipement de navigation
Radar: Seascan, Mark III, 12 V, portée 16 miles
Compas: Magnétique, monté sur cadran
Loch: Stowe, 0–10 noeuds (au 1/100 de mile) type tracté
 
Equipement acoustique
Un sondeur: Echographe ELAC, LAZ-72 (A) portée maximum 0–1500 m
Un sondeur: FURUNO, FE 400 A
Transducteurs: en céramique, montés latéralement.

Caractéristiques de la senne

longueur 303, 15 armée
profondeur 95, 10 m étirée
maille de 15 mm R 75 TEX
poche maille de 10 mm R 100 TEX

Technique de pêche

La technique est la même que pour la pirogue en bois.

2.3.7 Zones de pêche

Les zones de pêche des unités artisanales du projet sont situées autour des 3 Centres; Gisenyi, Kibuye et Cyangugu, les chefs-lieux des Préfectures. La zone de pêche de Gisenyi s'étend du Centre jusqu'à l'embouchure de la rivière Koko, à 32 km au Sud de Gisenyi. Actuellement 20 lieux de pêche y ont été localisés (TABLEAU 13; FIGURE 27). Les lieux les plus fréquentés, c'est-à-dire les plus productifs proches du Centre sont: Douanes, Gaz Méthane et Gahondo. En moyenne les déplacements vers le Sud ne dépassent pas 8 km et vers l'Ouest l'écart de la côte ne dépasse pas 6 km.

La zone de pêche de Kibuye s'étend de Koko, le lieu le plus au Nord à 8 km du Centre, jusqu'à la baie de Mugonero à 12,5 km au Sud du Centre. Cette zone est caractérisée par des baies très profondes et de nombreuses îles (TABLEAU 14; FIGURE 28).

Actuellement 24 lieux de pêche ont été localisés, dont Nyamunini, Kigezi, Mpangara, Ruganda, Cyangwe, Rusenyi et Mpumbe, sont les lieux les plus fréquentés. En moyenne les déplacements ne dépassent pas 10 km.

La zone de pêche de Cyangugu est située dans le Bassin de Bukavu et s'étend du Centre jusqu'à Mukoma à 18 km au Nord-Est du Centre et l'île Bindia à 15 km au Nord-Ouest du Centre.

Actuellement 22 lieux de pêche ont été localisés, dont Mwito, Gihaya, Muhali et Muhumba, sont les plus fréquentés. Les déplacements atteignent régulièrement 12 km. A cause de l'étroitesse du Bassin de Bukavu (6,5 km), les pêcheurs opèrent à moins de 2 km de la côte (TABLEAU 15; FIGURE 29).

2.3.8 Effort de pêche

L'effort de pêche est exprimé par le nombre de sorties par campagne par unité. Une sortie représente une nuit de pêche. La moyenne sur toute la période d'effort de pêche est de 15 nuits par campagne et par équipe à Gisenyi, 16 à Kibuye et 19 nuits à Cyangugu (REUSENS, 1987). L'effort de pêche a augmenté graduellement d'année en année, variant entre 11 et 18 nuits à Gisenyi, entre 12 et 20 nuits à Kibuye et 19 et 20 nuits à Cyangugu (TABLEAU 16).

2.3.9 Production

Depuis le début des activités du projet en novembre 1979 jusqu'à la fin de 1986, la production totale atteinte par les unités artisanales du projet 1 est d'environ 1.020 tonnes. A la suite d'une augmentation du nombre d'unités d'une part, et augmentation du nombre moyen de sorties par unité d'autre part, la production totale a augmenté graduellement d'année en année. La production mensuelle moyenne par unité artisanale varie entre 387 kg et 787 kg à Gisenyi (moyenne totale 576 kg), entre 446 kg et 962 kg (moyenne totale 656 kg) à Kibuye et entre 409 kg et 496 kg à Cyangugu (moyenne 441 kg) (REUSENS, 1987). Les moyennes annuelles des prises par unité d'effort démontrent des variations irrégulières qui reflètent des fluctuations annuelles de la densité de la population.

Des variations saisonnières dans la PUE existent au cours de l'année. Les périodes de haute production coïncident avec les saisons des pluies et par conséquent avec les périodes de reproduction du poisson. Les maxima se situent dans la phase de recrutement au stock avec des niveaux de densité maximale du stock. Les maxima observées en saison sèche reflètent une baisse de la biomasse mais également des performances de pêche diminuées dûes au mauvais temps par des vents très forts et aux migrations en dehors des zones de pêche (TABLEAU 17, FIGURE 30).

L'occurence de hautes valeurs de la PUE à Kibuye en saison sèche est contradictoire aux fluctuations ailleurs dans le lac. Des migrations du poisson vers ces lieux abrités, mais également une pêche plus performante grâce aux sites abrités peuvent en être la cause. Entre les trois secteurs géographiques, une différence des PUE est observée. La très faible valeur de la PUE à Cyangugu reflète une faible densité du stock.

Les PUE à Kibuye sont légèrement supérieures par rapport à Gisenyi, laissant supposer une densité du stock plus élevée et/ou une pêche plus performante grâce aux sites abrités. La forte baisse de la production en 1986 par rapport à 1985 est en relation avec une forte diminution de la PUE et du nombre moyen de sorties.

1 Les données pour les 55 unités privées ne sont pas disponibles. Nous estimons leurs productions environ deux fois plus élevées.

Les statistiques de pêche ont été baissées par une activité commerciale accrue de la part des pêcheurs avant l'enregistrement des captures. Des quantités allant de 6 à 20 kg/unité sont vendues avant l'enregistrement des captures, ce qui a entraîné une sous-estimation de la PUE (DIQUELOU, 1987). Et également par ces activités commerciales, l'absentéisme des pêcheurs au projet s'est accrue, ce qui a résulté en une baisse du nombre de sorties enregistrées. Néanmoins une diminution de la biomasse n'est pas à exclure, étant donné que les caractéristiques biologiques indiquent des conditions moins favorables en 1986.

2.4 Traitement d'Isambaza

Il y a quatre produits habituellement disponibles dans les Centres de pêche du projet, dont trois ont été développés par le projet. Ce sont les Isambaza frais, séchés et congelés (congelés entiers et congelés traités). Du côté zaïrois, seuls les Isambaza frais sont mis sur les marchés; une petite quantité est séchée et/ou fumée par les femmes.

Isambaza frais - sont vendus par le projet dans les trois Centres de pêche directement à la clientèle et/ou distribués sous glace aux autres grands marchés (Kigali, Ruhengeri, Butare, etc). Les UEP privées des deux côtés du lac vendent leur production en frais, à leurs clients ou aux marchés.

Isambaza séchés - simplement séchés au soleil sur des séchoirs en treillis métalliques dans les trois Centres de pêche, pendant 3–4 jours (la durée de séchage dépend de l'intensité du soleil). Ils sont vendus à la clientèle du projet, principalement dans le milieu rural. Les UEP privées des deux côtés du lac sèchent la production non vendue sur leurs filets. Coéfficient 4/1, c'est-à-dire que 4 kgs de poissons frais sont nécessaires pour produire 1 kg de séchés.

Isambaza congelés - sont produits seulement aux trois Centres de pêche. Il y a deux produits de congelés:

(1)Congelés entiers- sont bien rincés puis mis en sachets et congelés tels quels, et
(2)Congelés traités- sont étêtés, éviscérés et bien nettoyés puis congelés. Le produit fini représente 65% du produit brut.

Au cours de cette année, d'autres essais seront initiés en vue de développer d'autres produits.

2.5 Commercialisation

2.5.1 Généralités

Comme la pêche au L. miodon est une activité récente, il s'en suit que sa commercialisation est également récente. Cela s'applique principalement au Rwanda, qui n'a pas comme le Zaïre, une tradition dans ce domaine. Les habitudes nutritionnelles de la population, la méconnaissance et la disponibilité/accessibilité des produits de la pêche dans diverses régions du pays et le faible pouvoir d'achat en général, ont été et sont encore les principaux facteurs limitatifs.

Par conséquent, des efforts considérables ont été faits par le projet pour établir et développer ce secteur en vue de promouvoir la vulgarisation nutritionnelle, surtout en milieu rural. La promotion n'a que le but de créer l'habitude de manger l'Isambaza. La vulgarisation vise une bonne compréhension de son rôle dans l'alimentation. L'accent a été mis sur l'utilité d'Isambaza séchés en milieu rural. Le travail a été organisé au niveau et par l'intermédiaire des institutions de vulgarisation et d'éducation nutritionnelle dans les environs des Centres de pêche. 15 recettes des diverses préparations d'Isambaza ont été développées par le projet (ANNEXE 1).

2.5.2 Evolution de la commercialisation

Les données statistiques pour 1979 et 1980, les deux premières années du projet RWA/77/010, ne sont pas disponibles. Jusqu'à la fin de 1986, les statistiques (de production et de vente) étaient relevées par campagne. Elles furent recalculées mois par mois, pour permettre un meilleur suivi année par année. Dernièrement, il a été noté que les données présentées sont toutes du projet (production et vente), excluant la production des UEP privées (TABLEAU 18) et faisant croître les ventes des “UEP du projet” en dehors du projet, notamment en périodes de faible production où les pêcheurs vendent leur production de 20 à 100% plus cher.

2.5.3 Les marchés

Avant 1987 les ventes se faisaient presqu'exclusivement au niveau de chaque Centre de pêche du projet. Les ventes en dehors du projet se limitaient aux Isambaza congelés, de manière régulière depuis 1987, et aux séchés de manière ponctuelle. Néanmoins elles étaient limitées à un petit nombre d'hôtels et de restaurants à Kigali pour les congelés et/ou à quelques clients (Trafipro, PAM) pour les séchés. L'évolution des marchés est démontrée dans le TABLEAU 19. Même si nos produits sont maintenant disponibles dans les dix Préfectures du pays (TABLEAU 19), les quantités vendues sont encore insignifiantes en considération du nombre de la population du pays. Pour cette raison, il ne serait pas possible ni prudent d'essayer de limiter ou d'arrêter les importations de Ndagala séchés (S. tanganicae) venant du Burundi et de la Tanzanie. Ce produit est généralement de pauvre qualité (séchés sur la plage du lac Tanganyika), plein de sable et à bon marché, deux fois moins cher que nos Isambaza séchés. Cette concurrence ainsi que celle des produits agricoles (haricots et maïs), contrarie nos efforts et les marchés récemment développés peuvent facilement absorber toute la production du projet.

2.5.4 Distribution et transport

En 1980, les ventes d'Isambaza frais et séchés étaient limitées aux Centres de pêche. Celui de Gisenyi a débuté en novembre 1979, celui de Kibuye en novembre 1981 et celui de Cyangugu en janvier 1985. Nos produits étaient d'abord distribués en petites quantités, puis le cercle et les quantités se sont agrandis progressivement, utilisant les routes existantes vers les grandes agglomérations. Il s'en suit que les grandes limitations étaient le mauvais état des routes; ce n'est qu'en 1985 que la liaison Ruhengeri/Kigali a été asphaltée permettant un accès relativement aisé (2h30' en voiture) aux grands marchés de Kigali, la capitale.

Celle reliant Cyangugu et Butare a été asphaltée en 1986. Seul notre Centre de Kibuye reste sans liaison asphaltée; l'asphaltage de la route Gitarama-Kibuye étant prévu dans trois ans.

Suite au fait que le Centre de Kibuye a toujours été excédentaire en poissons alors que celui de Cyangugu restait déficitaire, il est nécessaire de consolider les échanges entre nos Centres, en vue d'approvisionner la clientèle déjà établie. L'approvisionnement des Centres est assurée soit par les véhicules du projet, soit par le bateau ISAMBAZA FAO 99.

Il est clair que la distribution d'Isambaza séchés ne pose aucun problème particulier puisque c'est un produit qui peut être diffusé dans tout le pays. En ce qui concerne le transport et la distribution d' Isambaza frais, un maximum de soins est nécessaire pour son transport. La récente acquisition d'une machine à glace au projet va favoriser un approvisionnement régulier de Gisenyi vers Ruhengeri et Kigali, approvisionnement débuté en octobre 1987. Le facteur limitatif à cette activité est l'absence d'une chambre froide dans ces deux villes; l'approvisionnement de leurs marchés se fait le même jour afin d'éviter la détérioration du produit. Le transport et la distribution d'Isambaza congelés s'est toujours fait dans des bacs isothermes dont la capacité est de 40 kgs; il faut que le bac soit plein pour garder l'isothermie. Par conséquent, seuls les clients possédant un congélateur pour conserver l'Isambaza congelé sont servis par le projet. Pour les détails concernant la vente, la distribution et la clientèle, voir TABLEAU 19 et FIGURE 30.

2.5.5 Prix

Comme il n'y a pas de contrôle de prix des poissons au Rwanda, la politique du Gouvernement est claire; garantir aux petits producteurs un prix rémunérateur pour enfin développer et soutenir le secteur productif de l'économie nationale. Depuis son début, le projet a toujours pratiqué des prix fixes. Comme aucune étude des prix n'a jamais été faite, les prix de vente des différents produits du projet reflètent plus ou moins le prix de la production et une raisonable marge de bénéfice. Pour des raisons évidentes, la marge de bénéfice des Isambaza congelés est élevée par rapport au produit de base; elle est présentement d'environ 10% pour les Isambaza congelés entiers et d'environ 40% pour les Isambaza congelés traités. La marge pour les Isambaza frais est de 20% alors que le prix d'achat est de 50 FRW/kg et celui de vente de 60 FRW/kg dans les Centres. Le prix des Isambaza frais en dehors du projet (Ruhengeri, Kigali, Butare, etc) est de 80 FRW/kg; ceci pour récupérer le prix du transport.

Par conséquent, le seule produit qui a été et est toujours vendu à son prix de base est l'Isambaza séché, vendu à 220 FRW/kg. La forte concurrence de Ndagala séchés (S. tanganicae) qui entrent illégalement dans le pays, aux prix très bas (120–150 FRW/kg), le besoin de fournir le produit en milieu rural, le faible pouvoir d'achat de la population et le besoin d'établir et de développer les marchés pour ce produit, sont les principales raisons de son prix.

Il est clair qu'une étude détaillée aurait dû être menée en vue de déterminer les prix réels de tous les produits du projet. Dès que cette étude aura commencé, il sera bientôt possible de réviser le système des prix du projet, dans les Centres de pêche et/ou les différents points de vente du pays. Comme la pêche au L. miodon est saisonnière, dûe à ses migrations et à son caractère pélagique, l'étude va évidemment inclure et/ou refléter l'aspect important de l'offre et de la demande.

Du côté zaïrois, seuls les Isambaza frais sont vendus par les pêcheurs. Le prix ici varie fortement, reflètant clairement les forces du marché (offre/demande) suivant la proximité des grandes agglomérations. Les Isambaza frais sont vendus par les pêcheurs aux femmes, par caisses (30–60 kgs/caisse); le prix varie entre 15 et 100 Z/kg.


Page précédente Début de page Page suivante