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2. TRAVAUX REALISES AU CENTRE REGIONAL

2.1 PERFECTIONNEMENT

Installation

Un internat pouvant recevoir 12 élèves a été construit au centre régional de Bangui (quatre chambres, réfectoire, salle de lecture, cuisine et installations sanitaires). Les cours sont donnés dans un bâtiment séparé, également construit pour le projet, qui comprend outre la salle de cours-laboratoire, trois pièces à usage de bureau. Le centre n'étant pas relié au réseau de distribution d'eau et d'électricité de la ville, des installations autonomes ont été aménagées grâce à l'acquisition d'un groupe électrogène de 20 kVA et la construction d'un château d'eau de 5 m3 alimenté par électro-pompe.

Personnel et stagiaires

Outre le personnel international composé de deux experts et d'un expert associé (cf. annexe 1), le personnel centrafricain affecté au centre régional au début du projet ne comprenait qu'un chef d'équipe du cadre intermédiaire, du personnel subalterne et des manoeuvres généralement non qualifiés.

Deux stages régionaux de neuf mois chacun, destinés aux cadres moyens de l'Administration des eaux et forêts de chaque Etat, ont été organisés à Bangui. En général, les stagiaires possédaient un diplôme du niveau moyen 1er cycle et avaient suivi en outre une ou deux années de cours dans une école professionnelle agricole ou des eaux et forêts. Une liste des stagiaires ainsi que le programme d'enseignement sont donnés en annexe 4.

Conclusions

Si l'aspect quantitatif représenté par le nombre de stagiaires a été respecté, il a été constaté que le niveau des candidats était dans l'ensemble faible. De fait, aucune sélection professionnelle n'était possible au départ des stages, vu le faible nombre de candidats qui pouvaient être envoyés à Bangui sur titre, ce qui explique que 20 pour cent des stagiaires n'ont pas obtenu la moyenne en fin de stage, 12 pour cent tout juste, ce qui représente un tiers des candidats pas ou peu qualifiés.

Il en résulte que les administrations responsables des programmes piscicoles n'ont pas couvert entièrement leurs besoins en personnel de cadre moyen qualifié, d'autant plus que les réorganisations administratives des Etats participants les ont accrus.

Aucun candidat n'a présenté de réelles aptitudes à accéder au niveau supérieur. Bien que plusieurs d'entre eux s'acquittent très bien des tâches qui leur sont actuellement confiées, ils n'ont aucun rôle direct dans la conception des programmes de pisciculture. Leur position est parfois délicate du fait de l'absence dans la plupart des pays de cadres supérieurs ayant des connaissances approfondies des techniques piscicoles. La situation administrative des candidats à l'issue de leur stage de perfectionnement présente des différences sensibles suivant les Etats. Certains accordent une bonification d'un ou deux échelons dans le grade pour leurs stagiaires qui ont obtenu la moyenne des points, d'autres rien; ceci rend plus malaisée la sélection des stagiaires.

Boursiers

Trois candidats (MM. Z. Maletoungou, S.P. Ngamby et B. Mabiala), issus de la première promotion, ont bénéficié d'un stage de quatre mois en Israël, en vue de s'initier aux pratiques de pisciculture intensive et de gestion économique des exploitations.

L'un d'eux a reçu l'autorisation de prolonger son séjour de deux mois pour se perfectionner dans les domaines de l'alimentation et de la reproduction induite des poissons. A l'issue du stage, ces boursiers ont été affectés à des postes d'expert instructeur qu'ils occupent encore actuellement sauf l'un d'entre eux qui a été transféré dans le Service de l'agriculture en République populaire du Congo pour raisons administratives.

Le stage en Israël intéressant uniquement l'aspect intensif de la pisciculture semble avoir été bénéfique pour deux des trois stagiaires.

2.2 RECHERCHES

Installations

Les recherches se sont principalement développées à la station de la Landjia en République centrafricaine qui possède actuellement sept bassins de production totalisant 3,16 ha, sept bassins de 4 a, trois de 2 a, trois étangs de 0,5 ha et 1 ha, occasionnellement submergés par les eaux de l'Oubangui, et une dizaine de petits bassins de ponte ou de stockage de moins de 10 m2.

Les installations de la Landjia n'étant pas suffisantes pour le nombre et la surface des étangs nécessaires à l'ensemble des travaux d'améliorations techniques prévus au Plan d'opérations, on s'est efforcé de répartir les recherches également entre les centres nationaux. Aucun d'eux n'était idéalement conçu pour le genre de recherche envisagée, soit à cause de la dégradation des étangs (Brazzaville), de leur équipement insuffisant (Oyem), de leur trop faible dimension et des infiltrations (Foumban) et seul un petit nombre d'étangs ont pu être effectivement utilisés pour des observations valables.

Personnel

Le personnel affecté aux travaux de recherches comprenait uniquement le personnel international cité en annexe 1. Il n'a pu y consacrer qu'une partie de son temps, moins de 50 pour cent, à l'exception de l'expert associé plus spécialement chargé de travaux d'études et de l'expert consultant en alimentation.

Alimentation artificielle

Le document 1 cité en annexe 3 traite en détail des essais réalisés par le projet dans ces domaines. Les conclusions essentielles sont les suivantes:

Fumure minérale

Les eaux en Afrique centrale étant en général très pauvres en sels dissous, une fumure minérale pouvait apporter les éléments manquants. Peu d'essais ont pu être réalisés, les conditions d'application étant défavorables, surtout en raison des infiltrations d'eau dans les digues des anciennes stations; d'autre part le coût élevé des engrais a limité les possibilités économiques d'application.

Les scories Thomas ont eu un effet supérieur au superphosphate pour des doses comparables et ont apporté une production complémentaire de poisson de 400 kg/ha/an pour une application de 600 kg d'engrais réparti par quinzaine. Un second essai utilisant 2 400 kg de scories par hectare et par an a donné une production nette légèrement supérieure.

Il n'y a pas de relation directe évidente entre la quantité d'engrais apportée et la production de poisson.

Les conditions idéales d'application apparaissent très difficiles à observer en station, donc a fortiori en milieu rural.

Fumure organique

L'intérêt de l'utilisation de la fumure organique, les résultats obtenus pour des fertilisants de différente nature et divers types d'application ont été développés dans la note 2 de l'annexe 3. Les données essentielles sont reprises ci-après.

Le recours à la fumure organique constitue en Afrique centrale une des méthodes les plus valables pour assurer une production élevée en poissons. Bien que cet engrais ait des actions variées, elles concourent pratiquement toutes à l'amélioration du milieu aquatique. Les principales sources d'engrais utilisables sont:

- Fumier de volaille. Une demi brouette/are/mois de balayure de poulailler représente une fumure minimale pour assurer une production satisfaisante. Elle peut être augmentée jusqu'à deux brouettes/are/mois, mais cette dernière dose très forte est à appliquer avec précaution. Il est toujours souhaitable de répartir les épandages si possible par quinzaine. La quantité des fumiers étant très variable, les rendements le sont également et il apparaît que le rapport entre les quantités de fumier appliquées et les rendements obtenus à la vidange varie entre 15 et 90 kg de fumier pour 1 kg de poisson. Toutefois, le fumier ayant une action relativement lente, il y a un arrière effet qui assure une amélioration continue du milieu aquatique.

- Déchets d'abattoir. Des chiffres précis n'ont pu être établis pour fixer les quantités de sang, contenu de panse ou os à distribuer pour assurer une augmentation de production. Le sang seul a un effet bénéfique marqué sur le rendement des bassins pour un apport de 5 à 10 litres/are/semaine. Le mélange sang plus le contenu de panse tel que reçu de l'abattoir et distribué à raison de 20 kg/are/semaine, donne une production de l'ordre de 10 kg de poisson/are/an soit un taux de conversion faible 104/1, mais il s'agit d'un produit très humide. Les os ont également amélioré les rendements, principalement pour les bassins d'alevinage, avec une application de l'ordre d'une brouette et demie tous les trois mois par are.

- Rouissage du manioc. Le trempage du manioc permet une certaine diffusion d'éléments minéraux et organiques qui fertilisent les bassins. L'expérience montre que le taux de conversion est peu favorable, 120 à 180/1, mais ce n'est pas un handicap en ce sens qu'il s'agit d'un “roulement” de matières. Les effets sont assez bénéfiques pour les bassins à compter d'une does de 10 kg de tubercules/are/semaine. Les applications recommandables sont de l'ordre de 50 à 100 kg de tubercules/are/semaine. De très gros apports (5 kg/100 l d'eau) peuvent être mortels pour le poisson.

- Compost. Un seul essai a été réalisé en déversant dans un étang de 10 ares quatre brouettes par semaine de compost fait de feuilles, fruits avariés mélangés avec un peu de fumier de vache et des déchets divers avec un rendement équivalant à 3 t/ha/an.

- Drêches de brasseries, tourteaux, graines, etc. Ces produits ont un rôle fertilisant secondaire, étant utilisés principalement comme aliments directs. Il faut cependant souligner que par leur teneur en azote notamment ils favorisent un développement important des algues, base de la production naturelle des étangs.

Elevages associés

En pisciculture ils permettent la fertilisation organique continue des étangs. Différents types d'association sont possibles et le projet a étudié plus spécialement les élevages de canards, de porcs et de poules avec une sous-production de poisson.

Les observations réalisées et les considérations sur l'intérêt de cette méthode de production sont développées dans la note 3 de l'annexe 3. Les éléments essentiels sont résumés ci-après.

- Elevage associé canards-poissons. Les canards de Barbarie ont été préférés par leur rusticité dans ce type d'élevage. Deux types d'installation ont été essayés, en matériaux traditionnels et manufacturés. Cette dernière solution, quoique plus onéreuse au départ, peut être avantageuse par la durée de son utilisation qui n'a malheureusement pu être appréciée complètement.

Le parcours des canards dans l'étang doit être divisé en trois parquets pour permettre la poursuite sans difficultés des différentes phases de leur élevage. Les canetons doivent être l'objet de soins particuliers; il n'est pas indiqué qu'ils aient accès à l'étang avant le troisième mois. La ration des canards adultes est de 125 grammes/jour d'aliments. Dans l'ensemble, les canards sont moins exigeants que les poulets pour la composition et l'équilibre de leur ration. Le coefficient de transformation des aliments est de 4.

L'aspect pisciculture de l'élevage est relativement simple puisqu'il ne nécessite aucune intervention en dehors de l'empoissonnement et de la vidange. Le bilan économique de l'exploitation fait apparaître un bénéfice annuel de l'ordre de 47 000 FCFA pour 4 a d'étang et l'achat de six canards reproducteurs comme point de départ. La vente des poissons représente environ 25 pour cent des bénéfices réalisés.

Les canards semblent avoir également un rôle sanitaire par la destruction des mollusques, vecteurs éventuels de la bilharziose.

- Elevage associé porcs-poissons. Pour ce type d'élevage, on peut également faire appel soit à des races locales de porcs, peut-être un peu plus rustiques mais moins productives, soit à des races d'importation.

Quelques types de porcheries semi-rustiques en bordure des étangs ont été utilisés et ont donné toute satisfaction; il est nécessaire d'avoir une base de construction en matériaux durs. Le coût varie entre 6 600 et 12 500 FCFA pour une porcherie à deux loges qui convient parfaitement pour la fertilisation d'un étang de 3 à 4 a.

En ce qui concerne l'élevage proprement dit, en deux ans, une truie peut avoir trois portées de six à huit porcelets chacune. Suivant la race, les porcelets atteignent 45 à 70 kg en six mois lorsqu'ils sont bien nourris. Plusieurs types d'aliments à base de sous-produits agricoles ont été utilisés avec succès. Le coefficient de transformation est de l'ordre de 8, compte tenu des aliments verts.

L'aspect pisciculture de l'élevage associé constitue, comme dans le cas précédent, une phase très simple qui concerne uniquement l'empoissonnement et la récolte. La fumure abondante des porcs produit des rendements élevés de l'ordre de 40 à 50 kg de poisson/are/an en deux ou trois récoltes car la croissance est rapide. Un essai avec une faible densité de Clarias lazera a donné un rendement équivalant à 70 kg/are/an.

La mise en route de l'élevage porcs-poissons est apparue relativement plus simple que l'élevage canards-poissons; en outre le porc se commercialise plus facilement que le canard, sauf dans certaines régions. Le bilan économique de l'exploitation d'une porcherie à trois loges établie sur un étang de 4 a assure une rentabilité de départ de 54 000 FCFA/an qui peut être augmentée sensiblement la seconde année et atteindre 80 000 FCFA.

- Elevage associé poules-poissons. Il est possible par l'installation d'un poulailler à claire-voie au-dessus du bassin de pisciculture. Les essais qui n'ont été réalisés que dans une seule station assurent une production très élevée en poisson de l'ordre de 35 à 50 kg/are/an. La rentabilité d'un tel élevage réalisé sur un bassin de 4 a est de l'ordre de 56 000 FCFA/an lorsque les conditions d'installation et de production sont bonnes.

- Conclusions. Dans tous les types d'association examinés, les principales techniques utilisées relèvent du domaine de l'élevage du petit bétail ou des animaux de basse-cour. La production de poisson, qui ne nécessite que très peu de travail mise à part la construction du bassin, représente 25 pour cent environ des bénéfices réalisés.

Des trois types d'association étudiés, c'est l'élevage porcs-poissons qui est apparu le plus simple et apparemment le plus rentable.

Elevage des Tilapia

Le Tilapia nilotica a été utilisé comme espèce de base des travaux du projet. Les observations réalisées ont permis de mieux définir ses possibilités de rendement et d'élevage.

En production naturelle, la faible qualité des eaux en sels minéraux ne permet qu'un rendement variant de 50 à 300 kg/ha/an. Bien qu'ayant dans ces conditions une croissance faible, les Tilapia nilotica se reproduisent dès l'âge de quatre à cinq mois, ce qui donne à la vidange une quantité de petits poissons supérieure à 50 pour cent de la population. La courbe de croissance (cf. figure 1), obtenue avec une alimentation riche en protéines (30 pour cent), schématise les données essentielles de la production intensive: une croissance relativement rapide des poissons juvéniles avec un net ralentissement pour les femelles après cinq mois, lorsque ces poissons ont un poids de 80 g environ et que la reproduction devient rapidement excessive.

Il n'a pas été aisé de réduire ces inconvénients jusqu'à présent. L'élevage des Tilapia monosexes mâles, dont la croissance est meilleure, rencontre régulièrement des difficultés du fait d'erreurs de détermination dans les sexes pour des poissons de 40 à 50 g; en utilisant des poissons de taille moyenne (+ 100 g) pour lesquels le pourcentage d'erreurs est faible, on n'est pas assuré d'obtenir un revenu financier suffisamment élevé, compte tenu des manipulations supplémentaires. A titre indicatif, en élevage monosexe des Tilapia mâles de 60 g ont atteint 210 g en trois mois.

Il est possible d'obtenir également un poids moyen supérieur pour des Tilapia élevés en association avec des voraces mais au détriment du rendement global. La combinaison de l'élevage du Tilapia avec des Hemichromis fasciatus (2 pour cent) est efficace mais présente trop d'inconvénients, du fait que ces petits poissons voraces ne sont pas contrôlés aisément. L'association avec des Clarias lazera (1 pour cent) sera certainement plus avantageuse mais elle n'est pas encore vulgarisable; il en est de même de l'association avec Auchenoglanis occidentalis (1 pour cent) pour une plus lointaine échéance.

La méthode la plus simple pour obtenir de très bons rendements et un pourcentage élevé de poisson commercialisable est de nourrir et de fumer très fortement les étangs pour réduire au maximum la période d'exploitation et éviter une surpopulation de petits poissons.

L'empoissonnement se fait avec des Tilapia nilotica de 10 g en moyenne à raison de deux ou trois alevins par mètre carré. La vidange a lieu après quatre à sept mois suivant l'intensité, la nature de l'alimentation ou du fumage. Dans de bonnes conditions, on peut obtenir une production brute de 5 à 6 t/ha/an avec 75 pour cent de poissons commercialisables. Une partie des petits poissons (10 pour cent) est utilisée pour une nouvelle mise en charge, les autres (15 pour cent) sont vendus à plus bas prix ou servent de nourriture d'appoint en élevage associé. L'absence de sélection rendue impossible dans la principale station de production par la programmation d'utilisation des bassins n'a pas posé de problème pour cinq années d'observation en pisciculture intensive. Des essais de sélection ont cependant été réalisés dans la République populaire du Congo sans que des conclusions formelles puissent en être tirées.

Conclusions. Indépendamment de toute considération économique, l'élevage des Tilapia nilotica ne doit être tenté que dans des régions où on dispose de réelles possibilités de fertilisation des eaux ou d'alimentation des poissons. L'élevage de Tilapia monosexes n'est pas une pratique à conseiller actuellement en pisciculture rurale, sauf aux éleveurs très expérimentés en pisciculture artisanale, s'ils peuvent en tirer profit.

Elevage des Heterotis

L'Heterotis niloticus est un poisson d'assez bonne croissance qui n'existait pas dans le bassin du Congo. Son introduction en pisciculture a été tentée depuis une vingtaine d'années. Il semblait pouvoir être considéré comme une espèce de complément et a fait l'objet, au cours du projet, d'observations trop fragmentaires qui n'ont pas permis de déterminer une méthode d'élevage susceptible d'assurer une production importante d'alevins.

Les meilleurs résultats ont été obtenus au Gabon après une fumure abondante des bassins, ce qui semble bien lier le problème de survie des alevins à une question d'alimentation.

Sur le plan pathologique, des cas de parasitisme par Glossatella ont été observés. Après un traitement en solution saline, la survie des alevins a été de 68 pour cent pour une densité faible de deux poissons par mètre carré. Ce parasitisme a été remarqué dans différents pays mais, sauf cas exceptionnel, il n'apparaît pas comme une cause de mortalité des poissons.

L'alimentation naturelle des Heterotis est le zooplancton. Les algues sont également absorbées mais on les retrouve souvent intactes dans les déjections. Ces poissons se nourrissent aussi de drêche de brasserie qu'ils absorbent en petite quantité mais ils la digèrent mal. En milieu naturel, dans la région de Birao (République centrafricaine), on constate que les Heterotis se nourrissent de graines diverses. En élevage pur avec nourriture artificielle, pour une densité de un poisson par 2,5 m2, une production équivalente à 1,130 t/ha/an a été obtenue, mais avec une faible croissance individuelle.

Figure 1

Les Heterotis de plus d'un mois ne paraissent pas s'accommoder de fortes densités d'élevage. Des alevins répartis à raison de 2,5 et 9 poissons par mètre carré ont vu leur nombre se réduire à 1 par mètre carré en deux mois. Les résultats d'autres observations ont montré qu'à une densité de 1 poisson par 5 m2 la croissance était satisfaisante; il est souhaitable de ne pas dépasser cette proportion.

En élevage avec des Tilapia nilotica pour une proportion de 1 pour cent, une production supplémentaire de 100 kg/ha/an a été obtenue. Il n'apparaît pas y avoir de concurrence alimentaire entre eux lorsque l'étang est alimenté par de la drêche de brasserie.

Les observations sur la période de reproduction des Heterotis ont confirmé qu'elle était saisonnière et relativement irrégulière; elle débute parfois avant la saison des pluies, mais en général elle coïncide avec celle-ci.

Au point de vue commercialisation, ce poisson est moins apprécié que le Tilapia.

Conclusions. En Afrique centrale, l'Heterotis niloticus n'a qu'un intérêt limité en pisciculture comme poisson de complément. Son élevage n'est indiqué en outre que dans les eaux assez riches en micro-organismes animaux. La poursuite de travaux ou d'observations relatifs aux problèmes d'alevinage ne doit pas être prioritaire dans un programme de recherche complémentaire. Celui-ci, en ce qui concerne les Heterotis, sera axé sur la question d'alimentation des tout jeunes alevins, pour autant que de nouveaux progrès n'aient pu être accomplis dans ce domaine par d'autres stations de recherche.

Elevage des Clarias

Dans le cadre des essais d'introduction en pisciculture africaine d'espèces non domestiques, on s'est intéressé en premier lieu aux Clarias, sur la base des excellents rendements obtenus pour ces poissons en pisciculture en Extrême-Orient. Les résultats des essais de domestication de Clarias lazera réalisés par le projet sont exposés dans la note 4 de l'annexe 3. Ils sont résumés ci-après.

- Reproduction. Les premiers alevins obtenus en étang, au nombre de 400, furent récoltés en 1970 au centre piscicole de Bangui. En 1971, une douzaine de reproductions artificielles furent réussies en déclenchant la ponte par injection d'hormone de synthèse DOCA, un corticostéroïde.

La technique utilisée était la reproduction en bacs, sur gravier, au départ d'un seul couple. Plusieurs milliers d'alevins ont été obtenus par cette méthode mais la plupart n'ont pas survécu, apparemment faute d'une alimentation adéquate en quantité suffisante. En 1972, des essais en étangs furent repris avec plusieurs couples et des récoltes appréciables d'alevins furent obtenues après deux mois. En fait, le pourcentage d'alevins survivants était encore très faible: 8 000 alevins de quelques grammes furent récoltés en 1972 (une moyenne de 1,5 par mètre carré).

La méthode de l'alevinage en étang en conservant les géniteurs, sans être idéale, permet cependant, compte tenu des rotations assez rapides d'alevinage, d'entrer dans une première phase de vulgarisation en station, ceci également grâce au fait que des reproductions peuvent être obtenues en diverses saisons pour autant que les géniteurs soient préparés dans ce but.

- Croissance. Le développement des alevins est rapide. En étang, des poissons d'un poids moyen de 95 g ont été obtenus deux mois après la naissance.

L'accroissement en poids est assez spectaculaire lorsque les poissons ont atteint un poids de 10 g et qu'ils commencent à accepter de la nourriture artificielle. Pour une alimentation riche en protéine, l'augmentation journalière de poids est la suivante:

1,50 g pour des poissons de 10 à 40 g

1,75 g pour des poissons de 40 à 110 g

4,50 g pour des poissons de 110 à 450 g

Ce dernier poids est atteint six à sept mois après la naissance. L'accroissement se réduit normalement ensuite. Des différences assez sensibles de croissance (± 33 pour cent) ont été observées entre les mâles et les femelles. Ces dernières atteignent l'âge de reproduction après sept mois, les mâles un peu plus tard.

La croissance est également influencée par la densité de poissons et par la nature des aliments distribués. En bacs, au delà de dix poissons par mètre carré, une tendance à une réduction de production globale a été observée.

- Alimentation des Clarias lazera. Ce poisson omnivore qui s'alimente d'herbes, d'algues, de graines, de mollusques, de poissons, d'insectes, peut également utiliser les micro-organismes du plancton. Sa digestion est rapide (moins de six heures). Il importe donc qu'il puisse s'alimenter plusieurs fois par jour pour croître dans de bonnes conditions.

Les premiers essais comparatifs réalisés ont montré que les poissons alimentés à base de protéines végétales peu onéreuses avaient une croissance supérieure à ceux nourris avec des protéines animales.

- Formes diverses d'élevage. Le Clarias peut être utilisé en mélange avec des Tilapia, en faible proportion si l'on veut conserver des alevins de ces derniers. Les Silures s'adaptent également très bien à l'élevage associé avec les porcs, en donnant un rendement supérieur aux Tilapia.

- Maladies. Jusqu'à présent, les élevages n'ont souffert d'aucune affection grave. Plusieurs cas de parasitisme sont cependant signalés sur des espèces vivant en milieu naturel.

- Conclusions. Les qualités de croissance et de production des Clarias lazera sont remarquables. Il est dans l'ensemble bien apprécié des consommateurs, avec toutefois différents degrés de préférence selon les régions. Un important problème n'est que partiellement résolu, c'est celui de la survie des alevins obtenus par reproduction induite. C'est ce problème qui limite actuellement la vulgarisation de cette espèce.

Essais d'introduction de nouvelles espèces (Cf. note 6, annexe 3)

Les espèces observées qui paraissent présenter un certain intérêt sont les suivantes:

Auchenoglanis occidentalis
Heterobranchus longifilis
Citharinus gibbosus
Labeo lineatus
Clarias bithypogon
Clarias submarginatus
Ophiocephalus obscurus

Cette liste n'exclut pas d'autres espèces comme Lates niloticus 1, Protopterus sp., Astatoreochromis alluaudi (malacophage).

La poursuite des essais entrepris nécessite des moyens en personnel et installations assez importants. Un fractionnement des objectifs est possible mais il n'est pas indiqué d'interrompre les observations par des actions discontinues.

Aspects économiques

Les travaux réalisés dans les différentes stations du projet et en particulier au centre régional apportent également une contribution à une meilleure connaissance des aspects économiques de l'exploitation piscicole. Les données essentielles ont été consignées dans une note (cf. annexe 3, 6); les points importants sont résumés ci-après.

- Coût de la construction des étangs. Avec engins mécaniques le prix de revient à l'hectare est de 350 000 FCFA environ dans les conditions les plus favorables. Dans des sites de galerie forestière, le coût moyen est de 1 100 000 FCFA, avec des écarts importants en mauvaises conditions topographiques.

En station et sans mécanisation, pour des étangs réalisés dans des terrains sans désouchement, avec une finition parfaite, le coût par are est de l'ordre de 10 000 à 12 000 FCFA. En pisciculture rurale, en site favorable et pour une finition grossière, le coût par are d'étang est de l'ordre de 2 250 FCFA, en valorisant un travail familial.

- Frais d'exploitation. Ils comprennent des frais fixes dont le montant a été détermine à 3 000 000 FCFA environ pour une station de 5 ha en exploitation commerciale et des frais mobiles qui résultent principalement des achats d'aliments pour poissons et des engrais. Les premiers varient peu pour des exploitations de superficies relativement larges; ils grèvent souvent lourdement une petite pisciculture industrielle ou une station d'alevinage de petite surface.

- Bilans commerciaux de quelques types d'exploitation. Compte tenu des frais fixes de base d'une exploitation de production de Tilapia nilotica de moyenne importance, on constate qu'elle n'atteint le seuil de rentabilité que pour une surface variant de 7,4 ha à 9,5 ha selon que l'on alimente les poissons avec des aliments granulés ou avec de la drêche de brasserie de coût nul ou faible.

Avec un élevage intensif de Clarias lazera dont la mise au point n'est pas achevée, le seuil de rentabilité est atteint avec une surface de 2,1 ha.

En exploitation rurale artisanale, la production de 16 a de bassins fertilisés par fumure organique (rouissage du manioc) peut assurer au pisciculteur qui y consacre 25 pour cent de son temps un revenu minimum de 5 000 FCFA par mois qui atteint parfois 8 000 à 10 000 FCFA par mois.

En élevage associé, les revenus sont à peu près identiques en étang pour une surface plus faible de l'ordre de 4 a, la part de la pisciculture dans les ressources monétaires est de 25 pour cent environ.

Aucun bilan valable n'a pu être dressé pour l'exploitation familiale d'un ou deux petits bassins, qui représente une activité épisodique à caractère d'épargne.

1 Des reproductions en étang ont été obtenues à Bouaké en Côte-d'Ivoire.

- Conclusions. Il faut donner à la pisciculture un caractère professionnel et la pratiquer sur des surfaces relativement importantes pour assurer sa rentabilité: une dizaine d'hectares pour la pisciculture industrielle dans les conditions générales actuelles, et 15 à 20 a pour la pisciculture artisanale. En milieu rural, dans des conditions adéquates, ce dernier type d'exploitation peut assurer un revenu mensuel minimal de 5 000 FCFA. Par ses possibilités de production intensive, la pisciculture du Clarias lazera pourra modifier profondément ces données, en assurant une rentabilité de surfaces beaucoup plus petites.

Introduction de la vulgarisation

La vulgarisation de la pisciculture, qui constitue l'objectif final des actions de développement piscicole, a fait l'objet d'une étude préliminaire dans le cadre des activités du projet en République populaire du Congo. Les problèmes principaux rencontrés qui sont également, dans une large mesure, ceux des pays voisins, et les suggestions apportées pour une action pilote de vulgarisation sont exposés dans la note 7 de l'annexe 3, brièvement résumée ci-après.

L'analyse des causes de désaffection de la pisciculture a mis en évidence les facteurs suivants:

Une action pilote de vulgarisation en milieu rural est réalisable dans des conditions bien définies:

En ce qui concerne l'encadrement, un moniteur peut efficacement conseiller 25 pisciculteurs pilotes en cours de formation ou d'établissement. L'approche des candidats sera effectuée par des séances d'animation rurale dans le cadre d'un programme d'alphabétisation fonctionnelle (cf. section 4.1). Les moniteurs seront eux-mêmes guidés par du personnel bénéficiant d'expérience et d'un degré d'ancienneté plus élevé. Les contacts entre les moniteurs et les chefs de secteur doivent être au moins hebdomadaires.

Les premiers résultats obtenus ont montré l'intérêt de la pisciculture artisanale déjà réalisée sur une trentaine d'unités.

2.3 RECOMMANDATIONS

Les recommandations formulées ici sont à caractère régional; elles peuvent cependant être appliquées dans des programmes nationaux, selon les options des gouvernements et les facilités existantes.

Perfectionnement

Il est indispensable que les gouvernements puissent disposer, dans les différents services responsables de la pêche et de la pisciculture, de personnel de niveau supérieur, actif et compétent.

Les écoles qui forment actuellement ce personnel devraient améliorer et étendre la part de l'enseignement réservé jusqu'à présent au domaine piscicole et calqué sur des programmes européens inadéquats.

Des bourses de perfectionnement devraient être prévues pour parfaire la formation des cadres supérieurs ayant montré des aptitudes suffisantes. Les Etats devraient également prévoir la formation de personnel spécialisé dans le domaine de la recherche pour autant que des candidats qualifiés soient disponibles. Ce personnel pourrait être formé et se perfectionner dans des stations de recherche.

Compte tenu du pourcentage probable d'insuccès et de l'accroissement des besoins, il est recommandé d'organiser deux sessions de cours supplémentaires de neuf mois pour la formation de cadres moyens. Les candidats ne devront être acceptés qu'après sélection.

Des avantages proportionnels devraient être accordés par les gouvernements qui n'ont pas encore pris de mesure dans ce sens, aux fonctionnaires ayant réussi leur stage.

Recherches

Priorité doit être accordée à la poursuite des études d'introduction de Clarias lazera en pisciculture, en vue de résoudre principalement le problème de la survie des alevins.

Une station de recherche permanente disposant d'une infrastructure suffisante et gérée par du personnel compétent devrait être implantée. Elle devrait pouvoir bénéficier d'une assistance extérieure, même temporaire, pour résoudre certains problèmes spécifiques. Cela implique que le choix de son emplacement doit être déterminé de manière à assurer un maximum de facilités au personnel qui devrait y travailler.

Bien que des progrès appréciables aient été obtenus dans le domaine de l'alimentation des poissons, plusieurs études de rentabilité économique restent à faire en ce qui concerne l'emploi d'aliments bruts ou préparés.

Des formules d'alimentation pour Clarias lazera devraient être étudiées de manière plus approfondie, de même que la mise au point du procédé de distribution des aliments pour ce poisson.

L'étude de nouvelles espèces, telles que Heterobranchus, Auchenoglanis, Ophiocephalus, Citharinus, doit être entreprise dans les meilleurs délais.

Il ne faut pas perdre de vue le problème sanitaire. L'éventuelle influence des étangs dans le développement de la bilharziose ainsi que les moyens biologiques de lutte contre cette maladie doivent faire l'objet de recherches.

Le problème de sélection des Tilapia devrait pouvoir être étudié dans une station disposant de plusieurs dizaines d'étangs de surface identique.

Les possibilités d'élevage combiné de plusieurs espèces de poissons avec les Clarias devront pouvoir être étudiées dès la mise au point de l'élevage de cette première espèce.

Des recherches sur les maladies et parasites des poissons de l'Afrique centrale devraient être entreprises afin de garantir les élevages intensifs contre toute mortalité massive.

Documentation

Les Etats francophones d'Afrique centrale ne disposent que d'une documentation insuffisante et souvent dépassée sur les techniques d'exploitation de la pisciculture. Les besoins d'une information claire et objective sur les différents aspects de la pisciculture et sur les possibilités qu'elle offre existent à plusieurs niveaux. Pour les satisfaire, trois types de documents devraient être préparés:

Indépendamment de ces travaux, des monographies bien illustrées, telles que: “Comment construire un étang”, “Comment produire des poissons”, etc., devraient être préparées pour une diffusion aux pisciculteurs eux-mêmes.

Les travaux du projet complétés par quelques études antérieures devraient permettre la préparation des publications et documents souhaités à partir du manuel du technicien.


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