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5. EVALUATION DES STOCKS MARINS


5.1 Côte d’Ivoire
5.2 Ghana
5.3 Togo
5.4 Bénin. Nigéria, Cameroun
5.5 Gabon
5.6 Conclusions

Avec les données disponibles, seule une approche globale est possible. Cette approche consiste à analyser l’évolution de la prise par unité d’effort lorsque l’effort de pêche s’accroît. On peut ainsi calculer les quantités maximales et optimales capturables en moyenne à long terme, ainsi que les efforts de pêche correspondants. Cette méthode suppose que les variations de la prise sont essentiellement liées aux variations d’effort de pêche en mer. Il est évident que les variations de l’effort de pêche en lagune influencent également la taille du stock adulte en mer. Pour qu’une évaluation à l’aide d’un modèle global du potentiel du stock en mer soit possible, il faut donc que le niveau d’exploitation en lagune reste stable pendant la période considérée. Il s’ensuit que l’évaluation ainsi obtenue ne reste valable que pour le niveau d’exploitation lagunaire observé. Si l’exploitation lagunaire s’intensifie, le potentiel du stock marin diminuera; en revanche une diminution de la pêche en lagune entraînera une augmentation du potentiel en mer.

5.1 Côte d’Ivoire

La pêche artisanale lagunaire, restée embryonnaire jusqu’en 1967, s’est fortement développée de 1969 à 1974 et, peut-être, ultérieurement. L’approche globale n’est donc pas applicable aux données brutes de prise et d’effort. L’utilisation combinée d’un modèle global, d’un modèle structural et de techniques de simulation a permis à Garcia (1978) de tourner cette difficulté. Il a été ainsi possible d’obtenir une évaluation du potentiel du stock marin, an l’absence de pêche lagunaire d’une part et, pour divers niveaux d’exploitation de cette dernière d’autre part.

En l’absence d’exploitation lagunaire las résultats sont les suivants:

Valeurs maximales (MSY)




Prise maximale potentielle moyenne

1295 t

Effort correspondant

3571 jours de pêche (crevettier de 250 CV)

Pue correspondante

362 kg/jour de pêche



Valeurs optimales (F0,1)1




Prisa optimale potentielle moyenne

1260 t

Effort optimal

2810 jours de pêche (crevettier de 250 CV)

Pue correspondante

448 kg/jour de pêche


1 Le niveau d’exploitation optimal est arbitrairement défini comme celui où le rendement marginal (augmentation des captures pour une augmentation da l’effort d’une unité) est égal a 1/10 de la cathare par unité d’effort sur le stock vierge (Gulland et Boerema, 1973).

Au taux d’exploitation en lagune observé en 1973 (55 pour cent), la prise maximale est de 580 tonnes avec un rendement de 163 kg/jour et la prise optimale de 570 tonnes avec un rendement de 202 kg/jour. La courbe de production théorique en mer correspondante est représentée sur la figure 11 (Courbe A). Nous avons porté sur la même figure les couples prise-effort observés depuis 1972 (date à laquelle l’expansion de la pêcherie artisanale peut être considérée comme pratiquement terminée). L’ensemble des points se situe nettement en dessous de la courbe théorique; la courbe B passant par ces points a été tracée à main levée. L’écart entre ces deux courbes est de l’ordre de 75 tonnes; il pourrait signifier que le niveau d’exploitation lagunaire a légèrement augmenté depuis 1973. Cette hypothèse est étayée par le fait que les prises en lagune sont passées de 490 tonnes en moyenne en 1972 et 1973, à 680 tonnes en moyenne de 1974 à 1977.

Fig. 11 - Courbe de production théorique (modèle de Fox) en mer pour un taux d’exploitation lagunaire de 55% (niveau 1973) et prises obtenues de 1972 à 1977 en Côte d’Ivoire

A la lumière des dernières données disponibles, il paraît donc que l’évaluation précédente doit être réduit d’environ 30 pour cent, c’est-à-dire:

Prise maximale

505 tonnes

Pue correspondante

142 kg/jour de mer



Prise optimale

495 tonnes

Pue correspondante

176 kg/jour de mer

Tableau 5

PRISES EN MER ET EFFORTS DE PECHE EN COTE D’IVOIRE


1972

1973

1974

1975

1976

1977

Prise effectuée en mer (t)

477

457

278

387

480

460

Effort (jours de pêche, crevettier de 250 CV)

2053

1846

1244

1 946

2410

2203

Pue (kg/jours de pèche)

232

248

223

199

199

209

5.2 Ghana

Le Groupe ne disposait pas de statistiques suffisantes pour faire une évaluation classique. Si l’on admet que ces deux régions voisines ont des productivités semblables, on peut cependant procéder à des comparaisons avec la pêche en Côte d’Ivoire, En l’absence de pêche artisanale, la productivité des fonds ivoiriens est de 1 296 tonnes/390 milles2. La superficie des fonds de pêche ghanéens étant de 200 milles2, leur potentiel serait de l’ordre de 600 tonnes. Sur le même principe et comparant les fonds de pêche du Ghana à ceux des Tortugas, Jones (1970) estimait à 410 tonnes le potentiel du premier secteur. Cependant, d’après les quelques données fragmentaires disponibles (Annexe 4), l’abondance des P. duorarum au Ghana dépendrait étroitement de l’ouverture artificielle de la lagune de Keta. Cette lagune paraît définitivement fermée et, depuis, les faillites successives des armements crevettiers indiquent que le stock serait insuffisant pour permettre une exploitation commerciale.

5.3 Togo

L’absence totale de statistiques de capture relatives aux fonds togolais ne permet qu’une approche indirecte par comparaison avec la Côte d’Ivoire. La superficie retenue pour les fonds de pêche est de 90 milles2 et encore est-il possible que cette valeur soit surestimée. Avec une productivité identique à celle de la Côte d’Ivoire, le potentiel maximum en l’absence de pêche artisanale serait d’environ 300 tonnes. S’il existe une pêche artisanale, ce qui paraît possible, le potentiel du stock marin serait plus faible.

5.4 Bénin. Nigéria, Cameroun

La plus grande partie des ressources crevettières de la région se trouvent dans ce secteur. Il est probable que les zones d’opération des trois flottilles se superposent de façon notable. On ne disposait jusqu’à présent que de statistiques partielles pour le Nigeria (Bayagbona 1976). Les prises par unité d’effort calculées par cet auteur pour la flottille nigériane tendent plutôt à augmenter de 1970 à 1974 (220 à 240 kg/jour de mer) malgré un doublement de l’effort nigérian (4000 à 8000 jours de mer). L’auteur en conclut que le stock ne serait pas pleinement exploité.

Garcia et Lhomme (1977) ont réexaminé cette conclusion préliminaire et notent que la pue moyenne 1970/1974 est de 220 kg/jour. Cette valeur est nettement plus basse que les rendements obtenus pour de faibles niveaux d’exploitation sur les fonds de St. Louis du Sénégal (532 kg/jour en 1966/67), de Roxo-Bissagos (700 kg/jour en 1967/68), de Sierra Leone-Libéria (554 kg/jour en 1970/71), et de Côte d’Ivoire (435 kg/jour en 1969). En outre les rendements observés ces dernières années au Nigéria sont inférieurs à la pue correspondant à la prise maximale moyenne dans les autres secteurs: 276 kg/jour à St. Louis, 339 kg/jour à Roxo-Bissagos, 380 kg/jour en Sierra Leone-Libéria, et 367 kg/jour en Côte d’Ivoire (cette dernière valeur suppose une pêche lagunaire nulle; dans la réalité, avec 55 pour cent d’exploitation lagunaire, les rendements actuels de la flottille sont d’environ 200 kg/jour). Si l’on admet que la composition moyenne de la flottille nigériane est comparable à celle des autres régions et si l’on tient compte du fait que l’effort y est exprimé en jours de mer et non en jours de pêche, la correction à apporter à la pue nigériane serait vraisemblablement inférieure à 30 pour cent, ce qui la ramènerait sensiblement au niveau des pue correspondant au maximum de production des stocks voisins. D’après ces observations, il n’y aurait donc pas lieu d’escompter un accroissement substantiel de la production de ce stock.

Les statistiques reconstituées pour le Cameroun, grâce aux données d’Everett (1978), sont intéressantes:

Année

Nombre de bateaux

Prise
(t)

Pue
(kg/jour de mer)

Pue
(t/bateau/an)

1970

10

(295)1

260


1971

10

859

379

85,9

1972

10

1018

398

101,8

1973

13

972

342

74,6

1974

17

1114

291

65,5

1975

17

1001

267

58,9

1976

?

882

222

?

1977

?

831

?

?


1 Données incomplètes.

Les pue exprimées en tonnes/bateau/an ou en kg/jour de mer diminuent nettement de 1971 à 1976. Les rendements indiqués sont voisins de ceux que l’on observe actuellement sur les autres fonds d’Afrique de l’Ouest. Cette série de données paraît donc refléter mieux l’évolution du stock depuis sa mise en exploitation que la série nigériane.

Dans la mesure où les stocks de l’ensemble du secteur ont évolué parallèlement ou, si les trois flottilles ont fréquenté les mômes fonds, on peut utiliser la pue camerounaise comme indice d’abondance et calculer, à partir de la prise totale, l’effort exercé.

Année

Pue camerounaise (kg/j)

Prise totale Bénin-Nigéria-Cameroun
(t)

Effort total estimé
(j)

1971

379

2251

5939

1972

398

2481

6234

1973

342

2796

8175

1974

291

3637

12498

1975

267

3377

12648

1976

222

3099

13959


L’application d’un modèle linéaire de Schaefer à ces données permet d’arriver à l’évaluation suivante;

Valeurs maximales (MSY)




Prise potentielle maximale moyenne

3370 t

Effort correspondant

13400 jours de mer

Pue correspondante

250 kg/jour



Valeurs optimales (F0,1)




Prise optimale potentielle moyenne

3340 t

Effort correspondant

12200 jours de mer

Pue correspondante

274 kg/jour


Le modèle global ainsi obtenu est représenté sur la Figure 12.

REMARQUE IMPORTANTE:

Des renseignements épars laissent supposer que les fonds de la région ont été sporadiquement exploités par des flottilles sur l’activité desquelles on ne dispose d’aucune donnée. Bien que cette exploitation soit restée marginale, il n’en reste pas moins que les statistiques de prise totale utilisées pourraient être sensiblement sous-estimées de même, par conséquent, que le potentiel de capture calculé ci-dessus.

5.5 Gabon

Les statistiques disponibles sont insuffisantes. L’hydrologie de la région est trop particulière pour procéder à une évaluation indirecte par comparaison avec les fonds situés plus au nord. Les prospections commerciales effectuées en 1969 par un seul bateau de 650 CV (Fontana et Bâ, 1972) concluent à la possibilité d’un rendement annuel moyen de 23 kg/h (crevettes entières), ce qui correspond à environ 15 kg/h pour un crevettier de 250 CV (Garcia 1977). Le rendement est faible pour un stock encore vierge et indique un potentiel limité de l’ordre de 150 & 300 tonnes.

5.6 Conclusions

Pour les stocks marins qui s’étendent du cap des Palmes (Côte d’Ivoire) à l’Angola, on dispose donc de deux évaluations directes obtenues soit par l’application d’un modèle global, soit par combinaison d’un modèle structural et d’un modèle global. Elles concernent les stocks de Côte d’Ivoire d’une part, et du Bénin au Cameroun d’autre part. Les potentiels du Congo et de l’Angola sont considérés comme négligeables, ceux du Ghana, du Togo et du Gabon comme faibles, tandis que l’on ignore tout des ressources de la Guinée équatoriale.

Fig. 12 - Modèle global obtenu pour le stock Bénin - Nigeria - Cameroun

Les évaluations disponibles concernent donc deux des stocks les plus importants de la région. Les résultats relatifs à la Côte d’Ivoire découlent d’une étude exhaustive portant sur le cycle vital de l’espèce et menée de 1968 à 1975. Us doivent, de ce fait, être considérés comme fiables. L’analyse par le Groupe de travail des données récentes a conduit à, une rectification (-13 pour cent) du potentiel marin calculé par Garcia (1978).

En revanche, les données concernant le stock Bénin-Nigéria-Cameroun sont, pour diverses raisons, sujettes à caution:

- Nous avons traité globalement les données relatives à l’exploitation dans l’ensemble de ce vaste secteur dans lequel il existe plus d’un stock. Il est certain que l’exploitation des divers stocks unitaires situés dans ce secteur par les trois flottilles nationales s’est effectuée suivant un schéma qui a varié d’une année à l’autre de façon inconnue; les conséquences de ce fait sur l’évaluation sont difficiles à apprécier;

- La prise totale n’est pas connue avec précision et il est probable qu’elle est légèrement sous-estimée;

- La pue camerounaise a été utilisée comme indice d’abondance pour l’ensemble du stock, alors que l’activité de cette flottille n’est sans doute pas répartie de façon uniforme sur l’ensemble du secteur.

Les diverses évaluations obtenues avec les données dont le groupe disposait sont résumées dans le tableau suivant:

Pays

Prise (t) 75/76

Côte d’Ivoire

495

435

2 810

2 810

0,78

Ghana

(400 - 600)1

10

7

négligeable

?

Togo

(300 max)2

?

?

négligeable

?

Bénin
Nigeria
Cameroun

3340

3 240

12200

13 200

1,09

Guinée équat.

?

?

?

?

7

Gabon

(150 - 300)3

nulle

?

nul

?

Congo

négligeable

?

?

nul

7

Angola

négligeable

?

?

nul

?

TOTAL

4700 - 50003

?

?

?

?


1 Valable uniquement si les lagunes sont maintenues ouvertes sur la mer.

2 Evaluation indirecte par comparaison des aires - Valable en l’absence de pêche artisanale (peu vraisemblable),

3 Estimation grossière.

En conclusion, il apparaît que le stock de Côte d’Ivoire pourrait supporter une augmentation de l’effort de pêche de l’ordre de 20 pour cent. En revanche le stock du Bénin-Nigéria-Cameroun paraît pleinement exploité à l’heure actuelle. Cette conclusion est en contradiction avec celle du troisième Groupe de travail COPACE sur l’évaluation des ressources (Rome, février 1976) qui préconisait, sur l’examen des seules données du Nigéria, une flottille optimale de 100 bateaux. L’évaluation de l’effort optimum calculé par le groupe (12200 jours) correspond en fait à l’activité de 50 bateaux opérant chacun environ 245 jours de mer/an,


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