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9. ETAT DE STOCK DE S. AURITA


9.1 Etat actuel du stock
9.2 Gestion du stock et travaux nécessaires à l'aménagement de la pêcherie

Les objectifs du Groupe de travail ont été:

a) de déterminer l'état actuel du stock

b) d'envisager si nécessaire les mesures de gestion pour ce stock

c) de proposer un programme cohérent d'analyses des données recueillies et des recherches à mener dans le futur.

9.1 Etat actuel du stock

Le groupe a disposé pour mener ses travaux d'un certain nombre d'informations: prises par engin, efforts de pêche, mensurations, estimation de biomasse par écho-intégration, données d'océanographies physiques, statistiques concernant les autres espèces pélagiques côtières exploitées simultanément, abondance des oeufs et larves, etc. Un certain nombre d'informations importantes n'ont pu être traitées avant la réunion mais ont été recueillies: indices gonadosomatiques, prises et effort de pêche par mois, températures de surface et courants sur le plateau continental ivoiro-ghanéen. De l'ensemble des informations disponibles, il ressort que le stock semble avoir retrouvé actuellement un niveau d'abondance comparable à celui de la période ayant précédé son effondrement. En effet la prise de 51 000 t observée en 1978 dans des conditions d'upwelling proches de la moyenne, est en importance la deuxième prise annuelle de période 1963-1978.

Il semble donc que ce stock a manifesté une forte résilience et a pu tris rapidement (de 1976 à 1978) retrouver un niveau d'abondance comparable à celui des années antérieures. Cette remontée du stock est probablement inhérente aux caractéristiques biologiques de la reproduction du stock. Elle a pu en outre être favorisée par divers phénomènes.

Liés aux pêcheries

- Réduction significative de l'effort de pêche du Ghana par suite du report de l'effort de pêche sur d'autres espèces, et par diminution de l'effort de pèche global, liée à certains problèmes économiques des pêcheries;

- Réduction de l'effort de pêche des senneurs ivoiriens qui ne pèchent plus depuis 1972 au Ghana dans la zone de concentration principale de S. aurita.

Liés à l'environnement
- Succession de plusieurs années avec des eaux froides d'upwelling (1974 à 1978) et des salinités élevées (1973 à 1978), conditions qui semblent favorables à S. aurita (figure 8).

- Retour à un niveau apparent normal d'abondance du zooplancton (tableau 21, figure 8);

- Réduction de l'abondance des balistes. Bien que l'interaction entre balistes et S. aurita reste non élucidée, il demeure probable qu'une abondance excessive de balistes contribue à réduire la biomasse de S. aurita et réciproquement.

La persistance pendant 3 ans, de 1973 à 1976, de très faibles prises suivie de la remontée des prises et des prises par unités d'effort, à partir de fin 1976 permettent de considérer que:
- le stock était réellement descendu à un niveau très bas de 1973 à 1975. En effet l'upwelling durant cette période a été moyen ou fort assurant ainsi une bonne disponibilité du stock, et l'effort de pêche potentiel est resté significatif bien qu'ayant légèrement régressé;

- le même stock est rapidement remonté à un certain niveau de biomasse. Toutefois le niveau actuel atteint réellement par le stock demeure l'objet de discussions: la forte prise de 1978 ne constitue pas une preuve que le stock parental a atteint un niveau d'équilibre comparable à celui de la période 1963-1972, les variations de la capturabilité de ce stock demeurant largement inexpliquées: rappelons à ce sujet les captures anormalement élevées de 1972 par rapport à ce que laissait prévoir l'indice d'upwelling modéré au cours de cette même année. Les faibles captures de 1979 suggérées par les statistiques préliminaires semblent-t-elles toutefois, facilement explicables par un upwelling très faible (voisin de celui observé en 1968) pendant lequel le stock est habituellement très peu vulnérable aux engins de pêche, indépendamment de sa biomasse réelle (figure 8). Il est très probable que cette faible capturabilité aura pour conséquence positive de réduire la mortalité par pèche sur le stock, tant de juvéniles que d'adultes. En contrepartie, ce faible upwelling aura sans doute aussi des effets potentiels inconnus (positifs ou négatifs?) sur la ponte et sur la mortalité des larves en particulier.

Pour analyser l'état du stock, il est impossible d'utiliser les modèles classiques de dynamique des populations par suite des carences des données. L'analyse relative à l'état du stock devra donc se limiter à une synthèse compréhensive de tous les éléments disponibles et à la comparaison de ces résultats avec ceux obtenus pour d'autres stocks analogues. La forte fluctuation des prises, de 1 à 56 (1974 comparé à 1972), et la rapide récupération apparente du stock demeurent les faits majeurs de l'analyse. Des fluctuations similaires ont été observées pour plusieurs stocks de pélagiques côtiers durant la période récente. Seul, toutefois, le stock de Sardina melanosticta du Japon a montré une variabilité supérieure des prises (1 à 84).

9.2 Gestion du stock et travaux nécessaires à l'aménagement de la pêcherie

Nous avons vu que les prises exceptionnellement élevées de S. aurita observées en 1972 demeurent inexplicables par l'analyse de la durée et de l'intensité de l'upwelling. Il apparaît que cette prise élevée correspondait probablement à l'essentiel de la biomasse du stock, entraînant ainsi son effondrement. Il semble donc essentiel de mieux analyser les conditions du milieu durant l'année 1972 et de déterminer les paramètres de l'environnement ayant conduit à cet accroissement exceptionnel de la capturabilité du stock. Cette bonne compréhension est en effet indispensable pour tenter de prévenir, dans le futur, un pareil effondrement du stock. Le Groupe recommande donc que les données afférentes aux pêches (prises, efforts, structure de tailles des captures) et au milieu durant 1972 soient analysées selon une échelle spatio-temporelle fine (carré de un demi-degré et période d'une semaine par exemple) et comparées aux mêmes résultats pour quelques années antérieures (par exemple 1970 et 1971).

Il demeure que le stock de S. aurita semble appartenir à la catégorie des stocks biologiquement instables, probablement même en l'absence de pêcherie. Cette caractéristique majeure semble liée directement au fait que la reproduction de l'espèce semble n'avoir lieu que dans des conditions écologiques précises, conditions que les reproducteurs, les oeufs et larves pourront ne pas rencontrer certaines années (Fontana et Chardy, 1971; FAO, 1979d).

Les exemples de stocks de ce type suggèrent que l'effort de pêche exercé aura pour résultat d'accroître cette variabilité naturelle de leur biomasse. La variabilité de ces stocks semble donc être un phénomène inéluctable; elle est accentuée dans le cas de S. aurita, par les changements de vulnérabilité du stock liée à ceux des conditions de l'upwelling et probablement à d'autres conditions de milieu. Le Groupe de travail considérant la forte instabilité apparente du stock recommande que des recherches intégrées soient menées afin d'analyser le déterminisme de ces fluctuations d'abondance et de disponiblité. Il est probable que les variations du recrutement demeurent une source importante de ces fluctuations. Les recherches recommandées par le Groupe dans cette optique sont les suivantes:

- Estimation régulière de la biomasse du stock parental en particulier par écho-intégration;

- Estimation permanente de l'activité sexuelle de ce stock par l'analyse des indices gonadosomatiques et si possible de l'abondance des oeufs et des larves;

- Analyse des facteurs pouvant affecter la mortalité des larves, en particulier des courants de surface portant vers le large et des prédateurs potentiels des larves (contenus stomacaux) des espèces pélagiques situées dans la zone de distribution des larves.

S'il semble impossible de maîtriser cette variabilité biologique, il apparaît toutefois très souhaitable d'éviter que le stock ne descende à un niveau de biomasse excessivement réduit, tel que celui observé de 1973 à 1975. Le maintien de la biomasse à un niveau minimum doit permettre même dans des conditions défavorables:
- la continuité des captures de S. aurita à un niveau minimum;

- la régénération rapide du stock par le maintien du stock reproducteur à un niveau suffisant.

Une estimation fiable de la biomasse semble pouvoir être obtenue par écho-intégration principalement. Le Groupe recommande donc qu'une campagne soit réalisée chaque année, associée à des pèches de contrôle permettant une identification spécifique; la période la plus favorable semble se situer de mars à mai durant la période précédant l'upwelling et la saison de pêche, période pendant laquelle les sardinelles sont situées au-dessus des fonds de 50 à 100 m. Cette estimation de la biomasse permettait de déterminer si les captures durant la saison de pèche sont excessives en comparaison de la biomasse estimée. Pour être opérationnelle une telle procédure demanderait:
a) que l'écho-intégration puisse fournir une estimation non biaisée et suffisamment précise de la biomasse de S. aurita;

b) que les statistiques de pêche du Ghana et de la Côte-d'Ivoire soient traitées et fusionnées en temps réel afin de bien connaître en permanence le niveau des prises;

c) que des mesures politico-administratives puissent être prises en commun par la Côte-d'Ivoire, le Ghana et le Togo, pour limiter les prises de S. aurita si cela s'avérait nécessaire.

Le Groupe de travail considère toutefois que la limitation de l'effort de pêche des pêcheries artisanales par des moyens juridiques semble très difficile à envisager tant pour des causes sociales que techniques.

Le Groupe de travail considère qu'au minimum un chercheur expérimenté devrait, des que possible, analyser les données existantes, en suivant les recommandations précédentes et améliorer la collecte actuelle des données. Ce travail devrait être conduit sur une base sous-régionale entre la Côte-d'Ivoire, le Ghana et le Togo. L'affectation d'un chercheur expérimenté à plein temps sur ce sujet complexe ne semblant pouvoir être envisagée à moyen terme par les pays côtiers, le Groupe recommande que le Projet COPACE contacte un expert pour analyser ce problème pendant deux ans environ. Il a été noté que les arguments pouvant conduire à cette recommandation dépassent largement l'intérêt économique des trois pays de la région: en effet les études proposées peuvent apporter un jour nouveau sur la stabilité des stocks de pélagiques côtiers à capturabilité variable, ce qui constitue un problème au niveau mondial. Le Groupe a noté sur ce point que, du fait de l'échelle géographique réduite de la pêche et du stock, les recherches entreprises dans ce secteur pourraient peut-être se révéler plus rapidement fructueuses que dans d'autres pêcheries plus vastes et plus complexes.


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