Page précédente Table des matières Page suivante


9. METHODES ANALYTIQUES

Les analyses précédentes (CECAF/ECAF Séries 78/9, 1978, page 8) basées sur une analyse de rendement par recrues en fonction de la mortalité par la pêche indiquaient que les stocks de merlus blanc et sénégalais étaient surexploités par une pêcherie exerçant un effort trop important avec une maille de chalut trop petite (30–40 mm étirée). La surexploitation était plus importante pour le Merlu blanc (surtout Division 34.1.1) que pour le Merlu sénégalais (surtout Divisions 34.1.3 + 34.3.1). Ces analyses préliminaires avaient indiqué que des bénéfices importants seraient obtenus dans le cas du merlu si la maille utilisée passait de 40 mm à 60 mm et si l'effort était réduit. Des bénéfices faibles pouvaient être escomptés pour le Merlu sénégalais.

Le caractère provisoire des valeurs obtenues avait été souligné mais il y avait peu de doutes sur l'état général de surexploitation biologique du stock (surexploitation de croissance).

Les réunions suivantes mirent l'accent sur la nécessité de considérer la pêcherie de merlus et de crevettes profondes conjointement et en particulier d'évaluer les bénéfices éventuels des mesures d'aménagement en termes pondéraux et économiques, compte tenu de la taille plus petite mais de la valeur plus élevée des crevettes.

Il fut également recommandé qu'un effort important soit réalisé pour mettre en place un échantillonnage rigoureux des captures de merlus et de crevettes dans les ports importants.

TABLEAU X- Stock minimal et absolu de merlus (essentiellement M. senegalensis) en 1982–1983, en Mauritanie.
      S T O C K
     SURFACE D'UNMinimalAbsolu*
PERIODE  SURFACEPRISETRAIT DE CHANbBiomasseNbBiomasse
 BATEAUZONES       
D'OBSERVATION  PROSPECTEEMOYENNE (Kg)LUT (Mille2)(x 103)103 t.(x 103)103t.
Mars - 1982W. BarthCap. Blanc-Timiris1.10013,60,04-0,346--
 E. Haeckel        
  Timiris-Nouakchott1.30032,9--0,964--
  Nouakch.-St. Louis1.30066,0--1,960--
  Région3.700---3,270-13,08
Fevrier-1983W. BarthCap. Blanc-Timiris1.10080,50,046,3122,312--
 Eicbär        
 A. HumboldtTimiris-Nouakchott1.30068,3-6,5892,018--
Février Nouakch.-St. Louis1.30010,0-1,0020,296--
Février,         
Avril, Mai 83N'Diago20°36–18°26N1.70013,20,0192,1471,530--
  Région5.400--16,0505,85664,2023,42

* Calculé avec un coefficient de capturabilité de 0,25 selon Edwards (1968, référence non disponible).

BATEAUZONESTRATES (m)SURFACE DE LA STRATE (milles2)CPUE MOYENNE- (kg/h)SURFACE BALAYEE (/heure)BIOMASSE minimale (t.)
“Ibn Sina”36–33°N0–509682.640.0534648
  50–1001 30615.170.05346371
  100–2002 77713.130.05346682
  200–30057415.890.05346171
  300–40029610.18o.0534656
  4001 4905.320.05346148
  TOTAL   1 476

TABLEAU XI - Biomasses minimales de Merlus (essentiellement M. merluccius) au Maroc par strates bathymétriques.

Lors de la présente réunion des données détailées de captures par classe de taille furent apportées (voir tableau suivant) :

 M. merlucciusM. senegalensis
 34.1.134.1.3 + 34.3.1
MarocPort de Casablanca (chalutiers) juin 1982- juillet 1983.-
EspagneDébarquements totaux par engin (1982)Débarquements totaux par engin (1982)
PortugalNon disponibles (tonnage faible)Débarquements totaux
U R S SPas de pêchePas de données totales annuelles
MauritaniePas de pêchePas de données

Ces données ont permis de mettre à jour et compléter l'approche analytique réalisée lors de la première réunion.

9.1 Merluccius merluccius / Division 34.1.1

9.1.1 Analyses réalisées au niveau national

Une analyse détaillée des données de captures collectées au marché de Casablanca et des données obtenues lors des prospections scientifiques par chalutage (systématique, stratifié) a été présentée par l'ISPM de Casablanca (annexe 3).

Cette étude indique que la mortalité totale dans la zone Nord de la Division 34.1.1 est passée de 0,54–0,65 en 1973–76 à 0,65–0, 83 en 1982–83.

Elle indique également qu'en 1982–83 la mortalité totale est plus élevée au Nord (Z = 0,65–0,94) qu'au Sud (Z = 0,48–0,87).

L'intervalle des valeurs obtenues pour la mortalité totale provient du fait que cette dernière varie avec l'âge. L'étude montre que la mortalité par pêche passe par un maximum pour les poissons de petite taille.

L'analyse du rendement par recrue théorique en fonction de l'âge de première capture et de la mortalité par pêche a également été effectuée. Elle confirme les analyses citées précédemment car la mortalité par pêche et la taille de première capture actuelles sont trop élevées dans le Nord comme dans le Sud. La situation apparaît moins préoccupante dans le Sud en terme d'effort mais tout aussi préoccupante en terme de maillage et des gains substantiels seraient obtenus avec un accroissement sensible de la maille.

Il faut toutefois noter que la pêcherie de merlus blancs est très complexe et que l'interaction entre les divers types d'engins qui exploitent cette ressource est mal prise en compte par le modèle classique de rendement par recrue à F constant. Une analyse plus détaillée est donc encore nécessaire. Une approche possible est celle de l'analyse des vecteurs de capture par classe de taille par l'analyse des cohortes en longueur de Jones (1981).

9.1.2 Analyses réalisées en réunion

Le Groupe a comparé la distribution de fréquence (par tailles et par âge théoriques) des captures espagnoles (1982) et marocaines (juin 82-juillet 83) 1, (fig. 7 à 8). La figure 7 montre les différences entre les captures des différents engins de pêche espagnols. Les différences dans les schémas d'exploitation apparaissent clairement. Le recrutement paraît total vers 1, 2 ans (± 14 cm) pour le chalut de 40 mm. Il n'est en revanche total que vers 5–6 ans pour le chalut de 60 mm. Cet âge est de très loin supérieur à l'âge théorique de première capture correspondant à la maille utilisée (60 mm) et cela implique, si il n'y a pas de rejets, que la non accessibilité aux fonds côtiers est plus importante que le maillage dans la détermination du schéma d'exploitation de ces chalutiers. Cela implique également que si les zones et les profondeurs actuellement exploitées par ces chalutiers sont les mêmes que par le passé, le changement de maille pour ces bateaux, survenu en 1984, ne devrait pas avoir eu beaucoup d'effet.

1 Compte tenu de la durée de vie relativement longue du merlu, on suppose donc, faute de mieux, que ces 2 jeux de données sont compatibles.

Fig. 7

Fig. 7 - Comparison des courbes de capture partielles de M. merluccius par les chalutiers (40 et 60 mm de maille), les palangriers, et les filers maillants espagnols. Division 34.1.1 (1982).

La figure 8 permet de comparer la structure des captures marocaines au chalut (en supposant que le port de Casablanca est représentatif de l'ensemble de la pêche chalutière du Maroc) et les captures espagnoles totales. On note que les deux courbes présentent un maximum vers 1,25 ans. La pente plus élevée de la courbe marocaine est vraisemblablement le reflet de la chute rapide de la disponibilité des merlus de taille élevée dans la zone traditionnellement exploitée par le Maroc.

La figure 9 donne la courbe de capture totale obtenue en additionnant les captures de tous les pays et de tous les engins concernés. Les captures des palangriers marocains et leur structure, ne sont pas connues. Il en est de même pour celles de quelques palangriers portugais. Dans ce dernier cas, les informations disponibles (communication de Lima Dias) semblent indiquer que les captures de merlus sont faibles, les espèces cibles étant essentiellement les Sparidés et Plectorhyncus. La courbe de la figure 9 comporte donc un biais (faible ?) dû à une sousreprésentation des captures dans les grandes tailles. 2

a. Analyse des “pseudo-cohortes” par tailes (Jones 1981)

Le terme “pseudo-cohorte” est utilisé ici pour souligner le fait que les calculs ne portent pas sur une cohorte réelle mais sur une distribution de fréquence totale annuelle supposée stationnaire. Cela implique que les hypothèses de base sont que le niveau de recrutement et le régime d'exploitation sont restés constants pendant une durée égale à la durée de la vie de merlus dans la pêcherie (une structure de taille moyenne établie sur plusieurs années serait même préférable (Jones 1981, p. 20).

L'analyse a été réalisée sur l'ordinateur du Centre de Ténérife, les vecteurs de F/classe de taille sont donnés sur la figure 10. On note que F s'accroît entre 45 et 70 cm et surtout qu'il existe un maximum aigu et important sur les poissons de 12 à 18 cm, entre 1 et 2 ans (taux d'exploitation F/Z = 1,0 pour M = 0,25 et F/Z = 0,48 pour M = 0,40). Deux valeurs de M ont été utilisées, l'une de 0,25 dérivée de l'annexe 3 et l'autre de 0,40 pour observer l'effet d'une erreur substantielle éventuelle sur ce paramètre fondamental. Les courbes obtenues indiquent un premier maximum de mortalités par pêche dans les grandes tailles (dû à la combinaison des mortalités appliquées par les palangres, les filets maillants et les chaluts) ainsi qu'un second maximum très important et très aigu sur les poissons de petite taille dû à l'action conjointe des chaluts de 30–40 mm du Maroc et de 40 mm de l'Espagne.

Cette variation importante des valeurs de F par taille et par âge rend très peu précis les résultats des analyses des effets de changements de maillage réalisée précédemment sur la base d'hypothèse que ces derniers résultats infirment nettement.

2 Voir également autres sources de biais au paragraphe 9.1.2 a)

Fig. 8

Fig. 8 - Comparison des courbes de capture de M. merluccius par la flotte espagnole (total tous engins) et marocaine (chalut uniquement) - Division 34.1.1 (1982).

Fig. 9 - Courbe de capture totale de M. merluccius en 1982 dans la Divisions 34.1.1 (la capture des palangriers marocains manque)

Fig. 9

Fig. 10 - Vecteurs de F (base annuelle) en fonction de la taille pour M = 0,25 et M = 0,40. Trois valeurs de F/Z final ont été utilisées (pour L = 92 cm)

Fig. 10

b. Etablissement des vecteurs de F par classes de taille et par engins de pêche

Les vecteurs de mortalité par pêche F par classes de taille pour chaque engin de pêche peuvent être établis à partir du vecteur total et du pourcentage de la capture totale de cette classe de taille qui a été capturée par chaque engin séparément. Si i indique la classe de taille considérée et jl'engin de pêche, on peut ecrire:

Les résultats obtenus par cette méthode sont donnés sur la figure 11. Cette figure montre l'importante mortalité produite par la pêche marocaine sur les immatures (âge > 2 ans). La concentration des crevettiers espagnols sur les merlus de 1,5 à 4 ans, celle des chalutiers spécialisés sur le merlu sur les poissons de 5 à 9 ans, et celle des engins sélectifs, palangres et filets maillants sur les poissons les plus âgés.

c. Biais dans l'établissement des courbes de captures converties

L'utilisation des paramètres de l'équation classique de von Bertalanffy pour calculer l'âge théorique correspondant à chaque classe de taille et établir les courbes de captures converties (“length converted catch curves”, Pauly, 1983), pose des problèmes qui sont brièvement résumés dans l'annexe 6.

La conséquence est l'introduction d'un biais important et croissant dans la détermination de l'âge des classes de tailles élevée et l'apparition sur les figures 1 à 5 de poissons âgés de 10 à 18 ans dans les captures alors que l'on a rarement observé de poissons de plus de 10 ans.

En conséquence, les résultats de l'analyse doivent être considérés seulement comme illustratifs de la méthode.

Les schémas observés sont certainement corrects dans leur allure générale mais les valeurs absolues doivent être revues après correction de la relation longueur-âge.

Fig. 11

Fig. 11 - Vecteurs de F par classe de taille et par engin (base annuelle)

9.1.3 Analyse combinée des données de prospections et de capture (annexe 18)

Le Secrétariat a communiqué les résultats des travaux entrepris sur la base d'une comparaison entre prospections et données de capture telles que disponibles dans l'annexe 3. Il existe une grande similitude entre les vecteurs de F appliqués par les chalutiers marocains obtenus par cette analyse et par l'analyse plus compléte des captures de tous les pays réalisée dans les paragraphes antérieurs (fig. 12).

Fig. 12

Fig. 12 Comparaison des vecteurs de F par classes de tailles obtenues à partir de l'analyse des cohortes de Jones (A) et par comparaison des captures et des données de prospections (b) (pêche marocaine au chalut)

Les résultats contenus dans cette annexe sont provisoires car ils ont été obtenus à partir de données extraites graphiquement et non à partir des données numériques. En conclusion, les résultats obtenus doivent être vérifiés et utilisés dans des modèles de simulation (par classe de taille).

Ces analyses pourraient effectivement conduire à conclure qu'il pourrait y avoir un bénéfice substantiel, même pour la pêche marocaine dans sa structure actuelle, à protéger les poissons de petite taille (6–13 cm). La différence provient du fait que les vecteurs de la mortalité par pêche en fonction de l'âge (tels que déterminés dans l'annexe 18 et aux paragraphes précédents) sont très différents de ceux supposés dans l'utilisation des méthodes classiques.

Il est également possible que les gains totaux soient plus substantiels que prévus.

9.2 Merluccius senegalensis + M. polli/Divisions 34.1.3 + 34.3.1

Des données détaillées sur les structures de taille des captures espagnoles et portugaises étaient disponibles, élevées à la capture totale pour 1982. En revanche, le Groupe n'a pas pu disposer des données équivalentes pour la Mauritanie et l'URSS. Ces données manquantes étaient soit disponibles (dans le premier cas) soit inutilisables parce que trop partielles pour être élevées à la capture totale (second cas).

Dans le but d'acuérir malgré tout quelques informations sur ce stock, les données disponibles ont été traitées comme précédemment. La figure 13 montre la structure des captures espagnoles et portugaises. On peut noter que l'âge de plein recrutement est très similaire pour les deux pêcheries chalutières, qui utilisent des mailles voissines (tR, 100% = ± 3 ans). On peut noter que cet âge semble inférieur à celui observé pour M. merluccius qui était compris entre 4–5 ans (fig. 7). Le même décalage apparaît pour les filets maillants où l'âge de plein recrutement est de 6 ans pour Merluccius spp. et de 8 ans environ pour M. senegalensis.

On doit noter cependant que les tailles au plein recrutement (1R, 100%) sont en revanche très voisines pour un même engin dans les deux zones. Les différences résultent donc surtout des différences dans les respectives relations taille-âge des deux espèces.

Analyse des cohortes de Jones

Compte tenu de l'absence de données adéquates de la Mauritanie et de l'URSS et du fait que malgré qu'il s'agisse d'une pêche non dirigée le tonnage capturé est très loin d'être négligeable, l'analyse basée sur des donnés de captures partielles n'est pas correcte et les résultats en sont données ici (fig. 14 et 15) simplement pour illustrer l'allure générale des vecteurs et on remarque que la mortalité par pêche appliquée semble porter surtout sur les classes âgées. La mortalité paraît faible sur les classes jeunes (1–2 ans) importante dès l'âge de 4 ans (car M F dès cet âge) et elle s'accroit très rapidement jusqu'à 8 ans où elle atteint apparemment des niveaux très excessifs (F - 1,5 à 2/an soit F = M × 6–8).

Fig. 13 - Comparaison des courbes de capture (partielles) de (M. senegalensis + M. polli) par les espagnols et les portugais/ Div. (34.1.3 + 34.3.1)

Fig. 13

Cette analyse doit être reprise le plus rapidement possible avec des données satisfaisantes car sans relation utilisable entre CPUE et effort (cf. paragraphe 7.2) et sans données adéquates sur les tailles, il n'y a plus aucun moyen objectif de connaître l'état réel de cette ressource.

En particulier, les valeurs élevées de F pour les grandes tailles découlent du fait que les nombres capturés décroissent brutalement à partir de 6 ans. La pente de cette section de la courbe (en fonction de l'âge) est de -1,32 que l'on pourrait comparer avec celle de la distribution des captures de M. merluccius dans la Division 34.1.1 qui est de l'ordre de -0,50. On peut également noter que la pente est plus faible de 3 à 6 ans que de 6 à 10 ans. Il faut enfin remarquer que la partie de la courbe dont la pente est très élevée correspond à des merlus qui ont été recrutés de 1973 à 1976, pendant la période de fort accroissement des captures soviétiques (cf. paragraphe 7.2) et donc pendant une période de fort accroissement de la mortalité totale.

Le vecteur de F calculé pourrait donc être un artefact causé par le fait que l'hypothèse de l'existence d'une distribution stationnaire des tailles n'est pas justifiée parce que le recrutement s'est fortement accru ces dernières années, ou parce que la mortalité par pêche a très fortement diminué ces dernières années après la période de pêche intense de 1973 à 1976.

Compte tenu des problèmes rencontrés avec l'établissement d'un modèle de production pour ce stock, cette dernière hypothèse (forte instabilité de la ressource et de la pêcherie) ne doit pas étre négligée.


Page précédente Début de page Page suivante