1. Introduction

Table des matières - Précédente - Suivante

Les engagements contractés par les pays en développement au titre de leur dette extérieure sont universellement considérés comme l'un des principaux obstacles à leur essor économique et social et ont donné lieu à un flux important de capitaux des pays pauvres vers les pays riches. Ce phénomène a rétréci la disponibilité de deniers publics pour la protection de la base de ressources naturelles ainsi que les investissements dans le domaine social, contribuant ainsi à abaisser le niveau de vie de vastes couches de la population. Ces obligations représentent en outre une menace à la stabilité socio-politique intérieure de certains pays et contribuent parfois à détériorer les relations économiques internationales.

Les ressources naturelles, éléments clés d'un développement économique et social durable, ont essuyé les conséquences d'un certain type de développement et de la crise économique qui depuis 1980 frappe principalement les pays d'Amérique latine. Le service de la dette extérieure a contraint ces pays, qui sont pour la plupart producteurs de matières premières, à exercer une forte pression sur leurs ressources naturelles pour se procurer des devises supplémentaires. Ce mécanisme à accélérer le processus de dégradation de l'environnement et de détérioration de la base de ressources que d'autres facteurs avaient déjà enclenché en Amérique latine. Le fait que les pays développés accompagnaient et continuent d'accompagner leurs prêts de taux d'intérêt élevés tout en payant mal les matières premières, les rend moralement coresponsables de la forte pression que subissent actuellement les écosystèmes de la Région, et met en droit de demander aux pays créditeurs de collaborer à la solution de ces deux problèmes, à savoir l'importance de la dette extérieure et la dégradation de l'environnement en Amérique latine.

Face à une telle situation, divers organismes publics et organisations non gouvernementales, opérant dans le domaine de la protection des ressources naturelles, ont pensé à recourir à des idées et à des moyens innovateurs pour repérer des financements extérieurs. C'est ainsi que les idées de certains pays en développement ont pris forme avec l'appui et grâce à la création de nouvelles organisations opérant sans but lucratif au niveau local pour la conservation de l'environnement, comme par exemple des associations et des fondations, qui ont lancé des campagnes internationales pour recueillir des fonds, obtenant l'adhésion de certains Etats et organisations non gouvernementales d'envergure internationale.

L'ampleur des problèmes de l'environnement et l'expérience acquise pendant la période 1980-1985 en matière de collecte de fonds externes pour la défense du milieu, ont permis de réaliser que les ressources financières nécessaires pour protéger et aménager le patrimoine naturel étaient si importantes qu'il fallait proposer de nouvelles idées, inventer de nouveaux mécanismes de financement plus efficaces et durables, mais également moins tributaires des variations politiques et des crises financières auxquelles se heurtent les gouvernements.

C'est dans ce contexte qu'est venue en 1986, dans certains pays d'Amérique latine, l'idée de recourir au mécanisme d'échange dette/nature" (Debt-for-Nature Swap); trouvant ce mécanisme intéressant, diverses organisations américaines de défense des l'environnement ainsi que les gouvernements de certains pays européens, comme les Pays-Bas et la Suède, l'ont appuyé et en ont encouragé l'application.

Le programme de conversion de la dette extérieure en actions en faveur de la nature, qui de par ses limites ne représente pas une solution au problème de la dette, reste néanmoins l'un des moyens les plus innovateurs et efficaces de faire d'un problème financier l'occasion d'oeuvrer en faveur de la conservation, de l'aménagement durable des espaces naturels, du reboisement productif et de l'aménagement des forêts naturelles, et ce, d'une façon scientifique et plus productive.

Bien que la présente étude ne repose que sur les expériences d'un petit nombre de pays, ceux qui avaient procédé début 1990 à des conversions de la dette en actions en faveur de la nature, la diversité de ces expériences et les différents mécanismes opérationnels utilisés représentent toutefois une bonne illustration des possibilités offertes dans ce domaine.

Il faut souligner que les programmes de conversion de la dette doivent être considérés en termes d'impact sur l'environnement plutôt qu'en termes économiques bien que, de par sa nature même, ce mécanisme présente des occasions de bénéfices réciproques, en ce sens que les investissements en matière d'environnement s'accompagnent d'un allégement de la dette extérieure. Il ne faut donc pas perdre de vue que le principal mérite de ce mécanisme est d'offrir la possibilité d'investir pour la protection de l'environnement. Son principal inconvénient est par contre qu'il risque d'entraîner une poussée inflationiste, mais il s'agit là généralement d'un phénomène de faible ampleur, facile à contrôler.

Gérer le programme de conversion dans une optique à plus long terme, en finançant les politiques de conservation de l'environnement avec les revenus provenant d'intérêts, au lieu de procéder à des investissements ponctuels importants, permettra de réduire les risques d'inflation. De plus, les pourcentages de réduction de la dette étant relativement faibles par rapport au montant total de cette dernière, l'impact sur l'inflation est en général très limité. Cet effet est encore plus contenu lorsque l'allègement de la dette est exprimé en pourcentage du PIB, s'avérant alors négligeable.

Le suivi et l'évaluation des projets de conversion de la dette extérieure, dont le but est de déterminer si ces derniers ont bien atteint leurs objectifs, sont un autre aspect important de la question. Cette évaluation est indispensable pour corriger les erreurs et pouvoir tirer parti des expériences réussies en évitant de répéter les échecs.

Le véritable résultat du programme de conversion conduit actuellement par certains pays est qu'avec les dollars, qui étaient auparavant destinés à la banque internationale, on assure aujourd'hui la protection de divers espaces naturels, en reboisant, en protégeant la diversité biologique et en menant une action de sensibilisation à la nécessité de protéger l'environnement, afin de léguer aux générations futures de nos pays un potentiel de développement accru et une dette extérieure un peu moins lourde. Et ce, sans porter atteinte à la souveraineté nationale.

Le présent document s'efforce de retracer et de compléter le cadre conceptuel et d'illustrer les principales expériences conduites dans le monde entier en matière de conversion de la dette en actions en faveur de la nature, jusqu'au début de l'année 1990. Ainsi n'a-t-il été tenu compte ni des initiatives postérieures à cette date, ni des exemples de conversion de dette qui auraient pu ou pourraient concerner des domaines autres que celui de l'environnement: par exemple, la conversion de la dette à des fins éducatives, industrielles, scientifiques et technologiques, etc.

Il est important de souligner que, si le titre original du document parlait de protection des ressources forestières, il s'est toutefois avéré nécessaire d'élargir la portée du texte à la conservation des ressources naturelles en général, dont les forêts font partie. Ainsi a-t-il été possible de prendre en considération un plus grand nombre d'expériences, puisque l'un des aspects essentiels de la présente Etude était de mettre en lumière les mécanismes de conversion et leur flexibilité quant au type de bénéficiaires et aux diverses possibilités d'utilisation des ressources financières provenant de la conversion de la dette.

La prise en considération des opérations de conversion dont le but était d'assurer la protection d'espaces naturels en général, permet d'avoir une vue d'ensemble des diverses fonctions de la forêt, qui vont bien au-delà de la seule production de bois. Ces fonctions comprennent entre autres: la protection des sols et des eaux, du matériel génétique et du paysage.

L'initiative FAO de documenter les expériences de réduction de la dette extérieure au profit de la conservation des ressources naturelles sera sans aucun doute d'une grande utilité pour les pays en développement, ainsi que pour les organismes internationaux de coopération technique, les ONG nationales et internationales, les banques de développement et les pays développés. Le souhait que nous formulons est que ce document puisse servir de base pour développer et explorer de nouvelles possibilités de collaboration concernant la protection de l'environnement et l'exploitation durable de ses ressources, tout en améliorant les termes de la dette extérieure des pays en développement.


Table des matières - Précédente - Suivante