2. La dette extérieure des pays en développement

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2.1 Généralités
2.2 L'apparition du marché secondaire de la dette extérieure
2.3 L'idée de l'échange dette/nature
2.4 Modalités d'exécution d'un processus d'échange dette/nature
2.5 Avantages et inconvénients du processus d'échange

2.1 Généralités

Pendant les années 60, les pays en développement ont eu recours, pour financer la mise en place des infrastructures et couvrir le déficit de leur balance des paiements, aux crédits offerts par les organismes multilatéraux. Ces emprunts étaient caractérisés par un amortissement à long terme, allant de 25 à 40 ans, et par des taux d'intérêt fixes et peu élevés, de l'ordre 2 à 3 pour cent par an.

Au début des années 70, les banques privées commencèrent elles aussi à considérer les Etats souverains comme des clients potentiels pour leurs opérations de crédit. Le marché de l'argent et des capitaux s'est ainsi perfectionné et les crédits syndiqués ont fait leur apparition, c'est-à-dire que plusieurs banques privées s'associaient pour pouvoir accorder à un pays du tiers monde des prêts importants, supérieurs à leur capacité de prêt individuelle. Ces prêts étaient toutefois assortis de taux d'intérêt variables mais, grâce à ce mécanisme, les banques étaient à l'abri des risques relatifs à la variation du taux.

C'est une banque américaine, la Citibank, qui a été la première à décider de se lancer sur le marché financier des pays en développement. Son président, Walter Wriston, partait du principe qu'un pays ne ferait jamais faillite, parce que ses avoirs seraient toujours supérieurs à ses dettes. Cela a incité d'autres banques à se lancer sur ce nouveau marché, surtout lorsqu'en 1972 l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) releva sensiblement le prix du pétrole.

Les pays producteurs de pétrole déposèrent leurs recettes considérables auprès de banques privées occidentales, créant un flux de liquidités sans précèdent, qu'il s'agissait de prêter sans attendre pour ne pas laisser ces ressources financières improductives. Tandis que les principaux pays industrialisés adoptaient des politiques économiques récessives, les crédits, offerts à des conditions apparemment avantageuses, inondèrent le marché des pays en développement.

A cette époque, si les taux d'intérêt étaient relativement faibles, ils étaient toutefois directement liés aux variations du taux préférentiel de l'escompte du système bancaire américain (le "prime rate") ou du taux de marché des Eurodevises, et les délais de remboursement imposés par les banques privées étaient généralement courts, par rapport à ceux des banques internationales de développement. De leur côté, les pays qui s'endettaient, fort satisfaits du cours de leurs matières premières sur le marché international dans les années précédant les années quatre-vingt, calculaient sur cette base les remboursements de leurs dettes.

Avec l'augmentation du flux de crédits vers les pays en développement, la politique d'épargne nationale et les éventuels investissements étrangers directs ont été supplantés, aux fins du financement de la croissance économique, par une profusion de fonds prêtés. On considérait, à tort, que le flot de crédits extérieurs constituerait un facteur de développement.

A la fin des années 70, une série de facteurs ont contribué à déclencher ladite crise de la dette extérieure. La montée accélérée des prix internationaux du pétrole et la chute de celui des matières premières d'exportation dans les pays en développement, ont provoqué une grave détérioration des termes de l'échange. De plus, l'inflation enregistrée dans le monde industrialisé, qui, en augmentant le coût de l'argent, a réduit la circulation monétaire, a entraîné une remontée spectaculaire des taux d'intérêt appliqués aux prêts octroyés aux pays en développement au cours des années précédentes; l'intérêt réel des prêts s'est ainsi trouvé multiplié. Le graphique 2.1 ci-après met en évidence le lien existant entre la variation du taux préférentiel de l'escompte (prime rate) et celle du cours du pétrole sur le marché international.

Les pays débiteurs assistèrent ainsi à l'effondrement du cours de leurs matières premières et, par voie de conséquence, au fléchissement de leurs entrées. La hausse des taux d'intérêt entraîna l'augmentation des charges du service de leurs dettes; toutefois, la situation économique empira lorsque deux facteurs négatifs vinrent s'ajouter aux précédents: la contraction des investissements intérieurs et la remontée de l'inflation, qui provoquèrent la dévaluation des monnaies au niveau local.

C'est en Amérique latine, la région la plus endettée du tiers monde, que les effets de ce déséquilibre se sont manifestés avec le plus de vigueur. Selon l'estimation la plus récente (1989), la dette totale de la Région s'élève à 419 milliards de dollars E.-U.2 Les résultats négatifs ne se sont pas faits attendre: ne serait-ce qu'entre 1982 et 1985, les investissements régionaux ont reculé de 40 pour cent et sont restés stagnants depuis, sauf dans quelques rares cas. Ce phénomène a eu des répercussions sur le niveau de vie et, dans certains pays, les indicateurs socio-économiques montrent un recul de 10 ans. Comme l'indique le graphique suivant, les paiements effectués au titre du service de la dette sont restés constants tandis que la dette extérieure de l'Amérique latine augmentait.

Grafique 2.1. Evolution du cours du petrole et du taux préférentiel de l'escompte

Sous l'effet combiné de tous ces facteurs négatifs, il s'est avéré impossible pour ces pays d'assurer le paiement de leurs obligations. C'est ainsi que le Mexique, en 1982, a été le premier pays à se déclarer dans l'incapacité de continuer à rembourser ses dettes. Dans les années suivantes, d'autres pays décidèrent eux aussi d'interrompre les remboursements du principal, certains même déclarant le moratoire des intérêts.

Au début des années 80, les pays débiteurs entreprirent de renégocier avec les banques le paiement de leurs dettes. Il s'agissait d'obtenir de nouveaux crédits pour financer les intérêts et les obligations échues, ce qui voulait dire accumuler de nouvelles dettes sans pour autant résoudre le problème dans son intégralité.

Le tableau suivant illustre la situation critique dans laquelle se trouvaient en 1988 les 12 nations les plus endettées d'Amérique latine:

Grafique 2.2. La dette extérieure de l'Amerique Latine par rapport au service de la dette

TABLEAU 2.1. SITUATION DES PAYS LES PLUS ENDETTES LATINE EN 1988

PAYS DETTE TOTALE
(milliards de $ E.-U.)
DETTE TOTALE
en % du PIB en % des exportations
ARGENTINE 55 430 69,4 490,2
BOLIVIE 5 457 129,4 756,9
BRESIL 116 538 35,3 332,4
CHILI 19 412 103,7 246,6
COLOMBIE 17 412 43,4 251,5
COSTA RICA 4 696 117,2 285,1
EQUATEUR 10 652 97,7 367,9
JAMAIQUE 3 945 141,9 186,9
MEXIQUE 101 642 57,4 316,3
PEROU 18 227 119,7 520,3
URUGUAY 4 040 50,9 222,6
VENEZUELA 34 982 73,4 281,6
TOTAL 393 91    

Source: Banque mondiale - 1989

2.2 L'apparition du marché secondaire de la dette extérieure

A partir de 1982, considérant la décision prise par le Mexique, commentée plus haut, les petites banques régionales des Etats-Unis, qui avaient pris part à l'octroi de crédits internationaux, se mirent à chercher un moyen de se libérer des titres de dette dont le processus de renégociation s'avérait sans fin. Aussi, pour se débarrasser de ce type de créances difficilement recouvrables, décidèrent-elles de les vendre à un prix bien inférieur au nominal.

Une des premières solutions adoptées fut de troquer la dette contre une autre dette. Plusieurs banques échangèrent ainsi la dette d'un pays contre celle d'un autre pays. Leur but était d'équilibrer leurs créances et, dans certains cas, de tirer avantage de certaines législations fiscales.

Un autre des mécanismes utilisés fut de vendre la dette à des spéculateurs dont l'expoir était d'en tirer des bénéfices importants lorsque le pays débiteur sortirait de ce "passage" financier difficile.

C'est ainsi qu'a fait son apparition un marché secondaire, non officiel, où la dette extérieure de la plupart des pays en développement est cotée au dessous de sa valeur nominale.

Le tableau ci-après illustre les difficultés de paiement auxquelles se heurtent la plupart des pays débiteurs. La cotation de la dette en pourcentage de sa valeur nominale reflète le degré de confiance de la banque internationale quant au recouvrement des crédits, à une date donnée.

TABLEAU 2.2 COTATION DE LA DETTE EXTERIEURE DE CERTAINS PAYS LATINO-AMERICAINS (en % de la valeur nominale)

PERIODE ARGENTINE BOLIVIE COSTA RICA EQUATEUR REP. DOM.
1986 67 10 37 68 42
1987 32 13 16 32 19
1988 18 13 14 10 18
1989 15 15 13 10 21
1990 15 11 24 12 25

Source: Tiré et adapté de la revue IDR, 1989

Les espérances de recouvrement peuvent varier considérablement d'une période à l'autre, selon l'évolution de la situation économique et en fonction de la demande de rachat des titres, et donc de la réduction de la dette. Le cas du Costa Rica est à cet égard significatif: si en mars 1987, sa dette était cotée à environ 37 cents pour chaque dollar dû, en mars 1989 le prix des titres n'était plus que de 12,5 cents pour un dollar; par contre, en 1990, leur prix avait quasiment doublé par rapport à l'année précédente. La cotation des dettes de certains pays comme l'Argentine et l'Equateur a enregistré une chute vertigineuse à partir de 1987, sans qu'à ce jour la tendance se soit modifiée. Début 1990, le prix de la dette extérieure totale de l'Amérique latine était inférieur de 20 pour cent en moyenne à sa valeur nominale.

2.3 L'idée de l'échange dette/nature

En octobre 1984, M. Tom Lovejoy, qui travaillait alors avec le Fonds mondial pour la nature (WWF), proposa de tirer parti de la crise de la dette extérieure en en profitant pour tenter de résoudre les problèmes de l'environnement. La conversion des titres de la dette extérieure en projets d'investissement dans les pays débiteurs permettrait aux nations désireuses de protéger leurs ressources naturelles de bénéficier d'un abattement de leurs dettes.

Certains pays latino-américains ne tardèrent pas à mettre ce principe en pratique et les dons de diverses organisations internationales furent utilisés pour acquérir des titres de la dette extérieure à un prix réduit, pour les convertir en investissements en monnaie nationale. Ces investissements sont en général effectués sous forme d'obligations à moyen terme placées sous tutelle, servant des intérêts intéressants, généralement proches du taux du marché. Les revenus sont destinés à des programmes de protection et de développement durable des ressources naturelles.

2.4 Modalités d'exécution d'un processus d'échange dette/nature

Puisque le mécanisme de conversion de la dette extérieure en actions en faveur de la nature est sur le point d'être étendu à de nouveaux pays, il convient d'en étudier le fonctionnement. Pour ce faire, on prendra en exemple l'expérience du Costa Rica; néanmoins le mécanisme appliqué dans d'autres pays d'Amérique latine, d'Afrique et du Pacifique Sud est similaire, quoique quelque peu modifié.

Dans un cas hypothétique tiré et adapté du document de Sevilla et Umana (1989), le mécanisme fonctionne de la façon suivante:

a. Une institution ou organisation nationale (publique ou non gouvernementale) de défense de l'environnement, souhaitant tirer profit d'un échange de dette extérieure, prend contact avec une ou plusieurs organisations internationales ou avec des représentants de gouvernements amis disposés à soutenir financièrement, pour un montant déterminé, l'exécution dans le pays de certaines opérations de protection de l'environnement, présentant un intérêt mutuel. La ou les organisations internationales obtiennent ou dégagent les fonds nécessaires pour l'acquisition d'une fraction de la dette sur le marché secondaire, à un prix inférieur à la valeur nominale. De son côté, l'institution ou l'organisation nationale de défense de l'environnement demande par écrit à l'autorité financière responsable, à la Banque centrale par exemple, avec l'aval de l'institution nationale responsable des ressources naturelles, d'approuver le montant demandé. Ce processus peut également avoir pour point de départ par exemple le centre d'intérêt spécifique d'une organisation non gouvernementale internationale (comme la défense de la tortue marine, la conservation de la forêt tropicale, la protection de la diversité génétique, etc.) souhaitant conduire dans un pays déterminé un projet pour lequel elle dispose de fonds; celle-ci se met alors en contact avec une ONG nationale. Ensemble, elles mettent alors au point un projet d'intérêt commun qui, à son tour, doit s'avérer intéressant pour le gouvernement afin que tant l'institution responsable des ressources naturelles que la Banque centrale soient disposées à engager des fonds publics dans le processus de conversion.

b. Si la demande est approuvée, la Banque centrale en informe l'institution ou l'organisation de défense de l'environnement et dicte les conditions de la transaction, c'est-à-dire:

i. Le montant en valeur nominale qui pourra être échangé et l'objectif de l'opération.
ii. L'origine des donateurs. Il est clairement spécifié qu'il doit s'agir d'organisations internationales oeuvrant dans le domaine de la protection des ressources naturelles.
iii. Les caractéristiques des titres de la dette extérieure à acquérir sur le marché secondaire.
iv. Les caractéristiques des obligations émises en monnaie nationale, entre autres le taux de change adopté pour l'opération, la durée des obligations et le taux d'intérêt annuel que celles-ci rapporteront.

c. La Banque centrale stipule que les ressources financières provenant de l'échange doivent être déposées auprès d'une banque nationale intermédiaire qui en assurera la gestion; un accord entre les parties devra être signé à cet effet. De son côté, elle fixe les délais maximums pou la réalisation de l'opération de conversion.

d. Une fois les règles locales établies, l'organisation nationale de défense de l'environnement communique aux organisations internationales que leurs dons peuvent être destinés à la conversion de dette approuvée par la Banque centrale.

e. Les organisations internationales acquièrent sur le marché secondaire, par le truchement d'un agent financier international, les titres de la dette extérieure pour un montant inférieur a montant autorisé en valeur nominale.

f. Les organisations internationales offrent ensuite les titres à l'organisation nationale de défense de l'environnement qui les remet à son tour à la banque intermédiaire nationale désignée pour procéder à l'opération de conversion avec la Banque centrale.

g. La Banque centrale, ou la banque intermédiaire désignée, échange les titres de la dette extérieure en obligations en monnaie nationale, dans les conditions indiquées au point b) et les placent dans un fonds sous tutelle au nom de l'organisation nationale de défense de l'environnement.

h. Enfin, sur la base des priorités définies par l'autorité gouvernementale responsable des ressources naturelles, l'organisation nationale prépare les budgets et affecte les ressources financières aux projets de conservation.

La Figure 2.1 ci-après illustre le mécanisme de la première conversion de la dette à des fins écologiques, qui s'est déroulée au Costa Rica, et met bien en évidence le flux des ressources, de et vers les diverses organisations.

D'une façon similaire, après adaptation du mécanisme aux conditions nationales, plusieurs pays en développement ont ainsi pu, à partir de fin 1986, racheter des titres escomptés sans toutefois compromettre leur souveraineté.

Au début de la présente étude, quatre pays latino-américains (Bolivie, Costa Rica, Equateur et République dominicaine), un pays africain (Madagascar) et un pays d'Asie (Philippines) avaient déjà procédé à des échanges de titres de leur dette extérieure contre des actions de protection et de conservation du patrimoine naturel. Toutes ces opérations ont pour commun dénominateur les variables suivantes: l'origine des titres de la dette extérieure et les caractéristiques des donateurs extérieurs, la participation d'une institution ou d'une organisation nationale de défense de l'environnement que ce soit en tant que gestionnaire de l'opération ou que contrepartie, le contrôle et l'approbation préalable des projets par l'autorité nationale responsable des ressources naturelles, l'approbation de la principale autorité financière du pays, la participation d'une ou de plusieurs ONG nationales à la gestion des fonds, et enfin la désignation de la banque intermédiaire locale dépositaire des obligations et des intérêts produits en monnaie nationale.

2.5 Avantages et inconvénients du processus d'échange

Les opérations de conversion de dette présentent toute une série d'avantages, aussi bien pour le pays débiteur que pour le donateur international. Pour le pays débiteur, les avantages de ces opérations sont notamment les suivants:

a. Réduire le montant de la dette extérieure.
b. Encourager les dons internationaux en élargissant les possibilités d'investissement dans le secteur des ressources naturelles, y compris pour des activités de conservation et de développement durable.
c. Remplacer les engagements en devises par des engagements intérieurs en monnaie nationale, ce qui permet au pays débiteur de redresser sa balance des paiements.
d. Faciliter l'afflux de liquidité intérieure dans un secteur souvent négligé par l'État.
e. Renforcer les institutions publiques et les organisations privées oeuvrant pour la conservation des ressources naturelles.
f. Assurer, grâce à l'émission d'obligations à amortissement différé, le financement de projets comportant des délais de réalisation à moyen et à long terme.

Figure 2.1 La première conversion de dette Costa Rica

Parmi les avantages qu'en tire le donateur international, on peut souligner:

a. S'il est important, l'escompte aux titres de la dette sur le marché secondaire renforce la capacité de négociation du donateur.
b. Grâce à l'effet multiplicateur de la valeur nominale du montant que produit la conversion en monnaie nationale, le donateur a des possibilités d'investissement accrues en matière de protection des ressources naturelles du pays débiteur.
c. Grâce à la participation conjointe du donateur, du gouvernement et des organisations nationales de défense de l'environnement, la coopération internationale avec le pays débiteur peut être renforcée sans porter atteinte à sa souveraineté nationale.
d. La pression exercée et l'incertitude qui caractérise les paiements des pays en développement au titre du service de la dette, s'en trouveront allégées, dans la mesure où les ressources allouées, de par leur nature même, représentent pour la société un facteur de bien-être futur.

Soulignons que ces opérations présentent également des avantages pour les banques créditrices qui, en vendant les titres de la dette, bien qu'à un prix inférieur, ont ainsi la possibilité de se défaire d'un crédit vis-à-vis d'un pays débiteur considéré comme à risque ou avec lequel il ne convient pas d'entretenir des rapports financiers á long terme.

D'autre part, il faut signaler l'existence de certains inconvénients ou effets néfastes potentiels, à savoir:

a. La conversion de la dette extérieure en actifs intérieurs pourrait perturber la situation du marché monétaire, surtout si les opérations de conversion sont effectuées en espèces ou sous formes d'investissements liquides à court terme. Les conversions de dette doivent être compatibles avec les objectifs nationaux fixés pour limiter l'inflation et renforcer les plans de développement national.

b. Sur le plan financier, si la Banque centrale du pays débiteur émet des bons en monnaie nationale, négociables sur le marché des titres, il pourra y avoir saturation lorsque les organisations locales placeront les titres au rabais pour obtenir les capitaux nécessaires au financement de leurs programmes de défense de l'environnement. Cette opération risque également d'entraîner une hausse des taux d'intérêt.

c. Si les organisations non gouvernementales de défense de l'environnement qui participent à la conversion, sont autorisées à se procurer des devises fortes dans le pays pour l'achat des titres de la dette extérieure, du point de vue de la balance des paiements, les avantages que le pays tirerait du paiement du service de la dette seront perdus. Si ces organisations ont recours pour ce faire au marché hors banque, l'augmentation de la demande de devises pourrait entraîner des pressions au niveau du change.

Il ne faut pas oublier que les conversions signifient le paiement anticipé d'une dette renégociée et le renoncement à toute possibilité de procéder à de nouvelles renégociations avec les créanciers étrangers.

d. Le mécanisme oblige les pays qui ont décrété un moratoire dans le paiement du principal et des intérêts, à augmenter leurs dépenses publiques. Dans ce cas, sous l'effet du moratoire, l'état n'aura effectué aucun décaissement au titre de la dette.

e. Enfin, il reste la question de la souveraineté nationale, soulevée par les secteurs opposés aux conversions de dette dans les pays où l'expérience a été réalisée; et là, tout dépend de la façon dont le processus de conversion est négocié et conduit.

Les faits ont montré que lorsque l'on a appliqué les normes existantes et des mécanismes de négociation adéquats entre les bénéficiaires et les organismes participant, basés sur les lois de souveraineté nationale, les fonds ont été destinés à des projets placés sous le contrôle du pays. De même, les terres achetées par l'intermédiaire d'une organisation non gouvernementale, à des fins écologiques, passent à l'État qui en est le seul administrateur autorisé. Dans le cas des projets forestiers, les fonds approuvés sont en général confiés aux organisations bénéficiaires qui en assurent la gestion, tandis que le gouvernement continue d'exercer son contrôle.

D'autre part, la plupart des accords de conversion de la dette à des fins écologiques, ont en commun le fait qu'ils sont mis en application conjointement par les organisations de défense de l'environnement et les gouvernements respectifs. La participation du secteur public constitue une garantie pour les donateurs internationaux et l'intervention de l'État sur les problèmes concernant la dégradation de l'environnement et la crise de la dette extérieure témoigne de l'existence d'une volonté nationale de trouver une solution appropriée à ces problèmes. De la même façon, les organisations non gouvernementales représentent une garantie aussi bien pour le pays débiteur que pour le donateur international, puisque leurs programmes et leurs activités ne sont pas tributaires des aléas politiques et électoraux.

Enfin, l'application de ces mécanismes dans des pays différents s'avère si complexe qu'elle requiert la participation et la coopération des gouvernements, des banques et des organisations privées nationales et étrangères, sans but lucratif. Il faut souligner que le contexte du mécanisme de conversion de la dette extérieure en actions en faveur de la nature varie d'un pays à l'autre, selon l'attitude de la banque internationale, les possibilités d'aide extérieure, et l'intérêt politique et les priorités des gouvernements.


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