4. Les pays industrialises et les conversions de dette

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Il convient de signaler, en raison de son importance et sa pertinence avec le présent ouvrage, l'intérêt que présente ce mécanisme de conversion de dette pour les pays industrialisés.

D'un côté, la croissance de l'économie, l'industrialisation, le développement de la science et de la technologie, et l'augmentation rapide de la population, ont contribué d'une façon ou d'une autre à la dégradation de l'environnement sur l'ensemble de la planète. Le monde industrialisé a pris conscience de la nécessité de préserver l'équilibre écologique de la Terre, ébranlé notamment par la diminution de l'ozone atmosphérique sous l'effet de la pollution, l'augmentation du dioxyde de carbone et autres substances chimiques dans l'atmosphère, facteurs susceptibles de donner lieu à des changements climatiques au niveau mondial, à l'élévation du niveau des mers et à la détérioration de la diversité biologique. Les multiples menaces qui pèsent sur le métabolisme de la biosphère et de ses écosystèmes sont de mieux en mieux connues et sont prises au sérieux dans le monde entier.

Toutefois, la menace la plus sérieuse, qui constitue un sujet de préoccupation même pour les pays industrialisés, est la destruction accélérée des forêts tropicales, qui se trouvent pour la plupart dans les pays en développement. Ces forêts renferment prés des deux tiers de la flore et de la faune du monde entier. Chaque seconde, c'est l'équivalent d'un terrain de foot de forêt tropicale qui disparaît, et avec elle la quasi-totalité des organismes vivants qui la peuplent.

De leur côté, les pays en développement ont fait savoir à la communauté internationale que les pressions économiques auxquelles ils sont soumis ont contraint leurs populations rurales à adopter des modèles d'exploitation destructeurs de biomasse (forêts, marais et pâturages naturels). Ce mode d'exploitation accélère la destruction écologique et accentue les tendances au changement climatique, réduisant ainsi les possibilités de développement des générations futures.

La mise en place d'aides économiques appropriées en faveur des pays en développement pourrait ralentir sensiblement le processus de déboisement et favoriser la reproduction de la biomasse sur une échelle globale. Ces pays pourraient ainsi enclencher un processus de développement durable, sans pénaliser injustement les couches les plus démunies de la population.

Dans cette optique, les mécanismes- de conversion de la dette représentent pour les pays développés une occasion unique de favoriser la conservation et le développement des ressources naturelles dans les pays endettés, ce qui constitue une façon de contribuer à résoudre, ne serait-ce que partiellement, le problème de l'endettement et celui de la crise de l'environnement.

Dans le cadre de diverses réunions internationales, tenues notamment aux Etats-Unis, quatre variantes du mécanisme de conversion de la dette en actions en faveur de la nature ont été proposées:

a. Conversion par les banques centrales de titres de la dette en espèces ou en obligations en monnaie nationale, à investir dans des projets relatifs à l'environnement.
b. Donation de titres de la dette à une organisation écologiste locale pour l'exécution de programmes relatifs à l'environnement.
c. Achat de titres de la dette de la part d'une organisation écologiste et vente avec escompte à une entreprise nationale pour des investissements sains dans le domaine de l'environnement.
d. Allégement de la dette, en appui à la gestion de l'environnement.

Les pays développés compris qu'avec les revenus tirés de la conversion de la dette, les pays débiteurs pourraient:

* Identifier des sites prioritaires pour ce qui concerne la protection et l'aménagement des forêts tropicales, et autres habitats à risque.
* Assurer la protection et l'aménagement des sites, et créer notamment des activités économiques durables dans ces zones vitales.
* Mettre en place des réseaux de coordination de la recherche et de l'information pour orienter les efforts en matière de conservation, évaluer les activités de développement et éviter de coûteuses catastrophes écologiques.

Les fonds en monnaie nationale permettraient de développer des projets alliant exploitation économique des ressources naturelles et conservation, par exemple:

* Aménagement des bassins pour prévenir les inondations et pour assurer des réserves d'eau permanentes pour la consommation humaine, les utilisations hydroélectriques, commerciales et agricoles.
* Reboisement pour obtenir le bois nécessaire à l'industrie, le bois d'oeuvre et le bois de feu, et réduire ainsi la pression exercée sur les forêts naturelles.
* Développement du tourisme écologique: la mise en place d'équipements et d'infrastructures constitue une source d'emplois, de revenus et de devises.
* Education et formation en matière d'environnement.

Par ailleurs, divers groupes de défense de l'environnement et certains membres du Congrès des Etats-Unis cherchent actuellement à obtenir de la Banque mondiale une prise de position favorable à ces conversions. Si le projet de loi présenté dans ce but devait être approuvé, il s'agirait d'obtenir l'accord de cette dernière sur le lancement d'un programme pilote qui permettrait aux nations endettées de suspendre, pendant quelques années, le remboursement des sommes dues à la Banque mondiale, contre des actions en faveur de l'environnement. Le projet de loi diffère des plans de la Bolivie et du Costa Rica en ceci qu'il demande la suspension, et non l'annulation, de la dette extérieure d'un pays vis-à-vis de la Banque mondiale, pour que ce dernier puisse effectuer des investissements plus importants dans le domaine des ressources naturelles.

Plusieurs propositions législatives, sur lesquelles le Congrès des Etats-Unis se penche actuellement, prévoient la création d'un intermédiaire financier international, chargé de racheter la dette des pays en développement, soit avec un escompte, soit en la plaçant sur le marché secondaire.

Si les pays développés joignent les gestes à la parole, une telle opération permettrait de dégager des sommes considérables, pour la conservation des ressources forestières et la protection de leur diversité biologique.

Les bénéfices seraient répartis entre les pays en développement; la banque commerciale internationale dont les crédits augmenteraient de valeur; et les organisations multilatérales de développement, pour contribuer à endiguer la perte des forêts tropicales, tout en améliorant les perspectives économiques des pays en développement fortement endettés.


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