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Aménagement de la faune sauvage


Pour une gestion durable de la faune sauvage: Le cas africain


Pour une gestion durable de la faune sauvage: Le cas africain

S.S. Ajayi

L'auteur est professeur au Département de la gestion de la faune et des pêches, Université d'Ibadan, Ibadan, Nigeria.

Cette étude a pour objet de décrire l'appauvrissement de la faune africaine et d'exposer brièvement quelques mesures positives de gestion durable. Pour illustrer cet appauvrissement, quelques exemples: le nombre des éléphants en Afrique est tombé de 10 millions (il y a 500 ans) à tout juste 700 000 aujourd'hui. Celui des rhinocéros est passé de 50 000 en 1976 à 14 800 en 1978, et il n'en restait que 3 500 en 1989. Le braconnage et la chasse sont les raisons principales de cet état de choses. La faune peut être exploitée économiquement de deux façons: par une valorisation à des fins de consommation - viande, trophées, gibier d'élevage, et par une valorisation à des fins récréatives - tourisme et activités de loisirs. Les mesures prises pour l'aménagement durable de la faune africaine sont négatives, ou positives. Parmi les mesures de caractère négatif, notons l'interdiction de la chasse de subsistance aux communautés locales par l'application de lois restrictives, l'expulsion des populations hors de leurs zones ancestrales de peuplement, la rupture brutale d'attaches culturelles, la prohibition de tout usage et commercialisation du gibier, avec, pour seul résultat, la hausse du prix des animaux, entre autres des rhinocéros et des éléphants, et l'accroissement du risque de braconnage. Parmi les mesures positives, on compte l'utilisation intégrée de la faune avec la participation des communautés locales, la valorisation diversifiée dans le cadre d'un aménagement durable - tourisme cynégétique et chasse sportive, vision, élevages mixtes d'espèces sauvages et domestiques, introduction d'espèces sauvages sur des parcours marginaux comme forme d'utilisation du sol, et domestication.

LE PATRIMOINE FAUNISTIQUE DE L'AFRIQUE ET SON APPAUVRISSEMENT

L'Afrique a la faune la plus abondante de tous les continents (Bigalke, 1964). Selon Nweya (FAO, 1990a), cette ressource constitue une partie intégrante de sa vie culturelle et économique. En 1989, la Banque mondiale évaluait à 20 797 441 m2 les habitats de la faune africaine.

Aujourd'hui, la faune africaine est une ressource en déclin. La Banque mondiale (1990) estime que de nombreuses espèces autrefois abondantes ont aujourd'hui disparu ou sont gravement menacées d'extinction. Selon la Banque, les habitats des animaux sauvages ont été réduits de 65 pour cent, au profit de la culture et de l'élevage, ou par suite de la surexploitation du bois de feu. Des pressions croissantes s'exercent sur le reste du fait de l'accroissement rapide de la population, et de l'état critique des économies nationales. Le rétrécissement des habitats est l'une des plus grandes menaces qui pèsent sur la faune sauvage africaine.

Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN, 1989), la chasse est à l'origine de l'extinction ou de la raréfaction de nombreuses espèces d'animaux sauvages. Le commerce de l'ivoire a réduit considérablement le nombre des éléphants: on en comptait 10 millions environ il y a 500 ans, ils sont 700 000 aujourd'hui, et le massacre continue à un rythme d'environ 10 pour cent par an. Par ailleurs, selon Simmons et Kreuter (1989), les rhinocéros sont passés de 50 000 en 1976 à 14 800 en 1978, 8 800 en 1984 et 3 500 seulement sur toute l'étendue du continent africain en 1989.

Milligan et Ajayi (1978) ont découvert que la biomasse des grands herbivores dans les 11 parcs nationaux d'Afrique occidentale peut varier considérablement, de 214 kg/km2 à Comoe (Côte d'Ivoire) à 4 032 kg/km2 (Saint-Flogis en République centrafricaine). Ces chiffres sont bien au-dessous de la capacité de charge virtuelle des habitats. Ces auteurs attribuent les basses densités de population: i) à la dégradation des habitats des animaux sauvages, ii) aux taux élevés de mortalité provoqués par la surexploitation cynégétique, de nombreux terrains de chasse ancestraux ayant été officiellement transformés en forêts ou en réserves de gibier où la chasse est interdite.

TABLEAU 1. Importance économique du gibier dans cinq pays de l'Afrique de l'Ouest

Pays

Consommation moyenne annuelle de protéines animales provenant de la chasse

Source

Population (millions)

Cameroun

70-80 % parmi les populations des forêts denses du sud

Allô (corn. personnelle, 1979)

7,5 (1978)

Côte d'Ivoire

70 % parmi les populations rurales des forêts denses tropicales du sud avant l'interdiction de la chasse en 1974

Asibey (1978)

6,0 (1978)

Ghana

73 % pour tout le pays

Asibey (1978)

10,3 (1974)

Libéria

80-90 % pour tout le pays

Woods (com. personnelle, 1979)

2,0(1978)

Nigeria

20 % parmi les populations rurales des forêts denses du sud

Charter (1970)

8,0 (1973)

La législation en vigueur dans la plupart des pays africains témoigne du déclin la faune en Afrique. Selon la Convention d'Alger de l'Organisation de l'unité africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (1968), les animaux qui doivent faire l'objet de dispositions juridiques sont classés en trois catégories: 1) ceux qui appartiennent à une espèce menacée et doivent être protégés intégralement, 2) ceux qui n'appartiennent pas à une espèce menacée et vulnérable, mais ne peuvent être chassés que dans des circonstances exceptionnelles, 3) ceux dont le statut est satisfaisant et la chasse autorisée moyennant permis. Toutefois, dans son étude sur l'utilisation des mammifères forestiers en Afrique de l'Ouest, Ajayi (FAO, 1979) a montré qu'on pouvait dresser une liste considérable d'espèces menacées dont il n'était pas fait état officiellement et qui n'étaient pas strictement protégées par la loi. Selon ce rapport, la liste des mammifères menacés d'extinction en Afrique de l'Ouest aujourd'hui devrait comprendre, pour s'approcher de la réalité: 10 espèces de primates, une espèce de proboscidiens, cinq espèces d'artiodactyles, 23 espèces de carnivores, deux espèces de rongeurs et trois de pholidotes.

Ayeni (1977) a montré que la déplétion des populations animales au Nigeria peut être attribuée au braconnage. Interrogés, les nombreux braconniers arrêtés dans les zones protégées ont déclaré qu'ils chassaient principalement pour la viande et pour l'argent, le braconnage étant considéré comme une activité plus lucrative que la culture. Ils s'étaient mis à braconner pour lutter contre la famine et contre la pauvreté endémique dans les communautés locales. Une législation peu rigoureuse, qui se contente de condamner les braconniers reconnus coupables à une amende symbolique, contribue également à aggraver les choses.

L'appauvrissement de la faune africaine exige des mesures urgentes, réalistes et efficaces, intégrant nécessairement la cause profonde du braconnage qui sévit de façon constante parmi les communautés villageoises.

EXPLOITATION DE LA FAUNE

A des fins de consommation

Viande. Utilisation du gibier par les populations rurales. La faune sauvage est une source très importante de viande, en particulier dans les régions boisées de l'Afrique de l'Ouest où la mouche tsé-tsé rend l'élevage problématique. Le tableau 1 montre l'importance économique des mammifères forestiers dans cinq pays africains et indique le pourcentage moyen annuel de consommation de protéines animales par les habitants. Dans tous ces pays, le gibier, sous l'appellation de viande de brousse, constitue de 20 à 90 pour cent des protéines animales consommées. Au Libéria, la proportion est de 80 à 90 pour cent.

Au Ghana, on estime que sur les 15,22 g de protéines consommés quotidiennement, 1,75 provient de la chasse, et 1,64 de l'élevage. Le reste est d'origine végétale ou provient de la pêche (Asibey, 1978).

Au Nigeria, Charter (1970) a calculé que 617 tonnes de viande de brousse ont été consommées au cours de l'exercice financier 1965-1966, contre 714 tonnes de viande de bœuf pendant la même période. La viande de brousse a atteint une valeur totale de 20,4 millions de dollars EU pendant cette période, contre 34 millions pour la viande d'élevage. Selon Charter, 19 pour cent des aliments produits dans le pays provenaient du gibier, 21 pour cent de l'élevage et 60 pour cent de la pêche. Il en a conclu que les Nigériens, particulièrement dans les régions méridionales, tirent davantage de protéines des ressources naturelles que de l'agriculture.

En Afrique du Sud, Von Richter (1970) a constaté que près de 60 pour cent des protéines animales consommées par les habitants des zones rurales du Botswana provenaient du gibier. Bigakle (1964) a également constaté que 5 à 10 pour cent de la consommation totale de viande dans certaines localités de Rhodésie (aujourd'hui Zimbabwe et Zambie) provenaient de la chasse.

Valeur de la carcasse. Malgré cette utilisation intensive du gibier dans l'alimentation en Afrique, on en sait moins sur la carcasse et sa valeur nutritive que pour les animaux domestiques. Si l'on excepte les travaux de Asibey et autres (1975), Tewe et Ajayi (1977), Ajayi et Tewe (1978), Tewe et Ajayi (1979), il existe peu de publications traitant des qualités nutritives comparées des mammifères sauvages et domestiques en Afrique de l'Ouest. Le tableau 2 présente les valeurs comparées, en pourcentage, des carcasses de certaines espèces domestiques telles que le porc, le mouton, le bœuf, le lapin, avec celles de quelques rongeurs sauvages comme l'aulacode et le rat géant d'Afrique. En valeur de carcasse, les espèces sauvages de rongeurs soutiennent bien la comparaison avec les lapins et autres animaux domestiques.

Valeur nutritive. Le tableau 3 compare les valeurs nutritives (graisse, protéine et hydrates de carbone) de mammifères des forets d'Afrique de l'Ouest et d'animaux domestiques. Les animaux domestiques sont en général moins riches en protéines et hydrates de carbone que leurs homologues sauvages: les taux d'hydrates de carbone varient de 1,1 pour cent chez le potamochère rouge à 6,0 pour cent chez la genette des forêts, et de 0,8 pour cent chez le porc et le bœuf à 1,3 pour cent chez le mouton, dans un environnement similaire. De même, les taux de protéines varient de 16,1 pour cent chez le daman des arbres à 55,4 pour cent chez la genette des forêts, tandis qu'ils tombent à 11,2 pour cent chez le porc et 19,6 pour cent chez le bœuf. Ces résultats toutefois sont encore insuffisants. Pour conclure à une valeur nutritive du gibier plus forte que celle des animaux domestiques, il convient de poursuivre les recherches sur un plus grand nombre d'espèces animales, sur leur composition et sur les acides aminés qui participent à la structure de leurs protéines.

TABLEAU 2. Rendement de carcasse comparé de mammifères sauvages et domestiques en Afrique de l'Ouest

Espèces animales

Rendement de carcasse
(%)

Lapin domestique

51,4

Bœuf

38,8

Porc

74,8

Mouton

49,3

Chèvre naine des forêts

50,6

Aulacode

63,8

Rat géant d'Afrique

51,6

Trophées. La vulnérabilité des éléphants et des rhinocéros procède sans conteste de leur énorme valeur financière. Le prix des défenses d'éléphant en Afrique orientale est passé de 5 dollars EU le kilo en 1969, à 68 dollars EU en 1978 et 180 dollars EU en 1989 (Simmons et Kreuter, 1989). La peau d'éléphant vaut aussi cher que l'ivoire: elle sert à faire des bottes, des porte-feuilles et autres objets. La valeur d'un éléphant, viande non comprise, atteint ainsi environ 4 000 dollars. Les cornes de rhinocéros servent à faire des manches de poignard et, pulvérisées, des aphrodisiaques. En 1989, les cornes de rhinocéros coûtaient 16 000 dollars/kg. Le poids d'une corne moyenne étant environ de 5 kg, chaque rhinocéros, viande non comprise, valait alors environ 80 000 dollars.

Elevages de gibier. Des élevages extensifs de gibier et des élevages mixtes d'espèces sauvages et domestiques existent en Afrique australe depuis une trentaine d'années et sont de bon rapport. Au Transvaal, en 1964, il y avait environ 4 000 fermes d'élevage de gibier, produisant plus de 3 500 kg de viande par an. Aujourd'hui ces élevages rapportent environ 35 millions de dollars EU par an.

Ces dernières années, la chasse au trophée en Afrique du Sud a considérablement augmenté. Les élevages sont généralement de petite taille, environ 3 000 ha - mais les safaris, dans cette partie de l'Afrique, constituent environ 47 pour cent du marché africain.

En Namibie également, l'élevage du gibier s'est rapidement développé au cours des 35 dernières années. Depuis 1967, date à laquelle le législateur a concédé aux propriétaires fonciers la pleine propriété de la faune, et autorisé l'affermage des droits de chasse, le nombre des ranches spécialisés est passé de 52 en 1976 à 411 en 1979. D'où une augmentation de la plupart des populations animales de 30 pour cent. Au début des années 80, quatre exploitations privées ont lancé des programmes de culture qui leur ont permis d'exporter de la viande vers l'Europe pour une valeur de 2,1 millions de dollars EU. La chasse sportive a rapporté 1,2 million de dollars et les exportations d'animaux vivants 600 000 dollars.

L'élevage extensif de gibier (en ranch) connaît donc une croissance rapide, en raison surtout des usages multiples de la faune, et des droits quasi absolus dont jouissent les propriétaires sur la ressource.

A des fins récréatives - tourisme

Le développement du tourisme auquel la faune sert de support est devenu la pierre angulaire des économies de certains pays d'Afrique australe et orientale. Ajayi (1972) a constaté par exemple que ce type d'activité touristique a rapporté quelque 30 millions de dollars à l'économie du Kenya en 1971.

TABLEAU 3. Composition et teneur en minéraux de quelques espèces de mammifères sauvages et domestiques

Animaux

Liquides

Protéines

Graisse

Hydrates de carbone

(grammes)

MAMMIFÈRES SAUVAGES





Rongeurs





Rat géant d'Afrique
(Cricetomys gambianus)

65,9

18,9

11,0

3,9

Aulacode
(Thryonomys swinderianus)

65,8

20,7

0,7

0,5

#77,4

#26,2

#7,4

1,0

69,7

18,8

8,9

1,2

Daman des arbres
(Dendrohyrax arborens)

78,7

16,1

2,9

1,9

Primates





Singe vert
(Cercopithecus aethiops)

80,3

17,6

1,3

1,1

Proboscidiens





Eléphant (peau)
(Loxodonta africana cyclotis)

49,4

29,2

19,7

1,7

Carnivores





Mangouste ichneumon
(Herpestes naso)

72,7

18,8

1,9

3,3

Genette des forêts
(Genetta pardina)

31,8

55,4

9,3

6,0

Suidae





Potamochère rouge
(Potamochoerus aethiops)

70,1
#72,4

23,8
#27,2

1,6
#2,7

1,1
#1,1

Artiodactyles





Antilope royale
(Neotragus pigmaeus)

45,1

40,6

10,7

3,3

Céphalophe de Grimm
(Sylvicapra grimmia)

74,5

23,4

0,9

1,2

74,6

20,8

3,4

1,2

Guib harnaché
(Tragelaphus scriptus)

59,9

33,4

2,0

4,0

47,6

40,9

12,2

3,7

ANIMAUX DOMESTIQUES





Bœuf

+73,8

+19,6

+12,0

+1,0

+54,7

+16,5

+28,0

+0,8

Mouton

+78,5

+17,2

+2,9

+1,0

+62,4

+16,8

+19,4

+1,3

Porc

+64,8

+19,4

+13,4

+0,8

+41,1

+11,2

+49,0

+0,6

Note: Les valeurs approximatives sont exprimées en g/100 grammes et les minéraux en mg/100 grammes de tissus comestibles frais.

Sources: + Tewe et Ajayi (1977); # Ajayi et Tewe (1979): et Asibey et Eyeson (1975). Les chiffres sans symboles: Ajayi (1979).

Dans les pays de la Conférence de coordination du développement de l'Afrique australe (SADCC), on estime que l'exploitation de la faune à des fins touristiques pourrait produire un revenu annuel d'environ 250 millions de dollars, chiffre considéré comme très inférieur au potentiel réel de l'Afrique australe (FAO, 1990b). Outre sa valeur financière, le tourisme s'intéressant à la faune présente de nombreux avantages en tant que mode d'utilisation de la terre: les animaux n'étant pas consommés, chaque population peut être utilisée à plusieurs reprises; s'agissant de safaris organisés ou de tourisme de vision, le «produit vendu» n'est pas l'animal lui-même mais l'expérience de la chasse ou de la vision de l'animal dans son habitat naturel.

L'exploitation à des fins récréatives de la faune est en outre écologiquement durable. Dans ce secteur, accroître le revenu tiré de la faune n'implique pas d'augmenter le nombre des animaux mais celui des touristes et des participants aux safaris et, avec eux, le montant des recettes qu'apportent les taxes afférentes.

Intérêt économique comparé de l'élevage de gibier et de bovins dans les systèmes d'exploitation des terres

On doit à Child (1988) de nombreuses études comparatives de la production de bovins et de gibier au Zimbabwe, avec ou sans prise en compte des coûts de protection de l'environnement (tableaux 4 et 5 respectivement). Ces études montrent que l'élevage du gibier est de loin le plus profitable. Quand on prend en compte les effets de la production sur l'environnement, plusieurs des élevages de bovins apparaissent carrément déficitaires.

Matetsi est un bon exemple des bénéfices issus de la conversion d'un élevage de bovins en entreprise de tourisme cynégétique. En 1973, les éleveurs de bovins ont été expropriés et la zone classée pour la chasse (safari). Matetsi est désormais peuplée d'espèces nombreuses et diverses et produit un bénéfice net de 5 dollars EU/ha. Qui plus est, cet aménagement de la faune a considérablement valorisé la terre.

Valeurs comparées des deux types d'exploitation de la faune, à des fins de consommation et à des fins récréatives

En 1989, la Banque mondiale a effectué une étude comparée des différents types d'exploitation de la faune, à des fins de consommation et à des fins récréatives, en Tanzanie, au Zimbabwe et au Kenya. Le résultat montre que le tourisme est de loin l'entreprise la plus lucrative (tableau 6). Il rapporte en moyenne annuelle environ 1 500 dollars EU par hectare dans des zones de forte densité telles que le Parc national d'Amboseli au Kenya, et 250 dollars EU par hectare dans une zone telle que le Parc national Manyara en Tanzanie. Vient ensuite la chasse sportive au Zimbabwe. L'utilisation communautaire intégrée de la faune rapporte un montant global de 2 dollars EU par hectare, dont 50 pour cent revient aux communautés locales du Zimbabwe.

TABLEAU 4. Etudes de cas portant sur des élevages de bovins et de gibier au Zimbabwe: évaluations des bénéfices avec prise en compte des coûts de protection de l'environnement

Ranch

Gibier
(dollars EU/ha)

Bovins
(dollars EU/ha)

Ranch Buffalo

4,90-6,21

-8

Ranch Rosslyn

5,29

0

Région de Matetsi

4,18-8,93

-1,18

Zone de safari de Matetsi

5,14-11,54

0

Note: Les montants sont indiqués en dollars du Zimbabwe au cours de 1 dollar Z = 0,72 dollar EU.

Source: Child, 1988.

TABLEAU 5. Etudes de cas portant sur des élevages de bovins et de gibier au Zimbabwe: évaluations des bénéfices sans prise en compte des coûts de protection de l'environnement

Ranch

Gibier
(cents/kg)

Bovins
(cents/kg)

Ranch Buffalo

13-18

-4

Ranch Iwaba

17-25

7-10

Région de Midland

17

7

Région de Lowveld

32

7

Ranch Nuanetsi (Lowveld)

2,6

1,7

Note: les montants sont indiqués en dollars du Zimbabwe au cours de 1 dollar Z = 0,72 dollar EU.

Source: Child, 1988.

POUR UN AMÉNAGEMENT DURABLE DE LA FAUNE AFRICAINE: MESURES NÉGATIVES D'ATTÉNUATION DES DÉGÂTS ÉCOLOGIQUES

Gestion de la faune par la spoliation des communautés locales: une solution problématique

Au cours du XIXe siècle et pendant la première partie du XXe, la plupart des pays africains ont été colonisés par les Européens. De vastes superficies où abondaient ressources naturelles et faune sauvage ont été alors acquises par l'Etat et mises en réserve à des fins de «conservation». C'est ainsi que, dans de nombreuses parties de l'Afrique, des zones où la faune se trouvait être relativement dense sont devenues la propriété des autorités coloniales. Les communautés rurales, propriétaires traditionnels des ressources naturelles, ont été alors expulsées par la force de leurs territoires ancestraux, et spoliées de cette faune qui leur avait appartenu (FAO, 1990b; 1990e; 1990d).

TABLEAU 6

Valeurs comparées des différents types d'exploitation de la faune en Afrique australe de l'Est

Exploitation de la faune

Caractéristiques

Profit
(dollars EU/ha)

Tourisme (fins purement récréatives)

Forte intensité, Tanzanie (Manyara)

250

Forte intensité, Kenya (Amboseli)

1500

Intensité moyenne, Tanzanie (Serengeti)

8-18

Faible intensité, Tanzanie (Ruaha)

0,10

Chasse (safari) (légère consommation)

Chasse sportive, Tanzanie

0,9

Chasse sportive, Zimbabwe (Matetsi)

5-10

Chasse sportive, Zimbabwe (ranches)

3-6

Utilisation intégrée de la faune par les communautés locales sur des terres marginales (à des fins de consommation et récréatives)

Agriculture, Zimbabwe

0

Chasse à tir, safari et tourisme, Zimbabwe:



· Revenu total

2


· Part allant aux communautés locales

1

Pour ce faire, on instaura une législation répressive, au mépris des chefferies et des communautés locales, et sans le moindre respect pour les valeurs traditionnelles et culturelles. Cette façon de concevoir la conservation de la nature a eu des effets désastreux: elle frappa en plein cœur des coutumes et traditions séculaires qui faisaient partie intégrante de l'existence de l'Afrique. Selon Mwenya (FAO, 1990), elle disloqua la philosophie holistique qui sous-tend toute la vie africaine. Cette privation fut ressentie par les populations rurales les plus proches de la faune comme une grave injustice, au point de les pousser au braconnage. Les gouvernements coloniaux et post-coloniaux ripostèrent par des campagnes musclées, de caractère militaire.

On peut résumer les problèmes issus de ces méthodes d'aménagement de la façon suivante:

· Les communautés locales ont pratiquement perdu l'accès aux ressources naturelles, la faune en particulier, et aux réserves forestières. Ce sont elles pourtant qui payent le plus fort tribut à la conservation des ressources si l'on considère la spoliation de terres dont elles ont été victimes, les occasions d'exploitation perdues, et les dommages causés aux cultures par la faune, source supplémentaire de privations.

· Les communautés africaines entretenaient des liens culturels et traditionnels forts avec leurs ressources naturelles. Les politiques de conservation ont en partie tranché ces liens. Les communautés rurales n'ont pratiquement pas été associées aux prises de décisions dans ce domaine, ni aux bénéfices qui en découlaient.

· Les communautés voisines des zones de conservation classées sont toujours sous-développées, puisque les gains provenant de l'exploitation des ressources naturelles ne sont pas retransmis à la base. En conséquence, ces zones isolées ne bénéficient quasiment pas de services sociaux et sont victimes d'un chômage important.

· Toute interaction entre la communauté et la faune ou les autres ressources naturelles est considérée comme illégale dans le cadre de la législation répressive existante. Le braconnage continue donc de sévir, intensivement.

Interdiction totale d'utilisation et de commercialisation

Pour protéger les éléphants et les rhinocéros menacés, une des méthodes employées aujourd'hui en Afrique est l'interdiction totale d'exploitation de ces deux espèces, afin de stopper le commerce de l'ivoire et des cornes de rhinocéros. En Afrique orientale et centrale, ce commerce est à l'origine de la destruction de 56 à 78 pour cent des populations d'éléphants, principalement par braconnage. D'après Simmons et Kreuter (1989), cette méthode de conservation démontre la justesse de la théorie économique selon laquelle aucune mesure officielle de prohibition ne peut jamais supprimer complètement la demande. L'interdiction absolue a produit les trois résultats suivants: les prix de l'ivoire et de la corne de rhinocéros, se sont envolés, les individus en mesure d'échapper à la surveillance, en premier lieu les agents de l'Etat, se sont adjugés la maîtrise du marché autrefois légal, et la ressource a fini par disparaître.

Notons d'ailleurs que les crédits alloués par les Etats à la surveillance des zones protégées ont toujours été si maigres que les chances d'attraper les braconniers sont minimes. Les garde-chasse sont mal équipés, mal payés et dispersés sur des zones trop grandes. D'ailleurs, malgré les interdits, le braconnage reste une activité si lucrative qu'il constitue une incitation à laquelle les agents de l'Etat chargés de la protection eux-mêmes ne résistent pas: ce sont parfois eux les pires malfaiteurs. Ce mode d'aménagement a échoué: i) parce que, au lieu d'en confier la gestion aux communautés locales voisines, la protection de la faune dans les zones protégées a été placée à tort entre «les mains des officiels», et ii) parce qu'il n'apporte aucune réponse aux problèmes fondamentaux, à savoir la famine, la misère et le chômage, qui sont, d'après Ayeni (1977) les causes profondes du braconnage.

POUR UN AMÉNAGEMENT DURABLE DE LA FAUNE AFRICAINE: MESURES POSITIVES D'ATTÉNUATION DES DÉGÂTS CAUSÉS À L'ENVIRONNEMENT

Exploitation intégrée de la faune avec la participation des communautés locales

Presque tous les pays africains ex-coloniaux sont passés par les expériences décrites ci-dessus quand ils ont cherché à préserver ce qu'il leur restait de ressources naturelles et de faune. Cependant, la plupart des Etats de l'Afrique australe savent désormais qu'aucun aménagement constructif des ressources naturelles et de la faune ne peut être réalisé sans participation active des communautés locales aux prises de décisions et aux bénéfices financiers qui en découlent.

Ainsi, des programmes communautaires intégrés de conservation de la ressource ont été élaborés dans trois pays d'Afrique australe: le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe, pour littéralement redonner à leurs «propriétaires» les ressources dont ils avaient été dépossédés, de façon à en confier la garde, l'exploitation et la gestion aux communautés locales (FAO, 1990b; 1990e; 1990d). C'est là l'origine du Game Harvesting Project (Projet pour l'exploitation du gibier) au Botswana; du LIRDP (Projet de développement rural intégré de Luangwa); de l'ADMADE en Zambie (Plan d'aménagement administratif); du CAMPFIRE au Zimbabwe (Programme d'aménagement communautaire régional des ressources indigènes). Cette doctrine basée sur la participation des communautés locales à la gestion de la faune est donc désormais considérée en Afrique comme le fondement de tout projet moderne d'aménagement. Elle a permis de résoudre la plupart des problèmes sociopolitiques qui se posaient, et de réduire le braconnage à un strict minimum dans de nombreuses régions d'Afrique.

Ces projets intégrés d'utilisation de la faune ont pour but de créer des revenus et des emplois. En attribuant la responsabilité de la conservation des ressources aux communautés locales, ils ont également amélioré la protection de la faune par la réduction sensible du braconnage, l'augmentation des populations animales et la régénération des habitats.

Quasi-propriété et commercialisation de la faune. En juin 1989, un rapport du Groupe d'étude sur le commerce de l'ivoire (ITRG) a montre que le vrai responsable de l'effondrement du nombre des éléphants africains n'est ni la réduction des habitats, ni la poussée démographique, mais bien le commerce de l'ivoire. La réaction immédiate de certains pays de l'Afrique de l'Est a été de prohiber ce commerce sous toutes ses formes. De son côté, la Communauté européenne a interdit toutes les importations d'ivoire.

Les pays de l'Afrique de l'Est ont également demandé au Secrétariat de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) d'inscrire les éléphants sur la liste de l'Annexe I, ce qui équivaut à l'interdiction totale du commerce de l'ivoire et des peaux. Jusqu'ici, l'éléphant d'Afrique était classé dans l'Annexe II, qui autorise la chasse selon des critères et quotas fixés par la CITES.

Aujourd'hui, à la notion d'interdiction totale on préfère celle de conservation par l'utilisation. Cette nouvelle méthode, pratiquée au Zimbabwe, au Malawi, au Botswana, en Zambie et en Afrique du Sud, permet l'abattage des éléphants dans un contexte écologiquement contrôlé, au rythme de 5 pour cent par an sur des terres appartenant à des propriétaires privés, aux communautés ou à l'Etat. Elle inclut également la vente de safaris (chasse à tir et photographie) aux touristes étrangers. Cette stratégie débouche donc sur une commercialisation à grande échelle des éléphants.

Grâce à cette exploitation en quasi-propriété et ces stratégies participatives, le nombre d'éléphants remonte désormais au Zimbabwe, au Malawi, en Zambie, au Botswana, en Namibie et en Afrique du Sud, c'est-à-dire dans les pays qui ont décidé de refuser l'interdiction.

Sous le régime de l'interdiction à des fins de conservation, le nombre de rhinocéros blancs, espèce pourtant inscrite sur la liste de l'Annexe I, était tombé, en 1960, de 1 500 à 20 dans cinq pays (Simmons et Kreuter, 1989). Au contraire, en Afrique du Sud, où ils étaient exploités à des fins commerciales sur des élevages privés, dans des parcs et des réserves, ces animaux avaient vu leur population multipliée par 10 pendant la même période.

Il est donc clair que pour sauver l'éléphant africain et le rhinocéros et en assurer la conservation, la solution n'est pas l'interdiction intégrale du commerce de l'ivoire et de la corne de rhinocéros. A condition d'être placée sous un contrôle strict, l'exploitation des éléphants et des autres espèces de grande valeur en quasi-propriété, et leur commercialisation avec la participation des communautés locales ont donné de meilleurs résultats. Notons cependant que les succès enregistrés dans les pays d'Afrique australe peuvent être partiellement attribués aux compétences techniques et aux moyens accordés aux programmes d'utilisation de la faune.

Usages multiples pour un aménagement durable de la faune

Les avantages de la faune considérée comme une forme durable et économiquement rentable d'utilisation de la terre sont particulièrement visibles dans un système polyvalent d'exploitation qui cumule fonctions récréatives, esthétiques, nutritives et scientifiques. Un système de ce type où se superposent ces usages divers rend l'aménagement de la faune plus compétitif par rapport aux autres modes d'exploitation de la terre.

L'essentiel est que ce système polyvalent d'exploitation de la faune offre une base de diversification économique. Il est pratiqué dans plusieurs pays d'Afrique australe, notamment au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Dans ces pays, les parcs, ranches et élevages de gibier sont soit consacrés uniquement aux espèces sauvages, soit regroupent animaux sauvages et domestiques en y ajoutant des activités agricoles. La faune est utilisée de diverses façons, soit pour la production durable de viande, soit pour les trophées vendus à des prix élevés, ce qui permet d'encaisser des redevances de permis. De fait, l'utilisation la plus lucrative de la faune en Afrique australe est actuellement le tourisme cynégétique. La valorisation de la terre est ainsi assurée par une triple exploitation de la faune: un tiers, production de viande, donc à des fins de consommation, un second tiers, production de trophées, donc à des fins de semi-consommation, et un dernier tiers à des fins récréatives.

Outre l'utilisation polyvalente de la faune elle-même, les pays d'Afrique australe pratiquent également à grande échelle l'exploitation polyvalente des parcours. Lorsque les taux de charge sont modérés, la concurrence entre les herbivores sauvages et domestiques est pratiquement inexistante, de sorte que les animaux sauvages peuvent être ajoutés à peu de frais au bétail sur le territoire des ranches. En fait, les opérations combinées d'élevage des deux catégories d'herbivores est la forme la plus fréquente d'exploitation de la faune aujourd'hui en Afrique australe. Dans ce genre d'entreprises mixtes, la faune s'est révélée plus avantageuse que les animaux domestiques et la poursuite d'élevages traditionnels de bovins n'est pas économiquement justifiée.

La faune comme mode d'utilisation de la terre sur les parcours marginaux d'Afrique

L'étendue des terres marginales en Afrique. On qualifie de «terres marginales» les terres dont l'utilisation est limitée par des facteurs physiques, écologiques ou économiques. Le sens varie donc de région à région, et peut même changer au fur et à mesure que les conditions économiques évoluent.

Par facteurs physiques et écologiques, on entend d'ordinaire le climat (caractérisé en Afrique par une insuffisance des précipitations), la chaleur excessive, la pauvreté, le lessivage et l'érosion des sols. Des facteurs édaphiques tels que les accidents de terrain sont également caractéristiques des terres marginales; de même les bas rendements, qui ne peuvent être améliorés que par des apports en argent et travail souvent disproportionnés par rapport aux profits escomptés. Les terres marginales sont donc des zones impropres à la culture. Leur productivité dépend des choix judicieux des modes d'exploitation. En 1990, la Banque mondiale a divisé l'Afrique en quatre grandes régions écologiques, selon les précipitations moyennes annuelles:

· Déserts et semi-déserts: 300 mm/an
· Parcours semi-arides: 300-700 mm/an
· Savane cultivable: 700-1 500 mm/an
· Forêt tropicale dense: 1 500 mm/an

La répartition des terres en Afrique selon le type d'utilisation qui en est fait est la suivante: 8,5 pour cent sont en culture, 24 pour cent sont boisées, 9,5 pour cent sont en pâturages permanents, 48 pour cent échappent aux classifications.

Selon Talbot et al. (1965), 45,5 pour cent des terres sont «marginales» ou semi-arides offrant peu de potentiel de mise en culture sans irrigation, et 22 pour cent forment des zones de semi-désert de peu de valeur. Talbot a estimé (1965) qu'au moins 30 pour cent du continent africain est impropre à la culture. La Banque mondiale (1990) soutient de son côté que la superficie émergée totale de l'Afrique est constituée pour les deux tiers de parcours semi-arides.

Toujours selon la Banque mondiale (1990), ces zones semi-arides sont difficiles à aménager durablement pour l'élevage ou la culture, et, dans de nombreux cas, la limite maximale de rendement des parcours pour la production de viande a déjà été atteinte ou même dépassée, avec pour conséquence la détérioration de l'environnement.

Production de viande sur les parcours: rendement comparé de la faune sauvage et des espèces domestiques. On a beaucoup écrit sur les avantages relatifs de la faune sauvage en tant que forme durable d'utilisation de la terre et source de viande dans les régions semi-arides d'Afrique. Des études d'environnement ont été citées pour démontrer que les espèces sauvages indigènes utilisent les ressources des parcours (rendement primaire) plus efficacement que les espèces domestiques importées et que l'écosystème peut soutenir durablement une biomasse totale d'espèces sauvages plus grande. On a ainsi démontré que:

· Les espèces animales sauvages vivent en communautés multispécifiques capables d'utiliser la végétation des parcours plus complètement et plus efficacement que le bétail généralement élevé en monoculture ou en communautés peu diversifiées.

· Les divers herbivores vivant sur les parcours sont physiologiquement adaptés à l'utilisation efficace de leurs aliments spécifiques.

· Les espèces sauvages sont généralement mieux adaptées aux condidons climatiques difficiles, telles la chaleur excessive et la pénurie d'eau.

· Les espèces sauvages sont plus résistantes que les animaux domestiques aux maladies.

· Les animaux sauvages ont une meilleure productivité que leurs homologues domestiques: fécondité plus forte, croissance plus rapide, rendement de carcasse plus élevé.

· Etant donné la fragilité des écosystèmes des parcours africains semi-arides, si l'on veut préserver durablement l'écosystème et la ressource elle-même, la faune constitue une forme optimale d'utilisation de la terre dans des systèmes d'aménagement extensif avec faible apport d'intrants.

Pourtant, dans le passé, les avantages que présente l'utilisation de la faune pour la production exclusive de viande ont été occultés par divers facteurs techniques et commerciaux, notamment la médiocrité des méthodes de recensement, de capture et de transformation du gibier, et les innombrables réglementations officielles, subventions accordées par les gouvernements et prix garantis pour favoriser l'élevage traditionnel.

Domestication de la faune africaine

Alors qu'elle possède le plus grand potentiel de domestication d'espèces sauvages, l'Afrique a peu participé à la création de populations d'animaux domestiques. L'ordre des artiodactyles (mammifères ongulés ayant un nombre de doigts pair) a fourni à l'homme les animaux domestiques les plus importants. Quinze des 22 espèces les plus couramment utilisées appartiennent à cet ordre, entre autres les bovins, ovins, caprins et porcins. Deux seulement de ces 15 espèces sont originaires d'Afrique, alors même que le continent possède plus de 90 espèces d'artiodactyles.

Il y a au moins deux raisons de s'intéresser sérieusement à la domestication de ces espèces indigènes: tout d'abord, elles ont été soumises à une sélection naturelle par les conditions difficiles dans lesquelles elles vivent, telles que le climat, le terrain etc., et sont par conséquent mieux adaptées à ces conditions que le bétail traditionnel importé (l'oryx, par exemple, prospère dans les zones arides où les bovins ont du mal à survivre); ensuite, les petits ongulés tels que le raciphère champêtre et le céphalophe sont pubères à six mois environ, et les femelles mettent bas pour la première fois à 1 an; après cela, elles sont pleines deux fois par an. Les animaux plus grands, tels le phacochère, l'impala, le gnou bleu, le koudou, et le waterbuck sont pubères à un an, et les femelles mettent bas la première fois à deux ans, puis elles ont une gestation par an.

Un autre avantage est le fait que les troupeaux d'espèces sauvages indigènes sont réfractaires ou tolérants aux maladies locales, telles que la trypanosomiase, l'anthrax, la tuberculose ou la peste bovine, qui rendent de vastes étendues de savane africaine inhabitables pour les bovins. On peut certes lutter contre ces maladies, mais au prix de grandes dépenses et de grands efforts, ce qui augmente directement ou indirectement les coûts de production et le prix de la viande.

Il faudrait toutefois savoir si les animaux sauvages, une fois domestiqués, garderont ces attributs souhaitables. On sait, en effet, que les animaux en captivité ne sont plus identiques à leurs homologues à l'état sauvage puisqu'il existe forcément un certain degré de sélection en faveur des écotypes domestiqués, par exemple des traits spécifiques au milieu plutôt anormal de la captivité. Il convient donc d'approfondir les recherches.

On s'est peu intéressé jusqu'à présent à la domestication des espèces de l'ordre des rongeurs alors même qu'elles fournissent une grande partie de la viande de brousse consommée dans les régions forestières de l'Afrique de l'Ouest (FAO, 1979). Le lapin appartient à l'ordre des lagomorphes, un groupe qui présente de multiples avantages: petite taille, grande fécondité, courte durée de gestation et intervalles brefs entre les gestations. Ces caractéristiques le rendent intéressant pour un élevage en captivité, susceptible de compléter la production de viande des animaux domestiques habituels.

Grâce à des recherches menées par Ajayi au Nigeria, trois espèces africaines ont été inscrites sur la liste mondiale des animaux domestiques, à savoir: le rat géant d'Afrique, l'aulacode et la pintade casquée du Nigeria. La recherche doit s'intensifier pour que de nouvelles espèces soient à leur tour retenues pour la «conservation génétique» et pour l'aménagement durable de la faune africaine.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

i) Les méthodes employées dans le passé pour gérer et utiliser la faune prouvent que l'interdiction totale d'activités commerciales relatives à certaines espèces animales de valeur, et l'exclusion des communautés locales de ressources purement naturelles, sont des stratégies préjudiciables à un aménagement durable de la faune.

ii) Sur les vastes terres marginales d'Afrique impropres à la culture, l'exploitation et l'aménagement de la faune sont des façons plus efficaces d'utiliser la terre.

iii) La quasi-propriété de la terre et de sa faune, et leur exploitation commerciale selon des principes stricts d'écologie, ont assuré avec une plus grande efficacité la protection, la restauration et l'aménagement durable de la faune africaine. Ce système est à l'opposé de la méthode ancienne qui rendait l'Etat propriétaire de la faune, avec pour seul effet le braconnage généralisé, et l'appauvrissement actuel de la faune.

iv) L'exploitation polyvalente de la faune sur une même terre, comme dans le cas des réserves touristiques et cynégétiques, a renforcé économiquement la situation de la faune en Afrique australe, et ce système pourrait servir de modèle à des programmes similaires de valorisation de la faune dans d'autres régions d'Afrique.

v) La domestication d'espèces sauvages à puberté précoce et à cycle de reproduction rapide est une bonne méthode d'aménagement durable des ressources animales. La faune africaine est mieux adaptée aux conditions locales et plus résistante aux maladies que les animaux domestiques traditionnels. Dans de nombreux cas, de petites antilopes africaines sont capables de produire plus de viande que leurs homologues domestiques.

vi) Pour assurer le succès des projets de participation communautaire, trois éléments participatifs distincts se sont révélés indispensables:

· la participation active des communautés rurales aux projets;

· le pouvoir redonné aux communautés de prendre elles-mêmes les décisions nécessaires à la gestion et à l'exploitation de leurs propres ressources;

· la distribution des bénéfices issus des efforts d'aménagement et d'utilisation des ressources directement aux communautés rurales, soit en espèces, soit sous forme de prestations sociales.

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