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Aspects socioéconomiques


Participation des populations à l'aménagement des forêts et des arbres


Participation des populations à l'aménagement des forêts et des arbres

M.W. Hoskins

L'auteur est forestier principal (foresterie communautaire), Division des politiques et de la planification forestières, FAO.

L'auto-aménagement des forêts et des arbres par les populations rurales ou avec leur concours peut devenir l'une des façons les plus efficaces de gérer durablement les ressources forestières. Et pourtant, de vastes formations boisées sont menacées de surexploitation par des groupes de ruraux, et même par des collectivités locales. D'un côté, les ruraux accordent aux arbres et aux produits forestiers une valeur considérable; de l'autre, ils répugnent le plus souvent à investir pour protéger et aménager la forêt et vont même parfois jusqu'à compromettre les efforts d'aménagement. Les composantes de projets destinées à sensibiliser les populations au sort des arbres sont le plus souvent sans effets. La véritable raison de ce défaut de coopération tient à ce que les étrangers ne comprennent pas les problèmes ni les motivations des autochtones. Planificateurs et donateurs devraient avoir plus de confiance dans l'aptitude des populations à participer à toutes les phases d'intervention: planification, mise en œuvre et surveillance. Les facteurs importants, de ce point de vue, sont: les formules institutionnelles qui permettent d'améliorer l'accès aux ressources forestières, ainsi que le régime de faire-valoir et d'utilisation des terres, la vulgarisation et la recherche qui mettent à la portée des usagers technologie, techniques et activités, afin, qu'à leur tour, ils puissent les transmettre à d'autres usagers, et la réorientation de la formation dans le sens d'une vulgarisation et d'une recherche ouverte aux usagers. On ne pourra intéresser les communautés locales à un aménagement forestier de longue haleine qu'en leur donnant le sentiment d'être les propriétaires de la forêt, et en leur assurant la jouissance des biens et avantages qu'elle procure. Ce résultat ne peut être obtenu que grâce à des dispositifs institutionnels plus adéquats, favorables à la fois aux deux parties, aux aménagistes de la forêt comme à ceux qui en assurent l'entretien. Notre étude est complétée par des définitions des concepts de participation et d'institution.

INTRODUCTION

Si l'on en juge par les rapports d'expériences de terrain, rien ne paraît plus utile mais aussi plus difficile à réaliser qu'un auto-aménagement forestier généralisé et efficace par les populations rurales, ou avec leur concours. Non seulement de vastes forêts sont menacées de surexploitation par divers groupes, dont les communautés locales font partie, mais encore de nombreuses formations arborées se trouvent dispersées en «ilôts» dans l'ensemble de l'espace rural. Si l'on veut aménager ces deux types de forêts et leurs arbres, qu'ils appartiennent à l'Etat, aux communes ou à des propriétaires privés, il est indispensable de s'assurer la collaboration des populations locales (FAO, 199 la).

Nous savons, d'une part, que les ruraux attachent presque toujours une extrême importance aux produits et avantages que l'on tire des arbres, au point de risquer de se faire battre, emprisonner, tuer même parfois, pour s'en assurer l'usage ou la propriété, mais que, par ailleurs, ils se montrent souvent fort peu enclins à investir dans l'aménagement forestier. Et pourtant, il n'est pas rare de voir des agriculteurs voler des jeunes plants dans des pépinières, ou planter des arbres, parfois collectivement et en plus grand nombre que ne le fait le service des forêts (FAO, 1993). Pourquoi ces contradictions? Comment se fait-il que des gens traditionnellement attachés à l'arboriculture ou à l'aménagement des réserves forestières traditionnelles cessent du jour au lendemain de s'y intéresser? (Gerden et Mtallo, 1990). Très souvent les projets comportent des campagnes de «sensibilisation» à l'importance des arbres, généralement sans résultat. Pour mieux comprendre de quoi il s'agit, il convient donc de se pencher davantage sur la conduite participative et ses motivations.

Plusieurs spécialistes des forêts communautaires ont noté que la plupart du temps les étrangers n'appréhendent pas correctement les problèmes qui se posent aux autochtones, ni leur façon d'envisager une participation à l'aménagement forestier et arboricole. Selon ces chercheurs et experts, de tels malentendus débouchent sur l'adoption par les diverses institutions de mesures, politiques inopportunes, de programmes, de systèmes de sanctions et récompenses déplacés, qui risquent même involontairement de faire obstacle à la participation. Des informations corroborant cette théorie ont été relevées dans plusieurs secteurs d'activité: bassins versants (Dani et Campbell, 1986; Dove, 1992); terres arides (Weber et Stoney, 1986; FAO, 1992); systèmes pastoraux (FAO, 1990); et systèmes de culture itinérante (FAO, 1991b).

Mais qu'entend-on exactement par participation? Quelles sont ces institutions? Comment peuvent-elles transformer l'environnement de façon à motiver un auto-aménagement forestier?

LE CONCEPT DE PARTICIPATION

En ce qui nous concerne, la participation est un aménagement forestier judicieux effectué par des hommes et des femmes vivant sur les lieux (autochtones), avec l'aide éclairée, voire la collaboration en association, d'étrangers (par exemple des forestiers). Le concept de partenariat ou de gestion conjointe est particulièrement important en matière de ressources forestières puisque la plupart des forêts sont légalement placées sous la tutelle d'administrations forestières ou de gouvernements. Des étrangers peuvent ainsi apporter leur concours à l'aménagement entrepris par les gens du cru en leur ouvrant ou en leur facilitant l'accès aux ressources forestières, en levant les obstacles qui leur interdisent de profiter des avantages issus de leur travail, en soutenant et améliorant les organisations locales, en coopérant à la planification, en faisant en sorte que les bons gestionnaires soient effectivement les bénéficiaires de l'aménagement entrepris, en fournissant des connaissances techniques, etc. Essentiellement, cette définition implique un changement de rôles à la fois pour les forestiers et pour les agriculteurs: lorsqu'il y a participation, cela signifie que les ruraux ont la charge de tout ou partie de l'aménagement forestier tandis que les services de foresterie n'ont qu'une fonction d'appui. Pour que cela soit possible, il faut que forestiers et agriculteurs y trouvent profit les uns et les autres.

Trop souvent, il arrive que les agriculteurs ne participent pas de cette manière. Ils défrichent des terres impropres à la culture ou bien surexploitent les ressources forestières en compromettant du même coup les rendements futurs, qu'il s'agisse d'arboriculture, de culture ou d'élevage. Qui plus est, les ruraux n'ont pas tous les mêmes objectifs de production. D'où des conflits au sein des communautés qui risquent de porter atteinte à l'équité ou à la viabilité. De leur côté, les forestiers ne s'en tiennent pas toujours au rôle d'assistance. Cependant, selon les auteurs cités plus haut, l'absence de participation est imputable aux institutions elles-mêmes plutôt qu'à un défaut d'intérêt ou de compréhension des parties. Il est donc important d'élucider le sens du mot «institution» et d'identifier les occasions d'accroître la participation locale qui sont offertes par les institutions.

LE CONCEPT D'INSTITUTION

Les experts en sciences politiques ont une définition des institutions qui s'applique à notre contexte: les institutions sont des organisations ou des groupes qui posent des règles de conduite à suivre, prévoient des sanctions en cas d'infraction à ces règles et des récompenses lorsqu'elles sont observées (Thomson, FAO, 1992). Ces règles peuvent être codifiées par des organisations. Toutefois, dans un cadre local, il n'est pas nécessaire que les règles soient codifiées pour être comprises par les membres du groupe.

En matière d'activités forestières communautaires, il existe trois sortes d'institutions: à l'échelon national, elles sont composées de responsables des politiques nationales qui décident du régime de faire-valoir ainsi que de certaines autres réglementations, et des bailleurs de fonds qui souvent fixent le régime des sanctions et récompenses et peuvent exercer des pressions; à l'échelon du terrain, des services forestiers et autres (notamment les services de vulgarisation), qui ont pour mission d'administrer ces politiques en conformité avec des règles de conduite codifiées ou non; enfin, à l'échelon local, des communautés ou des groupes dont les membres escomptent un certain type de comportement s'agissant, notamment, de l'utilisation et de l'aménagement de la terre, des arbres et des forets.

Cette définition des institutions permet d'étudier les règles institutionnelles et les attentes des différents acteurs, individuellement ou collectivement. Elle permet également d'espérer une réforme éventuelle de ces institutions - de ces règles - au cas où les membres en trouveraient les résultats décevants. Si les ruraux ne participent pas spontanément à un aménagement judicieux des ressources forestières et arboricoles, il convient donc de reconsidérer les règles de conduite et le système de sanctions ou récompenses complémentaire que prévoient les institutions nationales ou locales.

DONATEURS ET INSTITUTIONS NATIONALES DE PLANIFICATION

L'occasion de faire preuve de confiance

Les bailleurs de fonds et les planificateurs ont à leur disposition tout un éventail de projets forestiers communautaires qui impliquent l'association des populations locales à tous les niveaux d'intervention, que ce soit la planification, la mise en oeuvre ou l'évaluation. Pourtant la plupart des projets financés par des donateurs sont élaborés de telle façon que la participation des populations locales n'est prévue qu'au stade de la mise en œuvre.

Au Burkina Faso, un directeur de projet national convoqua les femmes à une réunion pour discuter de leur participation à un projet d'aménagement forestier en cours. Une de ces femmes demanda la parole: «Nous n'avons pour l'instant aucune idée de ce que notre participation à votre projet pourrait nous coûter ou nous rapporter. On vous donnera notre réponse quand on en saura davantage». On organisa donc des activités de suivi, comprenant entre autres une visite collective à la forêt pour permettre aux femmes de voir quels produits elles pourraient envisager d'inclure dans le plan d'aménagement.

Dans de nombreux pays hôtes, par exemple au Costa Rica, des fonds expérimentaux ont été prévus par des donateurs pour financer individuellement de petites activités sélectionnées sur la proposition des communautés elles-mêmes. C'est un progrès important, encore que ce soit toujours les donateurs qui aient le dernier mot quant aux priorités et à la validité des objectifs de la communauté.

Depuis des années, la FAO s'efforce d'élaborer des projets financés par des donateurs et acceptés par les gouvernements des pays hôtes, qui comportent une véritable participation des usagers au processus de planification dans son ensemble. Cela suppose qu'on ait une confiance suffisante dans la capacité des populations locales à se proposer des objectifs valables et à prendre des décisions convenables, pourvu qu'elles disposent des informations adéquates. Récemment, un projet d'aménagement de bassins versants associant cinq pays, financé par le Gouvernement italien par l'intermédiaire de la FAO et approuvé par les cinq pays hôtes, a permis aux membres des communautés locales d'identifier et de planifier eux-mêmes leurs objectifs et leurs activités. Tout un éventail de possibilités s'ouvre lorsque les gens parviennent à surmonter leur méfiance et comprennent qu'ils sont réellement les maîtres d'œuvre du projet. Appuyer des interventions locales auto-assistées de ce type est une démarche qui ouvre de grandes perspectives aux programmes futurs. Le transfert aux communautés locales de cet aspect de la planification exigera des planificateurs certaines modifications des règles actuelles. Il exigera surtout qu'une confiance plus grande soit accordée aux populations locales pour permettre un tel type de partenariat.

INSTITUTIONS NATIONALES POLITIQUES, ADMINISTRATIVES, JUDICIAIRES

L'occasion d'améliorer l'accès à la terre et aux arbres, le régime de faire-valoir, les droits d'usage et l'administration

Les questions relatives à l'accès aux ressources et au mode de jouissance peuvent déterminer pour une large part les motivations des populations locales, individuellement ou en groupe, quant à l'aménagement des arbres et des forêts. En Bolivie, des villageois se sont déclarés favorables à la plantation de nouveaux peuplements, mais sans enthousiasme. Ils souhaitaient certes avoir accès à davantage de ressources forestières, mais ils savaient que les grands propriétaires fonciers pouvaient à leur convenance leur reprendre les terres ainsi améliorées, et ils trouvaient que le projet ne leur donnait pas de garantie suffisante contre cette menace. Les décisions concernant le régime foncier sont en général prises au niveau politique le plus haut, et non pas dans le contexte local, d'un projet par exemple, ni même à l'échelon du Ministère des forêts. Pourtant, de telles politiques ont une très forte influence sur la foresterie et sur l'action des communautés pour améliorer l'aménagement des forêts. Les forestiers devraient donc s'en préoccuper.

S'il est vrai que l'expérience montre que les gens jouissant d'un accès suffisant aux ressources forestières ne les gèrent pas toujours de façon durable, elle montre également qu'aucun aménagement durable n'est possible lorsque la sécurité alimentaire fait défaut. Pour réaliser un aménagement participatif, il faut donc d'abord assurer aux participants éventuels un accès suffisant aux ressources et à leurs avantages, à court et à long terme.

Les pressions qui s'exercent actuellement pour privatiser les surfaces boisées au profit de certaines familles s'opposent parfois à une démarche de ce genre. Nous sommes loin de posséder toutes les données relatives à l'aménagement communal, mais nous savons que certaines ressources, de par leur nature même, sont plus efficacement gérées lorsqu'elles sont traitées comme des biens privés. D'autres, notamment certains produits forestiers, les pâturages, les bassins versants, le sont mieux au contraire à une plus vaste échelle, ou par les communautés (FAO, 1992a). Dans certains cas, l'utilisation du sol est fonction des saisons. Les agriculteurs exploitent certains lots individuels pendant la saison des cultures et les pasteurs utilisent les terres sous gestion communale après la moisson. Les plans d'attribution de terres par les gouvernements ne tiennent pas toujours compte de ces modes traditionnels de faire-valoir consécutifs, ou imbriqués. En République-Unie de Tanzanie, des groupes de pasteurs étudient le régime traditionnel d'utilisation de la terre pour inciter le gouvernement à accorder de plus grandes superficies aux plans traditionnels qui attribuent des droits d'usage croisés.

Des recherches font état des diverses façons choisies par les populations pour s'adapter à des changements de situation, par exemple à une raréfaction croissante des ressources arbustives. C'est ainsi qu'au Népal, on a vu les communautés locales élaborer et appliquer un système d'aménagement tout le temps qu'a duré la période de pénurie, pour l'abandonner quand les ressources se sont suffisamment reconstituées (Gilmour et Fisher, 1991).

Qu'elles soient traditionnelles ou de conception récente, les dispositions qui réglementent l'accès aux droits d'usage de la terre peuvent s'avérer incitatives ou démotivantes lorsqu'il s'agit d'aménagement forestier. Dans certains pays, c'est le travail qui constitue l'investissement donnant accès à la terre (Shepherd, FAO, 1993b). Défrichement sauvage et jachères écourtées s'ensuivent, résultats de coupes ou de mises en culture faites pour s'assurer des droits sur la terre. Sous d'autres régimes, c'est la plantation d'arbres qui garantit les droits fonciers et de vastes superficies sont vertes.

L'aménagement peut également être encouragé ou découragé par la définition des types d'arbres et l'accès aux arbres. Dans de nombreux pays, la propriété des arbres est distincte de celle de la terre sur laquelle ils poussent, ou encore, les essences sont classées différemment. Pour tenter de sauver des arbres ou des types d'arbres de la surexploitation à laquelle ils sont soumis, quelques gouvernements ont été amenés récemment à revendiquer la propriété de certaines essences. Cette décision a eu pour effet d'inciter les populations locales à arracher les jeunes plants avant qu'ils ne soient répertoriés pour que les familles conservent pour la culture l'espace que ces arbres occupaient dans le champ. On s'est aperçu qu'en Inde, contrairement à ce qu'on attendait, les restrictions imposées à la propriété du santal a pratiquement fait disparaître cet arbre des champs des agriculteurs.

Dans un programme de bassins versants en Thaïlande, les agriculteurs doivent planter sur un pourcentage déterminé du terrain des arbres «approuvés» pour obtenir des droits fonciers. La mesure est sans aucun doute incitative, mais les espèces choisies par les agriculteurs ne sont pas celles que le gouvernement voudrait voir planter. Ils donnent en effet la préférence au mûrier (pour la sériciculture), au jacquier (pour ses fruits très prisés) et à tous les arbres qui répondent aux objectifs du programme tout en leur assurant des profits. Les agriculteurs plantent rarement des essences à croissance lente car ils n'en toucheront pas les profits de leur vivant.

Pour faire face aux problèmes de foresterie et d'environnement, les agriculteurs des deux sexes doivent avoir des droits légaux et une instance d'organisation. En Tanzanie, on a libéralisé les dispositions administratives, ce qui a redonné vie aux instances de pouvoir traditionnelles. Ces collectivités locales établissent à l'intention de leurs membres leurs propres règles d'aménagement auto-assisté des ressources, ce qui donnera aux populations locales l'occasion d'améliorer l'aménagement de leurs forêts.

Le problème posé aux donateurs et aux décideurs est de comprendre les règles issues de la tradition locale, d'apprécier les effets des lois nouvelles et les efforts des populations pour résoudre les questions d'accès à la terre et aux arbres et d'établir les règles relatives à ces ressources. Il faut passer du particulier au général, se pencher sur les exemples limités pour comprendre les structures. Toutefois, avant même de comprendre l'ensemble des problèmes institutionnels, il faut soutenir les efforts entrepris par les populations locales pour améliorer l'aménagement de leurs forêts et leurs modes d'administration des ressources arbustives.

VULGARISATION ET RECHERCHE

Une occasion de prendre des leçons chez les utilisateurs

Vulgarisation. La communication est un échange de messages circulant à la fois verticalement - de haut en bas et de bas en haut - et horizontalement. S'agissant du gouvernement, la communication ira de haut en bas, pour renseigner les agriculteurs sur les endroits où ils peuvent se procurer des jeunes plants, sur les cours des produits, ou sur les modifications de la législation. Les agriculteurs, eux, enverront aux décideurs, c'est-à-dire vers le haut, des informations concernant leurs besoins en matière de régimes fonciers, ou des demandes d'aide pour assurer la protection d'une superficie boisée déterminée. Enfin, la mise en place d'un réseau de communication horizontal permettra aux forestiers ou aux décideurs de confronter leurs expériences avec celles de leurs collègues d'autres pays, et aux agriculteurs d'avoir des échanges de vues entre eux.

La vulgarisation, toutefois, suppose que l'on transmette à d'autres personnes des pratiques, des technologies, et des techniques. C'est une forme de communication horizontale d'expériences complexes que des individus, grâce à la maîtrise parfaite qu'ils ont acquise, peuvent transmettre à d'autres. L'expérience la plus gratifiante pour des vulgarisateurs forestiers est de former des utilisateurs à enseigner à d'autres utilisateurs la foresterie et les pratiques forestières.

Une fois regroupés les éléments d'information et identifiés les problèmes, la tâche des spécialistes consiste à trouver des instances pouvant servir de cadre à un partage d'expériences et à des confrontations d'options entre utilisateurs. Pour articuler les résultats des différentes recherches et les informations relatives aux activités des agriculteurs et des pasteurs dans les différents pays, il faut créer des réseaux, et faire en sorte que les uns et les autres puissent confronter leurs expériences. Une formation couvrant les techniques forestières les plus spécialisées, ainsi que les questions d'organisation, de commercialisation, de planification ou de gestion des conflits, peut également s'avérer nécessaire.

La vulgarisation est un domaine nouveau en foresterie. Cela peut être un avantage, entre autres, en évitant à la vulgarisation forestière de tomber dans les pièges des «messages» mal conçus et des «paquets de mesures» mal ficelés qui sont la plaie de la vulgarisation agricole. Certains planificateurs préconisent d'employer pour la foresterie le personnel de vulgarisation agricole existant. Cela pourrait éviter d'adresser deux messages potentiellement opposés à la même communauté, et permettre d'utiliser au mieux du personnel déjà formé dans une structure établie. Mais là où les planificateurs opteront pour cette solution, il leur faudra recycler les vulgarisateurs pour leur permettre de traiter les questions liées à l'introduction des arbres dans la production et les revenus des familles. Parmi ces questions spécifiques, notons:

· des régimes fonciers beaucoup plus compliqués, si la culture ou la plantation dure au-delà de la saison agricole;

· des problèmes d'organisation liés au fait que des individus habitués à un chevauchement des droits d'usage risquent de voir leurs droits traditionnels compromis à la suite de la plantation d'espèces vivaces;

· une planification de plus longue durée;

· un intérêt plus marqué pour la durabilité;

· le fait que certaines pratiques dans des zones telles que les bassins versants relèvent de la politique nationale, ou sont importantes pour des agriculteurs de zones éloignées de sorte qu'aménagement et profits issus de cet aménagement ne sont pas toujours concordants dans l'espace;

· un besoin d'informations commerciales, voire d'infrastructures, nouvelles, les produits forestiers relevant souvent du secteur non structuré;

· l'importance d'un aménagement communautaire des ressources forestières, spécialement pour les pauvres et les sans-terre;

· point essentiel: les étrangers à la région considérée, fussent-ils forestiers et vulgarisateurs du pays, connaissent rarement la valeur d'usage qu'accordent les populations locales aux arbres et aux produits forestiers, de sorte qu'il convient toujours d'aborder la planification bilatéralement, et non pas unilatéralement (Hoskins, 1987).

Il est utile que des forestiers jouent un rôle de premier plan dans les activités de vulgarisation forestière. Cela leur permet d'intégrer les acquis et les connaissances des populations locales dans les stratégies, la planification, la recherche et la formation; cela contribue à valoriser convenablement les ressources forestières au lieu de les laisser aux mains d'agronomes déjà débordés; et cela réduit le risque de voir adopter des méthodes de vulgarisation agricole peu adaptées à la foresterie.

Recherche. Vulgarisation et recherche vont de pair, et sont perçues par les agriculteurs comme les deux faces d'une même médaille. Autrefois, la plupart des centres de recherche forestière, ou même agroforestière, souffraient du fait qu'en foresterie la vulgarisation n'était pas associée directement à la recherche. Les résultats des recherches étaient négligés par tous, y compris par ceux qui en étaient les plus proches. Les centres de recherche recevaient également peu d'informations sur les priorités de la part des agriculteurs.

Depuis quelque temps, les organismes de recherche commencent par s'informer du mode d'utilisation des arbres par les agriculteurs et de leurs efforts de recherche pour résoudre les problèmes de production et de subsistance. En Asie, on essaie désormais d'encourager la recherche menée par les utilisateurs pour la valorisation et l'amélioration des arbres, avec l'aide de chercheurs professionnels et de généticiens. L'agriculteur définit le type d'arbre en indiquant précisément le rôle qu'il devrait jouer, et la façon de le valoriser. Le généticien étudie alors le matériel phytogénétique dont il dispose et les options possibles d'aménagement pour obtenir l'arbre recherché, et oriente l'agriculteur vers la solution adéquate. Ensuite, l'agriculteur plante et évalue les arbres à l'endroit souhaité. Cette démarche ne diminue pas l'importance de la recherche fondamentale, mais une collaboration plus étroite avec les arboriculteurs sur le terrain devrait contribuer à redéfinir les questions de recherche.

Formation

Si vulgarisation et recherche forestières doivent être axées sur la vulgarisation et la recherche à l'échelon des utilisateurs lorsqu'on cherche à développer la participation des populations, il n'en va pas de même de la formation des professionnels destinés à appuyer ces efforts. Les vulgarisateurs devront s'efforcer de trouver de nouveaux outils permettant d'élucider et d'articuler les connaissances locales et d'aider les ruraux à identifier les causes de blocage. Ils devront faciliter les échanges d'informations et encourager les réseaux de communication. Leur tâche est d'aider les responsables et le personnel forestier à comprendre les réalités rurales et à trouver des règles et des incitations plus efficaces pour améliorer l'aménagement forestier.

Pour pouvoir appuyer les recherches des agriculteurs, les forestiers doivent maîtriser les principes méthodologiques de la recherche fondamentale (Hoskins et Raintree, 1988). Ils doivent constituer des archives de façon à pouvoir partager leurs informations avec les autres agents de vulgarisation et grossir les flux d'informations. Ces tâches exigent un réexamen approfondi du programme et des infrastructures requises. A propos de la foresterie participative, un vulgarisateur africain a noté qu'il fallait appliquer un nouveau système d'évaluation. Selon lui, ce sont les agriculteurs qui, en tant que clients, doivent juger l'efficacité du travail de vulgarisation, efficacité dont ne rendent plus compte les anciennes évaluations, basées sur la conformité à l'objectif.

LE DÉFI INSTITUTIONNEL

Si les méthodes suivies d'ordinaire par les institutions forestières internationales et nationales n'obtiennent pas les résultats souhaités par les populations rurales, il convient de reconsidérer, et éventuellement de changer, les règles en vigueur. Nous n'avons pas traité ici des politiques fiscales ni des questions de planification générale sans lesquelles il ne peut y avoir de programme d'aménagement forestier réussi. La première préoccupation des donateurs et planificateurs doit être d'inspirer confiance et d'aider les communautés villageoises à se sentir, et à être effectivement, propriétaires de leurs forêts. Seule cette certitude, et celle de pouvoir jouir des avantages attachés aux ressources forestières, peuvent inciter ces communautés à entreprendre un aménagement forestier de longue durée. Donateurs et planificateurs doivent faire preuve de confiance.

Cette attitude va de pair avec l'organisation de la gestion qui s'exprime dans le régime foncier ou dans les droits d'utilisation du sol, des arbres et de leurs produits. Seule une collaboration confiante entre les villageois, les responsables et les législateurs peut permettre d'utiliser ce que les systèmes et savoir-faire traditionnels et actuels d'exploitation des ressources ont de meilleur, et d'apporter un soutien éclaire. Cette collaboration doit être une occasion d'améliorer le régime foncier et l'accès à la forêt, et de renforcer les pouvoirs locaux.

Enfin, les services forestiers doivent devenir des services. Leur personnel doit acheminer les messages des collectivités locales vers les responsables, planificateurs, chercheurs, et les messages ordinaires vers les individus. Il doit s'attacher à faciliter la vulgarisation entre utilisateurs en qualité d'agriculteurs et de chercheurs.

Il n'est pas nécessaire de sensibiliser l'importance des arbres pour renforcer une participation générale à un aménagement forestier plus efficace. Il faut également que des règles plus pertinentes soient appliquées, avec un système d'astreintes ou de récompenses pour ceux qui pratiquent une bonne gestion et qui fournissent les apports nécessaires à un aménagement efficace.

BIBLIOGRAPHIE

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