Page précédente Table des matières Page suivante


Aspects liés à la recherche


Recherche pour un aménagement forestier durable


Recherche pour un aménagement forestier durable

M.N. Salleh et F.S.P. Ng

Les auteurs sont respectivement directeur général, Forest Research Institute Malaysia (FRIM), Kepong, 52109 Kuala Lumpur, Malaisie; et chef de la Sous-Division de la recherche forestière, de l'enseignement et de la formation, Département des forêts de la FAO, Rome.

La recherche a pour tâche de donner une base scientifique plus solide à l'aménagement durable des forêts naturelles sous les tropiques. Notons toutefois que la recherche forestière dans les zones tropicales exige des chercheurs un engagement personnel de longue durée et le soutien effectif des institutions. Nombre de pays tropicaux ont perdu leur savoir-faire au lieu de le développer. Si cette question pouvait être résolue, il serait possible d'accorder une plus large place à la recherche dans différents domaines, tels que les problèmes d'environnement à caractère d'urgence, les méthodes d'exploitation, la biodiversité, les ressources non ligneuses et l'écotourisme.

Introduction

Les méthodes d'aménagement forestier vont de la protection des parcs et réserves naturelles intégrales à la gestion des plantations forestières pour la ligniculture. L'exploitation des forêts naturelles se situe entre ces deux extrêmes. Le débat le plus brûlant en matière d'aménagement forestier durable porte sur les coupes de forets tropicales indigènes: il s'agit en particulier de savoir si on peut maintenir le rythme actuel d'extraction du bois sans réduire de façon irréversible la productivité et la biodiversité de ces forêts.

Un aménagement forestier durable doit maintenir l'équilibre entre bénéfices d'exploitation et coûts de régénération. Théoriquement, il devrait être possible de s'organiser pour n'exploiter que ce que la nature remplace. Toutefois, lorsqu'on procède à l'abattage et à l'extraction des arbres, le couvert est détruit, le sol exposé, les éléments nutritifs menacés, les niches d'habitat et les chaînes alimentaires bouleversées, et la densité de la faune et de la flore modifiée.

Il n'y a à notre connaissance qu'un seul effet absolument irréversible: l'extinction des espèces. Aussitôt après, dans l'ordre des incidences nocives pour l'environnement, on peut placer la dégradation de l'horizon de surface. La déperdition des éléments nutritifs est grave parce qu'y remédier coûte cher lorsqu'elle se produit à grande échelle. On peut corriger les autres répercussions négatives d'une mauvaise gestion forestière en laissant la nature faire son œuvre régénératrice à son rythme, ou en accélérant le processus par l'application d'un savoir-faire sylvicole de bon aloi.

Si l'extraction est répartie dans le temps et l'espace, bien planifiée et exécutée de façon à réduire au maximum la dégradation de l'horizon de surface, le système se régénère de lui-même en quelques décennies. On en a eu la preuve partout où la culture itinérante était traditionnellement pratiquée, ou lorsque l'intensité de coupe était faible ou limitée à des superficies restreintes.

Cependant, entre les années 50 et 70, les économistes des départements de planification de nombreux pays tropicaux se sont opposés au principe des révolutions forestières longues: les forestiers des zones tropicales se voyaient contraints de mener les peuplements à maturité en 15 ans, 8 ans, ou même moins, comme s'il s'agissait de plantations, façon indirecte, mais pernicieuse, de saper la cause de l'aménagement des forêts tropicales naturelles. Dans de nombreux pays, une génération entière de forestiers n'a eu aucune expérience de l'aménagement de ces forêts.

A négliger ainsi l'aménagement des forêts naturelles, on en est arrivé à leur dégradation progressive et finalement à leur destruction. Dans certaines régions tropicales, ces interventions humaines ont eu pour résultat l'évolution de formations boisées vierges, en pleine maturité, en forêts de plus en plus dégradées, puis en maquis, et finalement en prairies à Imperata.

Ce n'est qu'au cours des dernières années, sous la pression du public désormais sensibilisé aux problèmes d'environnement, que l'on a commencé à se préoccuper de l'aménagement des forêts naturelles. Toutefois, jusqu'à présent, le débat semble s'être polarisé autour de deux objectifs et méthodes de gestion extrêmes, à savoir la création de réserves intégrales ou, à l'opposé, la plantation de forêts pour la ligniculture. Entre ces deux pôles, le terrain demeure incertain quant aux options possibles d'aménagement forestier à la fois écologiquement rationnelles et économiquement viables.

C'est précisément ce moyen terme que la recherche peut servir à déterminer. Elle permet de donner une base scientifique à l'aménagement en cours et procure aux gestionnaires l'information dont ils ont besoin. Mais l'aménagement lui même doit être constant et efficace, et non pas dépendant de possibles résultats de recherche.

Connaître la ressource et créer la capacité de recherche

L'aménagement forestier ne concerne pas seulement un peuplement déterminé, mais tout un écosystème, et c'est précisément pourquoi l'exigence de connaissances scientifiques augmente avec la complexité du système. De même, des données multiples mais dispersées sur des écosystèmes forestiers complexes sont de peu d'utilité. Les données doivent être systématiquement intégrées dans les systèmes d'aménagement eux-mêmes.

Sous les tropiques, les connaissances de base dont on dispose sont comparativement limitées. Dans la plupart des pays tropicaux, il n'y a eu aucune tentative de taxinomie botanique ou zoologique au cours des 50 dernières années, susceptible de servir de base à un programme d'aménagement de la biodiversité. On n'a guère tenté non plus d'établir des inventaires réguliers et exhaustifs de la ressource forestière, nécessaires à une gestion intensive. La liste des problèmes auxquels la recherche en environnement devrait s'appliquer de façon durable ne cesse de s'allonger, qu'il s'agisse d'écologie, de physiologie, de sylviculture, de pédologie ou de protection de la forêt etc. Et la tâche est de longue haleine: le futur chercheur doit d'abord faire de trois à quatre ans d'études universitaires, auxquels il convient d'ajouter de trois à six ans d'études postuniversitaires pour l'obtention de son doctorat. Il lui faudra encore au moins 10 ans de travail avant de pouvoir se considérer comme expert dans sa spécialité. C'est alors seulement qu'un scientifique possède l'expérience et l'autorité suffisantes pour organiser ses connaissances en système. Après quoi, le système doit être sans cesse mis à jour et révisé pour satisfaire à des demandes en constante évolution, corriger les erreurs et intégrer les connaissances nouvelles.

On constate que de nombreux pays, loin de développer leur compétence technique, la perdent. Les personnels de recherche se succèdent à un rythme trop rapide, ce qui signifie que la recherche est confiée à des chercheurs sans expérience, voire des consultants à mission courte, engagés pour résoudre une partie seulement des problèmes. La recherche intégrée, ayant pour objectif d'élaborer des systèmes d'aménagement sur la base de connaissances portant sur des domaines variés, exige un noyau d'experts nationaux chargés de surveiller les étapes du développement, de compléter les lacunes, d'intégrer les nouveaux acquis aux connaissances anciennes. C'est ce qui manque le plus dans les pays en développement et, faute de résoudre ce problème, il sera difficile d'appliquer les compétences requises à des domaines importants et critiques tels que la recherche sur des techniques d'exploitation écologiquement acceptables, intégrées à un aménagement forestier orienté vers la conservation de la biodiversité, les ressources non ligneuses et l'écotourisme.

Environnement

Les questions d'environnement peuvent se poser localement et dans l'immédiat, ou à l'échelle du monde, et dans le long terme. Parmi celles qui se posent à l'échelon local, notons l'impact direct de l'exploitation sur la régénération et la croissance de la forêt, en raison des conséquences que peuvent avoir les techniques de coupe sur les ressources en eau. Et, à l'échelon mondial, le rôle des forêts sur l'évolution du climat de la planète.

Plus les problèmes sont perceptibles localement et dans l'immédiat, plus on a tendance à s'en préoccuper. Mais le changement climatique mondial est également une question prioritaire, qu'il s'agisse d'en déterminer l'ampleur ou d'adopter les mesures susceptibles d'en réduire les effets.

Les forêts seront affectées par le réchauffement de la planète: les formations arborées des îles et les mangroves seront menacées par l'élévation du niveau des mers. Par ailleurs, certaines forêts ne seront plus adaptées pleinement à leurs sites par suite de la modification du régime des pluies. L'histoire nous fournit des exemples de déplacement de forêts - progression ou repli - en fonction des changements climatiques dûs aux avancées ou aux reculs des périodes glaciaires. Mais, aujourd'hui, ces mouvements ne sont plus possibles, faute de terres disponibles, qu'il s'agisse des forêts ou même des populations en quête d'un refuge économique. On peut s'attendre à ce que les ressources politiques, économiques et scientifiques de la planète soient absorbées de plus en plus par les efforts entrepris pour maintenir les structures fondées sur les conditions climatiques présentes et passées. Cela signifie que les pays les moins dotés en ressources seront les plus défavorisés par ces changements.

Exploitation

II existe de plus en plus d'endroits où les populations ont oublié à quoi ressemble une rivière propre. Les cours d'eau boueux sont le signe de plus en plus fréquent d'un mauvais usage de la terre. Aucune terre ne peut conserver sa productivité, qu'elle soit boisée ou cultivée, si la source de cette productivité est détruite par l'érosion. Tous les usagers du sol contribuent à ces dégâts qui commencent souvent en amont, où les forêts sont exploitées, sans égard aux risques d'érosion.

L'augmentation des dépôts de sédiments dégrade les habitats des animaux aquatiques, ensable rivières, barrages, bassins et ports, et accroît les coûts d'adduction d'eau propre. Tout le monde le sait, et les opérations de curage coûtent très cher, pourtant, les abus continuent.

La recherche peut révéler des moyens de lutter plus économiquement et plus efficacement contre l'érosion par l'évaluation critique et l'amélioration des méthodes d'exploitation et des équipements, des tracés de route et des zones tampon, etc. La recherche doit également porter sur les réformes possibles des politiques suivies, et étudier les mesures qui pourraient contribuer à créer un climat politique et économique favorable à la lutte contre l'érosion. Il y a 20 ans, les milieux industriels considéraient avec hostilité tout ce qui se référait à la lutte contre la pollution. Au début, leur attitude était de rejet pur et simple, puis d'acceptation de mauvaise grâce, aujourd'hui ils en tirent profit. La lutte contre la pollution fait désormais partie intégrante de la théorie de la qualité totale qui distingue les nations et sociétés gagnantes des perdantes dans l'économie mondiale. N'est-il pas possible d'appliquer à la foresterie un changement d'attitude de cette nature?

L'exemple de l'industrie de l'huile de palme malaise est à cet égard intéressant. Autrefois, les usines déversaient les effluents dans les cours d'eau. La pollution des rivières est devenue telle que le gouvernement a dû promulguer des lois spéciales pour réglementer les rejets. Les normes de déversement ont été rendues exécutoires progressivement, de façon à laisser aux industriels le temps de s'y conformer. Au début, ces règlements ont provoqué un tollé. Puis les industriels ont tenté de trouver les moyens de contourner le problème. Finalement, ils se sont arrangés pour convertir les déchets en produits commercialisables et en tirer des bénéfices.

En foresterie, les moyens de réduire l'érosion pendant les opérations d'exploitation, et du même coup d'améliorer la qualité d'exploitation, existent. On peut de la même façon exercer une surveillance des retombées en aval. Elles sont visibles. Il revient à la recherche d'affiner les moyens mis en œuvre, mais la volonté de les appliquer dépend fortement de la demande publique.

Biodiversité

On a avec le palmier à huile africain Elaeis guineensis un bon exemple d'utilisation de la biodiversité. En Afrique, ces palmiers poussent spontanément dans de très nombreux habitats, allant des forêts humides aux forêts semi-arides. En Asie du Sud-Est, depuis 50 ans, cet arbre est cultivé sous une forme améliorée à très haut rendement, bien adaptée aux plaines tropicales humides. Si l'on change un tant soit peu l'habitat de ces peuplements, en altitude ou en degré d'humidité, on constate immédiatement une chute de la productivité. Il en va de même avec l'Hevea brasiliensis, également sélectionné pour une production élevée, et cultivé en plantations clonales. Dans toute sélection, les activités d'amélioration génétique et de clonage sont menées en pleine conformité avec le milieu dans un objectif précis de maximisation de la production. Si un changement climatique intervient, tout le travail de sélection et de clonage doit être répété sur des bases nouvelles. En conséquence, la protection de la variabilité naturelle est vitale parce qu'elle contient les ingrédients d'une sélection future.

Les habitats naturels constituent le lieu idéal pour la conservation de la variabilité naturelle. En dépit de tous les efforts de stockage des graines et de conservation ex situ de matériel vivant récolté, l'homme ne peut rivaliser avec la nature en matière d'efficacité. Conserver hors de leur écosystème d'origine les semences et le matériel végétatif récolté est en effet une opération très ennuyeuse, qui n'apporte aux chercheurs aucun prestige puisqu'elle a peu de chances de déboucher sur une découverte. Institutions et organismes financiers se lassent vite de ces dépenses de surveillance. L'efficacité des conservatoires ex situ dépend le plus souvent de l'énergie et du dévouement de leurs créateurs, de sorte que le passage de responsabilité à une autre personne risque fort de s'accompagner d'une baisse d'intérêt pour l'action entreprise, fut-elle institutionnalisée.

Quoi qu'il en soit, pour le nombre croissant d'espèces dont les habitats ont été détruits, ou sont menacés de disparition, ou pour les cultivars déplacés de leurs terrains de culture, la conservation ex situ est la seule solution possible. Notons toutefois que des centaines de milliers d'espèces ont leurs habitats naturels à l'intérieur des forêts et qu'il est à la fois beaucoup plus sûr et plus économique de les y conserver. A l'intérieur de leur écosystème, les espèces continuent de s'adapter au site. S'il se produit un changement climatique, les experts auront fort à faire pour réadapter les plantes cultivées aux conditions nouvelles. Les forets s'adapteront d'elles-mêmes par la sélection naturelle à partir de leur propre pool génétique. En fait, la biodiversité est la base de l'autorégénération et de l'autoconservation des écosystèmes.

Pour des motifs commerciaux, les gestionnaires de forêts naturelles ont essayé dans le passé de modifier l'équilibre des essences dans les forêts au profit de certaines d'entre elles économiquement appréciées. Cette idée, qui prévalait dans le passé, a provoqué l'annélation massive et l'empoisonnement des arbres non commercialisables. Aujourd'hui, beaucoup d'autres arbres ont acquis une valeur commerciale et, dans certaines régions, l'exploitation des forêts naturelles se traduit par une coupe rase. La signification pour la composition génétique de la régénération n'a pas été évaluée. Les biologistes forestiers ont en fait à peine commencé à étudier les conséquences génétiques des divers systèmes d'abattage, sélectifs ou autres. Pour les forêts tropicales, la tâche est urgente.

En Malaisie, la pratique de l'annélation a été probablement plus répandue que partout ailleurs, sous le Malayan Uniform System; néanmoins, il était convenu que chaque forêt aménagée posséderait sa réserve de «jungle vierge intégrale», ainsi que des zones tampons le long des rivières. Faute de la volonté nécessaire, ces deux projets n'ont toutefois jamais été mis à exécution. On devrait étudier le moyen de constituer et d'administrer ce type de forêts protégées, et d'en promouvoir l'idée. Sur les montagnes de l'île de Penang, où la British East India Company avait défriché de vastes superficies pour y cultiver des épices, on peut voir, sur des peintures de l'époque, les collines entièrement déboisées, à l'exception des ravins. Lorsque le commerce des épices s'effondra, les forêts regagnèrent peu à peu les pentes. Cette expérience, comme d'autres similaires, pourrait servir de leçon.

Ressources forestières non ligneuses

Les ressources forestières non ligneuses sont désormais considérées généralement comme un substitut intéressant de l'exploitation du bois. Quoi qu'en pensent certains, ces ressources, loin d'être une nouveauté, ont une longue histoire. Elles ont été découvertes il y a bien longtemps, et n'ont jamais perdu leur intérêt local, mais, au lieu de gagner des parts de marché, elles en ont perdu. Il faudrait entreprendre une étude des marchés et encourager l'initiative privée pour en relancer la commercialisation, et développer la recherche pour en assurer la production durable, intégrée à celle d'autres biens et services.

Au début du siècle, les principaux produits des forêts tropicales étaient des substances chimiques: résines, huiles, gommes et tanins. On en tirait des vernis, des produits pharmaceutiques, des cosmétiques, des isolants pour câbles électriques et des produits en caoutchouc. Le caoutchouc s'est révélé particulièrement rentable, puisqu'il est parvenu à coexister avec les produits synthétiques grâce à des investissements massifs tant dans le secteur sylvicole que commercial, ce qui lui a permis de demeurer compétitif. Il n'en est pas allé de même avec les autres ressources chimiques et il sera très difficile de regagner les parts de marché qu'elles ont perdues d'autant qu'il faudra ajouter des investissements importants pour la recherche, si l'on veut s'assurer une production durable.

Le processus d'acclimatation du rotin est désormais engagé. C'est un matériau qui a un avenir prometteur pour la construction de meubles de qualité, à condition que la production soit en mesure de satisfaire la demande. Les bambous également peuvent revenir en force sur le marché, si toutefois l'on adapte aux zones tropicales les technologies de l'Est asiatique.

De tout temps, les hommes ont ramassé les produits alimentaires que fournit la forêt. Dans le Sud-Est asiatique, pratiquement tous les arbres fruitiers indigènes, tels que le durian, le ramboutan, le jaquier, le manguier et le langsat constituent une chaîne génétique continue allant des génotypes sauvages des forêts aux plantations clonales des vergers. Avec une telle palette de matériel génétique, les perspectives de développement de nouveaux fruits tropicaux aux goûts variés sont prometteuses.

Les ressources forestières ouvrent également des perspectives intéressantes aux chimistes, à condition de se partager équitablement entre la forêt et le laboratoire. Dans la forêt, il existe des plantes que certains insectes seulement peuvent manger, d'autres que les hommes consomment impunément alors que les escargots ou les insectes n'y touchent pas, etc. Des scientifiques entreprenants pourraient tirer le plus grand profit de tout cela.

Ecotourisme

En complément de l'exploitation du bois, l'écotourisme peut constituer une ressource forestière d'appoint. Le rôle du gestionnaire est alors d'intégrer cette activité dans le développement touristique général de la région. La forêt offre son cadre naturel et constitue un environnement idéal pour la pratique d'activités telles que le trekking, l'escalade ou l'observation de la faune sauvage. Elle retient par ailleurs le sol et l'empêche de glisser vers les plages et les formations de corail. Le seul risque est que le développement du tourisme soit tel que toutes les structures d'accompagnement, hôtels, terrains de golf, routes, night clubs et casinos envahissent peu à peu la forêt jusqu'à provoquer son élimination. Il n'est pas rare que l'écotourisme dégénère en une sorte de cannibalisme économique, qui dévore sa propre base d'existence. Les experts peuvent jouer un rôle déterminant en menant des évaluations d'impact sur l'environnement sur ces sites touristiques. L'écotourisme peut être particulièrement bénéfique dans les petits pays insulaires, mais la qualité de la gestion doit être très élevée car les marges d'erreur sont très étroites.

Recherche sociale et économique

La recherche s'avère indispensable pour traiter les questions sociales et économiques relatives à l'aménagement forestier durable, par exemple sur le rôle que les populations attribuent aux forêts et aux arbres et sur ce qu'elles en attendent. La valeur des services procurés par les forêts n'a pratiquement pas été quantifiée jusqu'à présent: il conviendrait donc de s'en occuper. Ce n'est qu'avec de telles données que le gestionnaire forestier peut définir ses objectifs et déterminer dans quelle mesure des méthodes participatives peuvent se révéler utiles. De même, si l'on calcule les avantages tirés de la forêt, les chiffres peuvent servir d'argument pour justifier son maintien au moment où s'exercent des pressions pour la défricher sous le prétexte que la terre pourrait être utilisée de façon plus profitable à court terme. De telles données chiffrées peuvent encore servir à déterminer la place des forêts dans les plans d'utilisation de la terre.

Les forestiers n'ont pas toujours appréhendé à sa juste valeur le rôle de la recherche socioéconomique comme instrument de développement technologique, ou comme contribution à un aménagement durable. Si l'on veut que la recherche soit réellement pluridisciplinaire, et que le secteur forestier soit considéré comme une contribution au développement rural en général, ce type de comportement ne doit plus exister.

Conclusion

De nombreux pays en développement ont négligé la recherche forestière parce qu'ils n'en ont pas compris l'intérêt. Nous pensons que ce qui est réellement néfaste, pour ces pays, c'est de se doter de centres de recherche de deuxième classe. C'est pourtant ce qui risque de se produire quand on n'attache pas à la recherche l'importance qui lui revient. La différence entre pays pauvre et pays riche devrait, théoriquement, être quantitative et non qualitative: les pays riches pouvant se permettre un grand nombre de scientifiques et de centres de recherche, les pays pauvres beaucoup moins. Mais le niveau de la recherche devrait être le même partout. Une bonne structure peut être une source de puissance, même si elle est de dimension réduite. Une structure médiocre est tout juste capable d'engloutir des fonds. Les pays en développement ont intérêt à tirer les conclusions de cette expérience, s'ils veulent se doter d'une recherche susceptible de résoudre les problèmes d'aménagement durable de leurs forêts.


Page précédente Début de page Page suivante