Les trois stations principales caractérisées pendant plusieurs années par un autofinancement interne, traversent à présent une crise préoccupante. Leur survie est pour l'instant garantie par une intervention substantielle du Gouvernement qui prend en charge une partie des frais de main-d'oeuvre et de fonctionnement.
Ce déclin peut être expliqué par le manque de capacité réelle des cadres supérieurs de gérer une station piscicole comme une unité économique, aggravé par:
les difficultés de faire valoir en espèces toute la production de la ferme;
les proportions inquiétantes que prennent le vol et le braconnage;
les conditions climatologiques et hydrologiques défavorables (surtout à Bambari);
l'instabilité du marché des sous-produits alimentaires indispensables pour l'alimentation du petit bétail (cela n'affecte pas à priori la production piscicole).
Les problémes relatifs à la superficie de bassins en exploitation sont un exemple typique de mauvaises gestion et surtout organisation. En plus, la situation à Bambari est sérieusement aggravée par un déficit chronique en eau. Par ailleurs, la station de Bangui a fait un énorme effort grâce à l'aide financière du Gouvernement. La superficie exploitée, à présent, est tout à fait correcte et devrait contribuer de façon adéquate au redressement de la station.
Soit associée à l'élevage du petit bétail, soit par l'apport de fumier acheté/récolté, la monoculture de tilapia (O. niloticus) permettrait, même à une petite station telle que Bouar (presque 2 ha) d'être autofinancée.
La polyculture tilapia-carpe, tilapia-silure (C. gariepinus) ou tilapia-carpe-silure, bien que requérant un suivi et une technicité supérieure à la monoculture, augmente considérablement la production par unité de surface et, par conséquent, facilite l'autofinancement d'une station.
Le plan de redressement selon les principes d'une exploitation privée impliquant des mesures draconniennes ainsi que les moyens financiers disponibles permettent le redressement des trois stations principales et devront aboutir à leur autofinancement escompté fin 1989.
Afin de garantir ce redressement, les cadres responsables des stations doivent faire valoir leur sens des responsabilités, leurs connaissances techniques et leur aptitude à faire face aux exigences d'une entreprise commerciale.
Développement de la pisciculture artisanale
Le projet développement de la pisciculture artisanale, démarré en août 1986, n'a pas obtenu les résultats escomptés à cause des défaillances de conception et d'exécution.
D'un côté le projet a voulu accéder sans transition d'une pisciculture de subsistance (familiale) à une pisciculture quasi commerciale par le biais d'un crédit bancaire. C'est pourquoi le projet, dans le but de progresser vite, a dû brûler certaines étapes pourtant indispensables dans l'introduction d'un nouveau système, tel que le crédit bancaire.
D'autre part, le projet n'a pas respecté les critères de choix des bénéficiaires et des sites. C'est pourquoi, les productions escomptées n'ont pas été réalisées, en particulier la mauvaise volonté des bénéficiaires, caractérisée par de multiples pêches domestiques. Par conséquent, le taux de recouvrement est faible (7,4%).
Des trois conditions techniques et organisationnelles que requerrait le succès de ce projet, les deux plus importantes n'ont pas été concrétisées, c'est-à-dire (cf. par. 1. “Introduction”): (i) capacité réelle du CPN à faire démarrer une telle opération; (ii) capacité de moyens des bénéficiaires. En conformité avec les recommandations de la dernière revue tripartite (juin 1988) le crédit a été arrêté et des principes de rééchelonnement de dettes ajustés.
Appui à la pisciculture familiale
La pisciculture en milieu rural s'est caractérisée fin 1985, par un nombre de pisciculteurs et de bassins exploités importants, environ 8 500 et 10 000 respectivement. Ces chiffres sont à présent tombés à 2 000 et 3 000 respectivement.
Ce déclin s'explique d'une part par le faible encadrement ou même absence d'encadrement aggravé par le retrait des animateurs (financement FISE) et le manque de motivation des moniteurs et; d'autre part, par des conditions agro-météorologiques et hydrologiques défavorables.
Pour soutenir la vulgarisation de la pisciculture familiale et artisanale en milieu rural, il est impératif que le Gouvernement:
applique le nouvel organigramme permettant le fonctionnement d'un Service Vulgarisation indépendamment des stations principales;
mette annuellement un fonds à la disposition du CPN, imputé au budget régulier du Ministère de tutelle, afin de permettre le fonctionnement du Service de Vulgarisation, même après le retrait de l'assistance technique;
affecte six nouveaux moniteurs au Service de Vulgarisation.
De cette façon, la vulgarisation pourra permettre à la pisciculture familiale de s'étendre qualitativement et même quantitativement.
Le choix des cadres chargés de la vulgarisation et des moniteurs piscicoles doit surtout être fait en fonction de leur motivation et leur aptitude à faire face aux exigences de la vulgarisation. Le temps qu'un agent chargé de la vulgarisation s'occupe d'un pisciculteur doit être proportionnel à la motivation de l'intéressé.
Sur le Plan technique piscicole, les vulgarisateurs doivent insister sur l'importance de (i) le choix du site, (ii) la taille des bassins (3 à 6 ares), (iii) l'application des méthodes piscicoles (mise en charge, entretien bassin, compostière et si opportun, alimentation supplémentaire) (iv) l'autosuffisance en alevins tilapia, (v) l'organisation de la lutte contre les contraintes telles que le vol, le manque de sous-produits et la sécheresse. De cette façon, une production moyenne annuelle de 30 à 40 kg/are/an pourra être réalisée.
La restructuration du service de vulgarisation, le plan du programme proposé ainsi que les fonds disponibles (PNUD, USAID et FISE) permettent au moins à court terme, le fonctionnement efficace du Service de Vulgarisation.
- étudier la possibilité d'un nouveau projet d'assistance technique à la pisciculture permettant la prise en charge, de façon rationnelle, du Centre Piscicole National après le retrait de l'assistance. Ce projet aura comme objectifs, d'une part la privatisation de la gestion des stations piscicoles principales et d'autre part, le développement de la pisciculture rurale encadré par un service de vulgarisation réduit complété par de petites unités de production commerciale;
- effectuer une mission de consultation pour déterminer la possibilité et si opportun le coût d'un forage à la station Bengué-Bambari afin de garantir le contrôle de cette station.
- appliquer le nouvel organigramme prévoyant une séparation financière et organisationnelle entre les stations principales et le Service de Vulgarisation. La séparation proposée n'empêchera nullement une étroite collaboration entre les deux services, (déjà existants);
- affecter six nouveaux moniteurs au service de vulgarisation;
- prévoir annuellement un fonds de 20 millions de FCFA sur le budget du Ministère de tutelle et mettre ce fonds à la disposition du Centre Piscicole National à titre de fonds de vulgarisation. L'octroi de ce fonds conditionnera le fonctionnement du CPN, en particulier tout fonctionnement du service national de vulgarisation;
- créer, en conformité avec les statuts du CPN une petite caisse de ce fonds afin de faciliter les dépenses. Jusqu'à présent, la procédure prend entre trois et six mois sans compter les dépenses énergétiques des cadres pour ce fonds;
- autoriser l'utilisation de la quantité de carburant en fonction du besoin réel pour le bon fonctionnement du Service de vulgarisation, c'est-à-dire jusqu'à 30–40% du budget de fonds de vulgarisation au lieu de 10% autrement.
- coordonner toutes les activités piscicoles sur le terrain de tous les intervenants (bailleur de fonds) dans ce secteur, conformément à la politique gouvernementale;
- il est impératif que le directeur du CPN joue un rôle plus prononcé dans l'application des activités, le contrôle de gestion (conformes à ses directives) des stations principales et du Service de Vulgarisation;
- maintenir les réunions semestrielles des cadres supérieurs et instaurer une réunion annuelle des agents de vulgarisation.
Il est avant tout recommandé de façon impérative que les cadres supérieurs et moyens s'informent sur tous les aspects concernant la pisciculture en République centrafricaine en consultant les documents y relatifs, et appliquent les recommandations faites par les experts précédents.
Dans le cadre de ce rapport, seules les recommandations nouvelles, ainsi que les plus importantes “anciennes” sont reprises ci-après:
Recommandations afférentes aux stations piscicoles principales
Ces recommandations générales sont formulées pour les trois stations piscicoles principales:
malgré leur aspect non lucratif, les stations doivent être gérées de façon rationnelle, selon les principes d'une exploitation privée;
limiter les activités de l'élevage associé à celles dont la rentabilité a été démontrée et aux nombres rationnels;
mettre l'accent sur la production piscicole en diminuant le coût de l'alimentation par l'intensification de la fertilisation avec des produits locaux (fumier, graines de coton, etc.), et limiter l'alimentation supplémentaire (tourteaux) à l'élevage mixte;
diminuer le coût de la main-d'oeuvre par un maintien du personnel strictement productif. Facultativement elle sera employée comme main-d'oeuvre temporaire;
établir un solide réseau de commercialisation;
limiter/rationaliser les déplacements des véhicules à des fins strictement indispensables et financièrement justifiées;
lutter contre le braconnage et le vol par un contrôle strict exercé sur le personnel et les sentinelles.
Recommandations spécifiques pour la station Bengué-Bambari
afin d'assurer la survie de la station, il est recommandé d'étudier la possibilité d'assurer l'alimentation en eau par un forage (20 1/s);
nettoyer régulièrement (journalièrement) le canal d'amenée afin de pouvoir utiliser l'entièreté du débit du cours d'eau;
limiter les productions piscicoles à la monoculture de tilapia et la polyculture tilapia-carpe;
utiliser l'aliment FNEC, acheté à Bangui ou Bambari, pour les élevages associés;
appliquer strictement le programme des traitements prophylactiques.
Recommandations spécifiques pour la station Landjia-Bangui
ne pas exploiter les étangs B8 et Mbotama, pour des raisons de non-rentabilité. Se servir des Mbotama pour relever la nappe phréatique;
poursuivre les travaux de réhabilitation selon le programme de travail;
introduire les carpes de Boyali en polyculture soit avec tilapia soit avec tilapia et silure;
intensifier l'alevinage de silure dans les étanges A, en fonction de la demande, afin de faciliter l'autofinancement de la station;
appliquer la polyculture en fonction de la demande d'alevins de tilapia (avril-août) dont le prix a été augmenté à FCFA 700 le kilogramme;
Recommandations afférentes à la vulgarisation
appliquer le programme de travail en respectant rigoureusement le calendrier d'activités, en particulier les réunions régionales des moniteurs qui sont programmées en fonction des visites sur le terrain du responsable national;
poursuivre la vulgarisation de la pisciculture en milieu rural avec les pisciculteurs existants, tout en veillant à ce que les vulgarisateurs soient pénétrés de leur rôle d'éducateurs (informateurs) et qu'ils fassent non seulement preuve de persévérance mais également de beaucoup de patience et d'habileté envers les pisciculteurs;
mettre un effort sur le développement qualitatif de la pisciculture tant au point de vue des bassins que de leurs exploitations;
renforcer l'autosuffisance en alevins de tilapia des pisciculteurs;
organiser les stages de formation (moniteurs, pisciculteurs) tels que prévus dans le programme de travail.