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9. EVALUATIONS DES STOCKS ET POTENTIELS

9.1 DISCUSSION SUR LA NOTION DE STOCK-UNITE

Le groupe de travail s'est posé la question de savoir ce que l'on entendait par stock dans la mesure où les méthodes d'évaluation (modèles global et analytique) sont supposées être appliquées à des stocks uniques, sans relation avec les voisins, et que les espàces démersales de la région ont une très large distribution géographique sans discontinuité marquée.

Pour les espèces strictement démersales, il n'y aurait pas de déplacement sur de longues distances comme cela peut être supposé à partir des quelques marquages effectués dans la région. Troadec (1971) a montré en Côte d'Ivoire que, quand les conditions hydrologiques sont défavorables, les Pseudotolithus senegalensis remontent à la côte ou/et se “decollent” du fond pour se maintenir dans des eaux plus favorables, eaux qu'elles évitent cependant quand elles ont le choix, sans chercher à fuir latéralement. Caverivière (1982) a montré le même phénomène pour les Galeoides decadactylus de la même région.

Des stocks unités, de densité relativement homogène, pourront donc être définis selon les besoins: par pays, par province, etc., à condition cependant que la zone ne devienne pas trop petite (60 km paraît un minimum) et que, pour des zones plus vastes, l'effort de pêche ne soit pas réparti de manière trop disparate.

9.2 RESULTATS POUR LA COTE D'IVOIRE

9.2.1 Campagnes de prospection

a) Prospections par chalutage de fond

Plusieurs campagnes d'estimation des biomasses à partir de traits de chalut (échantillonnage stratifié) ont eu lieu sur le plateau continental ivoirien depuis le dernier groupe de travail. Elles ont été effectuées à partir d'un navire, le N/O ANDRE NIZERY, dont les caractéristiques (puissance, engin de pêche) sont proches de celles des chalutiers locaux. Elles ont eu lieu en février 1978 (CHALCI 78.01), mars 1979 (CHALCI 79.01), août-septembre 1980 (CHALCI 80.01), janvier 1983 (CHALCI 83.01), mars 1983 (CHALCI 83.02), janvier 1984 (CHALCI 84.01), juillet 1984 (CHALCI 84.02).

Seules les trois premières ont été utilisées jusqu'à présent pour le calcul des biomasses (Caverivière, 1982 et annexe VIII). Deux de ces campagnes ayant été effectuées en saison chaude et la dernière en saison froide, ce qui correspond approximativement à la proportion des deux grandes saisons marines (huit mois et quatre mois), les moyennes des trois campagnes, supposées représentatives de l'abondance sur une base annuelle ont été calculées. Il est à noter que toutes les campagnes ont été effectuées de jour et que la capturabilité des espèces a été supposée totale (pas d'échappement par les côtés et pas de poissons démersaux plus haut que l'ouverture verticale du filet).

Le second point conduit à l'estimation de biomasses minimales. Des études récentes (Wardle, 1986) ont montré que de jour la distance horizontale de capture de l'engin de pêche n'est pas limitée à la seule ouverture horizontale du filet entre les extrémités des deux ailes. En effet, la turbidité créée par les panneaux et les funes reliant les panneaux aux ailes joue un rôle de concentration du poisson vers l'ouverture du filet. La minoration de la biomasse est donc sans doute moindre (voire nulle pour certaines espèces) que ce qu'on avait supposé auparavant.

Les rendements moyens par campagne et par grande strate bathymétrique (10-15 m, 50-120 m, et 10-120 m) pour les principales espèces sont donnés dans le tableau 7 (annexe VIII) avec les rendements toutes espèces et téléostéens. Les rendements horaires moyens après élimination du baliste se trouvent au tableau 6 (annexe VIII); ils varient pour l'ensemble du plateau continental et selon les campagnes entre 287 et 361 kg/h.

Un travail similaire a été effectué (Caverivière, 1979b) à partir des prospections réalisées pendant un an (1966-67) sur la radiale de Grand Bassam, c'est-à-dire avant la prolifération du baliste, quoiqu'il puisse être aléatoire d'extrapoler les résultats à l'ensemble de la Côte d'Ivoire.

Les prises moyennes horaires obtenues pour les deux séries de données sont présentées au tableau 25 et les biomasses correspondantes au tableau 26. L'utilisation de la méthode semi-quantitative du Gulland (1970) a permis de calculer les potentiels maxima moyens de capture (PMMC) en admettant que l'on se trouvait dans un état voisin du maximum de production pour l'ensemble de la pêcherie et pour la strate 10-50 m; pour la strate 50–120 m les calculs ont été effectués selon deux hypothèses des niveaux de production (cf. Caverivière, 1982). Pour l'ensemble du plateau les potentiels de pêche seraient de l'ordre de 13 000-15 000 t (tableau 27).

b) Prospections par échointégration

Seules les données pour les deux espèces semi-pélagiques, Balistes carolinensis et Brachydeuterus auritus, seront prises en compte.

La campagne ECHOBAL 2 de novembre 1981 (Petit et Le Philippe, 1984) estime à 46 000 t la biomasse de la première espèce et à 38 600 t celle de la seconde. Pour la campagne PELAGOS 86 d'août 1986 (Oliver et al., 1986), les valeurs sont respectivement de 26 000 et 19 000 tonnes.

9.2.2 Modèles globaux

Des modèles globaux ont été appliques sur l'ensemble du plateau continental ivoirien à partir des prises et des rendements toutes espèces des chalutiers ivoiriens, c'est-à-dire que les prises en espèces démersales et semi-pélagiques de la pêche artisanale, des sardiniers et des chalutiers pélagiques n'ont pas été prises en compte. Un modèle a été appliqué pour la période antérieure à l'explosion du stock des balistes (1959-1970) et un autre à la période 1971–1985 (annexe XIII). Le potentiel de la Côte d'Ivoire serait de 9 000–10 000 t dans le premier cas et de 6 000 t dans le second (tableau 2 et figure 1, annexe XIII).

Le modèle global a été appliqué antérieurement(Caverivière, 1979 et 1982) aux espèces de deux grandes communautés (Sciaenidae et Sparidae) séparées plus ou moins arbitrairement par l'isobathe 50 m. Pour la strate 10–50 m, le potentiel aurait été de 6 500 t avant l'apparition du baliste et ne serait plus que de 4 400 t (période 1971–1977) après l'arrivée de celui-ci. Pour la strate profonde, le potentiel ne serait que de 2 350 tonnes.

9.2.3 Modèles analytiques

Le modèle analytique de Ricker a été utilisé en Côte d'Ivoire (Caverivière 1982a et b) pour estimer les niveaux d'exploitation et l'effet d'une augmentation (ou diminution) des tailles à la première capture. L'étude a porté sur sept espèces principales: Galeoides decadactylus, Pomadasys jubelini, Brachydeuterus auritus, Pseudotolithus senegalensis, Cynoglossus canariensis, Pagellus bellottii et Dentex angolensis. L'année 1980 a été prise comme référence. Une nouvelle application du modèle a été effectuée pour le groupe de travail (annexe XIV) et on a testé des valeurs plus élevées de la mortalité naturelle M. Pour les valeurs les plus probables de M, les résultats sont assez similaires à ceux obtenus pour la seconde série des valeurs de M (valeurs initiales doublées) de la première étude. Les résultats par communauté sont résumés ci-dessous.

Les prises 10–50 m (communauté des sciaenidés) peuvent être augmentées par une modification du maillage qui peut être couplée avec une réduction plus ou moins importante de l'effort de pêche (figure 15, annexe XIV). L'emploi de la maille de 77 mm avec l'effort actuel donnerait un accroissement des prises de l'ordre de 20%, soit environ 1 000 t pour l'ensemble de la communauté.

Pour la strate profonde 50–120 m (communauté des sparidés) seuls des gains modestes seraient obtenus pour le niveau d'effort de 1980 et la maille 77 mm (figure 17, al1nexe XIV). La combinaison optimale maille-effort demande un accroissement de ce dernier de l'ordre de 45% pour une légère augmentation du potentiel de pêche d'environ 14%.

L'analyse multispécifique pour l'ensemble du plateau (strate 10–120 m) a pu être effectuée dans la mesure où tout changement de l'effort dans une strate devrait modifier, dans des proportions similaires, celui appliqué sur l'autre strate. Avec l'effort de 1980, les gains de production seraient de 10% avec un maillage de 63 mm et de 14% avec un maillage de 77 mm (figure 19, annexe XIV).

Compte tenu des pertes immédiates dues à une augmentation du maillage et de la petite taille des crevettes recherchées par certains navires, l'utilisation dans un premier temps et par tous les chalutiers d'une maille de 60 mm est plus que souhaitable.

9.3 RESULTATS POUR LE GHANA

a) Campagnes de prospection

Quatre campagnes d'évaluation des ressources ont été faites dans les eaux ghanéennes depuis le dernier groupe de travail. Il s'agit des campagnes, du N/O KAKADIAMAA conduite par le Fishery Research Unit (FRU), Tema (1979/1980 et 1981/1982), de la campagne du N/O Dr. FRIDTJOF NANSEN de 1981/1982 et de celle du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA de 1986. Les deux premières évaluations ont consisté en chalutages de fond, les deux dernières ont été effectuées par échointégration et chalutage.

Les résultats principaux obtenus pour ces campagnes de chalutage de fond sont donnés dans les tableaux 28 à 33 avec les résultats des campagnes 1969–1970 du N/O RESEARCH et de la campagne FIOLENT de novembre-décembre 1976. En ce qui concerne les campagnes d'échointégration, la biomasse apparente du baliste a été estimée à 314 000 t pour la première (en 1981/1982) et à 115 000 t pour la seconde (en 1986); les autres espèces non considérées commme pélagiques apparaissent sous-estimées (ce qui est normal pour ce type de prospection): 62 000 t en 1981/1982 dont 4 400 t de Brachydeuterus auritus et 3 800 t de Cephalacanthus volitans, 44 000 t en 1986 (dont 3 100 t de Brachydeuterus auritus et 2 700 t de Cephalacanthus volitans).

9.3.2 Modèles globaux

Les données disponibles pour les chalutiers de pêche semi-industrielle ont été utilisées pour calculer le potentiel maximal moyen de capture (PMMC) et l'effort correspondant (FOPT) à partir du modèle global de Fox (1970, 1975). Il concerne le plateau continental ghanéen jusqu'a 50 m de profondeur. Il est à noter qu'en moyenne, les chalutiers de pêche semi-industrielle ne contribuent que pour 11% seulement aux prises de poissons démersaux dans cette bande côtière.

Les résultats suivants ont été estimés:

PMMC = 12 600 t FOPT = 3 335 sorties

La représentation des captures et des rendements en fonction de l'effort est donnée à la figure 9.

L'analyse inclut les prises de balistes. Il est essentiel de noter que l'utilisation de la sortie comme unité d'effort, à la place d'un effort de pêche effectif, pose un grand problème.

9.3.3 Modèles analytiques

Les résultats d'un travail récent effectué sur le pageot Pagellus bellottii par Koranteng et Pitcher (1987) ont été communiqués au groupe de travail. Les analyses montrent que la pêche de cette espèce est probablement en dessous de son optimum biologique, cependant la capture de nombreux immatures fait courir des risques à la pêcherie. Les auteurs concluent qu'une augmentation de la maille étirée des culs de chalut à 70–75 mm conduirait à des valeurs plus élevées du rendement par recrue même si l'effort de pêche est augmenté.

9.4 RESULTATS POUR LE TOGO

a) Campagnes d'évaluation

On traitera dans ce paragraphe des nouvelles prospections réalisées depuis le dernier groupe de travail. Au tableau 34 figure un résumé des différentes prospections concernant les espèces démersales et semi-pélagiques effectuées au Togo.

Le N/O ANDRE NIZERY a effectué sept campagnes par chalutage de fond entre janvier 1983 et juillet 1984. Les échantillons ont été prélevés entre 10 et 100 m de fond aussi bien en saison chaude que froide. La densité moyenne pour la zone 0 à 100 a été estimée à 20 kg/ha et la biomasse résultante à 2 600 t. Les principales espèces rencontrées furent les sciaenidés côtiers, Pseudotolithus sp., le Polynemidae, Galeoides decadactylus et les sparidés. Les rendements et biomasses par groupe d'espèces figurent au tableau 35. Une grande stabilité dans les rendements a été observée d'une campagne à l'autre. Le potentiel exploitable par la pêche commerciale a été estimé à 800 t par an dont 600 t commercialisables.

Le N/O Dr. FRIDTJOF NANSEN a réalisé en août 1981 une prospection acoustique aur le plateau continental togolais dans la zone 10 à 200 m de fond. La biomasse d'espèces pélagiques a été estimée à 6 000 t et celle d'espèces démersales à 2 000 t. La zone non couverte par la prospection contiendrait 6 000 t composées essentiellement d'espèces pélagiques.

Le N/O CORNIDE DE SAAVEDRA a prospecté les eaux togolaises en août 1986 pour l'évaluation des ressources pélagiques. Il a été trouvé une biomasse de 145 t environ pour Brachydeuterus auritus, espèce semi-pélagique, le baliste n'est pas apparu en quantité significative.

b) Modèles globaux et analytiques

En l'absence de données historiques suffisantes, le groupe de travail n'a pu procéder à l'élaboration de modèles pour les eaux togolaises.

9.5 RESULTATS POUR LE BENIN

D'assez nombreuses campagnes de prospection ont eu lieu de 1963 à 1984 sur le plateau continental béninois. Les principaux résultats commentés se trouvent dans Bernacsek et Aziablé (COPACE/TECH/86/72).

Deux campagnes de prospection par chalutage de fond du N/O ANDRE NIZERY (Vendeville, 1986) ont eu lieu en juillet 1985 et janvier 1986. Les résultats globaux (Ph. Vendeville, communication personnelle) sont présentés ci-dessous:

 Saison froide(juillet 1985)Saison chaude(janvier 1986)
- Densité (kg/km2)2 4862 495
Ecart-type273461
- Rendements (kg/h)227227
Ecart-type2542
- Biomasse (t)7 0987 122
Ecart-type7801 216

La méthode semi-quantitative de Gulland (1970) appliquée de la même manlère que Lhomme (1985) pour le Togo permet de calculer, à partir de la biomasse moyenne en espèces démersales (7 100 t), un potentiel de captures minimal et maximal, soit 1 400 t dans le cas d'un stock non exploité et 2 850 t dans le cas d'un stock pleinement exploité lors des campagnes de prospection.

La campagne d'échointégration du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA d'août 1986 estime à 2 700 t la biomasse de l'espèce semi-pélagique Brachydeuterus auritus; le baliste n'a pas été détecté.


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