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Chapitre 2: Analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle de la communauté


Résumé
L'analyse participative: Pourquoi?
L'analyse participative: quoi?
Analyse participative: Quand?
Analyse participative: Comment?


Résumé

Une fois la communauté intéressée à démarrer un projet participatif de nutrition, l'agent développement l'aide à analyser sa situation alimentaire et nutritionnelle.

Cette analyse aide la communauté à mieux comprendre sa situation alimentaire et nutritionnelle, à préciser les problèmes existants ainsi que leurs causes, à identifier les ménages les plus affectés, et à établir un ordre de priorité de ces problèmes. Cette analyse fournira la base à partir de laquelle la population pourra planifier ses activités en matière d'alimentation et de nutrition.

Qui attrape le poisson? Qui l'achète, le nettoie, le fume et le vend? Combien ces différentes activités demandent-elles de temps, d'efforts et d'argent? Ces questions sont essentielles si l'on veut comprendre une communauté de pécheurs.

Les agents de développement peuvent partir de l'évaluation initiale de l'alimentation et de la nutrition effectuée durant la phase préparatoire pour préparer une liste des points à discuter avec la communauté. Les ménages et les individus marginalisés requerront une attention spéciale.

L'analyse de la situation alimentaire et nutritionnelle peut se faire à n'importe quel moment de l'année. Il ne faudra pas oublier que cette situation varie en général d'une saison à l'autre. Il faudra donc compléter l'analyse en recueillant certaines informations à d'autres saisons.

Dans la mesure où toute analyse participative repose sur un dialogue entre la communauté et les agents de développement, ce processus peut demander beaucoup de temps et durer des semaines, voire des mois.

Les informations pour l'analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle peuvent être recueillies de plusieurs façons: entretiens individuels ou en groupes, techniques de visualisation, observation participative, analyse des traditions culturelles, théâtre populaire et jeux de rôle, fêtes, etc.. Des informations peuvent aussi être fournies par des institutions communautaires. Des exercices d'analyse, tels que la préparation de calendriers, de cartes et d'emplois du temps ou les exercices de classification seront également très utiles.

L'agent de développement aide la communauté à résumer et à discuter les résultats de l'analyse et à donner un ordre de priorité aux problèmes qui émergent de cette analyse.

L'analyse participative: Pourquoi?

Les projets participatifs de nutrition prétendent aider des groupes de population donnés à faire en connaissance de cause les choix qui permettront d'assurer une nutrition adéquate à tous les membres de la communauté.

Par le dialogue entre les agents de développement et la population, les projets participatifs de nutrition aident les gens à décider quels changements, innovations ou interventions peuvent contribuer à l'amélioration de leur situation alimentaire et nutritionnelle.

Ces solutions seront d'autant plus appropriées et durables qu'elles seront basées sur l'analyse des problèmes par les personnes concernées et sur leurs opinions. Le processus d'analyse participative conduit la population à identifier les causes des problèmes alimentaires et nutritionnels telles qu'elle les perçoit. L'agent de développement doit jouer un rôle d'animateur dans ce processus.

Le processus d'analyse participative sert à:

- faire prendre conscience à la fois à la communauté et à l'agent de développement des problèmes d'alimentation et de nutrition;

- susciter la participation des différents groupes de la communauté (en particulier les femmes, les pauvres, les jeunes);

- fournir les éléments nécessaires à la planification des activités en matière d'alimentation et de nutrition;

- rassembler des données de base pour le système de suivi et d'évaluation;

- contribuer au renforcement de la communauté.

L'analyse participative: quoi?

Dans le cadre de l'analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle de la communauté, les points suivants doivent être systématiquement évoqués:

1. Les habitudes alimentaires et les systèmes de production traditionnels, leur évolution au cours du temps, les raisons de ces changements ainsi qu'une appréciation de l'impact bénéfique ou néfaste de ces changements sur la nutrition.

2. Les types d'aliments désirés, ou ce que les gens préfèreraient manger et pourquoi. Dans de nombreux cas, les gens souhaiteraient consommer davantage d'aliments de "prestige" qui dans bien des cas, ne sont pas nutritionnellement appropriés et sont en général plus chers.

3. Les mécanismes d'adaptation employés par les ménages pour faire face à des problèmes alimentaires saisonniers ou imprévus ainsi que les répercussions à long terme de ces mécanismes sur la production et la consommation alimentaire de ces ménages.

Les familles et les individus marginalisés requièrent une attention particulière. A l'intérieur d'une même communauté, l'accès des familles aux ressources telles que la terre, l'eau, le travail ou le revenu est inégal. Les foyers les plus pauvres présenteront vraisemblablement les problèmes nutritionnels les plus sérieux et le plus de difficulté d'accès à ces ressources.

Non seulement leurs ressources limitées ne leur permettent pas de couvrir des besoins essentiels, comme l'alimentation, le logement, les vêtements, mais ils peuvent de plus être ignorés ou mis à l'écart par l'ensemble de la communauté. Ils peuvent être obligés de chercher du travail à l'extérieur de la communauté et donc ne pas être en mesure de participer à l'analyse des problèmes et à la planification des activités. Rassembler ce type d'informations aidera l'agent de développement à trouver les moyens. de permettre à de tels foyers de participer ou de bénéficier du projet participatif de nutrition.

Une bonne façon d'identifier les foyers les plus pauvres est d'encourager la communauté à établir une liste de critères pour cette identification. Ces indicateurs de pauvreté reflèteront les caractéristiques sociales, culturelles et économiques de la communauté et varieront d'une communauté à l'autre.

Encadré 6: Les indicateurs de pauvreté: Kenya

Dans un projet participatif de nutrition dans le district de Kakamega, au Kenya, les communautés se sont entendues sur les indicateurs de pauvreté suivants pour les ménages et/ou les individus:

- malnutrition grave
- revenu inférieur à 15 Kshs par jour
- moins d'un quart d'acre* de terre cultivable
- plus de 7 enfants
- incapacité d'envoyer les enfants à l'école
- toit de chaume qui fuit quand il pleut
- infestation de chiques (parasites)
- manque dé vêtements corrects
- conditions d'hygiène insuffisantes
- personnes handicapées
- enfants orphelins ou abandonnés
- personnes de plus de 70 ans laissées a l'abandon
- individus exclus de la communauté (pour maladie ou crime).

* acre: mesure anglaise qui correspond à 4046 m2

Pendant le processus d'analyse participative, les agents de développement facilitent l'évaluation par la communauté de sa propre situation alimentaire et nutritionnelle et de ses causes, plutôt que de donner leur opinion sur des problèmes et des besoins identifiés par d'autres.

L'évaluation initiale de la situation alimentaire et nutritionnelle locale qui a été faite au cours de la phase préparatoire, permettra aux agents de développement de préparer des listes de points à aborder lors de l'analyse participative.

L'aide mémoire 2 regroupe une liste de points qui peut orienter les agents de développement. Cet aide-mémoire doit être utilisé comme une référence qui permette de stimuler le dialogue plutôt que comme un questionnaire. Avant de l'utiliser, l'agent de développement devrait essayer d'identifier avec certaines personnes clé de la communauté quels sont les points délicats et la meilleure façon de les aborder.

Aide-Mémoire 2: Analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle de la communauté - thèmes principaux

Cet aide-mémoire propose une série de thèmes à discuter avec la communauté. Il doit être adapté ou modifié pour chaque communauté. Il devra être utilisé plutôt pour stimuler le dialogue que comme questionnaire.

1. Les systèmes alimentaires locaux et leur évolution
(Pour chacun des groupes sociaux identifiés lors de la phase préparatoire).

- Comment les familles obtiennent-elles leur nourriture? Que produisent-elles? Qu'achètent-elles? Quelles sont les autres sources d'aliments?

- Est-ce que cette situation a changé au cours des dernières années? Comment? Pourquoi?

- Comment ces changements sont-ils perçus? Pourquoi?

2. Habitudes alimentaires, préférences et croyances.

- Combien de repas les différents membres de la famille font-ils par jour? A quelle saison? Quels aliments? Mangent-ils entre les repas? Est-ce que les enfants mangent différemment? En quoi? A quel âge (nourrissons, enfants d'âge scolaire)?

- Est-ce que ceci a changé dernièrement? Pourquoi? Comment ces changements sont-ils perçus? Pourquoi?

- Mécanismes d'adaptation: en quoi les habitudes alimentaires changent-elles en période de pénurie? Comment obtient on la nourriture dans ce cas?

- Si la famille avait davantage de ressources, quels aliments aimerait-elle consommer en plus grande quantité ou plus souvent? Pourquoi?

- Certains aliments sont-ils considérés spécialement bénéfiques ou à éviter dans certaines circonstances? Lesquels? Quand?

3. Les activités des membres de la famille concernant l'alimentation et la nutrition.
(e.g. cueillette, production agricole, transformation des aliments, achats, préparation).

- Quelles sont ces activités?
- Qui les exécutent? les hommes? les femmes? les enfants?
- Combien de temps est-ce que cela prend par jour?
- Est-ce que cela change? Pourquoi? (saisons? autres raisons?)

4. Production pour la consommation familiale

- Quels aliments produit la famille? Combien de mois les réserves alimentaires durent-elles?
- Est-ce que cela a changé durant les dix dernières années? En quoi?
- Comment ces changements sont-ils perçus? Pourquoi?
- Quels sont les problèmes rencontrés?
- Quelles sont les périodes de pénurie alimentaire? Pour quels aliments? Que fait la population pour résoudre ce problème?

5. Transformation des aliments locaux

- Quels produits agricoles sont-ils transformés? Comment?
- Au niveau du ménage? Au niveau de la communauté? Contraintes?

6. Stockage des aliments

- Quels aliments sont-ils stockés? Comment? Au niveau du ménage? Au niveau de la communauté? Contraintes?

7. Achats alimentaires

- Quelle proportion du revenu familial est-elle consacrée à la nourriture? Directement? Indirectement (combustible, eau)?

- Quelles sont les autres dépenses essentielles du budget familial? Permanentes? Occasionnelles?

- Quels sont les aliments achetés? Lesquels sont-ils considérés essentiels? Lesquels sont-ils considérés comme aliments de luxe? Pourquoi?

8. Préparation et utilisation des aliments

- Comment la nourriture est-elle préparée au niveau de la famille? Où? Sur quel type de foyer? Des plats spéciaux sont-ils préparés pour les enfants? Comment? Pour d'autres membres de la famille? Contraintes?

- Comment les membres de la famille sont-ils servis? Par qui? En quelle quantité? Combien de fois?

- Que fait-on des restes?

9. Approvisionnement et utilisation de l'eau

- Où la famille s'approvisionne-t-elle en eau? Pour boire? Pour faire la cuisine? Pour se laver? Pour la lessive et le nettoyage?
Pour les cultures?

- L'eau est-elle de quantité et de qualité suffisante pour ces différents usages?

- Que fait-on des eaux usées?

10. Environnement

- De combien de pièces une famille dispose-t-elle habituellement? Combien de personnes y vivent-elles (enfants, adultes)?

- Où les différents membres de la famille font-ils leurs besoins?

- Quelles sont les pratiques d'hygiène courantes lors de la préparation, de la consommation et de la conservation des aliments?

11. Etat nutritionnel

- Est-ce que la malnutrition est une notion courante dans la communauté? Qu'est-ce que la communauté entend par là? Est-elle répandue?

- Y a-t-il beaucoup d'enfants ou d'adultes maigres dans la communauté? Comment les gens décrivent-ils et expliquent-ils cela? Que font-ils à cet égard?

12. Maladies, causes et soins de santé

- Quelles sont les principales maladies dans la communauté? Qui en est atteint? Quand les gens en souffrent-ils le plus? Quelles en sont les causes?

- Que font les gens en cas de maladie?

- Quels sont les recours disponibles? Guérisseurs? Agents de santé communautaire? Centres de santé?

13. Capacité de soin

- Qui s'occupe des nourrissons et des jeunes enfants?
- Qui les nourrit? Combien de fois par jour?

14. Aspects sociaux

- Quels sont les foyers les plus pauvres dans la communauté? Pourquoi?
- Ont-ils des problèmes alimentaires et nutritionnels spécifiques? Pourquoi? Lesquels?
- Quelles sont les personnes qui ont le plus d'influence dans la communauté? Pourquoi?

Analyse participative: Quand?

Les changements de saison affectent la situation alimentaire et nutritionnelle de la communauté et les résultats de l'analyse seront donc influencés par la période à laquelle celle-ci se déroulera. Les informations recueillies devront donc être interprétées en fonction de la période à laquelle elles ont été obtenues. Des informations complémentaires pourront être recueillies à d'autres périodes de l'année. L'analyse de la situation alimentaire et nutritionnelle des ménages en période de soudure ou de pénurie est particulièrement utile pour identifier les principaux problèmes et la façon dont les gens y font face.

Le processus d'analyse prend du temps, dans la mesure où il suppose une interaction au sein de la communauté d'une part, et de la communauté avec l'agent de développement de l'autre. Pour préparer cette analyse, l'agent de développement devra tenir compte du fait que certaines activités ne pourront être menées qu'au cours de périodes relativement calmes où les gens ont plus de temps libre ou ne craignent pas d'être interrompus.

L'analyse participative est un processus continu. L'agent de développement partira du point de vue de la communauté sur ses problèmes pour les aider à planifier les premières activités. Cette première phase peut durer de deux à trois mois. Au fur et à mesure que le projet évoluera, la communauté et l'agent de développement seront généralement amenés à revoir leur perception des problèmes, à réorienter les activités entreprises et à en développer d'autres.

Le processus participatif repose sur la confiance entre l'agent de développement et la communauté. Etablir ce climat de confiance prend du temps. Il est donc nécessaire que l'agent de développement travaille avec une communauté pendant une période suffisamment longue pour mettre en oeuvre et suivre dans le temps un tel projet. On considère à environ deux ans le minimum de temps nécessaire.

Les responsables du fumage du poisson discutent le budget familial de l'une d'entre elles, inscrit à la craie sur la table

Analyse participative: Comment?

L'agent de développement peut aider la communauté à utiliser différentes méthodes de collecte d'informations.

Il peut encourager la communauté à désigner une personne ou un groupe de personnes pour rassembler l'information disponible. Beaucoup d'institutions, comme par exemple les centres de santé, recueillent de façon routinière des données relatives à la situation alimentaire et nutritionnelle de la communauté. Le cas échéant, l'agent de développement peut faciliter les contacts entre ces institutions et la communauté.

Dans son ensemble toutefois, l'information recueillie sera verbale. L'agent de développement peut tirer parti de n'importe quelle rencontre ou réunion, du bavardage informel aux assemblées officielles de la communauté.

Les agents de développement peuvent apprendre beaucoup en regardant les gens vivre, en posant des questions, en analysant les explications qu'on leur donne et en discutant leurs conclusions avec la population. Cette approche, quelquefois appelée observation participative peut aussi susciter un débat sur des activités de routine considérées comme acquises et qui n'ont jamais été remises en question.

Les entretiens semi-structurés peuvent être conduits avec des groupes de taille différente ou avec des individus particulièrement bien informés. Un entretien semi-structuré est un entretien informel qui suit une ligne directrice, préparée au préalable par l'agent de développement, où seules certaines questions sont déterminées à l'avance. Au cours de l'entretien, les réponses des interlocuteurs font surgir des questions ou des thèmes nouveaux.

Les réunions en petits groupes permettent des discussions plus approfondies sur des points d'intérêt communs. Par exemple, un groupe de femmes enceintes ou allaitantes a plus de chance d'être intéressé par une discussion sur l'alimentation des enfants. L'agent de développement peut encourager la communauté à identifier de tels groupes focalisés, qui devraient de préférence regrouper de 6 à 12 personnes.

De nombreuses personnes trouvent qu'il est difficile de participer à des discussions de groupe dans la mesure où les réunions ont tendance à être dominées par un nombre limité d'intervenants. Dans des communautés alphabétisées, l'agent de développement peut encourager la participation et assurer l'anonymat en faisant écrire aux participants les points qu'ils considèrent comme essentiels pour la discussion. De telles techniques de visualisation, une fois adaptées (cartes, diagrammes, exercices de classification) peuvent également être utilisées par des personnes ne sachant ni lire ni écrire. Des groupes peuvent aussi être constitués de façon qu'une personne dans chaque groupe soit capable de rédiger les suggestions du groupe.

Les dialogues au niveau individuel sont particulièrement utiles pour obtenir le point de vue d'individus qui n'oseraient pas s'exprimer en public.

Encadré 7: Identification des enfants maigres

Une méthode d'usage facile, même par des communautés illettrées, pour apprécier la prévalence de l'amaigrissement chez les enfants de moins de cinq ans, repose sur le fait qu'un périmètre brachial inférieur à 12,5 cm est universellement reconnu comme un signe de malnutrition sévère.

La fondation "Child-to-Child" suggère de tailler une branche ou de trouver un cylindre d'à peu près 10 cm dé long et d'une circonférence de 12,5 cm, qui fournira à l'enquêteur une référence immédiate pour apprécier manuellement le périmètre brachial des enfants de moins de 5 ans.

Cette pratique a été utilisée avec succès par les élèves des grandes classes lors d'une appréciation rapide de la situation alimentaire et nutritionnelle d'une communauté de pêcheurs à Kabak, Guinée (Afrique dé l'Ouest).

L'observation et l'écoute des traditions orales peuvent fournir beaucoup d'informations sur les habitudes alimentaires, les comportements sociaux liés aux aliments et les changements dans les pratiques alimentaires. L'agent de développement peut demander à la population de se rappeler les histoires, les chansons et des rites liés à la nourriture, ce qui stimulera le débat sur l'alimentation et la nutrition tout en offrant une occasion de se distraire.

Figure

Le théâtre populaire et les jeux de rôle se sont avérés particulièrement efficaces pour faire prendre conscience à la communauté des. enjeux de l'alimentation et de la nutrition et pour encourager la participation à la fois des acteurs et du public.

L'organisation de jeux et de fêtes est une autre façon de promouvoir la participation et d'offrir une occasion pour des échanges de vue sur l'alimentation et la nutrition.

Différents exercices analytiques comme la préparation de calendriers saisonniers, de cartes et d'emplois du temps ou des exercices de classement, peuvent aussi être utilisés pour stimuler l'intérêt des participants et pour clarifier l'information recueillie.

Les calendriers peuvent être préparés par des groupes particuliers de la communauté (femmes, cultivateurs, journaliers). Ils peuvent agréger des thèmes comme les méthodes de culture, la disponibilité des aliments, leur prix, les dépenses prévues, la prévalence des maladies, la demande de main d'oeuvre (en particulier pour les femmes) et montrer comment ces facteurs varient tout au long de l'année. Les calendriers permettent de visualiser les contraintes saisonnières et les périodes de crise (voir schémas 3 et 4).

Schéma 3: Calendrier saisonnier d'une communauté aux Philippines

Schéma 4: Calendrier mettant en évidence les périodes de crise nutritionelle pour les ménages impliqués dans le fumage artisanal du poisson à Chokomey et Oshiyie, Ghana

Ces calendriers constitueront une référence utile lors de la sélection et de la planification des activités du projet participatif de nutrition. Ils pourront aussi aider à apprécier la faisabilité de certaines d'entre elles, comme par exemple l'introduction d'une nouvelle culture. La comparaison de calendriers préparés par des groupes de population différents peut révéler des différences de perception et peut conduire à un débat utile et à de nouvelles informations.

Des exercices de classement permettront de mieux connaître les préférences des personnes et peuvent fournir une alternative aux données quantitatives. Dans un exercice de classement, les personnes peuvent utiliser des matériaux disponibles tels que pierres, haricots, ou bouts de bois de taille variable pour exprimer leur préférence ou pour répondre à des questions comme: quel est le mois où il y a le plus de travail agricole? Quand un aliment donné est-il le plus cher sur le marché? Quelle est l'activité la plus profitable? L'information recueillie peut être enregistrée et combinée avec d'autres méthodes de collecte des données, par exemple, au cours de la préparation d'un calendrier saisonnier. Les exercices de classement seront aussi utiles à un stade ultérieur pour classer problèmes et activités par ordre de priorité.

Des cartes dessinées par différents groupes de population peuvent aussi aider àclarifier les problèmes, à susciter un débat et à identifier des solutions possibles. Ces cartes peuvent indiquer l'emplacement des maisons, des sites de production alimentaire, de cueillette, de ramassage de bois, les points de vente des aliments, les points d'eau et les services de santé. La carte 2 propose en exemple la carte préparée par une communauté dans un projet participatif de nutrition aux Philippines.

Carte 2: Carte d'une communauté montrant l'emplacement des maisons, de la route, des puits, etc. (Philippines)

Analyser le temps alloué à différentes activités au cours d'une journée, d'un mois ou de l'années quotidien, mensuel ou annuel peut aider les différents membres de la communauté à clarifier leurs rôles, à identifier certains problèmes et à discuter de la faisabilité des solutions envisagées. Ces emplois du temps différeront entre autres en fonction de l'activité principale, du sexe, de l'âge des individus et de la saison. Un exemple d'emploi du temps est proposé au schéma 5.

Schéma 5: Emploi du temps quotidien d'une fumeuse de poisson, Kabak (Guinée)

Préparation d'un emploi du temps: Le temps consacré à chaque activité est indiquée par le nombre de haricots ou d'objets analogues (cailloux, bâtons, etc.) placés en regard de l'activité.

Encadré 8: Analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle: Guinée

Dans la communauté de pêcheurs de Kabak en Guinée, mentionnée dans l'encadré 7, l'analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle a mis en évidence les problèmes suivants:

- les repas sont peu fréquents et monotones
- les enfants sont sevrés trop tard
- les plages sont très sales (déchets de la préparation des poissons, défécation)
- l'eau dé boisson est sale
- les ménages sont constamment endettés.

La présentation de ces conclusions a donc conduit à discuter de solutions possibles comme l'établissement de banques de riz, la protection des puits, le nettoyage des plages (qui pouvait être organisé localement) et l'amélioration des services de santé en complétant les activités du centre le plus proche par un service mobile.

L'agent de développement doit synthétiser et discuter l'information recueillie à intervalles réguliers. Les résultats des analyses en petits groupes devront être partagés avec les autres groupes et avec l'ensemble de la communauté, de façon à s'assurer que la communauté est d'accord avec l'interprétation des informations rassemblées et à identifier les besoins de renseignements complémentaires dans certains domaines.

Un diagramme de causalité ou "arbre à problèmes" peut aider à synthétiser et à visualiser l'information rassemblée, à mettre en évidence l'origine des problèmes et à montrer les causes de la malnutrition et les relations entre ces causes. Ceci peut constituer une bonne base pour la discussion ainsi que pour la planification des interventions. Un exemple de diagramme de causalité est proposé au Schéma 6.

L'analyse de l'information obtenue aidera la communauté à identifier les groupes de population et/ou les familles à risque pour chacun des problèmes de nutrition identifiés, ainsi que les familles les plus sérieusement affectées par le problème en question.

S'il doit se dérouler au rythme choisi par la communauté, six mois ne seront pas de trop pour ce processus d'analyse. Sa durée dépendra de la disponibilité et de l'intérêt des membres de la communauté ainsi que de la fréquence et de la durée des rapports entre les agents de développement et la communauté.

Schéma 6: "Arbre à problèmes" ou "modèle causal" de la malnutrition (communautés du district de Kakamega, Kenya)

Le processus d'analyse et de recueil d'information continuera tout au long du projet, et les activités du projet seront identifiées au fur et à mesure du progrès de l'analyse: les activités seront revues et réorientées en fonction des nouvelles informations et des besoins perçus par la communauté.

Une fois que la communauté a identifié une série de problèmes alimentaires et nutritionnels, les causes sous-jacentes de ces problèmes, et les groupes et/ou les ménages affectés par ces problèmes, les résultats de cette analyse par la communauté peuvent être comparés à l'évaluation initiale effectuée pendant la phase préparatoire. Les divergences ou les contradictions qui peuvent surgir de cette comparaison, seront discutées avec la communauté afin d'obtenir des informations complémentaires et d'améliorer la compréhension des problèmes.

Certains des problèmes que les agents de développement considèrent importants peuvent à ce stade ne pas être reconnus comme tels par la communauté. Forcer les gens à s'intéresser à des problèmes qu'ils ne comprennent pas ou avec lesquels ils sont en désaccord serait contre-productif. Il vaut mieux se concentrer sur des problèmes sur lesquels la communauté et l'agent de développement sont d'accord. Toutefois, au fur et à mesure de la progression du projet, le point de vue tant la communauté que de l'agent de développement évoluera ce qui leur permettra de mieux se comprendre et de s'intéresser davantage au point de vue de l'autre.

L'agent de développement peut vouloir discuter avec d'autres personnes de la région les perceptions et les priorités sur lesquels il est en désaccord avec la communauté afin de comparer expériences et approches. Ceci peut fournir des idées sur la façon d'aborder ces points dans le futur.

Encadré 9: Identification des problèmes alimentaires et nutritionnels: Kenya

Dans le projet participatif de nutrition dans: lé district de Kakamega, (Kenya), lés problèmes suivants ont été identifiés en relation avec la situation alimentaire et nutritionnelle: (voir Schéma 6)

- là pénurie de terres cultivables liée à l'accroissement de la population,

- les changements dans les pratiques agricoles, en particulier l'abandon progressif des cultures vivrières traditionnelles telles que le millet et le sorgho, conduisant à des modes d'exploitation inappropriées.

- les besoins d'argent importants de décembre à février,

- le manque d'activités génératrices de revenus,

- le conflit entre les dépenses alimentaires et d'autres dépenses obligatoires (ex: funérailles) pour un budget familial limité.

- l'accès de plus en plus difficile au bois de feu,

- la préparation et la répartition intra-familiale inappropriées des aliments.

- l'insuffisance du système de commercialisation et de distribution dans la région (trop peu de marchés, pas d'épicerie de village), aggravée par un réseau routier déficient.

- un approvisionnement en eau médiocre

- le manque d'assainissement et d'hygiène de base,

- l'insuffisance des services de santé et les problèmes de fonctionnement des structures existantes (manque de médicaments).

Etablir des priorités

L'étape suivante dans l'analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle est de classer les problèmes par ordre de priorité. Discuter des points suivants aidera la communauté à établir ses priorités:

- Quel est le problème le plus sérieux? Pourquoi?
- Qui devra être aidé en priorité? Pourquoi?
- Par où doit-on commencer? Pourquoi?

Pour s'assurer de la participation de tous les membres de la communauté, il peut être utile d'organiser des discussions séparées avec des groupes spécifiques, tels que les femmes, les jeunes ou les foyers marginalisés. Les priorités de la communauté peuvent être comparées avec les priorités identifiées lors de l'évaluation initiale.

Des paysans vietnamiens discutent les avantages et les inconvénients de différents emplacements possibles pour un poste de santé.

Contraintes possibles

- La perception de la population de ce qui est ou non un problème diffère souvent de celle de l'agent de développement. Par exemple, la perception de la maigreur varie énormément d'une culture à l'autre. Aux yeux de certaines personnes, la maigreur peut ne pas être liée à la nutrition. Beaucoup de gens ne font pas le lien entre les signes cliniques de malnutrition et leurs habitudes alimentaires. Attribuer les problèmes de nutrition à une consommation inappropriée peut être inacceptable pour des parents qui l'interprètent comme une remise en question de leur capacité à assurer les besoins de leurs enfants.

L'utilisation d'approches techniques que la communauté ne comprend pas ou n'accepte pas peut bloquer le processus de participation.

- Etant donné la diversité des thèmes envisagés lors de l'analyse participative, celle-ci peut devenir si générale que la population ne perçoit plus les domaines plus spécifiques à l'alimentation et à la nutrition. Le rôle de l'agent de développement est de remettre le processus sur la bonne voie de temps en temps, en prenant soin de ne pas imposer ses vues et de nuire au processus de participation.

Les principales étapes de l'analyse participative de la situation alimentaire et nutritionnelle de la communauté

L'agent de développement aide la communauté à:

1. Analyser sa situation alimentaire et nutritionnelle.

2. Identifier ses problèmes en matière de nutrition et les obstacles principaux à une nutrition satisfaisante.

3. Pour chacun de ces problèmes, identifier les ménages vulnérables et déterminer ceux qui sont les plus touchés.

4. Attribuer un ordre de priorité à ses problèmes d'alimentation et de nutrition.

5. Résumer et se mettre d'accord sur les résultats de l'analyse.


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