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3.   SUIVI, CONTROLE ET SURVEILLANCE: DEFINITION ET CONTEXTE

3.1   Définition du SCS

La Convention de 1982 sur le droit de la mer a non seulement donné la possibilité de renforcer les avantages économiques, mais défini les responsabilités des Etats côtiers concernant l'exploitation des ressources de leur zone économique exclusive. C'est souvent ainsi qu'est apparue la nécessité de développer les ressources marines d'un pays et de contrôler'leur exploitation. Les pêches sont le point central de ce développement, car les poissons et leur habitat sont des ressources fondamentales de la zone économique exclusive. Si l'aménagement des pêches et le SCS ont généralement pour objectifs de tirer profit des possibilités économiques de l'extension de la zone économique exclusive, ils visent aussi à garantir l'exercice des droits souverains sur la zone, la conservation des ressources marines et la collecte de données appropriées sur les activités, de façon à planifier rationnellement la gestion des océans et des pêches. La définition du SCS des pêches doit tenir compte de ces points.

De nombreux ouvrages ont été écrits sur le SCS et plusieurs définitions et interprétations en ont été données; celles qui sont couramment utilisées par le personnel des pêches sont issues de la Consultation d'experts sur le suivi, le contrôle et la surveillance, tenue à Rome en 1981 et peuvent être résumées comme suit:

  1. suivi - nécessité de mesurer en permanence les paramètres de l'effort de pêche et les rendements;

  2. contrôle - dispositions régissant l'exploitation des ressources;

  3. surveillance - observations requises, à différents niveaux, pour assurer le respect des règlements sur les activités halieutiques2.

Plus simplement, le SCS est le système qui permet de mettre en oeuvre un plan ou une stragégie. Lorsqu'il s'applique à la gestion des océans et aux pêches, le SCS consiste à mettre en oeuvre les opérations nécessaires pour exécuter une politique et un programme convenus pour la gestion des mers et des pêches3. Le SCS est souvent négligé dans l'aménagement des mers et des pêches, alors qu'il est la clé de la réussite de toute stratégie de planification. Tout programme d'aménagement des pêches qui ne prévoirait pas une stratégie et une méthode pour la mise en oeuvre des opérations de suivi, de contrôle et de surveillance, serait incomplet.

2 FAO (1981)

3 Ce document se réfère à la politique des océans, à la planification et la gestion intégrées des océans et à la gestion des pêches. Ceci pour souligner le fait que toute politique ou plan de gestion qui s'applique aux mers aura un impact sur plusieurs composantes de la gestion intégrée des océans. Les départements des pêches, en tant qu'organes essentiels de la gestion des ressources marines, ont l'obligation de jouer un rôle de premier plan dans la conservation et la protection des ressources marines. Le SCS devient alors multi-sectoriel, puisqu'il est essentiel pour la mise en oeuvre des stratégies de gestion des pêches, mais aussi indispensable à la réussite des politiques, programmes et stratégies relatifs aux mers, d'ordre plus général.

3.2 Composantes du SCS

Le SCS comprend trois composantes principales qui, en fonction du coût, des ressources engagées et de la structure administrative (nationale, sous-régionale ou régionale), prennent une configuration particulière dans chaque système. Il s'agit des composantes terre, mer et air. De nos jours, cette dernière composante fait souvent appel à des satellites.

La composante terre, qui se rapporte à la base d'opérations, peut être utilisée pour assurer le suivi, le contrôle et la surveillance des pêches en eaux continentales, douces et côtières. C'est ordinairement de la terre que sont coordonnées toutes les activités de SCS et qu'est organisé le déploiement des ressources disponibles de façon à répondre au mieux aux changements qui se produisent dans les pêches. C'est de là que partent les inspections dans les ports et le suivi des transbordements et du commerce des produits de la pêche, pour assurer le respect de la législation sur les pêches.

La composante mer du SCS comprend l'aspect technique proprement dit de la surveillance des zones maritimes nationales, sous-régionales ou régionales. Pour cette composante, on peut recourir à des radars ou des navires qui sont utilisés dans trois buts. Comme on craint traditionnellement une violation des lois s'appliquant à une ZEE peut être alléguée, il faut pouvoir “mettre la main” sur l'auteur de l'infraction, surtout pour la formalité légale de la saisie, mais aussi pour identifier le contrevenant et pour réunir des éléments de preuve. Comme il s'agit là d'une opération coûteuse, exigeant navires, équipages et fournitures, de nombreuses nations favorisent maintenant les techniques de surveillance “sans recours à la force”. Celles-ci comportent notamment l'utilisation d'observateurs, des registres nationaux ou régionaux pour l'immatriculation des navires ou de licences et d'accords contenant des clauses relatives à la responsabilité de l'Etat du pavillon, à l'égard des actions de ses ressortissants et de ses navires. Toute stratégie de gestion des pêches qui impose une division des eaux en plusieurs zones de pêche, des quotas nécessitant un suivi des captures, des restrictions sur les mailles et les engins de pêche et des tailles minimales ou maximales pour les poissons doit avoir des navires pour transporter le personnel des pêches, afin qu'il puisse rester en mer avec les flottilles pour s'acquitter de ces fonctions, étant donné que le contrôle de ces mesures ne peut pas être effectué depuis la terre ferme. Quand ils sont en mer, les bateaux patrouilleurs peuvent aussi assurer la sécurité des navires.

La composante air du SCS est ordinairement le premier niveau d'intervention lorsqu' un Etat côtier (ou une région) manifeste une préoccupation concernant la zone dont il est responsable ou dans laquelle il a des intérêts. La souplesse, la rapidité et le caractère dissuasif en font un outil très utile et très rentable pour la gestion des pêches. Cette composante permet aussi de rassembler, très rapidement et pour un coût relativement modique, des informations sur l'effort de pêche dans la zone visée, à partir des avions ou par satellite. Le coût de ces systèmes est directement lié au degré de perfectionnement de la technologie employée. La surveillance aérienne fournit des informations initiales sur les opérations effectuées dans les pêcheries, mais elle peut aussi donner une première indication d'éventuelles activités illicites dans la zone. C'est sur la base de ces derniers renseignements qu'une action de SCS peut être lancée, par la suite. La surveillance aérienne a en outre l'avantage de pouvoir être utilisée accessoirement pour le suivi de l'habitat des pêcheries et, plus généralement, de l'aménagement des zones côtières.

On peut prévoir une nette amélioration des secours en mer, du contrôle de la pollution et de l'habitat et du suivi général de la gestion de la zone côtière, car tous ces aspects peuvent être traités durant les activités de SCS des pêches. Il peut être rentable et efficace d'utiliser les ressources importantes dont dispose le SCS des pêches, pour les affecter à d'autres fonctions de suivi connexes, dans le cadre de programmes de gestion intégrée des océans, en particulier en ce qui concerne les pêches et le milieu marin.

La définition donnée plus haut du suivi, du contrôle et de la surveillance met l'accent sur le fait que le SCS est un système à trois niveaux. Lorsque l'on met en place des dispositifs de SCS dans le monde entier, on commet généralement l'erreur de concentrer les activités sur la composante surveillance, c'est-à-dire sur la phase de mise en application des lois, au détriment des deux autres phases. Or, avec les phases de suivi et de contrôle on obtient les données de base et le cadre juridique nécessaires à la gestion rationnelle des pêches et à la planification des opérations. Comme la phase de surveillance est la plus onéreuse, les pays en développement doivent rechercher les méthodes les plus rentables pour s'acquitter des fonctions correspondantes.

Il est bon de rappeler que la meilleure manière de faire appliquer les lois et les règlements, est d'en assurer l'“application préventive” ou le respect volontaire. Tout se passe comme pour les voitures, où il revient moins cher de procéder à des opérations “d'entretien préventif” que d'exécuter des réparations longues et coûteuses. Les mêmes principes s'appliquent au SCS. Si les mesures de SCS sont comprises et acceptées par ceux qui en seront les premiers bénéficiaires - à savoir les pêcheurs - il sera plus facile d'obtenir leur appui, leur engagement et leur participation, à des fins de surveillance. Le respect volontaire permet aussi, par la suite, de concentrer les moyens coûteux de mise en application sur les questions les plus préoccupantes aux niveaux national, sous-régional et régional, de la façon la plus rentable qui soit. La possibilité de répétition des infractions dépendra de l'effet dissuasif de la phase de contrôle, c'est-à-dire de la législation sur laquelle s'appuie le SCS. Si les pêcheurs comprennent les raisons qui sous-tendent la législation sur les pêches, ils seront dissuadés d'enfreindre les lois et les règlements. On renforcera ce concept en rédigeant des lois applicables et en prévoyant des sanctions appropriées.

3.3 Rôle du SCS dans la gestion des pêches

A quel stade de la gestion des pêches le SCS intervient-il? L'organigramme de la gestion des pêches, qui figure à la page suivante, aide à répondre à cette question4. En gros, cet organigramme montre que la gestion des pêches comprend trois composantes imbriquées, à savoir:

  1. collecte de données sur les ressources biologiques et sur les aspects économiques et sociaux des pêches, et rassemblement d'informations essentielles sur les pêcheurs, les bateaux et les engins;

  2. Prise de décision ou planification de la gestion des pêches;

  3. mise en oeuvre, ou SCS de la gestion des pêches, avec la participation de fonctionnaires du gouvernement et des représentants des communautés de pêcheurs et du secteur des pêches.

Lors de la première phase (collecte des données), on rassemble et analyse des données d'ordre biologique ou concernant l'évaluation des ressources, des informations de base sur les pêcheurs, les bateaux et les engins, mais aussi sur les tendances et les méthodes de pêche et finalement des données sociales et économiques nécessaires à l'exploitation, la transformation et la commercialisation des pêcheries. Une fois analysées, ces données sont utilisées pour la planification des pêches.

La deuxième composante (prise de décisions) comprend l'intégralité du processus de consultations et de négociations avec toutes les parties qui influencent les décisions concernant une pêcherie. A l'issue de ce processus, des plans de gestion des pêches sont élaborés pour les secteurs de l'exploitation, de la transformation et de la commercialisation du poisson. Le facteur clé de cette composante de prise de décision, qui touche l'ensemble du processus de gestion des pêches, est la volonté des pouvoirs publics et leur engagement à l'égard d'une gestion durable et rationnelle des pêches. Sans cet engagement, la réussite des plans de gestion des pêches serait compromise.

4 Fanning, Paul J., Fisheries Mamagement System, CARICOM Fisheries Newsnet, Volume 2, Number 2, CARICOM Fisheries Resource Assessment and Management Program, Belize, C.A., Août 1993.

La dernière composante, qui est celle qui pose le plus de problèmes aux gouvernements, en raison de son coût potentiel élevé ou parce qu'il existe d'autres priorités gouvernementales ou d'autres accords dans le secteur des pêches, est celle de la mise en oeuvre dés plans. Elle est assurée grâce au suivi, au contrôle et à la surveillance des pêches et des pêcheurs, sans lequel il est impossible de mettre en oeuvre avec succès les plans de gestion des pêches. Le plan le plus complet et le plus acceptable sur le papier n'aboutira à une bonne gestion des pêches que s'il est mis en oeuvre par le biais d'opérations de suivi, de contrôle et de surveillance. L'absence d'intérêt ou d'engagement, vis-à-vis de la mise en oeuvre des activités de SCS, entraîne souvent la surexploitation et l'épuisement des ressources, ainsi que des pertes économiques pour les générations futures.

Dans le passé, les responsables officiels ont souvent agi comme si la gestion des pêches consistait en tout et pour tout à effectuer des études biologiques pour évaluer les ressources et élaborer des plans de gestion. Les stocks de poisson étaient censés se conserver naturellement et les industriels devaient se charger de la transformation et de la commercialisation. L'appui apporté à la collecte des données et au contrôle des activités des pêcheurs et des industriels, en vue d'obtenir des données appropriées à incorporer dans les plans de gestion des pêches ultérieurs, était faible, tout comme le taux de réussite des plans. A présent, les Etats sont de plus en plus conscients de la dégradation de l'environnement et reconnaissent de plus en plus la nécessité d'investir dans la mise en oeuvre (SCS) de plans d'aménagement des ressources naturelles, notamment pour les pêcheries. C'est dans cet esprit que les pays s'efforcent de résoudre les problèmes déjà mentionnés, concernant le financement des activités de SCS.

Les initiatives menées à ce jour montrent qu'il faut qu'un seul organisme prenne la direction des activités de SCS, ou soit doté de pouvoirs en la matière, de façon à éviter la confusion des tâches, les doubles emplois, les inefficacités et les coûts supplémentaires, inévitables lorsque les pouvoirs sont confiés à plusieurs organismes. Comme le secteur des pêches est celui où les ressources marines renouvelables et leur habitat risquent le plus d'être mal gérés, on pourrait envisager de confier aux départements des pêches la direction du SCS. Cependant, comme on l'a déjà fait observer, les activités de SCS menées à l'appui de la gestion des pêches peuvent aussi englober d'autres tâches secondaires liées à la conservation des ressources naturelles d'un pays et à son environnement. Comme les activités de SCS demandent une infrastructure coûteuse, en particulier en avions et en navires, il sera plus facile de rationnaliser son emploi, si on l'associe à la responsabilité globale du SCS de la zone côtière et de la ZEE qu'exerce chaque pays, ou groupe de pays, sur les pêches et leur habitat/ ou milieu marin, car elle sera adaptée à l'ampleur de la tâche.


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