Le secteur de la pêche mauritanienne se caractérise par les traits suivants:
une zone économique exclusive de 230 000 km2, très poissonneuse;
deux branches: l'une artisanale, comprenant 1200 unités environ (1993), qui débarque la moitié du poisson démersal et le cinquième du poulpe (1992); l'autre industrielle comprenant 126 chalutiers, étrangers (56%) et nationaux (44 %);
alors que la flottile artisanale est engagée dans un processus de mécanisation et de modernisation rapides, la flotte industrielle ne se renouvelle pas (prédominance d'unités de 15 ans d'âge et plus; tabl. 28);
le dynamisme de la pêche artisanale se vérifie dans sa participation croissante à la pêche des céphalopodes créée à l'origine par la flottille chalutière;
un effectif total de 6 100 pêcheurs en 1993;
des débarquements compris entre 500 et 600 milles tonnes en 1992, dans lesquels les espèces démersales ne représentent, en volume, qu'entre le cinquième et le sixième des captures totales;
une domination, en valeur, des céphalopodes et, parmi ceux-ci, du poulpe (35 140 tonnes
soit 80 % des prises démersales - et 112 millions de dollars en 1989; CNROP, 1991), dont la totalité des captures est exportée;
la priorité donnée au secteur de la pêche dans la politique économique du Gouvernement (Déclaration de Politique de Développement du Secteur de la Pêcge, avril 1987).
Age (années) | 1984 | 1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993* |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
<5 | 5 | 11 | 18 | 22 | 32 | 30 | 6 | 11 | 5 | 6 |
5–15 | 49 | 39 | 33 | 28 | 18 | 15 | 31 | 19 | 31 | 9 |
>15 | 46 | 51 | 49 | 50 | 50 | 55 | 67 | 26 | 34 | 16 |
Par sa contribution à la création d'emplois, à la production de nourriture, à la fourniture de devises et par la distribution des richesses au sein de la population nationale, cette branche joue un rôle majeur dans le développement économique et social du pays.
Les 23 sites de débarquement (dont 17 permanents) se répartissent entre trois secteurs:
région nord, avec Nouadhibou et La Guerra;
région imraguen, d'Agadir à Lehféré;
région sud, de Nouakchott à N'Diago.
Deux centres de pêche prédominent:
Noudhibou, avec 437 embarcations (56 % de la flottille) et une activité centrée sur le poulpe;
Nouakchott, avec 201 unités (26 % du parc) pratiquant la pêche du poisson démersal et pélagique.
1 - Cette partie du rapport final est basée sur la contribution de MM. A.T.N'Guer et I. Thiam.
4.1.2.1 - Unités de pêche
La pêche artisanale utilise plusieurs types d'embarcations: pirogues en bois - y compris pour le transport -, en acier, en aluminium, en plastique, canots à bordés, vedettes, lanches imraguen. Entre août 1992 et avril 1993, l'effectif du parc s'est accru de 58 % (tabl. 29), tandis que sa composition se modifiait profondément. On constate:
une modernisation de la flottille, qui se manifeste par:
l'apparition et la multiplication, avec la création à Nouakchott d'un chantier de construction, de pirogues en aluminium, dont l'effectif est passé d'une unité en février 1992 à 105 (9 % du total en novembre 1993;
l'apparition de pirogues en acier en août 1992;
le fort accroissement des pirogues de type sénégalais en 1993; importées ou construites dans les chantiers de la Tcherka et de Nouakchott, elles continuent de prédominer;
une réduction récente du nombre de canots;
une stabilité au niveau des lanches et des vedettes, ainsi que des pirogues en plastique et des pirogues en bordés; la durée de vie courte de ces dernières (5 ans contre 20 ans en moyenne pour les pirogues tratiditionnelles) est une contrainte à leur généralisation.
L'immatriculation des pirogues a mis du temps à se généraliser. Dans le passé, le s suivi des unités n'était pas parfait.
1985 | 1988 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993 | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
févr. | juill. | févr. | août | févr. | août | avril | nov. | |||
Pirogues acier | - | - | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 7 | 11 | 11 |
Pirogues aluminium | - | - | 1 | 1 | 3 | 3 | 18 | 43 | 77 | 105 |
Pirogues plastique | - | - | 144 | 123 | 134 | 184 | 96 | 100 | 128 | 193 |
Pirogues bois | - | - | 389 | 482 | 386 | 398 | 396 | 424 | 764 | 715 |
Pirogues marée | - | - | 5 | 0 | 8 | 60 | 3 | 9 | 18 | 90 |
Bateaux | - | - | 5 | 1 | 0 | 4 | 0 | 4 | 12 | 8 |
Canots | - | - | 20 | 55 | 50 | 51 | 26 | 51 | 28 | 25 |
Lanches | - | - | 53 | 57 | 52 | 53 | 53 | 55 | 57 | 54 |
Vedettes | - | - | 109 | 44 | 56 | 43 | 35 | 42 | 67 | 60 |
Total | 519 | 750 | 726 | 763 | 689 | 795 | 627 | 735 | 1162 | 1272* |
Ces changements dansl la composition de la flottille artisanale traduisent des modifications profondes dans la structure et l'activité de la branche )changements dans la structure de la population de pêcheurs, migrations, assimilation d'innovations techniques autonome ou suscitée par des interventions nationales ou extérieures - projects), comme l'effet d'événements plus conjonturels. Ces modifications devraient être régulièrement suivies et interprétées, car on peut en tirer des enseignements d'un grand intérêt potentiel sur la dynamique de la branche et l'efficacité des diverses interventions publiques.
Le processus de motorisation se manifeste par (tabl. 30):
la généralisation des moteurs hors-bord: 89 % en 1986, 93 % en 1988, 96 % en 1993; toutefois, les lanches restent propulsées à la voile;
l'accorissement plus récent de la puissance motrice: jusqu'en 1988, les moteurs de 15 CV prédominaient; ceci peut s'expliquer par une augmentation du rayon d'action des unités; mais ce n'est pas le seul facteur, le nombre de moteurs de puissance égale ou supérieure à 40 CV, stable (230 en moyenne) jusqu'en 1992, est passé à 441 en novembre 1993.
Puissance(CV) | fév.90 | juil.90 | juil.91 | fév.92 | août.92 | avr.93 | nov.93 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
0 | 76 | 88 | 52 | 46 | 47 | 55 | 54 |
8 | 12 | 22 | 23 | 13 | 13 | 15 | 4 |
15 | 238 | 263 | 208 | 205 | 214 | 412 | 336 |
25 | 168 | 147 | 149 | 134 | 147 | 195 | 191 |
≥ 40 | 232 | 232 | 243 | 229 | 199 | 261 | 441 |
inactif | - | - | - | 19 | 67 | 48 | 54 |
total | 726 | 763 | 661 | 615 | 753 | 1166 | 1080 |
Choisis en fonction des espèces cible, les engins de pêche (ligne à main, palangre, pot à pouple, filet dormant, filets à sole, au tollo, …, filet d'épaule imraguen, senne de plage, senne tournante) changent avec les saisons et les lieux de pêche. Dans la région nord, le port à pouple domine (en novembre 1993, on recensait 567 filières de 60 à 80 pots chacune à Nouadhibou); il est suivi par le filet à langouste verte (La Guerra). Dans la région centre, la pêche motorisée est interdite dans la réserve du banc d'Arguin, entre Nouamghar et Agadir; on y pêche au filet dormant à courbine et à tollo, au filet imraguen (mulet); entre Jreif et Blawakh, on utilise, outre les engins énumérés pour la région nord, la ligne à main la palangre, et le filet dormant à sole. Dans la région sud, la palangre (34 % du total recensé en 1989), qui avait disparu avec le départ des pêcheurs artisanaux sénégalais (7 % en février 1992), est réapparue (11 % en novembre 1993).
4.1.2.2 - Activités et production
L'activité de la flottille artisanale est régulièrement suivie, depuis 1987 à Nouadhibou (La Tcherka), et depuis mai 93 à Nouakchott.
Les débarquements de la pêche artisanale ont atteint 14 600 tonnes en 1992, contre 10 200 tonnes en 1984, 17 100 tonnes en 1988, et 12 500 en 1991. Ces statistiques ne portent que sur la production qui transite par des circuits de commercialisation bien établis. La consolidation en cours du système statique devrait permettre d'apprécier la part restante.
La composition spécifique a changé au profit des espèces nobles (Ahmeda, 1990), comme le montre l'accroissement régulier des captures de poulpe: 18 tonnes en 1984, 389 tonnes en 1986, 3 345 tonnes en 1987, 6 900 tonnes en 1991, et 8 081 tonnes en 1992. Le poulpe représente aujourd'hui plus de la moitié de la production pondérale de la branche. Au cours de la même période, le rôle de la pêche artisanale dans l'exploitation des poissons démersaux s'est accru relativement, du fait du déclin de l'intérêt des chalutiers pour la pêche de ces espèces.
La figure 4 (§ 3.2.1), qui représente l'évolution de la prise par unité d'effort de pouple de la flottille artisanale de Nouadhibou, montre la forte chute des rendements survenue dans la pêche du poulpe de 1987 à 1990, et leur amélioration à partir de 1991. Pour la période 1984 – 1992, les pue des pirogues et celle des chalutier varient parallèlement.
La figure 17, qui donne les débarquements par principaux groupes d'espèces pour l'années 1992, fait apparaître:
deux pics, l'un en décembre - janvier, l'autre en août, des débarquements totaux; la pêche du pouple et des petits pélagiques varie de la même façon;
un cycle inverse, pendant la première partie de l'année, pour les poissons démersaux;
un maximum d'abondance, d'avril à juin, pour les poissons plats;
des pêches saisonnières, comme celle des mulets (et également la courbine en juillet).
L'importance du poulpe et des espèces démersales est révélatric d'une activité tournée de plus en plus vers la commercialisation et l'exportation de la production. La pêche artisanale mauritanienne n'est plus une activité de subsistance.
Figure 17 - Variations mensuelles de la composition des débarquements de la pêche artisanale (kg, année 1992).
4.1.2.3 - Emploi et mobilité
La création d'emploi progresse parallèlement au développement des activités (tabl. 31). On constate en outre une baisse temporaire de l'effectif, consécutive aux événements de 1989, et une forte augmentation en 1993. La comparaison des statistiques sur les pêcheurs et les embarcations montre que l'effectif des équipages reste stable (4–5 pêcheurs par pirogue). Comme cette stabilité est par ailleurs connue, c'est un indice de la bonne qualité des statistiques.
Tableau 31 - Évolution de l'effectif de pêcheurs artisanaux (moyenne des deux enquêtes annuelles).
Année | 1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993 |
Effectif | 2279* | 2254 | 2923 | 3299 | 2877 | 3531 | 3042 | 3467 | 5833 |
* :une seule enquête, en juillet.
En 1987, le secteur artisanal générait sept fois plus d'emplois par tonne débarquée que la pêche industrielle. Même si l'on ne dispose pas d'estimation de l'emploi indirect, les activités induites (construction et réparation des pirogues, réparation des moteurs, ramendage des filets, transformation et commercialisation) ont du progresser dans les mêmes proportions que les emplois embarqués.
La distribution spatio-temporelle de l'activité reflète l'effet de deux processus contraires:
l'existence de deux pôles d'attraction forts, Nouadhibou et Nouakchott, où sont concentrées les infrastructures de conservation et d'expédition;
des migrations géographiques qui, sous l'effet de facteurs techniques, économiques, sociaux et politiques, sont une donnée structurelle et structurante de la pêche artisanale.
La principale communauté migrante est celle de N'Diago. Elle compte 2 260 pêcheurs répartis de façon sensiblement égale entre Nouakchott et Nouadhibou. Ses members résident plusieurs mois dans ces centres. Ils ne rentrent chez eux qu'à l'occasion des grandes fêtes religieuses (Tabaski et Mouloud). Les pêcheurs originaires du fleuve Sénégal sont au nombre de 721. Récemment revocertis à la pêche maritime, ils opèrent à partir de Nouadhibou et de La Guerra. Dans cette dernière localité, ils pratiquent la pêche de la langouste.
Traditionnellement, les pêcheurs imraguen se déplaçaient, entre les sites de pêche au sein de leur secteur, pour suivre les concentrations de leurs espèces cible (courbine et mulets). Depuis quelques années, avec leur intérêt nouveau pour la pêche du poulpe, du poulpe, leurs activités évoluent. Durant la période de soudure (juin-août), ils migrent maintenant saisonnièrement vers Nouadhibou, où la dernière enquête-cadre a recensé 70 pêcheurs de cette communauté. Ce comportement d'un groupe social qui avait maintenu jusqu'à ces dernières années son autonomie peut refléter la monétarisation croissante de son activité.
Il existe enfin une immigration de personnes originaires de pays africains plus méridionaux, qui cherchent des activités de pêche et de travail pérennes. L'enquête-cadre de novembre 1993 a estimé à 448 l'effectif des étrangers employés dans la pêche artisanale.
4.1.2.4 - Organisation économique et sociale
La rémunération à la part, caractérisée par le partage du produit sur la base d'une prise en charge collective des frais courants d'exploitatin (carburant, entretien, réparations, nourriture) et le partage du risque lié aux aléas de la pêche, est la plus courante dans la pêche du poisson. De nouveaux modes de rémunération des intrants humains (main d'oeuvre et capital), en rupture avec les systèmes traditionnels, sont apparus avec le développement de la pêche du poulpe. Dans cette pêche, le système repose sur une individualisation des risques, chaque pêcheur apportant les engins utilisés sur une même embarcation. Derrière les formes de coopération induites par la pêche du poulpe, transparaît l'émergence d'une logique capitalistique. Le phénomène est plus clair sur les vedettes où le salariat est en vigueur, que sur les priogues en bois et en plastique. Dans les premières, l'emploi des pêcheurs est assorti de l'obligation de vente des captures aux propriétaires des embarcations. Un tel système peut être considéré comme ‘cloisonné’ dans la mesure où il rémunère fortement les facteurs techniques à forte valeur en capital: embarcation et moteur.
4.1.2.5 - Crédit et investissement
Il n'existe pas, en Mauritanie, de système formel de crédit adapté aux particularités de la pêche artisanale. Grâce à leur appartenance aux coopératives, certaines unités ont accès à une assistance pour l'acquisition d'équipements. Les rapatriés du Sénégal ont, par exemple, bénéficié d'équipements divers (pirogues,moteurs,...) sur financement de la Caisse Française de Développement.
Mises à part ces aides, le financement des investissements repose pour l'essentiel sur des modes informels de crédit. A côté des formes traditionnelles (familiales) de solidarité, des pêcheurs artisanaux ont trouvé auprès de certains usiniers des possibilités de crédit en échange d'un monopole de traitement ou de vente de leur production.
Les besoins des pêcheurs artisanaux portent souvent au moins autant sur les crédits de campagne et les fonds de roulement, que sur les gros investissements (embarcations, moteurs, engins).
4.1.2.6 - Commercialisation
La commercialisation de la production se fait par deux circuits distincts:
le marché intérieur, approvisionné principalement en produits frais par la vente directe aux consommateurs (cas fréquent à Nouakchott), ou par l'intermédiaire de petits revendeurs et mareyeurs; les contraintes majeures de ce circuit sont dans l'ordre:
* l'insuffisance du réseau routier qui isole les régions productrices du nord et du centre des principales zones de consommation situées le long du fleuve Sénégal 1;
* l'insuffisance de la chaîne de froid (elle existe, mais n'est pas encore opérationnelle);
* le manque de véhicules isothermes;
l'exportation d'espèces nobles - céphalopodes en tête, non consommés par la population locale -, par l'intermédiaire des usines et des expéditeurs de Nouadhibou principalement, et de Nouakchott secondairement.
La part non commercialisée de la production (auto-consommation, dons) est devenue faible. Avec le développement des marchés intérieur et internationaux, les communautés de pêcheurs artisanaux s'intègrent graduellement dans les économies nationale et internationale.
1 - Le transport par voie maritime, entre Nouadhibou et Nouakchott, est une possibilité à envisager.
Le tableau 32 donne, pour les principales espèces, les prix pratiqués sur le marché en 1992, et ceux fixés par l'Administration avant la suppression du contrôle des prix. La grande différence entre les prix pratiqués dans les deux systèmes est révélatrice des limites des interventions publiques dans la commercialisation, surtout au niveau des espèces exportées.
Espèces | Mérou blanc | Mérou brun | Dorade | Courbine | Mulet | Tollo | Poulpe | Langouste | Sole | Sardinelle | Divers |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Marché | 300 | 200 | 120 | 100 | 60 | 60 | 230 | 1200 | 70 | 60 | 70 |
Officiel | 75 | 75 | 75 | 75 | 50 | 50 | - | - | 50 | 50 | 50 |
4.1.2.7 - Encadrement
Au sein du Ministère des Pêches et de l'Économie Maritime, la Direction de la Pêche Artisanale est chargée de l'encadrement de la pêche artisanale. Ses principales activités portent sur:
la formation des pêcheurs;
l'appui (constitution, suivi, liquidation,…) aux groupements autogérés pré-coopératifs et coopératifs;
les projets de développement et de modernisation de la branche (pêche artisanale de la région Sud, construction du quai de pêche artisanale à Nouadhibou,…);
les projets d'amélioration des conditions de vie des populations de pêcheurs;
les circuits de commercialisation des produits de la pêche.
Ces actions visent à promouvoir le développement de la branche, et à faciliter son intégration dans l'économie nationale. L'examen de l'histoire récente de la pêcherie révèle de grandes différences dans l'efficacité des différents types d'intervention publique. L'analyse de la dynamique propre de la pêcherie devrait permettre de mieux comprendre comment le secteur public peut accompagner effectivement l'évolution en cours.
4.1.2.8 - Conclusions
Depuis plusieurs années, la pêche artisanale mauritanienne fait preuve d'un grand dynamisme. Profitant de l'existence de ressources nobles très demandées sur les marchés internationaux, et des circuits de commercialisation vers l'étranger étranger établis par la pêche industrielle, sa production croît régulièrement. En même temps, elle adopte de nouvelles techniques. Certaines, comme les pirogues métalliques, sont conçues et construites sur place. Elle forme de nouveaux pêcheurs. En s'intégrant dans l'économie nationale et mondiale, son organisation économique et sociale subit des mutations profondes.
Plus que d'un appui direct de la part de l'État au niveau de la production, son évolution dépend d'interventions publiques au niveau des facteurs et des conditions que leurs dimensions mettent hors de portée des pêcheurs artisanaux:
amélioration des infrastructures de débarquement et des conditions de vie dans les sites de pêche, et raccordement des zones de production au marché intérieur: si le pouvoir d'achat des consommateurs est une contrainte qui échappe dans l'immédiat à l'action de l'État, le raccordement des sites de pêche des régions nord et centre aux zones de consommation du sud est un facteur d'expansion; ce désenclavement pourrait permettre, d'une part, de diversifier ses activités vers les stocks de petits pélagiques encore sousexploités et, d'autre part, par la promotion de la commercialisation de produits locaux, de réduire les coûts de production dans la zone nord;
mise en place d'un système de crédit formel adapté aux particularités économiques et sociales de la branche: le dynamisme dont fait preuve la pêche artisanale indique que l'investissement n'est pas une contrainte majeure; les pêcheurs ont davantage besoin d'un crédit adapté - y compris pour les frais de campagne - et d'une formation dans la gestion financière de leurs activités, que d'une aide à l'investissement;
régulation des interactions avec la pêche industriell, au niveau de l'occupation de l'espace comme de l'accès àla ressource: au-delà de la ségrégation de zones de pêche réservées aux arts traînants et dormants nécessaire à la cohabitation des deux flottilles, la mise en valeur des ressources halieutiques nationales dépend de l'application d'une politique qui définisse les niveaux d'exploitation des stocks exploités, les parts revenant à chaque flottille compte tenu de leurs atouts économiques et sociaux respectifs, et de la mise en place d'un système de régulation de l'accès adapté; la pêche artisanale requiert à cet égard des dispositions particulières.
4.1.3.1 - Pêcheries démersales
Les pêcheries démersales se distinguent entre elles par leurs espèces cible: céphalopodes, poissons du plateau, merlus, crevettes et langoustes.
Les flottilles nationales pêchent essentiellement, sur le plateau, les deux premiers groupes d'espèces, et débarquent en Mauritanie. Les autres groupes sont pêchés par des flottilles étrangères, opérant sous licence, qui ne débarquent pas localement. Ces pêcheries sont regroupées sous le vocable pêcheries spécialisées.
La structure de la flottille chalutière pêchant les stocks démersaux dans la ZEE mauritanienne est donnée dans le tableau 33.
Classes | Congélateurs | Glaciers | ||
---|---|---|---|---|
(puissance motrice en kW) | Mauritaniens | Étrangers | Mauritaniens | Étrangers |
150 – 299 | 0 | 0 | 1 | 22 |
300 – 499 | 0 | 2 | 5 | 6 |
500 – 749 | 35 | 11 | 0 | 4 |
750 – 999 | 13 | 0 | 0 | 0 |
1000 – 1499 | 11 | 1 | 0 | 0 |
1500 – 1999 | 6 | 0 | 0 | 0 |
Deux flottilles assez homogènes se distinguent:
celle des congélateurs, dans laquelle les navires mauritaniens dominent;
celle des glaciers, moins puissante et moins nombreuse; la prédominance des chalutiers étrangers correspond à l'arrivée en 1991 des navires chinois; comparativement aux autres flottilles, ces derniers ont, à puissance égale, un tonnage et une longueur plus élevés.
Alors que, pour la promotion des activités à terre de traitement, la politique nationale privilégiait les glaciers dans la création d'un armement national, on constate que ces bateaux sont devenus secondaires dans la flottille nationale. .bl Dans les dernières années 80,les céphalopodes représentaient plus des 4/5 des prises des congélateurs (avec le poulpe pour plus de la moitié, et les seiches pour 1/7 environ). Sur le plateau mauritanien, la production des stocks de poisson est devenue secondaire. En 1989, la valeur au débarquement des céphalopodes représentait la moitié de celle de l'ensemble du secteur de la pêche.
L'évolution des captures par flottilles (tabl. 34) montre:
un accroissement de la part des glaciers - du principalement à l'arrivée des glaciers chinois -, nettement moindre cependant que celui de la pêche artisanale;
une légère diminution de l'activité des congélateurs; mais elle reste largement dominante;
l'arrêt des débarquements à Las Palmas, édicté par le Gouvernement simultanément à la création de la SMCP en 1984 ,n'est devenu pleinement effectif en 1990.
Flottilles | 1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pêche artisanale | 54 | 390 | 3300 | 2500 | 3000 | 2350 | 4621 | 8257 |
(0,1%) | (0,9%) | (7,2%) | (6,8%) | (8,9%) | (10,9%) | (15,5%) | (18,8%) | |
Glaciers | 716 | 441 | 1361 | 1566 | 812 | 1243 | 1469 | 4777 |
(1,8%) | (1,0%) | (3,0%) | (4,3%) | (2,4%) | (5,7%) | (4,9%) | (10,9%) | |
Congélateurs | 30 325 | 40 965 | 38 416 | 31 837 | 29 558 | 18 400 | 23 792 | 30 818 |
(79,9%) | (90,5%) | (84,0%) | (86,9%) | (88,1%) | (85,7%) | (79,6%) | (70,3%) | |
Chalutiers débarquant à Las Palmas | 6874 | 3457 | 2655 | 729 | 163 | 0 | 0 | 0 |
(18,1%) | (7,6%) | (5,8%) | (2,0%) | (0,5%) | (0,0%) | (0,0%) | (0,0%) | |
Total | 37 969 | 45 253 | 45 732 | 36 632 | 33 533 | 21 993 | 29 882 | 43 852 |
(100%) | (100%) | (100%) | (100%) | (100%) | (100%) | (100%) | (100%) |
La composition des flottilles engagées dans les pêcheries spécialisées est la suivante:
merlutiers: 21 unités déclarées en 1980, 18 en 1988,37 en 1990;
crevettiers: 32 unités déclarées en 1990, 20 en 1992;
langoustiers: 16 unités déclarées en 1990; en 1992,il n'y a plus d'activité déclarée.
En 1988 les merlutiers ont déclaré une capture de 7 415 tonnes, pour une valeur de 3,3 millions $ US (450 $ la tonne). La même année, les crevettiers (essentiellement espagnols) ont déclaré une capture de 2 739 tonnes; les langoustiers, une prise de 700 tonnes (dont 696 tonnes de langouste rose), pour une valeur de 4, 2 millions $ US (6000 $ la tonne).
4.1.3.2 - Pêcheries pélagiques
Dans la ZEE mauritanienne, la pêche des petits pélagiques est effectuée essentiellement par des flottilles de l'Europe de l'est (tabl.21). La production totale a varié entre 200 et 500 000 tonnes. Après avoir atteint 495 000 tonnes en 1980, elle a baissé après 1987, jusqu'à 295 000 tonnes en 1990. Si elle est remontée à 381 000 tonnes en 1991, des informations non encore confirmées indiquent que la production aurait fortement décliné à la fin 1993. L'avenir de cette pêche est incertain (voir § 3.3).
Les captures déclarées de grands pélagiques (albacore, listao, patudo) ont augmenté régulièrement au cours des 20 dernières années (autour d'une production moyenne sur la période de 6 500 tonnes), pour atteindre 13 000 tonnes en 1991. L'essentiel de cette production correspond à l'activité d'une flottille de l'Union Européenne qui suit, chaque année, les mêmes concentrations de poisson. Leur production est débarquée à l'étranger (Sénégal et Espagne).
4.1.3.3 - Évolution de la flottille nationale
La Nouvelle Politique de Pêche avait les objectifs suivants:
favoriser la création d'armements nationaux;
promouvoir le développement des activités de traitement à terre;
prélever une partie de la rente foncière par une taxe sur les exportations;
faciliter le contrôle de la production et le recueil des statistiques de pêche.
La décision,prise en 1984, de réserver la pêche démersale aux chalutiers nationaux visait à accélérer la naturalisation de la flottill.
Dès 1976,les unités japonaises furent progressivement remplacées par des unités coréennes; cette substitution était achevée en 1983. En 1980, la flottille de glaciers était composée d'unités étrangères de nationalités différentes, parmi lesquelles le Portugal et l'Espagne dominaient (Josse et Garcia,1986). A partir de 1981, la ‘mauritanisation’ de la flottille s'est matérialisée avec l'armement d'une vingtaine de glaciers modernes, de taille moyenne,dont les équipages étaient en majorité (Girardin, 1988). A peu près à la même période,les congélateurs passaient sous pavillon mauritanien, mais sans changement notable dans la composition de leurs équipages. En 1987, des glaciers et des congélateurs étrangers étaient de nouveau autorisés à pêcher saisonnièrement dans la ZEE nationale. La naturalisation de la flottille de pêche fraîche s'est poursuivie jusqu'en 1989, date à laquelle on dénombrait 24 unités nationales et 5 soviétiques. De 1988 à 1991, les difficultés financières rencontrées par les armements nationaux de glaciers perturbèrent la réalisation de la politique nationale. Celles-ci ne peuvent s'expliquer par le seul déclin du stock de poulpe, puisque la flottille de pêche fraîche, plus engagée initialement dans l'exploitation des stocks de poisson, aurait dû moins souffrir que les congélateurs. A partir de 1991, des glaciers chinois gérés par une société de droit mauritanien sont venus se joindre à la flottille nationale.
Le résultat de cette évolution est qu'aujourd'hui, contrairement aux objectifs initiaux de la politique,la flottille de glaciers comprend une majorité de navires étrangers, alors que la flottille de congélateurs est principalement mauritanienne.
Durant toute cette période, des flottilles étrangères étaient autorisées àpêcher des espèces définies dans des pêcheries spécialisées: langoustes, merlus et crevettes du talus, crevette côtière.
Ce compte rendu succinct de l'évolution de la flottille chalutière est révélateur de la multiplicité des facteurs en jeu, parmi lesquels la ressource n'est pas nécessairement la plus déterminante. Comme pour la pêcherie artisanale, le jeu de ces facteurs devrait être analysé pour mieux comprendre les opportunités réelles du secteur et les fondements d'interventions réalistes.
4.1.3.4 - Emploi
Dans la pêche industrielle, une forte proportion des marins embarqués est étrangère (Gilly et Maucorps, 1987). Au total, cette pêche emploie entre 1 000 et 1 500 marins mauritaniens. La réglementation nationale impose d'embarquer 35 % de nationaux sur les chalutiers étrangers et 80% sur les bateaux nationaux
4.1.3.5 - Exportations
En 1992, 49 900 tonnes de poissons démersaux et de céphalopodes, pour une valeur totale de 151, 5 millions de dollars, a été exportée. 73 % de ces exportations étaient destinées au Japon, 25 % à l'Afrique. Le Japon domine actuellement le marché des produits de la mer mauritaniens.
4.1.4.1 - Données globales
Plusieurs méthodes sont utilisées pour analyser les performances du secteur. La Cellule Économique d'Appui du Ministère des Pêches et de l'Economie Maritime (CEAMP/MPEM) a utilisé la méthode des effets pour chiffrer l'apport direct et indirect du secteur. Cette méthode consiste à éclater chaque poste de dépense du compte de production (dont le solde est la valeur ajoutée), d'une part, et du compte d'exploitation (dont le solde est le revenu net), d'autre part. Elle permet de distinguer la création locale de valeur ajoutée par les dépenses sur les facteurs locaux de production, et les coûts en devises résultant des dépenses sur achats extérieurs. Une fois identifiés les différents agents d'une branche (fournisseurs étrangers et nationaux, producteurs, transformateurs, commerçants, État, …), leurs interrelations sont analysées en termes de flux physiques et monétaires. Cette méthode a été appliquée par Affo (1992).
1 - Cette partie du rapport final est basée sur la contribution de M. I.Thiam.
Le secteur de la pêche vient en tête de l'économie nationale. Il représente environ 20 % du PNB (18% du PIB). En 1991, pour une production totale déclarée de 485 000 tonnes représentant une valeur brute de 24,4 milliards d'UM, la valeur ajoutée incluse a été de 12,5 milliards d'UM. Il a apporté 17,2 milliards d'UM de devises (soit 48% du total national). Mais, ces exportations s'accompagnent d'importations directes dont le montant pour l'ensemble du secteur (8, 6 milliards d'UM en 1991) représente près du tiers des recettes d'exportation. Sa contribution directe au budget de l'Etat atteint 5, 1 milliards de la VA directe lorsque l'on y inclut les revenus fiscaux et parafiscaux (CEAMP, 1993). Les salaires directs et indirects liés à lêche s'élèvent à 2, 1 milliards d'UM. La part des entreprises est de 5, 3 milliards.
Dans le secteur, les céphalopodes tiennent une place primordiale. En 1989, les 35 000 tonnes débarquées représentaient une valeur de 112 millions de dollars, soit 50 % de la valeur totale de la pêche.
Le secteur de la pêche reste peu intégré dans l'économie nationale. Une partie importante des biens et des services est importés. En 1991, le niveau de transfert (coût en devises) du chiffre d'affaire du secteur était de 41% (CEAMP, 1993).
4.1.4.2 - Performances des flottilles artisanales et industrielles
Les comptes d'exploitation moyens de trois flottilles (pêche artisanale, glaciers et congélateurs) engagées dans la pêche des céphalopodes ont été analysés pour l'année 1991 (CEAMP, 1992). Ces comptes d'exploitation moyens permettent de calculer certains ratios dont la comparaison permet d'apprécier les taux de profit et la contribution des trois flottilles à économie nationale (tabl. 35):
le résultat net d'exploitation est positif pour les congélateurs et les unités artisanales; celui des glaciers est négatif;
pour le même chiffre d'affaire, la pêche artisanale et les congélateurs créent deux fois plus de valeur ajoutée que les galciers; sur la base des données actuelles, le même investissement créerait 3 à 6 fois plus de valeur ajoutée dans la pêche artisanale que dans la pêche industrielle (Projet ‘Pêche artisanale dans la zone sud’);
par rapport au chiffre d'affaire, la pêche artisanale consomme, par tonne produite, plus de carburant que les chalutiers; les glaciers, consomment environ deux fois moins de carburant (11 400 ouguyas) que les unités artisanales (20 100) et les congélateurs (20 600);
par contre, par rapport à pêche artisanale, les frais commerciaux par tonne de céphalopodes sont deux fois supérieurs pour les congélateurs, et 6 fois pour les glaciers;
en ce qui concerne les salarires, ceux-ci représentent 40 % de la valeur ajoutée des glaciers, 28 % de celle des congélateurs, et 17 % de celle de la pêche artisanale; mais dans les deux permiers, groupes, la plus grande partie de ceux-ci correspond à du personnel expatrié;
la pêche artisanale emploie de 4 à 6 fois plus de pêcheurs mauritaniens que la pêche industrielle (6 100 contre 1 000 à 1 500); par tonne produite, la pêche artisanale emploie actuellement 20 à 30 fois plus de pêcheurs mauritaniens que la pêche industrielle.
Ratios | Pêche artisanale | Glaciers | Congélateurs |
---|---|---|---|
Valeur ajoutée/Chiffre d'affaire | 75 | 33 | 71 |
Frais financiers/Chiffre d'affaire | 2 | 5 | 2 |
Carburant/Chiffre d'affaire | 10 | 5 | 8 |
Résultat net d'exploitation / Chiffre d'affaire | 50 | -33 | 31 |
Salaires/Valeur ajoutée | 17 | 40 | 28 |
Ce premier examen des performances des principales flottilles demande à être approfondi. L'objectif étant de comparer les capacités respectives des différentes flottilles à réaliser les objectifs de la politique nationale dans la mise en valeur d'une ressource qui, pour sa partie démersale, est devenue limitante, ces analyses devraient comparer les performances des flottilles (création de valeur ajoutée locale, entrées nettes en devises, emploi national, …) par tonne capturée, et tenir compte des différences dans les systèmes de rémunération des facteurs résultant de l'organisation énomique différente de la pêche artisanale, d'une part, et de la pêche industrielle, d'autre part. Les emplois induits, y compris dans les services, devraient également être estimés.
La politique mauritanienne de la pêche donne la priorité à trois objectifs:
maximisation de la valeur ajoutée,
accroissement des recettes budgétaires,
accroissement des recettes nettes en devises.
De ces objectifs, le dernier semble à première vue le plus facile à atteindre. Il suffirait pour cela de maintenir la production des stocks dont les produits sont exportés à des niveaux élevés. Pour les stocks démersaux biologiquement surexploités, cela signifie une réduction du taux d'exploitation, et donc des capacités et de l'activité de pêche. Pour les stocks pélagiques, il faudrait intensifier leur pêche, ce qui implique que cette expansion soit rentable dans le contexte mauritanien actuel. En réalité, la réduction des dépenses en devises est aussi importante, puisque seuls comptent les gains nets. Or, pour l'ensemble du secteur, les dépenses en devises représentent près du tiers des recettes d'exportation. La pêche artisanale présente à cet égard un avantage évident.
Si le second offre d'excellentes perspectives, il est difficile à atteindre. Pour cela, il faut réduire, pêcherie par pêcherie, le taux d'exploitation à un niveau tel que la différence entre le chiffre d'affaire total et le coût total de production - y compris le bénéfice normal des entreprises - soit le plus élevé. Ce niveau est toujours inférieur à celui correspondant au maximum de production physique. La plus-value résultante peut être assimilée à la rente foncière. Cette dernière apparaît lorsque, la demande excédant l'offre, le prix des produits tend à dépasser le coût de la production. Ces conditions sont réunies dans la pêche du fait de la capacité naturellement limitée des ressources. Pour cela, le coût de production doit pouvoir être contenu par un contrôle adéquat des capacités de capture. Avec un régime approprié de propriété des ressources, le propriétaire de celles-ci - en l'occurrence l'État - peut réaliser cette plus-value. Dans une pêcherie en équilibre, la rente foncière n'est pas à la charge des producteurs, mais des consommateurs. Son prélèvement ne ponctionne ni les salaires, ni l'intérêt du capital, ni les bénéfices industriels des entreprises, ni la prime de risque. Contrairement à beaucoup d'autres formes d'imposition, il n'affecte donc pas la compétitivité des entreprises. Dans la pêche, la rente foncière constitue la meilleure source de recettes budgétaires.
En 1981, la rente maximale potentielle était estimée entre 70 et 90 millions de dollars, dont 60 pour la seule pêche des céphalopodes (Doucet et al., 1981). Depuis, cette valeur a augmenté avec l'augmentation du prix du poisson, le progrès technique qui diminue les coûts de production, et le développement de la pêche artisanale dont les coûts de production sont moindres. La Mauritanie prélève déjà une part significative de cette rente (taxe à l'exportation, redevances et autres compensations payées par les armements et les pays pêchant dans la ZEE mauritanienne). Il est important de réévaluer ce que représente ces rentrées par rapport à la rente foncière potentielle maximale.
Enfin, l'accroissement de la valeur ajoutée passe par la réduction des coûts unitaires de production (par tonne) et la consommation de facteurs de production nationaux. Compte tenu de sa plus grande consommation relative en intrants nationaux, la pêche artisanale dispose ici aussi d'avantages indéniables. Des analyses du type de celle esquissée dans la section 4.1.4.2 sont nécessaires pour comparer les atouts des différentes flottilles.
En aval de la production, le débarquement dans les ports mauritaniens, le traitement sur place et la commercialisation par des entreprises mauritaniennes d'une part croissante de la production nationale offrent les meilleures perspectives pour la réalisation de cet objectif (voir § 5.1.3).
A la fin des années 80, la pêche des petits pélagiques par les flottilles de l'Europe de l'est opérant sous licence dans la ZEE mauritanienne a représenté environ 70 % du tonnage et 30 % de la valeur de la production mauritanienne. L bouleversement survenu dans les pays qui armaient ces flottilles rend l'avenir de ce système d'exploitation incertain: les navires-usines ont une consommation élevée en gas-oil et emploient une main d'oeuvre abondante; l'écoulement traditionnel de la production se heurte à la baisse du pouvoir d'achat des pays de l'Europe de l'est; de fortes baisses des cours en ont résulté, qui ont incité les opérateurs à se retourner massivement vers les marchés africains; mais la dévaluation du franc CFA a réduit la demande solvable des pays de zone franc. Les grandes difficultés financières éprouvées par les armateurs à utiliser les autorisations de pêche qui leur ont été accordées sous forme de contrats d'affrètement suggèrent que la production a dû fortement décliner (voir § 3.3). Les contraintes qui affectent la pêche artisanale mauritanienne ne sont pas moindres: rayon d'action limité des pirogues, enclavement des secteurs de production par rapport aux centres de consommation nationaux, volume du marché national par rapport à la production potentielle.
L'évaluation des perspectives d'exploitation dans ce nouveau contexte économique devrait déterminer les filières les mieux appropriées et leur viabilité économique dans l'environnement mauritanien. L'examen des tendances du marché - en termes d'offre, de demande et de prix - pour les produits dérivés des petits pélagiques donne déjà certaines indications sur les filières de production et de traitement potentiellement adaptées
4.2.1.1 - Marché mondial
Les informations disponibles sur l'offre mondiale, pour les dernières années (1985–1991) et les trois principaux groupes d'espèces, sont données dans le tableau 36 (FAO, 1993). Le groupe chinchards-mulets-balaous contient des espèces - les mulets -, qui n'entrent pas dans la catégorie des petits pélagiques. Mais leur importance relative est suffisamment faible pour ne pas invalider les conclusions d'ensemble. Sur la période considérée, ces trois groupes ont représenté 37 % de la production globale (harengs, sardines et anchois: 22, 9 millions de tonnes; chinchards, mulets et balaous: 8, 7 million; maquereaux, thyrsites et trichiures: 3, 7 millions en moyenne). La plus grande partie provient du Pacifique centre-est et nord-ouest, et de l'Atlantique nord-est et ouest, centre-est et sud-est. Les variations naturelles des principaux stocks se contrebalançant, la production mondiale de petits pélagiques est restée relativement stable en volume, avec cependant une tendance à la baisse de sa contribution à la production totale - de 38, 5 % en 1985 à 36, 1% en 1991.
L'offre de l'Afrique nord-occidentale2 et de la ZEE mauritanienne pour les principales espèces exploitées dans la ZEE mauritanienne (chinchards, sardinelles, sardine, anchois, maquereau et sabre) est donnée dans le tableau 37. En 1991, l'offre de la ZEE mauritanienne pour ces espèces représentait le sixième environ de celle de la zone COPACE, et 2 % de l'offre mondiale. Les chinchards et le sabre, et, à un degré moindre, la sardine et les sardinelles, tiennent un rang plus élevé.
En l'absence de statistiques FAO sur les produits, on se bornera à quelques rappels généraux:
la production de farine, utilisée dans l'alimentation du poulet et du bétail, dans l'aquaculture, ainsi que comme engrais, est dominée par le Chili et le Pérou;
les conserves (sardine, maquereaux et anchois) sont produites dans de nombreux pays - certains comme le Maroc depuis longtemps, d'autres comme les pays de l'Asie du sudest plus récemment;
parmi les produits fumés et saurissés, on peut citer le hareng en Europe, ou les chinchards et les sardinelles en Afrique occidentale;
la consommation en frais dans les marchés intérieurs est importante dans les pays en développement, comme le Sénégal, qui disposent de ressources abondantes;
la production de surimi à partir de petits pélagiques est ebcore peu compétitive par rapport ax produits du même genre tirés de poissons blancs (colin d'Alaska notamment).
1 - Cette partie du rapport final est basée sur le manuscrit de M.E. Lebrun.
Groupes d'espèces | 1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Chinchards, mulets, ba- Laous | 8 321 | 7 479 | 8 296 | 8 128 | 9 350 | 9 728 | 10 077 |
Harengs, sardines, an- chois | 21 088 | 23 984 | 22 375 | 24 387 | 24 780 | 22 183 | 21 406 |
Maquereaux, thyrsites, trichiures | 3 823 | 4 007 | 3 644 | 3 862 | 3 771 | 3 505 | 3 480 |
Total petits pélagiques | 33 232 | 35 470 | 34 316 | 36 377 | 37 921 | 35 416 | 34 963 |
Production totale | 86 324 | 92 804 | 94 379 | 99 016 | 100 208 | 97 434 | 96 926 |
Petits pélagiques/total (%) | 38,5 | 38,2 | 36,4 | 36,7 | 37,8 | 36,3 | 36,1 |
Groupes | ZEE mauritanienne | Région COPACE | Monde | ZEE mauritanienne (%) | |
---|---|---|---|---|---|
d'espèces | Région COPACE | Monde | |||
Chinchards* | 127,7 | 273,2 | 5 899,9 | 46,7 | 2,2 |
Sardinelles | 83,5 | 630,2 | 1 784,6 | 13,3 | 4,7 |
Sardine | 69,9 | 963,8 | 1 377,8 | 7,3 | 5,1 |
Maquereaux** | 13,8 | 135,0 | 2 564,8 | 10,2 | 0,5 |
Anchois | 8,2 | 194,0 | 5 698,0 | 4,2 | 0,1 |
Sabre*** | 79,0**** | 88,3 | 939,7 | 89,5*** | 8,4 |
Total | 381,0 | 2 287,4 | 18 264,9 | 16,7 | 2,1 |
* :Trachurus spp., Decapterus spp., Caranx spp.
** :Scomber spp., Rastrelliger spp.
*** :Trichiurus spp., Lepidopus spp., Aphanopus spp.
**** : valeur probablement surestimée.
La consommation mondiale est dominée, en volume, par les produits traditionnels de bas de gamme. La demande correspondante de la clientèle à faible pouvoir d'achat est stable. Sur un plan régional toutefois, on peut craindre que la demande solvable des consommateurs des pays du golfe de Guinée ne soit pas affectée par le renchérissement des coûts de production lié au changement dans l'organisation économique des pays de l'Europe de l'est, ainsi que par l'impact de la dévaluation du franc CFA sur leur pouvoir d'achat vis-à-vis des produits importés. La consommation de produits plus nobles, comme les filets d'anchois à l'huile, les harengs fumés et saurs, ou les filets de sare frais, est globalement modeste. La percée d'un nouveau produit, comme la promotion de produits classiques, exigent de la part des producteurs un effort de promotion important auprès des distributeurs. Mais l'expérience marocaine de promotion des conserves de sardine sur le marché américain montre qu'un tel effort peut être fructueux. La farine de poisson est écoulée vers les pays du nord: marchés japonais - qui privilégie la farine chilienne de meilleure qualité -, américain et européen (données Infopêche).
Les données disponibles permettent de suivre l'évolution des prix de la farine, de l'huile, des chinchards et maquereaux congelés sur la période octobre 1991 à septembre 1993 (fig. 18).
Figure 18 - Prix CAF ($ US/tonne) de la farine (Chili et Pérou) sur le marché européen, de l'huile (Danemark) sur le marché britannique, et du chinchard et du maquereau congelés sur divers marchés ouest-africains, entre octobre 1991 et septembre 1993 (Source: Infofish).
Entre octobre 1991 et septembre 1993:
le prix des farines du Chili et du Pérou sur le marché européen montre une tendance à la baisse: - 21 % pour la farine chilienne; il est possible que les prix varient saisonnièrement, mais les données disponibles ne permettent pas de le vérifier; la différence de prix entre la farine chilienne et la farine péruvienne (30 à 50 $ par tonne au profit de la première) s'explique par le procédé de fabrication (extraction à la vapeur) qui donne un produit de meilleure qualité (Infopêche);
le prix de l'huile du Danemark en Grande Bretagne montre, avec de fortes fluctuations, une tendance inverse;
le prix des chinchards (sans distinction d'espèces) sur deux marchés africains (Abidjan et Lagos) montre des fluctuations sensibles (de l'ordre de 25 %) de courte période, sans tendance évidente; mais une série plus longue révélerait sans doute une baisse en dollars constants; n y retrouve la chute d'août à novembre 1992 qui avait amené le MPEM à inciter les affréteurs mauritaniens à s'organiser pour commercialiser leur quote-part; le phénomène semble se reproduire épisodiquement, remarque qui n'invalide pas l'intérêt d'une meilleure organisation de la commercialisation;
le prix du maquereau congelé sur les mêmes marchés manifeste des fluctuations moindres, avec une tendance apparente à la baisse du produit d'origine mauritanienne, mais pas de celui d'origine hollandaise; la cause de cette différence(espèces, qualité du produit, organisation du marché) n'est pas connue.
4.2.1.2 - Marché mauritanien
Les contrats d'affrètement de la production de petits pélagiques des navires autorisés à pêcher dans la ZEE mauritanienne prévoient la commercialisation d'une partie des captures par les associés mauritaniens. Cette partie de la production est commercialisée principalement à l'étranger, mais peut aussi approvisionner le marché local.
La fixation des prix se fait sur la base d'un plan de production qui précise la quantité produite, le nombre et le type de bateaux, la répartition des produits selon l'amortissement et le mode de transformation, ainsi que les conditions de livraison. Le mode de règlement de la quote-part revenant à l'affréteur n'est pas spécifié. La pratique courante est la suivante:
une fois les produits valorisés conformément à un barème établi, 30 % de leur valeur revient contractuellement à affréteur; ce montant en dollars est converti en un tonnage chinchard (> 20 cm) selon la formule suivante:
pour le réglement, une part du tonnage (souvent le tiers) est livée directement à l'affréteur qui la commercialise comme il l'entend, les frais de transbordement et d'acconage (15 $ la tonne) étant à sa charge;
le reste est payé en espèces selon un échéancier convenu.
Depuis 1992, une autre formule de règlement du quota a été adoptée. Elle consiste à livrer la moitié de la quote-part (toujours calculée selon la formule précédente) en chinchard (> 20 cm), et la moitié en espèces, conformément à un échéancier de paiement et de livraison mutuellement agréé.
Certains contrats prévoient que le règlement de la quote-part affréteur se fasse exclusivement en produits (chinchards > 20 cm, sardinelles et sardine).
Ce mécanisme a tendance à désintéresser les opérateurs mauritaniens de la prospection des marchés et de la commercialisation.
Ces dernières années, la production (poisson congelé, farine et huile tirés des petits pélagiques) des navires opérant dans la ZEE mauritanienne a été, en moyenne, de 245 000 tonnes. A première vue, l'année 1993 ne diffère pas des précédentes (290 000 tonnes exportées pour les neuf premiers mois de l'année). Toutefois, les statistiques mensuelles d'exportation montrent une baisse importante d'activité en fin d'année. On notera qu'une diminution similaire s'est produite en fin 91 - début 92, période au cours de laquelle les armateurs de l'ex-URSS éprouvèrent de grandes difficultés à faire pêcher leurs navires. Des baisses similaires, quoique de moindre amplitude, s'étaient également produites en juin 88 et avril 89.
La production mauritanienne est écoulée surtout sous forme congelée, accessoirement en farine pour les prises de moindre qualité ou difficiles à commercialiser. Les opérateurs mauritaniens estiment que cette valorisation sous forme de produits à faible valeur marchande est peu profitable. Pourtant les opérateurs néerlandais obtiennent des prix supérieurs sur le marché africain.
Le tableau 38 donne, sur la base des statistiques du Service des Douanes, la répartition par pays importateurs des exportations mauritaniennes de produits dérivés des petits pélagiques (en tonnage et en pourcentage des exportations totales par produit).
Les produits sont exportés dans 20 pays: 9 en Afrique, 4 en Europe de l'est, 3 en Europe de l'ouest, 2 au Proche Orient, et 2 en Amérique du sud. L'importance de ces marchés diffère: 60 500 tonnes de poisson congelé, 20 000 tonnes de farine et 2 000 tonnes d'huile vont vers l'ex-URSS, contre 29 tonnes de chinchard congelé vers la Finlande. L'ex-URSS absorbe plus du quart du poisson congelé, 90% de la farine, et la quasi-totalité de l'huile mauritanienne (sa part était considérablement supérieure dans les années 80), la Côte d'Ivoire 20%, le Nigeria 12 %, le Cameroun 9 %, et l'Egypte 6 % du poisson congelé. Ces exportations sont concentrées: quatre pays importent 70% du poisson congelé, et l'ex-URSS seule 91% de la farine et 98% de l'huile.
Produits | Espèces | Brénin | Brésil | Came- roun | Congo | Côte d'Ivoire | Égypte | Espagne | France | Finlande | Ghana |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Congelé | Chinchards | 7 108 | 0 | 20 618 | 2 836 | 47 282 | 3 783 | 553 | 2 416 | 29 | 15 |
4,9% | 0,0% | 14,2% | 2,0% | 32,6% | 2,6% | 0,4% | 1,7% | 0,0% | 0,0% | ||
Sardine, | 96 | 8 729 | 831 | 0 | 5 433 | 8 381 | 170 | 1 362 | 0 | 566 | |
sardinelles | 0,2% | 14,4% | 1,4% | 0,0% | 9,0% | 13,8% | 0,3% | 2,2% | 0,0% | 0,9% | |
Maquereau | 0 | 1 048 | 840 | 0 | 12 | 231 | 253 | 883 | 0 | 0 | |
0,0% | 9,5% | 7,6% | 0,0% | 0,1% | 2,1% | 2,3% | 8,0% | 0,0% | 0,0% | ||
Autres | 0 | 440 | 20 | 0 | 600 | 472 | 247 | 0 | 0 | 0 | |
0,0% | 11,4% | 0,5% | 0,0% | 15,6% | 12,3% | 6,4% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | ||
Total | 7 204 | 10 217 | 22 309 | 2 836 | 53 327 | 12 867 | 1 201 | 4 661 | 29 | 581 | |
2,9% | 4,2% | 9,1% | 1,2% | 21,8% | 5,8% | 0,5% | 1,9% | 0,0% | 0,2% | ||
Farine | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 295 | 231 | 0 | 0 | 0 | |
0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 1,3% | 1,1% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | ||
Huile | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 17 | 0 | 0 | 0 | |
0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,8% | 0,0% | 0,0% | 0,0% |
Produits | Espèces | Liban | Nigeria | Panama | Portugal | Rouma- nie | Suisse | Togo | Tur- quie | URSS | Zaïre |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Congelé | Chinchards | 0 | 19 174 | 3 578 | 203 | 0 | 408 | 9 996 | 0 | 26 450 | 400 |
0,0% | 13,2% | 2,5% | 0,1% | 0,0% | 0,3% | 6,9% | 0,0% | 18,3% | 0,3% | ||
Sardine, | 200 | 5 598 | 0 | 111 | 0 | 146 | 2 729 | 0 | 26 296 | 0 | |
sardinelles | 0,3% | 9,2% | 0,0% | 0,2% | 0,0% | 0,2% | 4,5% | 0,0% | 43,4% | 0,0% | |
Maquereau | 0 | 878 | 0 | 541 | 0 | 161 | 0 | 0 | 6 208 | 0 | |
0,0% | 7,9% | 0,0% | 4,9% | 0,0% | 1,5% | 0,0% | 0,0% | 56,2% | 0,0% | ||
Autres | 0 | 0 | 0 | 531 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 539 | 0 | |
0,0% | 0,0% | 0,0% | 13,8% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 40,0% | 0,0% | ||
Total | 200 | 25 650 | 3 578 | 1 386 | 0 | 715 | 12 725 | 0 | 60 493 | 400 | |
0,1% | 11,6% | 1,6% | 0,6% | 0,0% | 0,3% | 5,8% | 0,0% | 27,4% | 0,2% | ||
Farine | 0 | 0 | 0 | 156 | 845 | 50 | 0 | 434 | 19 934 | 0 | |
0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,7% | 3,9% | 0,2% | 0,0% | 2,0% | 90,8% | 0,0% | ||
Huile | 0 | 15 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 018 | 0 | |
0,0% | 0,7% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 0,0% | 98,4% | 0,0% |
L'Afrique importe deux fois plus de poisson congelé que l'ex-URSS. Ce poisson alimente les marchés intérieurs des pays du golfe de Guinée par les ports d'Abidjan, Douala, Lagos et Lomé. Les sardinelles et le maquereau ont trouvé au Brésil un marché significatif.
Malgré la concentration des exportations, le grand nombre de pays importateurs est un facteur favorable: des échanges commerciaux ont été établis; ils ont fait connaître les produits mauritaniens sur différents marchés. Ces marchés devraient être systématiquement prospectés. Le Ghana, par exemple, importe moins de 600 tonnes de poisson congelé mauritanien alors qu'il constitue, en Afrique, un grand marché de consommation des petits pélagiques.
4.2.1.3 - Conclusions
Les points suivants ressortent de cet examen:
en moyenne, la valeur marchande des produits tirés des petits pélagiques est faible; le systèmer d'exploitation des pays de l'Europe de l'est est coûteux;
le marché mondial des petits pélagiques est stagnant en volume; les prix ont tendance à baisser;
certaines espèces, actuellement exportées sous forme de farine, peuvent servir à la fabrication de produits plus nobles (anchois, sabre);
l'accroissement du prix de revient consécutive à la transformation économique des pays de l'Europe de l'est et la dévaluation du franc CFA peuvent à l'avenir réduire significativement la demande traditionnelle des pays du golfe de Guinée; celle des pays de l'Europe de l'est peut également baisser;
cependant, le nombre de pays importateurs suggère qu'une diversification et la conquête de nouveaux marchés est vraisemblablement possible; ceci sous-entend un plus grand effort de prospection et de promotion;
bien que plusieurs espèces et produits mauritaniens (sardinelles, sabre, chinchards) occupent une part significative du marché mondial, les opérateurs mauritaniens n'ont pas de politiques commerciales dynamiques; dans la mesure où il les responsabilise peu, ce mécanisme de commercialisation et de fixation des prix pourrait expliquer ce comportement (voir § 5.1.3.4);
l'analyse des statistiques nationales est rendue délicate par la multiplicité des sources; ayant la responsabilité de contrôler les transbordements, le Service des Douanes devrait se doter de moyens de pesage et acquérir la capacité d'identifier les espèces;
à défaut de la profession au niveau collectif, le CNROP pourrait entreprendre, dans le cadre de ses études économiques, des analyses du marché des principaux types de produits - céphalopodes, petits, pélagiques, …; pour cela, il devrait recevoir, dépouiller et analyser la documentation de base: Statistiques FAO des produits, Infopêche, Globefish, mercuriales, études de marché; toutefois, l'échelle de temps des analyses opérationnelles qui intéressent immédiatement les entreprises est plus courte que celle des analyses stratégiques nécessaires au secteur public et à la profession collectivement;
une étude plus complète du marché des petits pélagiques est opportune.
4.2.2.1 - Information générales
Sur le marché international, le Japon est le principal acheteur de poulpe. Il consomme plus de 70 % de la production mondiale, et sa demande croît. Cette concentration va au-delà de la demande nationale. Elle porte aussi sur le négoce: alors qu'une vingtaine d'entreprises japonaises importaient autrefois la production mauritanienne, elle ne sont plus aujourd'hui que quelques-unes. Cette position quasi dominante de la demande est seulement atténuée par l'effort de régulation de la SMCP (annexe 5) qui dispose, depuis 19872, année au cours de laquelle l'obligation de débarquée en Mauritanie a été instituée, du monopole de la commercialisation à l'étranger de la production mauritanienne (§ 4.2.3).
Les pays producteurs majeurs sont peu nombreux: Chine, Corée, Japon lui-même, Maroc, Thaïlande, … Depuis 1982, la Mauritanie a renforcé sa position sur le marché japonais, pour devenir, en 1986, son principal fournisseur. Elle a perdu cette place en 1990, et n'occupe plus actuellement que le troisième rang, après le Maroc et l'Espagne.
Les prix de la production mauritanienne sont fortement déterminés par le marché japonais. Il n'y a pas confrontation directe entre l'offre et la demande au moment du débarquement en Mauritanie. Bien que chaque producteur mauritanien ait la possibilité de présenter ses offres propres, les prix sont fixés par la SMCP sur une base décadaire. La structure des prix est rigide.
2 - Supprimé temporairement au second semestre 1992, ce monopole a été rétabli en 1993.
4.2.2.2 - Évolution des prix
Sur le marché international, les prix varient fortement: le prix de la tonne de poulpe a atteint 5 930 $ en 1978, pour tomber à 1 806 $ en 1982, et remonter à 3 680 $ en 1986. Il se négocie actuellement autour de 4 480 $ en moyenne (toutes catégories commerciales confondues).
Plusieurs facteurs interviennent dans la formation des prix:
la composition spécifique des captures, le prix du calmar et surtout des seiches étant supérieur à celui du poulpe;
la qualité et la taille (catégories commerciales) des débarquements;
la concurrence des autres pays producteurs, le Maroc, le Sénégal et l'Espagne notamment;
l'évolution de la demande (pouvoir d'achat, saisonnalité de la consommation concentrée pendant les fêtes de fin d'annére, …);
l'offre en produits concurrents et de substitution: ainsi, le marché de la seiche affecte celui du poulpe;
le niveau des stocks au Japon et en Mauritanie;
le coût des intermédiaires, qui peuvent aller de 200 à 1 000 $ par tonne;
les fluctuations du cours de change $/yen;
le degré de protection du marché japonais (pratiques tarifaires, normes de salubrité, …).
Poulpe
Sur la période observée (1985 – 1993), le prix moyen (toutes catégories commerciales) a augmenté régulièrement jusqu'en 1992. La baisse sensible observée en 1992 et en 1993 semble due à une diminution de la qualité des produits et à la désorganisation de la commercialisation fin 1992.
Le prix des poulpes de grande taille a suivi la même évolution, mais plus marquée: la catégorie 3 est passée de 2 600 $ / tomme en 1985 à 6 607 en 1991, pour descendre à 4 195 en 1993. Par contre, celui des tailles moyenne (catégorie 6) et petite (catégorie 9) est resté plus stable (à l'exception d'une augmentation marquèe et passagère en 1989).
Seiches
Seul le prix de la catégorie la plus grande (1) a augmenté régulièrementg sur la même période. Celui des catégories plus petites (7 et 9), et le prix moyen (toutes catégories confondues) sont restés plus stables.
Ensemble des espèces
Le prix moyen a une tendance à s'améliorer lentement (acec un maximum un 1988 – 89), pour baisser sensiblement en 1993 (-27 %).
4.2.2.3 - Conclusions
Dans son analyse du prix des céphalopodes destinés au marché japonais, J. Catanzano conclut que:
les prix sont influencés par le volume des stocks au Japon;
sauf en juillet 1987 (chute des prix sur le marché japonais), la production mauritanienne n'a pas été influencée par les fluctuations des cours (hyothèse rigidité);
les facteurs pris en considération n'expliquent pas à eux seuls les variations des prix observées.
L'importance économique de la production de céphalopodes est considérable pour la pêche mauritanienne. Parmi les mesures susceptibles d'améliorer la position de la Mauritanie et le prix de vente de sa production, le Groupe a cité:
l'amélioration et le contrôle de qualité des produits, avec création d'un lable;
la négociation de contrats à moyen terme;
le renforcement de l'organisation, et l'application de stratégies claries et réalistes, de commercialisation.
Les pays de la sous-région produisent le dixième de la production mondiale de céphalopodes (et près de la moitié de celle de poulpe). Ecoulant leur production sur les mêmes marchés, la valorisation de leur production se pose pour eux en termes similaries. Ils ont donc intérêt à concerter pour harmkoniser leurs politiques de commercialisation. Dans le négoce mondial des céphalopodes, les entreprises japonaises sont en position dominante. Pour les pays de la sous-région, il est important de vérifier dans quelle mesure ces enterprises sont en concurrence entre elles. Les pays de la sous-région pourraient collaborer à la réalisatuion d'une analyse plus approfondie du marché (séries plus longues pour vérifier différentes hypothèses, comme la position concurrentielle des principaux types de produit sur les différents segments du marché, …) et du comportement des sociétés importatrices.
En mauritanie, la SMCP (Société Mauritanienne de Commercialisation du Poisson), organisme public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du MPEM, a le monopole de la commercialisation des produits d'exportation. Pour chaque décade (dix jours), elle fixe, par l'intermédiaire d'une commission qu'elle préside, le barème de ses prix d'achat. Elle stocke la production, et prospecte les marchés extérieurs sur lesquels elle s'efforce d'obtenir les meilleures offres.
Pour le compte de lÉtat, la société assurfe deux fonctions:
elle permet à la Mauritanie de prélever une prartie de la rente foncière sur l'exploitation des stocks dont la production est exportée; ce prélèvement constitue la fonction centrale de l'aménagement (voir § 5.2); même si le système ne prélève qu'une partie de la rente maximale potentielle (voir § 4.1.5), il est bien adapté aux condituins locales (annexe 5); le contrôle d'une part appréciable - et la plus précieuse - de la production est en effet facilité par l'importance des exportations et leur écoulement par un port géographiquement isolé; il permet, fait rare, le prélèvement de la rente sur la part exportée de la production de la pêche artisanale;
il permet à l'Etat d'agir sur le rapatriement des recettes d'exportation.
Pour la profession, le système assure la commercialisation des produits d'exportation. A cet égard, on lui fait plusieurs reproches:
capacités de stockage insuffisantes ou, à l'inverse, accumulation d'invendus;
coût de fonctionnement élevé et moindre efficacité d'une structure publique dans une activité de commercialisation;
frein à une implication plus directe des entreprises dans la commercialisation de leurs produits.
L'évaluation de la SMCP doit distginguer ces différentes fonctions, et tenir compte aussi des rapports de force entre pays producteurs et pays importateurs (annexe 5), comme de l'intérêt pour les entreprises d'un amortissement des fluctuations des cours des produits et des monnaies.
Si les pays du sud sont souvent en position de faiblesse (“price taker”) dans la commercialisation de leurs produits agricoles, ce n'est pas nécessairement le cas dans le négoce des différents produits de la mer. Sauf pour les produits aquacoles et les produits comme les petits pélagiques oû les disponibilités dépassent la demande solvable, le secteur halieutiqu se caractérise en effet sur la longue période par uine offre naturellement limitée, insuffisante pour satisfaire une demande mondiale en expansion. Cette situation met les pays producteurs en position favorable. Les analogies avec les systèmes adoptés pays africains pour la commercialisation de leurs produits agricoles (cacao, café, …) sur le marché mondial ne sont donc pas fondées dans tous les cas.
Ressources | Potentiel de capture* | Captures courantes (t) | Niveau actuel d'exploitation | Stabilité naturelle*** | Carences des données | Qualité de l'évauation | Observations |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1. Démersales: | |||||||
11. Plateau | |||||||
112. Céphalopodes (total) | |||||||
1121. Poulpe | 40–50 000 | 43 000 | Surexploité, mais non mésexploité | Apparemment stable | Biologie et écologie des populations | Acceptable pour les besions immédiats | Conditions de pérennité mal établies |
1122. Seiches | ? | Peut-être moins inten- sément exploité que le poulpe | id. | Effort effectif, structure démo- graphique | Pas d'évaluation | Mais l'aménagement peut être fondé sur celui du poulpe | |
1123. Calmar | ? | Peut-être modérément exploité | Variable(?) | id. | id. | `` | |
113. poissons | ? | 12 000 (40 000 t il y a dix ans) | Surexploitation apparente, et mésexploitation | Globalement stable | Captures et ef- forts effectifs, distributions de fréquence (LF) | Pas d'évaluation fiable | Mauvaise connaissance de l'état réel du stock; évalua- tion nécessaire |
114. Creveue còère | ≥500–1 000 | 650 | Pleinement exploité | Stable | id. | id. | id. |
115. Langouste verte | nord: 50 sud: 175 | 80 | Stock nord sureexploité, stock sud non encore reconstitué | Variable (?) | id. | Evaluation approximative | id. |
116. Praire (V. verrucosa) | 500–1 000 | 50 | Pleinement exploité | Fluctuant | id. | Compte tenu de la vari- abilité du recrutement, à répéter si la pêche s'intensifie | Réévaluation périodique du stock par prospection |
117. Prairc (V. rosalina) | <300 000 | 0 | Inexploité | Fluctuant | id. | connaissance actuellement suffisantes vu le dévelop- pement de la pêcherie | |
12. Talus | |||||||
121. poissous (sauf merlus) | 10–15 000 | Modérément exploité, ou inutilisé selon les espèces | ? | Captures par es- pèces, effort effectif | Insuffisante | Evaluation nécessaire | |
122. Merlus | ≥13 000 | 9–11 000 | Peut-être pas exces- sivement exploité | Variable (?)@ | id. | Première appréciation d'une capture minimale | Evaluation à préciser, stocks partages(?) |
123. Crevettes profondes | > 4 000** | 1 200–2 400 | Modérément exploité (?) | Variable (?) | id. | Peu précise; analogie stock sénégalais | Méconnaissance des populations |
124. Langouste rose | 800 | 210 | Antérieurt surexploité, pas encore reconstitué | Variable (?) | Insuffisante | ||
125. Crabe protend | 2 – 400 | 300 | Pleinement exploité comme prise secondaire | ? | Meilleures statistiques de capture | Approximative | Méconnaissance des popu- lations |
2. Pélagiques côtes**** | 100 000 | 1 000 000 | Modérément exploités par le passé; peu ex- ploités depuis la baisse d'activité des flottilles de l'Europe de l'est | Structure des populations, captures/espèces et flottilles, efforts effectifs | Vu le niveau actuel d'exploitation, évaluations immédiate- ment suffisantes, mais par potentiellement; | Informations différentes né- cessaires pour évaluer les opportunités de développement | |
21. Sardine | ? ? | id. | Fluctuant | Captures, effort effectif, structu- re démographi- que (nouvelle population ?) | Pas d'évaluation | Structure de la population | |
22. Sardinelles (total) | 750 000 | 320 000 | id. | Effort effectif, structure démo- graphique | Peu précise | ||
221. Sardinelle plate | 110 000 | id. | Variable | Effort effectif | Peu précise | ||
222. Sardinelle ronde | 210 000 | id. | Variable | Effort efectif | Pas d'évaluation | ||
23. chinchard (total) | 400–600 000 | 260 000 | id. | Effort effectif, structure démo- graphique | Satisfaisante pour les besoins actuels | Les potentiels de capture indiqués ne correspondent pas au maximum, mais à | |
231. Chinchard européen | 200–300 000 | 85 000 | id. | Variable | ce qui sarait réalisable en | ||
232. Chinchard africain | 200–300 000 | 150 000 | id. | Variable | maintenant le rendement et sa variabilité au niveau 90 | ||
24. Maquereaux | ? | 14 000 | id. | Variable | Effort effectif, structure démo- graphique | Pas d'évaluation | connaissance de la structure des populations, préalable à l'examen de la variabilité de leur recrutement |
** 4 000 tonnes représent le potentiel de Parapenoeopsis longirostris seul.