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3. Opérations après-récolte sur l’exploitation

Améliorations rentables

3.1 La quantité, la qualité et le prix des produits offerts aux consommateurs dépendent beaucoup de la manière dont ces produits sont manipulés sur l’exploitation. La sécurité des aliments constitue également une question cruciale. Par exemple, les mauvaises techniques de séchage et d’entreposage peuvent favoriser l’apparition de mycotoxines (FAO, 1979). Pour améliorer la manutention après-récolte, la FAO a créé, en 1978, un Programme d’action spéciale pour la prévention des pertes de produits alimentaires (PPA). Les efforts ont été axés sur les petits exploitants qui, dans les pays en développement, assurent l’essentiel de la production alimentaire, pour leur consommation propre comme pour l’approvisionnement du marché.

Plus de la moitié de ces petits exploitants sont des femmes; elles jouent également un rôle prédominant dans les activités postproduction.

Encadré 2: AMPLEUR DES PERTES ALIMENTAIRES APRÈS-RÉCOLTE

On estimait généralement que les pertes totales de paddy sur l’exploitation en Asie étaient de l’ordre de 25 à 30 pour cent. Selon des études plus récentes effectuées dans le cadre de projets FAO, ces pertes seraient inférieures de moitié. Ces chiffres sont moins dramatiques que les estimations initiales, mais le niveau des pertes évaluées à 12 pour cent en Inde et à Sri Lanka, 13 pour cent au Bangladesh, 15 pour cent en Thaïlande et 16 pour cent au Népal représente néanmoins un gaspillage important de produits alimentaires, de travail et d’intrants. Même s’il était possible de réduire ces pertes d’un dixième seulement, le volume des produits alimentaires ainsi économisés en Asie pourrait atteindre environ 5 millions de tonnes par an.

On sait désormais que les résultats restent limités si l’on concentre les efforts de réduction des pertes sur une ou deux étapes seulement de la chaîne après-récolte. La réduction des pertes est un effort qui doit toucher toutes les étapes. Par exemple, les pertes enregistrées aux différentes étapes dans le cas du Bangladesh sont les suivantes:

Etape

Pourcentage

Récolte manuelle

2,3

Séchage au champ

0,7

Transport

0,5

Battage

1,4

Séchage

1,6

Etuvage

1,9

Entreposage

0,9

Usinage

3,8


Encadré 3: LA POMME DE TERRE AU BANGLADESH

Bon nombre d’arguments présentés dans ce document sont bien illustrés par l’expérience récente de mise en valeur de la pomme de terre au Bangladesh, où la production de légumes hors saison est un excellent créneau. En 1990, le gouvernement a donc lancé un Programme de diversification des cultures, avec l’aide du Canada et des Pays-Bas.

Des démonstrations bien planifiées, réalisées sur des exploitations agricoles, ont réussi à convaincre les cultivateurs du potentiel que représentait la production de pommes de terre ou l’accroissement des rendements. Dès 1993/94, les familles dans les zones participantes avaient augmenté leurs rendements de 10 à 18,1 tonnes à l’hectare. Malheureusement, on n’a pas accordé la même importance au système après-récolte. Dans un premier temps, cela n’a pas posé de problèmes étant donné que les familles d’agriculteurs consommaient une bonne part de leur production et que le système de commercialisation en place absorbait les excédents, du fait d’une demande suffisante des consommateurs.

Cependant, la multiplication des surfaces consacrées à la pomme de terre, et la récolte record de 1994/95, ont causé de graves problèmes aux agriculteurs et mis en lumière les faiblesses de la démarche adoptée. La demande de pommes de terre est restée relativement limitée parmi les consommateurs du Bangladesh. Alors que le programme de diversification des cultures avait encouragé la consommation de pommes de terre par les agriculteurs, on avait fait très peu pour l’encourager auprès d’autres consommateurs. On aurait pu surmonter ce problème si l’on avait disposé de moyens de stockage suffisants pour permettre d’écouler lentement les pommes de terre sur le marché. Mais dans la zone de Munjiganj, par exemple, la production a été de 350 000 tonnes, alors qu’on ne pouvait stocker que 55 000 tonnes. De nombreux agriculteurs ont annoncé qu’ils ne cultiveraient pas de pommes de terre en 1995/96 du fait des pertes subies l’année précédente.


3.2 Au cours des années 70, les spécialistes de la phase après-récolte ont eu tendance à se concentrer sur la quantification des pertes matérielles. On a fini par renoncer à ces études, jugées trop coûteuses et trop longues à réaliser4, même s’il est indispensable d’avoir une idée claire de l’ampleur des pertes pour évaluer l’intérêt des améliorations proposées. La façon d’envisager le secteur après-récolte s’est peu à peu modifiée et l’on accorde désormais une plus grande attention à l’étude du système postproduction et à l’identification des problèmes et blocages de ce système5. Cependant, ayant souvent adopté une optique non commerciale, les améliorations proposées reposaient parfois sur des critères plus techniques qu’économiques.

3.3 De manière générale, les technologies après-récolte améliorées sont désormais bien identifiées pour les céréales. A l’avenir, les activités postproduc-tion dans ce secteur mettront l’accent sur l’adaptation de ces technologies à des milieux spécifiques et sur leur viabilité économique et sociale. Cependant, pour les autres cultures, il faudrait affiner les technologies au niveau des petites et moyennes entreprises. Par exemple, on pourrait mettre au point de nouveaux produits à partir de cultures traditionnelles comme la patate douce, car des débouchés existent.

Considérations économiques liées à l’amélioration des opérations après-récolte

3.4 En théorie, si toutes les technologies et toutes les infrastructures connues étaient effectivement mobilisées, on pourrait considérablement réduire les pertes qui se produisent dans le système après-récolte. Cela dit, toute activité de réduction des pertes devrait viser à ce que les avantages d’une diminution des pertes ou d’un relèvement des prix soient supérieurs au coût des améliorations envisagées, avec une marge suffisante pour justifier le coût de l’investissement et le risque correspondant. Dans toute la mesure possible, les améliorations apportées aux opérations après-récolte dans les pays en développement devraient être relativement simples et peu coûteuses. Pour les petites installations de stockage des céréales, il est préférable d’introduire des améliorations simples visant à protéger les structures existantes contre les rats et la vermine, et à faciliter l’épandage d’insecticides, que de construire de nouveaux entrepôts plus perfectionnés. Les petits agriculteurs en particulier ont tendance à accepter des pertes assez élevées avant d’envisager d’apporter des modifications coûteuses à leurs moyens de stockage, car ils craignent de ne pas rentrer dans leurs frais.

3.5 Avant d’envisager la moindre amélioration des opérations après-récolte, il est indispensable de bien comprendre le fonctionnement du système de commercialisation. A titre d’exemple, toute mesure visant à améliorer le séchage des céréales destinées au marché n’aura aucun effet si les cultivateurs n’en obtiennent pas un meilleur prix7. Dans la planification des améliorations des opérations après-récolte, on a eu tendance à négliger les relations entre les agriculteurs et les négociants ou les minotiers du secteur privé. Comme les organismes d’aide, les responsables du gouvernement et les ONG se méfient du secteur privé, on a encouragé et subventionné des activités après-récolte entreprises par des associations d’agriculteurs, souvent en concurrence directe avec le secteur privé. Or, dans l’ensemble, les initiatives de ces associations n’ont guère donné de bons résultats. Par contre, le secteur privé a montré que dans un contexte économique et réglementaire propice, il était tout à fait capable de profiter des créneaux commerciaux qui s’ouvraient et d’assurer les services nécessaires aux agriculteurs et aux consommateurs. A preuve la multiplication récente, en Afrique australe, des petits broyeurs à percussion pour le maïs, en réponse à la libéralisation des marchés du maïs8.

Aspects sociaux

3.6 On s’accorde de plus en plus à reconnaître les obstacles non seulement économiques mais également sociaux à l’amélioration du secteur après-récolte. Le problème de la main-d’œuvre est un facteur déterminant. En milieu rural, où le matériel motorisé fait encore défaut, le travail manuel constitue le facteur de production le plus important. Du fait de l’exode rural, les pénuries de main-d’œuvre sont fréquentes et, en périodes de pointe, on peut obliger les enfants à quitter l’école pour travailler aux champs. Une enquête socio-économique réalisée dans le cadre d’un projet de la FAO au Swaziland a constaté que les femmes étaient très présentes dans tous les secteurs de la production de maïs et que l’on retardait souvent les récoltes pour permettre aux enfants d’y prendre part pendant les vacances scolaires. L’une des recommandations formulées dans le cadre de ce projet a été l’ajustement des congés scolaires de manière à permettre aux enfants d’être en vacances au moment des récoltes (Booth, Toet et Bevan, 1987).

3.7 L’introduction de technologies peut avoir des effets néfastes imprévisibles sur les pauvres et les femmes. En Sierra Leone et dans d’autres pays, l’introduction de batteuses et de tarares dans les villages a supprimé les droits traditionnels de «glanage» qu’avaient les femmes qui effectuaient autrefois ce travail à la main. Il convient de tenir compte d’autres considérations d’ordre socio-écologique et, par exemple, de déterminer si l’intervention après-récolte envisagée n’est pas contraire aux croyances religieuses, aux capacités d’organisation, aux structures traditionnelles du village ou encore aux priorités des ménages. Il est tout aussi important de comprendre le processus de prise de décision à l’intérieur des ménages et de savoir qui gère les ressources familiales.


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