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5. Amélioration des services de commercialisation à l’intention des exploitants: rôle des gouvernements

Mise en place d’un climat propice au secteur privé

5.1 Il est désormais reconnu que l’intervention directe des gouvernements dans la commercialisation des produits frais est rarement le meilleur moyen d’aider les agriculteurs. Cependant, l’appui indirect à ceux qui se chargent de la commercialisation est peut-être nécessaire dans de nombreux pays, surtout ceux qui ont récemment modifié leurs politiques dans le secteur après-récolte et qui doivent consentir un gros effort pour s’adapter au nouveau système de commercialisation.

Encadré 5: AMÉLIORATION DES MANIPULATIONS APRÈS-RÉCOLTE AU NÉPAL

En règle générale, les gouvernements ne devraient pas accorder un soutien direct au secteur privé sous forme de subventions. Cependant, dans certaines circonstances précises, des subventions ciblées visant à encourager l’introduction de nouvelles technologies considérées comme applicables peuvent se justifier.

Au Népal, des tomates expédiées de Terai au marché de Kathmandou ont été conditionnées dans des paniers tressés traditionnels. L’opération de conditionnement a été laborieuse et lente. Malheureusement, tandis que les tomates étaient en bon état lors de leur expédition, les paniers n’ont pas pu les protéger efficacement des rigueurs du transport routier à travers les montagnes, et une grande partie des tomates était endommagée à son arrivée à Kathmandou.

Afin d’améliorer la manipulation des tomates, un projet de la FAO a fourni aux commerçants un petit nombre d’emballages plastiques à utiliser sur une base expérimentale. Le projet s’est également assuré du retour des emballages dans les zones productrices en établissant un accord avec les maraîchers. Le succès de ces emballages fut tel que les commerçants ont accepté avec enthousiasme de payer le prix entier pour obtenir des emballages supplémentaires.


5.2 Les gouvernements peuvent améliorer les opérations après-récolte et les services de commercialisation de diverses manières: moderniser l’infrastructure commerciale en milieu rural, entretenir les routes, renforcer les capacités de commercialisation et les capacités après-récolte des services de vulgarisation, assurer une information sur les marchés. Le plus important est d’assurer un environnement politique stable et transparent dans lequel le secteur privé puisse fonctionner de manière rentable. Les négociants ne pourront probablement jamais être pleinement actifs sur le marché tant qu’on ne leur garantira pas de pouvoir acheter et stocker leurs produits, confiants que l’Etat ne les accusera pas «d’accaparement» et ne saisira pas leurs stocks, qu’il n’introduira pas de contrôle des prix et n’écoulera pas sur le marché de vastes quantités de stocks gouvernementaux ou d’aide alimentaire, ce qui provoquerait l’effondrement des prix. Si ces conditions ne sont pas assurées, le coût des transactions augmente et l’instabilité des prix est plus grande. En outre, c’est lorsque le climat macroéconomique est favorable que le secteur privé est le plus efficace. Cela signifie qu’il faut, dans la mesure du possible, des taux d’inflation et d’intérêt bas, des balances des paiements équilibrées, des déficits budgétaires faibles et des liquidités.

L’une des contradictions des programmes d’ajustement structurel est souvent qu’on attend du secteur privé qu’il assume les fonctions relevant autrefois de l’Etat, sans que le climat macroéconomique qui le lui permettrait soit en place.

Informations sur les marchés

5.3 Les gouvernements peuvent faciliter la commercialisation en assurant une information fiable sur les marchés (voir encadrés 6 et 7). L’existence d’informations permet aux agriculteurs de prendre des décisions en connaissance de cause lorsqu’il s’agit de planter, de récolter et, dans le cas de certains produits de la forêt, de cueillir et de vendre leur production. Cela permet aux négociants de prendre des décisions sur les débouchés les mieux adaptés à tel ou tel produit, dans l’optique d’un profit maximum. Cette mesure devrait aider à stabiliser la fluctuation des prix et à réduire les pertes dues à l’engorgement de marchés spécifiques, et ce, au bénéfice des consommateurs.

5.4 La mise en place d’un système efficace d’information sur les marchés dans un pays ayant des ressources limitées peut toutefois poser plusieurs problèmes. Les gouvernements ont souvent créé des systèmes bien trop complexes pour les ressources disponibles. Souvent également, ils se sont écartés de l’objectif principal de ces systèmes, qui est d’assurer une information actualisée à des fins commerciales, pour se transformer en pourvoyeurs de données statistiques destinées aux fonctionnaires.

Les systèmes d’information sur les marchés mis en place dans le cadre de projets d’assistance technique ont souvent frôlé l’effondrement lorsque l’aide des donateurs a cessé, puisque les gouvernements n’avaient plus les moyens de poursuivre les activités. Dans un premier temps, il est préférable d’opter pour un système ne couvrant qu’un nombre limité de marchés et se contenter de recueillir des informations uniquement sur les prix et sur l’offre, et ce pour un nombre limité de cultures. On pourrait envisager de commercialiser ces services d’information, initialement en faisant parrainer la diffusion des prix et, à terme, en confiant la totalité du service au secteur privé; on pourrait également envisager la mise au point de services d’information locaux. Cela s’est fait avec succès dans le secteur forestier.

Encadré 6: SERVICE D’INFORMATION SUR LES MARCHÉS EN INDONÉSIE

Mis en place à l’origine dans les années 50 et développé par la suite avec l’aide du Gouvernement allemand, le Service d’information sur les marchés d’Indonésie, relevant du Ministère de l’agriculture, est l’un des plus efficaces des pays en développement.

Les prix de 21 légumes sont recensés tous les jours, du lundi au vendredi, et ce dans les 14 principales régions productrices de légumes ainsi que sur les principaux marchés de gros. Les prix moyens sont alors diffusés le jour même sur les stations de radio provinciales, dans les langues locales et quelquefois sur des stations radio plus localisées tandis que certains prix sont diffusés en langue Bahasa sur la station de radio nationale.

Les principaux utilisateurs de ce service d’information sont désormais les agriculteurs eux-mêmes, dans la mesure où les négociants sont en contact régulier avec les marchés de gros du fait des visites fréquentes qu’ils y font, et que les grossistes échangent des renseignements sur les prix par téléphone ou télécopie. La quasi-totalité des producteurs de légumes écoutent les prix à la radio, soit tous les jours, soit au moment où ils ont l’intention de vendre leur récolte, et la plupart estiment que ces informations, surtout celles des stations provinciales ou locales, sont extrêmement utiles, leur permettant de marchander avec les négociants. Les agriculteurs apprécient donc beaucoup ces radiodiffusions.

Les fonctionnaires du ministère chargés de relever les prix assument également les fonctions de vulgarisateur. Ils suivent l’évolution des prix et élaborent des graphiques pour aider les agriculteurs à comprendre les tendances saisonnières des prix et à planifier leur production.

Coûtant quelque 850 000 dollars EU par an, le Service d’information sur les marchés revient assez cher. Cependant, l’avantage qu’il représente pour les agriculteurs a été démontré et le service peut être considéré comme un exemple efficace de service d’appui qu’un gouvernement peut apporter à la commercialisation des produits agricoles[1].


Routes

5.5 Pour que les exploitants puissent avoir accès aux marchés ruraux et que les campagnes aient accès aux marchés urbains, il faut absolument un réseau routier correct. Malheureusement, force est de constater que dans de nombreux pays, des ressources ont certes été affectées à la construction des routes mais les moyens disponibles pour leur entretien ne sont pas suffisants. Il faut trouver d’autres solutions pour assurer l’entretien du réseau routier, en faisant appel à l’entraide par exemple et en confiant aux communautés rurales l’entretien des routes. Si les routes sont mauvaises, les transports sont plus lents, ce qui multiplie les pertes de denrées périssables, sans parler de l’augmentation des coûts de transport, puisque le mauvais état des routes entraîne une usure plus grande des véhicules. Dans de nombreux cas, des exploitants n’ont même pas pu vendre leurs produits, car le coût du transport dépassait les bénéfices attendus de la vente des produits sur le marché.

Encadré 7: INFORMATIONS SUR LES MARCHÉS EN ZAMBIE

Comme dans la plupart des pays d’Afrique orientale et australe, la commercialisation des produits agricoles en Zambie subit une transformation majeure. Le pays a libéralisé le commerce du maïs et il est sur le point de libéraliser le marché des intrants. Le Service d’information sur les marchés (ZAMIS), créé par le Ministère de l’agriculture avec l’aide de la FAO, joue un rôle important dans la mise en place de ce processus, en particulier dans le cas du maïs produit par les petits exploitants.

Avant la libéralisation, le commerce du maïs en Zambie était entièrement contrôlé par les pouvoirs publics, d’abord par l’intermédiaire d’un office de commercialisation et ensuite par l’intermédiaire de coopératives. Des négociants n’ayant aucune expérience préalable ont dû prendre des responsabilités en matière de commercialisation. Fournir des informations sur les marchés a été jugé indispensable pour encourager ce commerce.

Le ZAMIS a commencé à fonctionner en mai 1993, et a initialement donné la priorité aux besoins des négociants, bien que le Service ait toujours été prévu pour répondre aux besoins des agriculteurs, ce qui a été chose faite à la fin de 1995. La coordination est assurée par le Ministère de l’agriculture à Lusaka et les informations sur les prix et l’offre sont rassemblées sur le terrain par les responsables provinciaux de la commercialisation et leurs collègues des districts. Le Service rassemble et diffuse les prix de gros et de détail pour le maïs, la farine de maïs, les autres cultures vivrières, les engrais et les semences. Les prix de gros du maïs servent de prix de référence pour le secteur privé et, à ce titre, ils jouent un rôle important dans la promotion des mouvements de produits depuis les zones de production jusqu’aux zones de consommation.

Les informations sur les prix et l’évolution du marché sont diffusées de trois manières: émissions hebdomadaires à la radio, bulletins hebdomadaires sur les marchés et tableaux de prix. Etant donné les ressources limitées du Ministère pour payer les émissions de radio, les frais d’affranchissement, ainsi que le coût de la collecte et du traitement des données, la poursuite de l’expérience dépendra des parrainages que l’on aura su mobiliser et retenir.

Le ZAMIS reconnaît qu’il ne suffit pas seulement de publier des prix. Les agriculteurs doivent être en mesure d’interpréter les données et doivent aussi connaître les débouchés potentiels. Ainsi, le Ministère essai d’introduire des bulletins locaux au niveau provincial pour conseiller les agriculteurs sur les acheteurs de maïs et les vendeurs d’intrants. Un petit projet de coopération technique de la FAO a été mené en 1996 pour former des vulgarisateurs et des agriculteurs au fonctionnement d’un marché libéralisé. Le projet a aussi centré ses activités sur l’amélioration de l’entreposage à la ferme, qui devient une préoccupation particulière maintenant que les agriculteurs ne peuvent plus écouler immédiatement leurs récoltes après la moisson[2].


Construction et exploitation des marchés

5.6 Les autorités locales peuvent faciliter les services de commercialisation en affectant des terres et en mettant en place une infrastructure pour les marchés ruraux. Ces marchés constituent un lieu de rencontre où les cultivateurs peuvent vendre leurs produits aux négociants, qui à leur tour les expédient aux marchés urbains. Ces marchés sont des points d’approvisionnement en denrées alimentaires pour les travailleurs agricoles et non agricoles, les artisans et les ruraux pauvres. De la sorte, toute amélioration apportée aux marchés ruraux peut aider à alléger la pauvreté en milieu rural et à assurer la sécurité alimentaire. En l’absence de tels marchés, les négociants doivent se rendre chez chaque cultivateur, ce qui augmente le coût de la commercialisation. Là où ces marchés existent, les installations même essentielles manquent: aucun abri ne protège les produits du soleil et de la pluie et, en l’absence d’une chape de béton au sol ou surélevée, les inondations sont fréquentes. Cela restreint l’efficacité du marché, entraîne des pertes et peut poser des problèmes de santé. Un autre facteur important est l’emplacement des marchés ruraux. Là où les marchés sont nés spontanément, l’emplacement reflète presque à coup sûr les préférences des exploitants comme des négociants. Il faudrait, dans la mesure du possible, améliorer les sites existants et éviter de créer de nouveaux sites qui risquent de ne pas convenir aux usagers. Nombre des nouveaux marchés mis en place ont une conception inutilement compliquée et des structures onéreuses, ce qui entraîne des charges élevées pour les utilisateurs.

Rôle des services de vulgarisation

5.7 Dans la plupart des pays, on estime que les problèmes de commercialisation et le système après-récolte ne relèvent pas des vulgarisateurs travaillant sur le terrain. Si certains gouvernements ont créé des départements de la commercialisation des produits agricoles, leurs activités se font rarement sentir sur le terrain. Même lorsque les vulgarisateurs arrivent à cerner les problèmes après-récolte des agriculteurs, ils ne sont pas à même de les aider, par manque de connaissance de ces questions ou parce qu’ils ne savent où s’adresser pour demander de l’aide. Parfois, l’agent le plus visible du système de commercialisation, à savoir le négociant, est désigné comme bouc émissaire, d’autant que les vulgarisateurs ont tendance à voir dans la relation négociant-agriculteur un rapport d’exploitation, sans avoir procédé à l’examen détaillé des coûts encourus par les négociants13. A partir des données sur les prix communiquées par les services d’information sur les marchés, les vulgarisateurs devraient être en mesure d’informer les cultivateurs sur l’évolution des prix. Un vulgarisateur ayant une formation commerciale devrait également pouvoir conseiller et encadrer les agriculteurs pour des questions telles que: méthodes améliorées de récolte, tri et calibrage, méthodes perfectionnées de conditionnement et de manutention et stockage approprié14.


[1] Pour plus de détails, voir Shepherd et Schalke (1995).
[2] Pour plus de renseignements, voir Gouvernement zambien (1995).

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