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Chapitre I - Gestion des situations de crise


1. Recours aux stocks de sécurité
2. Appréhension des situations d'urgence
3. Groupes à risque


Gérer l'insécurité alimentaire signifie bien souvent gérer une situation de crise. Résultant d'une catastrophe naturelle ou conséquence de l'instabilité civile, la crise prive toute ou partie de la population des vivres nécessaires à la survie.

Les économies en développement ont ainsi été amenées à rechercher des solutions immédiates, notamment par le recours traditionnel à la constitution de stocks nationaux de sécurité alimentaire. Quant aux pays industrialisés, si les conséquences sociales des crises sectorielles sont généralement bien amorties, l'apparition des "groupes à risque" à conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures spécifiques.

Pour ce qui est de l'ouverture et de l'utilisation des stocks de sécurité, de nombreux schémas ou plans ont été élaborés par la FAO et approuvés par le Comité pour la sécurité alimentaire mondiale.

1. Recours aux stocks de sécurité


1.1 Gestion des réserves et politique nationale de sécurité alimentaire
1.2 Création d'organes de gestion
1.3 Elaboration de structures de financement des stocks


Constatant que les réserves stratégiques de sécurité alimentaires jouent un rôle essentiel en cas de tension, notamment en Afrique, la communauté internationale en a recommandé la constitution.

Au cours de la Conférence mondiale sur l'alimentation de 1976 fut envisagée la création d'une réserve de type international, son volume devant avoisiner les quinze ou vingt millions de tonnes. Les stocks auraient été établis dans les pays traditionnellement nécessiteux et la coordination de l'utilisation aurait relevé de la responsabilité internationale; les économies les plus gravement affectées auraient en outre été dispensées de participer au financement. Néanmoins, cette réserve n'a pas vu le jour en raison (i) du peu d'enthousiasme que cette proposition souleva dans les cercles internationaux compétents et (ii) de la divergence des objectifs et des conceptions des pays développés par rapport à ceux subissant un déficit alimentaire. L'idée devait cependant être reprise maintes fois et notamment en 1982 lorsque le Conseil mondial de l'alimentation formula une nouvelle proposition consistant à créer une réserve internationale appartenant cette fois-ci directement et totalement à chacun des pays concernés. Ici encore, le projet ne fut l'objet que de négociations préparatoires mais ne se concrétisa pas.

Pour sa part, la FAO n'a pas manqué d'insister dans son Schéma d'assistance sur la nécessité pour les pays à faible revenu et à déficit alimentaire de se pencher sur le rôle que doivent tenir les stocks nationaux de sécurité alimentaire. Sur ce point, l'Organisation a apporté son assistance aux Etats désirant (i) établir les infrastructures spécifiques au stockage des céréales et (ii) former les personnels chargés de la gestion des stocks. Le principe de base est que le volume des stocks doit être en rapport avec le laps de temps nécessaire pour faire face aux besoins nutritionnels domestiques, en attente du relais de l'aide alimentaire internationale ou de celui des importations.

Il faut remarquer que le Plan d'action pour la nutrition établi lors de la tenue de la Conférence internationale sur la nutrition de 1992118 stipule en son point 31i) que, dans les pays où la chaîne alimentaire est fragile et où l'insécurité alimentaire constitue un problème majeur, il convient que les pouvoirs publics, les organisations internationales et le secteur privé parviennent à la stabilisation des approvisionnements alimentaires par la constitution de réserves stratégiques de sécurité alimentaire.

118 Voir supra Première partie, chapitre I, 1.1.2.

Néanmoins, l'existence de stocks nationaux de sécurité ou réserves stratégiques de grains ne constitue qu'une garantie d'approvisionnement à très court terme en cas de catastrophe naturelle ou de pénurie grave; ces stocks sont destinés à couvrir la période précédent l'arrivée de l'aide alimentaire ou des importations. Ces réserves ne sauraient être autre chose qu'une simple couverture de l'urgence; toutes les législations nationales qui en traitent le posent comme principe essentiel.

Autre élément déterminant: les besoins des pays ne sont pas tous identiques. En effet, dans certains d'entre-eux, le fonctionnement normal des institutions dont relève la sécurité alimentaire suffit à appréhender les situations de crise; en revanche, il apparaît indispensable de renforcer les capacités de gestion de réserves dans les cas de pays fréquemment plongés dans des situations d'urgence.

1.1 Gestion des réserves et politique nationale de sécurité alimentaire


1.1.1 Organisation institutionnelle
1.1.2 Elaboration de règles de fonctionnement propres: le cas de la Tanzanie


Les situations d'urgence appellent souvent la constitution de stocks nationaux de sécurité, destinés à garantir à la population l'accès aux vivres en cas de pénurie. Certains pays occidentaux et les économies en développement y ont recouru à de nombreuses reprises.

En Belgique, un décret de 1954 porte obligation de stockage de froment pour les meuniers industriels agréés119; l'article 1er stipule que "Tout meunier agréé par le ministre [...] est tenu de constituer et de conserver dans le pays un stock de froment correspondant à sa quote-part dans un stock global de 150.000 tonnes minimum à constituer à titre de stock de sécurité pour l'alimentation humaine". L'arrêté précise encore le temps limite accordé aux meuniers pour constituer leur stock, qui ne peut être créé que dans les lieux dûment autorisés.

119 Arrêté royal du 13 janvier 1954 relatif aux obligations de stockage des meuniers industriels agréés.

De même, en Suisse, une ordonnance de 1985120 réserve les permis d'importation délivrés par la Société coopérative suisse des céréales aux seuls "meuniers de commerce et aux négociants en blé qui, conformément à leurs obligations conventionnelles, entretiennent une réserve permanente de blé, de bonne qualité marchande" (article 3).

120 Ordonnance du 13 novembre 1985 concernant la réserve supplémentaire de blé.

En France, des dispositions ont été prises pour réglementer le stockage de certains produits de base pendant des périodes précises. Ainsi, par arrêté121 circonstancié fut organisé le stockage des sucres pour la campagne 53-54 particulièrement difficile: tout fabricant métropolitain se voyait obligé de stocker jusqu'à une certaine date un tonnage de sucre correspondant à dix pour cent de sa production. Un autre arrêté similaire fixa les prix des beurres stockés pendant la campagne 59-60122.

121 Arrêté du 28 juillet 1954 relatif au stockage des sucres de la campagne 1953-1954.
122 Arrêté du 5 mai 1959 relatif au stockage des beurres pendant la campagne 1959-1960.

Aux Etats-Unis, au titre de la loi 96-494 de 1980123 sont maintenues (i) une réserve prévue en cas de suspension des échanges (titre II), et (ii) une réserve de sécurité de blé. La première réserve est avant tout prévue pour garantir la stabilité du marché et des prix. En effet, le ministre chargé de l'agriculture, lorsque le Président suspend ou restreint l'exportation de produits agricoles pour des raisons de sécurité nationale ou de politique étrangère, peut créer une réserve de sécurité dans les trente jours de la décision sus-citée (section 208 (a), (b)); cette réserve, constituée des produits agricoles bloqués, évite ainsi une fluctuation des prix en retirant certaines quantités du marché. Les stocks sont utilisés comme secours humanitaire d'urgence pour les pays en déficit alimentaire. La section 208 (g) précise qu'il n'y a pas obligation de réapprovisionner la réserve après son utilisation. Il s'agit donc d'une réserve temporaire, voire relativement exceptionnelle, puisque son existence est conditionnée par la suspension des exportations agricoles américaines. Cependant, elle peut jouer un rôle important pour la sécurité alimentaire nationale dans la mesure où elle garantit une stabilisation du marché et des prix agricoles.

123 Public Law 96-494 du 3 décembre 1980, Agricultural Act of 1980.

C'est par un décret présidentiel du 15 janvier 1981 que la deuxième réserve a été officiellement constituée124. Cette réserve dite "de sécurité du blé" est d'un type plus courant dans la mesure où elle est permanente, destinée exclusivement aux besoins humanitaires d'aide d'urgence dans les pays en développement; elle ne saurait être source d'approvisionnement domestique de nourriture. Sa pérennité est assurée par l'obligation faite au ministre chargé de l'agriculture de réapprovisionner la réserve en quantité égale à celle débloquée pour l'action humanitaire, la remise à niveau s'effectuant par achats aux producteurs. Il est à noter que le titre III de la loi 96-494 sus-nommée a fait l'objet d'une loi spécifique dite "loi relative à la réserve de sécurité de blé"125. Il est à noter cependant que cette seconde réserve n'est constituée que pour des motifs extérieurs.

124 Executive Order 12266 du 15 janvier 1981, Food Security Wheat Reserve.
125 Food Security Wheat Reserve Act of 1980.

Pour les pays connaissant un risque plus grand, des solutions diverses ont été adoptées. Dans le cas du Bénin, par exemple, il est à noter qu'un stock national de sécurité alimentaire n'a pas été constitué; le problème a certes été soulevé mais les pouvoirs publics n'ont pas cru devoir y pourvoir. Dans les cas de situation d'urgence, ce n'est que par l'aide alimentaire provenant directement du PAM que les organes administratifs classiques, tels la Direction de la protection civile (Ministère de l'intérieur), ou encore l'ONASA (Ministère du développement rural), peuvent intervenir. Ces services ou organes ne sont cependant concernés que dans la mesure où leur mandat les conduit à intervenir chaque fois qu'une situation de crise affecte un domaine relevant de leurs prérogatives.

Dans d'autres cas, les responsabilités inhérentes à l'intervention sont confiées aux organes chargés des politiques de développement nationales.

Ainsi, en Mauritanie comme au Sénégal, les commissariats à la sécurité alimentaire (CSA) sont directement chargés de la gestion des stocks nationaux. L'existence de ces derniers ne repose du reste sur aucun texte, mais leur gestion est clairement mentionnée dans les décrets instituant ces organes spéciaux. Alors que la mission principale de ces commissariats consiste à élaborer des stratégies générales de prévention contre l'insécurité alimentaire, certaines dispositions régissant leur fonctionnement visent la gestion des stocks. C'est notamment le cas du décret du 23 juillet 1992 pour ce qui concerne la Mauritanie126, et celui du 16 novembre 1994 pour le Sénégal127. Dans ce dernier cas, il est clair que le CSA a pour mission, notamment, d'assurer "la gestion d'un fonds et/ou d'un stock de sécurité dont le volume, la composition et les modalités de gestion sont à définir en relation avec les autres organismes impliqués" (article 2, alinéa 4). C'est au travers de consultations entre les différents organes impliqués dans l'existence d'un stock que sont définies les modalités de sa mise en oeuvre; il s'agit en particulier des différents ministères intervenant en situation d'urgence et réunis au sein du Comité Interministériel de Suivi de la Politique Céréalière.

126 Voir supra note 102.
127 Voir supra note 25.

De même, l'article 2 in fine du décret d'organisation du CSA mauritanien précise que celui-ci "assume en particulier les missions suivantes: la constitution et la gestion de stocks de sécurité". Le décret de 1982128 ayant porté création dudit CSA précise encore que lui incombe la charge de "constituer et gérer des stocks de sécurité, de stabilisation et d'urgence et d'en assurer le transfert aux populations bénéficiaires" (article 2, alinéa 6). Ici donc, c'est au CSA qu'il appartient de créer la réserve de sécurité alimentaire.

128 Voir supra note 21.

1.1.1 Organisation institutionnelle

Les CSA de Mauritanie et du Sénégal sont constitués de plusieurs divisions, chacune d'elles spécialisée dans un domaine d'action particulier: c'est au sein de la division commerciale que s'opère la gestion du stock national de sécurité.

Au Sénégal, la Division commerciale est en effet chargée129 de la gestion des stocks, ainsi que de la commercialisation des céréales avec pour objectif la régulation du marché. A ce titre, le Chef de la division a sous sa supervision deux bureaux: le Bureau de régulation du marché des céréales locales et le Bureau de gestion des stocks. C'est la Division technique et logistique qui opère la protection de ces stocks (article 8 du décret).

129 Voir l'article 7 du décret fixant son organisation.

Dans le cas de la Mauritanie, la division commerciale du CSA, dénommée Département de commercialisation et sécurité alimentaire, comprend trois services: le Service de la commercialisation et de la stabilisation des prix (article 4 A, alinéa 5 du décret), le Service de la tutelle et du contrôle des agences, et le Service des infrastructures de stockage et d'entretien (article 4 du décret). Chacun de ces services intervient dans les différents aspects de la gestion du stock, qu'ils soient techniques ou politiques. Les mesures pratiques relatives à la réserve de sécurité alimentaire, à savoir l'entretien des stocks, le contrôle de la qualité des marchandises entreposées, le choix des lieux de stockage, et le mode de renouvellement des céréales dans les stocks, incombent au Service des infrastructures de stockage et d'entretien (article 5 C.). Les décisions politiques et stratégiques relatives au stock relèvent de la responsabilité du Service de la commercialisation et de la stabilisation des prix qui vérifie régulièrement la situation des stocks.

Par ailleurs en 1985, a été créé par décret le Conseil de surveillance du CSA130. Sa composition ayant été modifiée quelques années plus tard131, ce dernier est chargé de statuer sur la politique de gestion des stocks céréaliers. Le Conseil est composé des représentants de différents ministères ainsi que des donateurs (objet du décret modificatif de 1987); il est investi de tous les pouvoirs pour orienter et contrôler les activités du CSA (article 2 du décret de 1987). Si la gestion quotidienne du stock national de sécurité relève de la responsabilité des pouvoirs publics, il est néanmoins loisible aux donateurs d'intervenir dans l'orientation de la politique relative aux réserves.

130 Décret 75-85 du 10 septembre 1985.
131 Décret 87-023 du 18 février 1987 portant modification du décret 75-85 (voir note 119).

Se rencontre le cas de figure suivant: lorsque les institutions étatiques prennent en charge la gestion des stocks, les donateurs s'accordent à faire connaître aux pouvoirs publics qu'une intervention directe de ces derniers dans la conduite des actions visant à la sécurité alimentaire n'est pas souhaitable. Néanmoins, c'est au gouvernement qu'il revient de prendre les décisions urgentes dans les situations de crise puisqu'il est le premier à pouvoir les détecter.

Si organisation et gestion des stocks nationaux de sécurité sénégalais et mauritanien s'inscrivent dans le cadre plus général des politiques de développement nationales, c'est que (i) d'une part les commissariats ont un large mandat d'intervention dans tous les autres aspects de la sécurité alimentaire, la gestion des stocks n'étant que l'un de ces éléments; et que (ii) d'autre part, les pays en question sont rarement confrontés à une situation de crise: la politique des pouvoirs publics est davantage tournée vers une action à long terme en faveur de la sécurité alimentaire plutôt que vers une gestion immédiate de la crise. Preuve en est que ni, au Sénégal, ni en Mauritanie, il n'existe de texte particulier régissant les dispositions du stock national de sécurité qui ne se trouve donc pas juridiquement constitué...

En Tanzanie, la gestion du stock n'est pas appréhendée de la même manière: toute la politique visant à la sécurité alimentaire est orientée vers la gestion d'une réserve nationale de sécurité.

1.1.2 Elaboration de règles de fonctionnement propres: le cas de la Tanzanie

Dans le cas présent, c'est la loi sur la sécurité alimentaire132 qui est le fondement des actions à entreprendre en matière de sécurité alimentaire et, notamment, celles visant à la gestion d'un stock national de sécurité. Ainsi que l'indique le titre133, la loi a été élaborée pour servir de base à un système de contrôle et de gestion de la réserve stratégique des céréales. En outre, le préambule énonce que "Constatant la dureté des sécheresses intermittentes survenues au cours des années soixante-dix et quatre-vingt et le défaut de moyens de gestion de ces catastrophes, le gouvernement a décidé qu'il devenait nécessaire d'organiser une gestion statutaire des opérations relatives au stockage des céréales". Deux organes spécifiques, (i) Board of Trustees et (ii) Food Security Department, sont responsables de la gestion de la réserve stratégique de céréales.

132 Food Security Act, No. 10 of 5 August 1991.

133 An Act to establish a Food Security Department for overseeing the strategic grain reserve and to provide for other matters connected with or incidental to the establishment and management of the reserve.

Le Board est composé des premiers secrétaires des différents ministères impliqués dans les problèmes de sécurité alimentaire (agriculture, finances, communications, santé, commission au plan, premier ministre). Placé sous tutelle du Ministre de l'agriculture, et ayant mandat à décider et indiquer au gouvernement les besoins en cas de crise, cet organe supervise les actions tendant à acquérir, stocker et débloquer les céréales, et à déterminer les quantités nécessaires.

Pour sa part, le Food Security Department tient lieu d'organe exécutif: entre autres missions concernant directement l'établissement de la politique de sécurité alimentaire, ce département - autonome bien que placé au sein du Ministère de l'agriculture - est chargé de réviser et de fixer le niveau de la réserve, de se procurer les céréales destinées au stockage, de préparer et améliorer le processus de recyclage et de rotation de la réserve.

Néanmoins, les textes (et en particulier l'article 8 de la loi qui traite du Département) sont relativement succincts: la loi ne définit que l'objectif de la gestion de la réserve et porte création des organes responsables. En complément, ont été adoptées des règles spéciales à la réserve stratégique. Celles-ci se trouvent rassemblées dans un document dénommé Regulations for the Strategy Grain Reserve (réglementation de la réserve stratégique de céréales). Il établit formellement le fonctionnement de la réserve et traite des différents aspects clés de la gestion: règles concernant sa propriété et son déblocage, règles concernant le recyclage et la rotation du stock, règles relatives à la gestion proprement dite des stocks, enfin règles relatives au financement de ces opérations. La nature juridique de ces règles reste toutefois obscure puisqu'elle ne revêt à l'évidence aucun caractère officiel et que, pour le moins, elle n'a pas été adoptée en application du texte législatif de base qu'eût pu être à cet effet la loi sus-nommée.

Le point 1 de la réglementation stipule clairement que la réserve appartient à l'Etat, la Compagnie nationale des céréales (National Milling Corporation) n'en étant que le dépositaire ou gardien. A ce titre, il lui incombe de fournir le personnel nécessaire à sa sécurité et sa conservation; dans le cadre de cette mission, la Compagnie est défrayée directement par le Département sous forme d'honoraires (point 3.2.). La réglementation prend également soin de définir les modalités d'utilisation de la réserve; son utilisation est en effet limitée exclusivement aux situations présentant des signes annonciateurs d'une pénurie susceptible de perturber la vie de la communauté. Il est stipulé que la Compagnie ne peut recourir à la réserve dans les cas où le déplacement des stocks vers les régions qui en ont un urgent besoin n'a pu être effectué: il est donc clair que la gestion de la réserve est dissociée des activités habituelles de l'Office, et réservée exclusivement aux situations de crises imminentes. Reste qu'il peut être difficile d'apprécier les notions de situation de crise susceptible de venir perturber la vie de la communauté... Cette responsabilité est confiée au Board qui sanctionne la nécessité de déblocage de la réserve par une déclaration formelle précisant la zone concernée, la quantité et la qualité des céréales débloquées ainsi que leur lieu de provenance dans la mesure où la réserve est décentralisée en plusieurs points stratégiques. Après le déblocage, le Département s'assure du réapprovisionnement de la réserve, avec des céréales de qualité similaire.

Des dispositions sont également prévues pour assurer un recyclage de la réserve après une certaine période fonction des conditions d'entreposage, de la température. Est fixé cependant un délai moyen de dix-huit mois au terme desquels la réserve doit être reconstituée. La responsabilité en confiée conjointement au Département et à la Compagnie. Pour ce faire, le système de contrôle du contenu de la réserve tant en quantité qu'en qualité est prévu et organisé d'une manière très formelle: des rapports mensuels et annuels sont établis par les responsables de chaque point de stockage.

Ainsi, la réserve stratégique de Tanzanie apparaît-elle comme un élément essentiel de la politique gouvernementale; d'ailleurs, le Programme national complet de sécurité alimentaire de 1993134 attribue-t-il un de ses sous-programmes à la constitution d'un Plan de gestion de la réserve stratégique de céréales. L'objectif du projet consiste à étendre la réserve à trois autres régions d'expansion et à la répartir en huit endroits de manière à augmenter le volume global. Ce programme se développe sur une période de deux années (achèvement de la mise en place en fin 1995).

134 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.2.2. (b).

Cette organisation si précise et si détaillée de la gestion de la réserve stratégique confirme l'importance que cette réserve revêt en Tanzanie. Elle constitue en effet le pilier de la lutte contre l'insécurité alimentaire et l'objet essentiel de la loi sur la sécurité alimentaire. Pour sa part, la réglementation fonde la stratégie de gestion des situations de crise, dans la mesure où elle traite de tous les aspects de son organisation, de son appartenance à la qualité des céréales, en passant par ses conditions de maintenance et de sécurité.

Si le pilotage des réserves nationales de sécurité alimentaire peut généralement s'opérer au travers d'institutions pré-existantes, il requiert parfois la création d'organes spéciaux chargés quasi exclusivement de leur gestion.

1.2 Création d'organes de gestion


1.2.1 Désignation d'institutions responsables
1.2.2 Organes spéciaux


L'affectation d'organes spécialisés à la gestion des réserves nationales de sécurité alimentaire n'empêche nullement que cette gestion n'entre dans le cadre des politiques de développement nationales. Cependant, si le besoin s'est fait ressentir, pour certains Etats, de porter une attention toute particulière à la gestion des réserves, c'est que ceux-ci sont généralement plus facilement touchés par des situations de crises et éprouvent ainsi davantage le besoin d'organiser une structure spécifique permettant une réponse rapide.

Pour ce faire, les pouvoirs publics responsables ont procédé à la restructuration des institutions déjà existantes ou ont créé de nouveaux organes et organisé leurs relations juridiques avec les autres institutions gouvernementales, en prévoyant parfois l'organisation institutionnelle de leur financement.

1.2.1 Désignation d'institutions responsables

Dans le cadre de leur nouvelle politique céréalière, les pouvoirs publics maliens ont procédé à la redéfinition du mandat de l'OPAM135. C'est dans une Lettre de politique de développement du secteur agricole136 que l'OPAM a vu son rôle réduit (outre à la gestion de l'aide alimentaire) à la gestion du stock national de sécurité. En effet, le Ministre de l'agriculture s'engageait à ne plus faire jouer à l'OPAM un rôle de stabilisation des prix sur le marché céréalier et précisait sa volonté que celui-ci ne conserve que le personnel, les bâtiments et équipements strictement nécessaires à sa nouvelle mission.

135 Voir supra Première partie, chapitre II, 3.1.
136 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.1.

Il est néanmoins parfois difficile et délicat de faire une différence entre la gestion des réserves nationales de sécurité alimentaire et celle des situations d'urgence proprement dites: la gestion des situations d'urgence entraîne bien souvent l'intervention de l'aide alimentaire. C'est le sens de la double fonction attribuée à l'OPAM. Pour ce faire, en Ethiopie et au Burkina Faso, de nouvelles institutions ont été établies.

En Ethiopie, c'est avec le soutien de la FAO qu'une réserve nationale d'urgence fut créée en 1974 pour un volume de 50.000 tonnes. Cette création intervint dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique d'urgence éthiopienne137. La réserve d'urgence appartenait à l'Etat qui devait s'assurer que la réserve était bien utilisée en cas d'urgence uniquement; par l'intermédiaire du Comité de Sécurité Alimentaire composé de différents ministres et du Commissaire en chef de la Commission de soutien et de réhabilitation138, le gouvernement décidait de la nécessité de débloquer la réserve. Les décisions revêtaient la forme d'une déclaration faite par le Comité de Sécurité Alimentaire après avis du Comité technique statuant sur la taille et le besoin de recyclage de la réserve. Cette répartition des tâches est reprise à l'article III d'un Plan d'opérations signé en 1991 entre le gouvernement éthiopien et le PAM139.

137 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.1.3 et note 71.

138 Connue aussi sous le nom de Relief and Rehabilitation Commission.

139 Projet PAM n° 2586 EXP du 6 décembre 1991 relatif à l'assistance à la gestion de la réserve d'urgence.

Néanmoins, devant la réticence des donateurs à confier leur aide à cette commission dépendant directement d'un gouvernement qui ne jouissait pas du soutient unanime de la communauté internationale, les autorités furent conduites à établir une entité autonome: c'est ainsi que fut organisée en 1992 une Conférence nationale dans le but d'examiner les problèmes rencontrés dans la gestion de la réserve. Le Premier ministre y annonça la création d'une autorité autonome, l'Autorité de la réserve de sécurité alimentaire d'urgence140. A ce jour trop peu d'informations permettent de décrire de façon satisfaisant les missions menées.

140 Connue en anglais sous le nom de Emergency Food Security Reserve Authority (EFSRA).

Au Burkina Faso, les pouvoirs publics ont également estimé nécessaire d'établir un nouvel organe affecté spécialement à la gestion des réserves nationales de sécurité: la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS) a été instituée par un décret de 1994141. L'article 6 du décret fixe la composition de la SONAGESS qui rassemble dix représentants des ministères de l'agriculture, de l'industrie, de l'économie, de la santé, du fonds de développement céréalier. L'article 3 stipule qu'un "contrat-plan sera conclu entre l'Etat et la société pour la réalisation des missions entrant dans [son] l'objet...".

141 Décret 94-233 PRES/MICM du 13 juin 1994 portant création de la SONAGESS.

1.2.2 Organes spéciaux

En établissant des "contrat-plans" avec les organes de gestion des réserves de sécurité, les gouvernements burkinabé et malien ont appliqué des techniques qui relèvent du droit privé; ces techniques apportent des garanties d'efficacité d'action dans la mesure où elles créent des obligations pour chacune des parties. Les contrats-plans sont établis pour une période déterminée à l'issue de laquelle la conclusion d'un nouveau contrat est envisageable.

Les deux contrats-plans des pays sus-cités énoncent clairement leur objectif: l'article 2 du contrat-plan Mali-OPAM142 stipule les engagements respectifs de l'Etat et de l'OPAM "dans le but d'ajuster les structures de l'office aux missions qui lui sont confiées et de rationaliser son fonctionnement". De même, dans le cas du Burkina Faso143 l'article 2.2 édicte-t-il que le contrat permet de préciser les engagements de chacun en cohérence avec le Programme d'ajustement structurel agricole. C'est donc encore dans le cadre de la politique générale du développement économique national que s'inscrivent les initiatives de gestion des stocks: ceci dénote la nécessaire harmonisation des actions devant être entreprises aux fins de la sécurité alimentaire.

142 Contrat-plan n° 3 signé par les parties le 22 février 1994, valable à effet du 1er janvier 1994 et conclu pour une période de deux ans.

143 Projet de Contrat-plan Etat-Sonagess (en janvier 1995) prévu pour une période de deux ans.

Les deux contrats sont élaborés sur le même modèle et se divisent en différentes parties traitant de la détermination des missions des organes de gestion, des obligations respectives des parties aux contrats, du suivi de l'exécution du contrat. Des dispositions sont d'abord prises pour fixer le niveau du stock: 35.000 tonnes pour le Burkina Faso (article 6.3) et 58.500 tonnes dans le cas du Mali (article 9). L'OPAM et la SONAGESS s'engageant à maintenir ces niveaux, ce qui se traduit par l'obligation pour la SONAGESS d'acquérir sur le marché national ou international les céréales en cas de crise alimentaire (article 6.2) et par la constitution par l'OPAM d'un plan de ravitaillement donnant des renseignements sur la reconstitution du stock, les prévisions de déblocage, et une réglementation des distributions gratuites de céréales (articles 13, 14 et 15). Le modèle malien est appelé Plan de déstockage (article 6.7).

Ces plans précisent les rotations techniques au sein des stocks, rotations dont la formulation incombe à la SONAGESS comme à l'OPAM.

Les contrats régulent aussi les déblocages des céréales ainsi que les mesures visant à la reconstitution des stocks. Il faut noter que la reconstitution des stocks doit être effectuée avec des céréales de même nature et en quantité identique.

Ces dispositions fixant l'organisation précise de la gestion des stocks nationaux de sécurité, dispositions auxquelles l'OPAM et la SONAGESS doivent se conformer (article 25 du contrat-plan du Mali et article 3 du contrat-plan du Burkina Faso), offrent des garanties d'une bonne gestion et donc d'une plus grande sécurité alimentaire. Pour sa part, le gouvernement a au titre de ces contrat-plans l'obligation de faire en sorte que son partenaire contractuel atteigne ses objectifs et remplisse ses obligations: l'article 28 du contrat-plan malien dispose que "l'Etat s'engage à faire en sorte que l'OPAM respecte les engagements et objectifs fixés par le contrat-plan concernant la gestion de ses activités". Les pouvoirs publics sont aussi contraints au respect des règles établies; ainsi doivent-ils "respecter toutes les clauses du présent contrat-plan [et] respecter strictement les mécanismes de mobilisation du stock national de sécurité" (article 7 du contrat-plan du Burkina Faso).

Le contrat-plan semble être par conséquent un outil idoine à la gestion efficace des réserves: en effet, il fixe sous la forme d'obligations les modalités de constitution, déblocage, reconstitution et gestion courante des stocks.

Dans le cas de l'Ethiopie, les actions sont détaillées dans un Manuel des politiques et procédures144 qui fixe tout d'abord le niveau de la réserve d'urgence à 205.000 tonnes réparties en cinq sites différents (point B5 du manuel), puis précise l'organisation interne de la EFSRA. Cette autorité étant dirigée par un Board (point B9.1.), les actions sont menées par un Comité technique (point B9.3.): au Board revient de prendre les décisions de déblocage de la réserve sur avis et recommandation du Comité technique.

144 Connu en anglais sous le nom de EFSRA Policies and Procedures Manual.

Les modalités de déblocage, de reconstitution de la réserve apparaissent dans le chapitre III du manuel qui en détaille le caractère très formel. Néanmoins, les principes sont similaires à ceux mis en oeuvre tant au Burkina Faso qu'au Mali.

Quelle que soit la forme choisie pour organiser la gestion des stocks de sécurité, ceux-ci, de par la rigidité des structures et l'affectation d'organes spéciaux à leur gestion, assurent d'importantes garanties de lutte contre l'insécurité alimentaire nationale. Les pouvoirs publics vont parfois plus loin encore dans l'organisation de la gestion de ces réserves, notamment lorsqu'elles sont de taille importante, en élaborant des fonds spécialement responsables du financement des réserves de sécurité.

1.3 Elaboration de structures de financement des stocks

C'est au Burkina Faso et au Mali que de tels systèmes ont été élaborés dans le but de compléter la gestion des stocks par des mesures financières.

L'accord-cadre Etat-partenaires du Burkina Faso, seul instrument juridique existant en matière de conduite de la politique de sécurité alimentaire, prévoit la création d'un Fonds de développement céréalier (FODEC). Le titre III de l'accord-cadre est consacré à l'organisation du Fonds dont l'objectif est d'être un outil de financement contribuant à la mise en oeuvre de la politique céréaliers préconisée par le Comité de réflexion, et de suivi de la politique céréalière (article 7 de l'accord-cadre). A cet effet, il doit permettre (i) la constitution, la reconstitution et le maintien du stock national de sécurité, (ii) le financement de l'achat de 25.000 tonnes de céréales complémentaires si la situation alimentaire l'exige, et (iii) l'organisation des opérations de distribution de vivres dans les zones sinistrées (article 9). En sus de cette mission de surveillance du stock de sécurité, le FODEC est également destiné à subvenir aux besoins en matière d'incitation et de promotion du secteur céréalier.

De façon similaire, les pouvoirs publics maliens ont formulé un projet de code de gestion d'un Fonds de sécurité alimentaire (FSA). Le préambule du projet de code pose que la mission du Fonds est de servir à la mobilisation, à la reconstitution et au maintien du stock national de sécurité. Le point 1.3. du même code ajoute que l'objectif visé est de réduire les frais de maintenance et d'entretien du stock, d'en assurer la régulation, la stabilisation et la pérennité.

Les textes relatifs au FODEC et au FSA comportent tous deux des dispositions concernant le financement de ces fonds. En effet, l'article 10 de l'accord-cadre du Burkina Faso indique que le FODEC est alimenté par les dotations budgétaires nationales ainsi que par l'aide fourme par les donateurs. Son accès est ouvert à la SONAGESS et à tous les acteurs de la politique céréalière. Au Mali, la constitution du FSA se fait à partir des mêmes sources de financement (point 1.4 du projet de code); en outre, seront comptabilisées les recettes des ventes commerciales réalisées sur le stock ainsi que celles résultant des rotations techniques.

Néanmoins, pour ce qui est de leur administration, il convient de différencier les deux fonds dans la mesure où la composition des organes internes n'est guère identique.

Pour sa part, lé FODEC est régi par un Comité paritaire de gestion issu du Comité de réflexion et de suivi de la politique céréalière, chargé de l'examen des besoins, et responsable des décisions portant sur les demandes d'assistance introduites par les différents opérateurs; en outre, il a mandat à contrôler et approuver les comptes prévisionnels de la SONAGESS (articles 8 et 12 de l'accord-cadre). Dans sa proposition de statuts du FODEC145, le Comité de réflexion et de suivi de la politique céréalière a précisé que ce comité paritaire sera composé de trois représentants de l'Etat, de trois représentants des donateurs, d'un représentant des opérateurs économiques et d'un représentant des ONG (article 6 des statuts). Ainsi, de par sa composition largement ouverte, le comité est étroitement dépendant de la volonté des donateurs qui participent directement à l'orientation de la gestion du stock national de sécurité, et donc à la politique générale de sécurité alimentaire du Burkina Faso.

145 Proposition de statuts de la part du CRSPC, décembre 1994.

Bien au contraire, au Mali, la gestion du FSA ne relève en rien du contrôle des donateurs. En effet, le Fonds est dirigé par le Conseil de programmation qui délibère et statue sur toutes les mesures relatives aux conditions de constitution et de fonctionnement du FSA (point 2.1.1. du projet de code de gestion), et par le Conseil de direction qui prépare et exécute le programme annuel, co-signe avec le président de l'OPAM tous les actes engageant le FSA; les donateurs n'entrent nullement dans la composition de ces deux organes.

Le FSA qui devait être opérationnel en décembre 1995 (point 1.5. du projet) est né de la scission du Fonds commun de contrepartie du programme de restructuration du marché céréalier malien: ont été, ou seront, constitués d'une part le FSA et d'autre part le Fonds commun d'intervention (FCI), qui finance toutes les activités ne rentrant pas dans le cadre des attributions du FSA. L'objectif d'une telle scission est d'aboutir à une consolidation de la politique de retrait à terme des donateurs. Actuellement, le plan de restructuration de la politique céréalière est entré dans sa quatrième phase, à savoir celle du désengagement progressif. Néanmoins, il est prévu, lorsque le plan de restructuration entrera dans sa phase terminale, c'est-à-dire à partir de 1997, que le FSA et le FSI redeviennent un fonds unique qui serait érigé en établissement financier (point 1.6. du projet de code de gestion du FSA).

Dans le but de gérer au mieux les situations de crises, les pouvoirs publics ont eu recours à l'organisation de stocks nationaux de sécurité alimentaire, auxquels ils ont parfois assuré une existence juridique propre et un mode de financement structuré. Le recours au fonds n'intervient qu'en cas de crise ou d'urgence, les textes le soulignant clairement.

2. Appréhension des situations d'urgence


2.1 Constitution d'instances mandatées à l'appréhension de l'urgence
2.2 Réseau institutionnel de gestion en Ethiopie


L'urgence requiert une réponse rapide: pour faire face à des événements aussi graves qu'imprévus, les pouvoirs publics ont mis en place des systèmes permettant de gérer mais aussi, si possible, de prévenir. Sont parfois apparus de véritables réseaux d'appréhension de l'urgence.

Du fait de la guerre, le réseau belge de distribution des denrées alimentaires se trouva en totale désorganisation dès la fin de l'été de 1914. Pour faire face aux besoins, un groupe de banquiers, industriels et autres habitants de Bruxelles mit sur pied une institution originale, le Comité central de secours et d'alimentation, qui entreprit de coordonner toutes les initiatives relatives à la distribution de la nourriture. Son succès fut tel qu'il devint dès octobre de la même année le Comité national de secours et d'alimentation, et fut officieusement consacré organe de substitution au gouvernement replié vers l'ouest. Sa mission principale était d'organiser la distribution des denrées alimentaires aux populations dans le besoin, le prix des denrées étant fonction des moyens du bénéficiaire. Des cantines réservées aux enfants et femmes enceintes furent aussi mises en place.

Ce système revêtit une telle importance que dans les zones occupées il assumait, de fait, les fonctions sociales dévolues habituellement aux pouvoirs publics.

Des mouvements similaires et dispositions appropriées ont été le fait d'autres Etats traversant des périodes de difficultés économiques marquées. En 1957, au ministre français chargé des affaires économiques furent confiées par décret146 les responsabilités inhérentes au commerce extérieur en temps de guerre. De même, en 1963 un autre décret devait attribuer au Ministère de l'agriculture l'organisation de la défense dans le domaine alimentaire147; l'article 1er dudit décret stipule que "la satisfaction des besoins en denrées et produits destinés à l'alimentation humaine [...] incombe au ministre de l'agriculture [...]. A cet effet, il est responsable de la préparation et de l'exécution de toutes les mesures relatives au recensement des besoins, à la production, à la transformation, à la protection, à la réunion et à la répartition des denrées et produits alimentaires". Ainsi sont assurées (i) l'orientation des productions agricole et forestière en fonction des nécessités de la défense, (ii) les garanties contre le sabotage, la destruction, la contamination des vivres, (iii) la responsabilité de préparer un plan de ravitaillement, de constituer des stocks, de préparer et exécuter les mesures visant à la dispersion de ces stocks.

146 Décret 57-1026 du 17 septembre 1957 relatif à l'organisation du commerce extérieur en temps de guerre.

147 Décret 63-789 du 31 juillet 1963 relatif à l'organisation de la défense dans le domaine alimentaire.

Toutes les actions relatives à la fourniture et la distribution nationale de vivres dans le pays relèvent donc de la seule compétence d'un ministre particulier. En effet, en son article 3, le décret précise que lorsque les circonstances rendent indispensables le contrôle et la répartition des ressources alimentaires, ledit ministre est habilité à prendre toutes décisions et mesures nécessaires en vue de régler la production, le stockage, la transformation, la circulation, la distribution et la vente sous toutes les formes des ressources alimentaires. Il peut ainsi bloquer certains stocks, ordonner la mise en vente des stocks détenus par toute personne ou groupement, réglementer la distribution (article 7).

C'est encore auprès du même ministre que les divers organismes professionnels, personnes physiques ou morales doivent être agréés, pour pouvoir effectuer les opérations de collecte, de stockage et de répartition des ressources effectuées aux différents échelons de l'organisation territoriale (article 9). Il appert donc qu'en temps de crise, le ministère chargé de l'agriculture est détenteur de toutes les responsabilités relatives à la sécurité alimentaire nationale, et que c'est auprès de lui que sont établis tous les organes et instances publics ou para-publics traitant de ce thème.

Certains des pays objets de la présente étude ne disposent pas d'un organe spécialement affecté à la gestion des situations d'urgence. Ainsi en est-il au Bénin, au Mali et au Sénégal où tout repose sur le fonctionnement normal des organes administratifs déjà existants. Généralement, en cas de catastrophes naturelles, chaque ministère ou institution de sécurité alimentaire intervient mais il n'existe pas d'organe central à cet effet. Très souvent, c'est la communauté internationale qui remplit ce rôle en fournissant l'aide alimentaire nécessaire.

Dans le cas où aucune institution n'a été spécialement chargée de l'appréhension de l'urgence, certains organes participant à la garantie de la sécurité alimentaire remplissent habituellement cette fonction, ne serait-ce qu'en gérant les réserves nationales de sécurité, tels l'ONASA au Bénin, l'OPAM au Mali et le CSA au Sénégal. C'est également le cas du Board of Trustees, institué en Tanzanie, qui est chargé de coordonner les activités visant à préparer la réponse aux urgences, à recommander au gouvernement de proclamer une situation de crise. Ses responsabilités sont avant tout de coordination des différents ministères et organes poursuivant un but de sécurité alimentaire.

S'il n'existe donc pas à proprement parier d'institution spécialisée dans les cas d'urgence, c'est que l'appréhension des situations d'urgence fait partie intégrante du processus d'élaboration de la politique générale de sécurité alimentaire du pays considéré.

Dans d'autres cas, ont été créées des institutions spécialisées dans l'analyse et le traitement des crises alimentaires graves. C'est le cas au Burkina Faso, en Mauritanie et surtout en Ethiopie où toute la politique de sécurité alimentaire du pays repose sur la notion d'urgence.

2.1 Constitution d'instances mandatées à l'appréhension de l'urgence


2.1.1 CONASUR du Burkina Faso
2.1.2 CNARSA en Mauritanie


Au Burkina Faso et en Mauritanie ont été mises en place des institutions mandatées à palier les situations d'urgence, respectivement le Comité national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR)148 et le Comité d'alerte rapide et de sécurité alimentaire (CNARSA). Chacun de ces comités nationaux chapeautent les divers services des ministères intervenant dans la sécurité alimentaire pour se consacrer exclusivement aux crises.

148 Décret 93-069 PRES/SAS-F du 5 mars 1993 portant création du CONASUR.

2.1.1 CONASUR du Burkina Faso

Créé par décret en 1993, ce comité est placé sous la présidence et le contrôle technique du Ministre de l'action sociale ainsi que sous la tutelle financière du Ministre des finances (article 2); il a pour mission d'élaborer un plan national de secours d'urgence, de définir et planifier les activités ayant pour but d'affaiblir les effets des calamités naturelles, de former le personnel à la gestion des secours d'urgence, et d'informer et sensibiliser les populations sur les comportements recommandés en cas de sinistres (article 3). Ainsi, non seulement le CONASUR est-il chargé de gérer la crise lorsque celle-ci se présente mais doit-il aussi s'efforcer de conduire des campagnes d'information et de préparation aux crises. Le décret ne donne cependant pas les modalités pratiques de la gestion de l'urgence ni ne traite des outils de prévention.

Au CONASUR siègent les représentants des différents ministères (administration territoriale, relations extérieures, finances, agriculture, travaux publics, information, transports, défense, eaux, ressources animales, commerce, environnement, santé) concernés ainsi que le Président de la Croix-Rouge burkinabé et le Secrétaire général du Secrétariat permanent des ONG (article 4). En matière de coordination entre tous les acteurs de la politique de sécurité alimentaire, l'intervention du Comité est conduite dans le cadre du Fonds de développement céréalier149, conformément aux dispositions de l'article 11 de l'accord-cadre Etat-partenaires.

149 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.1.

2.1.2 CNARSA en Mauritanie

Par la création du CNARSA qui remonte à 1987150, les pouvoirs publics mauritaniens entendaient créer un organe dont "le rôle [était] d'assurer la coordination interministérielle de l'ensemble des actions d'alerte précoces et d'information sur la situation alimentaire et nutritionnelle ainsi que tout ce qui touch[ait] à la sécurité alimentaire..." (article 1 du décret). Plus précisément, le CNARSA est chargé de détecter à l'avance les situations de risque de pénuries alimentaires, de proposer aux pouvoirs publics de déclarer sinistrée une zone affectée par la sécheresse ou par une autre calamité, de planifier et coordonner les actions d'urgence pour faire face aux situations alimentaires critiques (article 3). La longue liste des attributions du CNARSA donne une idée de l'étendue de son champ d'action. En particulier et de façon comparable au cas burkinabé, le CONASUR participe directement à la sensibilisation de la population sur les manières d'appréhender l'urgence et coordonne les activités de la communauté internationale en vue de la résorption de ces situations.

150 Décret 87-022 du 18 février 1987 portant création du Comité d'alerte rapide et de sécurité alimentaire.

Composé de représentants de différents départements ministériels participant à la lutte contre les risques alimentaires, le Comité comporte aussi parmi ses membres le Commissaire à la sécurité alimentaire et le Président du Croissant-Rouge, auxquels viennent s'ajouter en tant qu'observateur un représentant des donateurs; à noter que le Représentant de la FAO y siège aussi. Ce comité dispose d'un sous-comité technique qui, faisant office d'organe de réflexion, prépare les sessions du CNARSA, procède à l'examen des projets d'ordre du jour et effectue le suivi technique des actions d'urgence (article 6 du décret).

Le CNARSA constitue ainsi un bon exemple de forum de concertation et de coordination pour le traitement des situations d'urgence et plus globalement pour la sécurité alimentaire.

Outre l'existence d'instances de coordination des actions gouvernementales en vue de l'appréhension des situations d'urgence, il existe parfois un véritable réseau d'institutions spécialement affectées à la gestion de telles situations.

2.2 Réseau institutionnel de gestion en Ethiopie


2.2.1 Code d'urgence
2.2.2 Décentralisation de la gestion de l'urgence


2.2.1 Code d'urgence

En Ethiopie, la politique de sécurité alimentaire est concentrée sur le problème de l'urgence. L'institutionnalisation de celle-ci s'est effectuée dans le cadre de la politique de prévention des catastrophes naturelles, dite la Stratégie nationale de prévention des désastres et de préparation151.

151 Connue en anglais sous le nom de National Disaster Prevention and Preparedness Strategy.

Celle-ci prévoyait notamment la constitution d'un code d'urgence pour organiser institutionnellement la gestion des situations de crise: fut à cet effet adopté en février 1993 le Emergency Code for Ethiopia. Constituant le support législatif de la "stratégie", ce code a pour objectif de définir les fonctions et responsabilités des agents impliqués à différents niveaux, et de réguler le fonctionnement des organes de l'Etat ayant mandat à secourir les personnes victimes d'une catastrophe naturelle (préambule du code).

Ce texte législatif est d'autant plus remarquable qu'il vise à établir un lien étroit entre les efforts pour le secours d'urgence et les programmes à long terme de développement, en fixant les responsabilités de chacun des intervenants: il s'agit là du seul instrument juridique éthiopien traitant de la lutte contre l'insécurité alimentaire.

Trois organes participent au contrôle des situations d'urgence.

(a) Comité interministériel de prévention des catastrophes, Inter-Ministerial Commitee on National Disaster Prevention and Preparedness (IMC)

L'instauration de l'IMC est énoncée au chapitre II du Code d'urgence qui stipule, en son paragraphe 1.1.2, que ce comité est chargé de déclarer les zones sinistrées et d'autoriser toutes les mesures d'intervention nécessaires. C'est également à lui qu'il appartient de conduire la politique d'urgence du pays en en déterminant les lignes directrices. Présidé par le Premier ministre et composé des différents ministres du gouvernement ainsi que du Commissaire de la Commission de secours et de réhabilitation (ci-après la RRC) (paragraphe 1.1.1), ce comité est l'organe de décision en matière d'urgence: il intervient ainsi aussi bien en amont de la catastrophe en dirigeant la politique d'urgence, qu'en aval pour réparer les conséquences désastreuses de la situation. Son secrétariat est assuré par la RRC.

(b) Commission de secours et de réhabilitation, Relief and Rehabilitation Commission (RRC)

Cette commission a joué un rôle clé dans la gestion de la réserve stratégique de céréales en Ethiopie dont elle fut le responsable jusqu'en 1992. Le transfert à l'Autorité a été voulu afin de redonner confiance aux donateurs. En tant que secrétariat de l'IMC, la RRC est chargée d'alerter les autorités gouvernementales sur la survenance d'une catastrophe, de conseiller ces dernières sur les zones à secourir, de coordonner l'activité des ONG nationales, de constituer le point de rassemblement de l'aide destinée aux situations d'urgence (paragraphe 1.2. du code). A ce titre, le Plan d'opérations conclu entre l'Ethiopie et le PAM prévoit que le Commissaire en chef de la RRC assume la liaison entre le Programme et les autorités nationales compétentes (article III Obligations du gouvernement). Il est à noter que dans l'exercice de ses fonctions, la RRC est assistée par le Groupe de gestion de la crise et par le Centre d'opérations d'urgence. Si le Groupe examine les mesures envisagées pour palier une catastrophe après son déclenchement et opère ainsi la gestion de la crise en étudiant et révisant les possibilités d'action, le Centre formule pour sa part des analyses générales sur la survenance d'une éventuelle catastrophe et sur les différentes possibilités de l'enrayer. La RRC assure aussi le secrétariat du Comité national d'alerte précoce.

(c) Comité national d'alerte rapide, National Commitee for Early Warning (NCEW)

Chargé d'intervenir en amont de la crise en fournissant des garanties de prévention de la catastrophe, le Comité détermine la dimension du problème afin d'adopter des mesures appropriées. Pour ce faire, il collecte un certain nombre d'informations relatives aux récoltes, à la situation météorologique, aux opportunités de stockage et fournit un rapport au Comité interministériel par l'intermédiaire du Commissaire de la RRC. Composé d'agents de différents départements du gouvernement, le Comité est présidé par le Commissaire de la RRC. Appelés "officiers nodaux", ces agents constituent le lien entre toutes les instances affectées à la gestion des situations d'urgence.

Ces trois instances sont donc reliées par les "officiers nodaux" en vertu du paragraphe 1.4 du Code d'urgence qui précise que chaque ministère, chaque organisation autonome ainsi que tous les autres organes de l'Etat sont dans l'obligation de désigner un agent et son substitut; leur sera confiée la responsabilité de la coordination de toutes les questions relatives à la fourniture de secours aux victimes de catastrophes. Le nom et l'adresse administrative de chacun des agents est transmis à la RRC. Le fonctionnaire ainsi désigné est tenu de présenter des rapports réguliers sur l'évolution de la situation.

Bien que ce système de gestion des situations d'urgence soit soigneusement structuré et qu'il constitue un véritable réseau, il est à craindre qu'une délimitation des fonctions respectives de chaque organe soit difficile à opérer. En outre, certaines dispositions du Code manquent de précision: c'est ainsi que par exemple le paragraphe 4 qui édicté l'obligation de procéder à une déclaration de catastrophe précise qu'il n'est cependant pas toujours nécessaire d'attendre l'approbation qui devrait néanmoins être donnée par l'IMC. Une telle liberté d'interprétation et d'exécution ne constituent pas nécessairement une garantie d'efficacité d'intervention.

2.2.2 Décentralisation de la gestion de l'urgence

Instituer un réseau d'appréhension de l'urgence fait montre d'une volonté politique affirmée de lutter efficacement contre les conséquences des catastrophes afin d'assurer les conditions de la sécurité alimentaire. Néanmoins, en appui aux IMC, RRC et NCEW, les pouvoirs publics éthiopiens ont établi une organisation décentralisée des instances.

Le Code prévoit en effet la constitution des Comités régionaux de prévention des catastrophes, Regional Disaster Prevention and Preparedness Commitees, ainsi que celle des Bureaux régionaux de la RRC. Leurs fonctions sont identiques à celles des instances nationales.

Pour compléter ce schéma déjà bien structuré, les mêmes institutions se retrouvent tant au niveau de la zone (Awraja) qu'à celui du district (Woreda): il s'agit des instances administratives dont les appellations sont connues en anglais comme Zonal Disaster Prevention and Preparedness Commitees, Zonal Offices of the RRC, Woreda Disaster Prevention and Preparedness Commitees, Woreda Disaster Relief Cells.

L'intérêt d'une telle décentralisation des actions est que les Woreda font rapidement parvenir les informations et études aux instances des niveaux supérieurs qui s'en serviront pour bâtir leurs propres actions et ce, jusqu'à parvenir au siège national où un bilan complet de la situation pourra être facilement établi et examiné par l'IMC.

Un tel schéma hiérarchisé mais décentralisé se rencontre aussi au Burkina Faso où le CONASUR dispose des comités provinciaux de secours d'urgence et de réhabilitation (COPROSUR) qui sont notamment responsables de la collecte et de l'analyse de toutes les données relatives à une calamité; ils doivent présenter des rapports réguliers au CONASUR sur le résultat de ses actions (article 10 du décret 93-069 précité).

De même, le Board of Trustees de Tanzanie qui coordonne les activités des pouvoirs publics a-t-il compétence pour établir des instances dans les régions et les zones (article 5 de la loi sur la sécurité alimentaire).

3. Groupes à risque

En raison de la grande disparité de situation entre les diverses couches de la population des pays développés, le concept de sécurité alimentaire, ainsi que les régies et les politiques corrélatives sont essentiellement conçus pour certains groupes de la population; il s'agit avant tout des enfants qui font l'objet de plus d'attention ainsi que des sans-abris et sans-emplois.

Ce phénomène n'est pas récent, guerres et crises économiques ayant frappé les nations dans leur ensemble.

C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, alors que l'attention des pouvoirs publics a été pratiquement inexistante de l'immédiat après-guerre au début des années soixante, la Grande crise de 1929 avait déclenché une large immixtion des institutions publiques dans les affaires économiques et, en particulier, pour ce qui est de la nutrition. En 1939, fut mis en oeuvre le Food Stamp Program visant à augmenter le pouvoir d'achat des démunis. Ce programme devait être relancé dans certaines zones en 1964 par l'adoption du Food Stamp Act, puis étendu en 1974 à tout le territoire, alors qu'en 1969 fut organisée la Conference on Food, Nutrition and Health. Pour assurer le bon fonctionnement du programme au champ d'action nouvellement élargi, certains groupes religieux, des étudiants et le secteur privé mirent en oeuvre le Community Food and Nutrition Program destiné à fournir des fonds au Food Stamp Program. Son activité fut interrompue en 1981 puis rétablie en 1984. L'objectif du programme est de fournir les denrées alimentaires qui font défaut à certains groupes de la population par l'émission et la distribution de "coupons alimentaires". Les responsabilités inhérentes à l'exécution du programme incombent au ministre chargé de l'agriculture, qui doit identifier les groupes à risque et les personnes ayant droit aux coupons.

A ce sujet, la section 540.5 du Food Stamp Program arrêté pour 1962 désignait lesdits groupes, notamment les enfants à charge, les personnes âgées, les handicapées. Sur la base de divers critères relatifs au revenu et à la composition de la famille concernée, une carte d'identification et des coupons sont délivrés à un foyer déterminé. Muni desdits coupons, le bénéficiaire peut retirer les denrées alimentaires y relatives dans les boutiques participant au programme. A l'origine, les bénéficiaires devaient acquitter un certain pourcentage du montant des coupons reçus; la gratuité fut introduite en 1977 lors de l'adoption de la Food and Agriculture Act152.

152 Public Law 95-113 du 29 septembre 1977, Food and Agriculture Act of 1977.

Par la suite, la loi sur la sécurité alimentaire de 1985153 eut pour objectif principal l'élargissement du nombre des bénéficiaires potentiels du programme. Ce principe fut mis en oeuvre en 1988 grâce à la Hunger Prevention Act154 par laquelle ont été augmentées les contributions de l'Etat (les fonds étant délivrés par le Ministère de l'agriculture) aux familles dont le revenu était inférieur à un niveau déterminé, dit "de pauvreté" et aux chômeurs; d'autre part, ont été renforcés les programmes de nutrition infantile alors que les foyers agricoles migrants, les foyers sans revenu et les sans-abris se voyaient ouvert l'accès au Food Stamp Program. La loi comporte également une disposition (titre V) prévoyant l'établissement d'un programme pour encourager les projets visant à fournir des vivres aux personnes souffrant de malnutrition sous la forme de produits frais provenant des marchés agricoles, tels que fruits et légumes.

153 Food Security Act, 1985.
154 Public Law 100-435 du 19 août 1988, Hunger Prevention Act of 1988.

Peut encore être cité le Hartford Food System qui fut mis en oeuvre en 1978 dans le Connecticut visant à apporter des solutions locales aux problèmes alimentaires de la région. Il fut le résultat d'une étude réalisée par la citée d'Hartford grâce au concours d'une douzaine de groupes privés sans but lucratif. L'objectif principal consista à mobiliser les ressources techniques, financières et humaines pour réduire le coût de la nourriture et augmenter son accès et sa qualité. Concrètement, le programme rassembla de nombreux cultivateurs et organisa une association regroupant les marchés agricoles de la ville. Un programme pilote de coupons fut instauré pour faire profiter à tous les groupes dans le besoin d'un accès à la nourriture. Ce programme pilote a fait l'objet d'une loi en 1987155, le principe de base du Hartford Food System étant la coopération entre tous les intervenants du système agricole.

155 Public Law 102-314, Farmers' Market Nutrition Program.

L'expérience des coupons alimentaires n'est pas propre aux Etats-Unis. En effet, fut instauré en 1988156 au Royaume Uni un système de coupons, les Food tokens dont bénéficient les enfants et les femmes enceintes (accès gratuit au lait et à certaines vitamines). Ces bons sont présentés aux fournisseurs désignés ou aux cliniques par les bénéficiaires désignés par les pouvoirs publics selon des critères établis. Les mesures prises par les gouvernements des pays industrialisés sont donc essentiellement des initiatives concrètes de distribution de nourriture à certains groupes dans le besoin.

156 Statutory Instruments 1988, No. 536, The Welfare Food Regulations, et No. 555, The Welfare Food Amendment Regulations.


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