8. La nutrition de l'enfant

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Les six premiers mois de la vie

Si la mère a suffisamment de lait, l'allaitement au sein sans aucun supplément alimentaire ou médicamenteux couvre les besoins de l'enfant normal pendant les quatre ou cinq premiers mois de sa vie.

L'enfant doit être examiné régulièrement au dispensaire. S'il s'agit d'un prématuré, ou s'il a un jumeau, sa réserve en fer risque d'être faible; il faut alors ajouter à sa nourriture un médicament ou des aliments riches en fer avant le sixième mois. Dans certaines conditions et notamment en cas de diarrhée, il faudra faire boire de l'eau à l'enfant. L'eau ou les ustensiles pollués peuvent facilement transmettre une maladie et devraient être portés à ébullition peu avant l'emploi.

Dans l'ensemble, les enfants africains se développent bien au cours des six premiers mois, aussi bien ou mieux que les enfants vivant dans les pays très industrialisés. Jusqu'à cet âge, les enfants nourris au sein ont une très bonne immunité naturelle contre de nombreuses maladies infectieuses.

Le sevrage

Pendant la période de sevrage, on introduit des aliments semi-solides, puis solides, tout en continuant l'allaitement au sein. De six à douze mois, il vaut beaucoup mieux poursuivre l'allaitement afin que l'enfant ait autant de lait maternel que possible (figure 10). A partir de quatre ou cinq mois, il faut ajouter d'autres aliments si l'on veut que l'enfant ait une croissance normale et soit en bonne santé.

On a déjà dit que le lait maternel manque un peu de fer et que l'enfant n'en a une réserve suffisante que jusqu'à environ six mois. Entre six et douze mois? un bébé doit normalement prendre de 2 à 3 kilogrammes. A moins qu'il ne boive énormément de lait maternel, il aura besoin d'une autre nourriture pour lui fournir le surcroît de calories, de protides, de fer et de vitamine C nécessaires à sa croissance.

Les calories peuvent généralement lui être apportées par une bouillie (ou uji) préparée avec l'aliment de base local, mais on peut avantageusement en réduire le volume et la quantité si l'on donne par ailleurs un peu d'huile comestible ou un autre aliment lipidique. Si l'aliment de base est une céréale comme le mais, le mil ou le riz, il fournira aussi une certaine quantité de protides; mais si c'est de la banane ou une racine comme le manioc ou l'igname, l'apport protidique sera très faible. Dans les deux cas, mais surtout dans le dernier, il est vital de donner d'autres aliments riches en protéines. S'il est impossible de s'en procurer, on ajoutera du lait écrémé en poudre, que l'on peut parfois obtenir gratuitement au dispensaire. Le lait ou le lait en poudre peut se mélanger utilement à plusieurs des aliments mangés par l'enfant. Battre un œuf cru avec la bouillie pendant qu'elle mijote dans la casserole est un moyen simple de fournir à l'enfant des protides d'excellente qualité. On peut aussi y couper de tout petits morceaux de viande ou de poisson cuits.

Pour diverses raisons, les aliments contenant des protéines d'origine animale peuvent être introuvables ou trop chers. On doit alors ajouter au régime de l'enfant des légumineuses - haricots, pois, lentilles, niébés et arachides - qui peuvent être broyées ou écrasées avant ou après cuisson, et sont de bonnes sources de protéines. Une soupe épaisse d'arachides écrasées est un plat excellent et très nourrissant. Bien que manger beaucoup de haricots donne de la flatulence et parfois des douleurs abdominales chez les adultes, en quantités raisonnables et à condition d'en enlever la peau, ils ne peuvent provoquer de troubles importants chez les jeunes enfants.

Ces aliments apportent aussi bien du fer que des calories et des protéines. Les feuilles vertes comestibles qui contiennent aussi du carotène représentent une source supplémentaire de fer et de vitamine C. Il faut prélever de la marmite, avant que la famille ne se serve, une petite quantité de légumes verts (amarante, feuilles de manioc, feuilles sauvages, etc.). Ils seront ensuite hachés et, soit ajoutés à la bouillie de l'enfant, soit donnés séparément. Cela lui fournira de bonnes quantités de fer, de carotène (vitamine A) et de vitamine C.

Les fruits peuvent aussi fournir du carotène et de la vitamine C. Les papayes et les mangues mûres sont excellentes et en général appréciées des enfants. La vitamine C peut être apportée également par des agrumes comme les oranges et d'autres fruits comme la goyave. Un enfant de six mois n'a pas besoin d'une orange entière à un repas. Il suffit, quand le père ou la mère en mange une, de la presser et de donner à l'enfant une ou deux cuillerées à soupe de jus.

A mesure que les dents de l'enfant percent, on peut lui donner une nourriture plus solide. En général, à deux ans, l'allaitement sein est terminé et l'enfant complètement sevré.

La période de six mois à deux ans est très importante du point de vue nutritionnel. La mère doit conduire l'enfant régulièrement au dispensaire s'il y en a un. La gaieté, l'aspect général et le poids de l'enfant sont les meilleurs signes généraux d'une bonne nutrition. On trouvera au chapitre 19 le mode d'emploi d'une feuille de poids destinée à aider la mère à suivre la croissance de son enfant. Mais beaucoup d'enfants africains de cet âge ne grandissent pas comme ils le devraient, et certains sont atteints de malnutrition protéino-énergétique. Les enfants dont la croissance s'arrête peuvent être en route vers la maladie qui les frappera un ou deux ans plus tard. Cette éventualité peut être précipitée par la rougeole, la coqueluche ou la diarrhée, ou encore par des chocs psychologiques, comme la séparation brutale d'un enfant de sa mère (voir page 124).

Au cours de cette période, l'enfant devient plus actif. Il commence à se tramer par terre, puis à marcher. Il attrape des objets et les porte à sa bouche. Il enfouit ses mains dans la terre humide. Il va même patauger dans les ruisseaux voisins avec son frère. Tout cela peut lui faire contracter des maladies infectieuses courantes en Afrique: ankylostomiase, bilharziose, paludisme, ascaridiose, dysenterie, etc. Il peut aussi attraper une des maladies infectieuses de l'enfance. Toutes celles contre lesquelles il était en partie protégé au cours de ses premiers mois peuvent maintenant le frapper et affecter son état nutritionnel.

La mère chargée de nourrir l'enfant qu'elle n'allaite plus doit se rappeler que:

- Il a besoin d'une nourriture aussi variée, si ce n'est plus variée, que celle de tout autre membre de la famille.

- Il grandit vite et nécessite donc plus d'aliments riches en protéines.

- Il n'a que peu de dents et il lui faut donc des aliments tendres.

- Il a une capacité d'absorption assez faible et doit donc avoir des repas plus fréquents que les personnes plus âgées.

- Il faut utiliser pour l'enfant des aliments et des ustensiles propres pour éviter les infections.

- Il doit, dans la mesure du possible, être protégé des maladies contagieuses.

- Il a besoin de l'amour, de l'affection et des soins de sa mère, toutes choses indispensables à son épanouissement mental et indirectement à son bien-être physique. L'attention du père et des autres membres de la famille contribue aussi à son développement et à son bien-être.

Préparer convenablement le repas d'un tout jeune enfant demande un certain temps et de la patience. On n'a pas besoin d'ustensiles particuliers ou d'un matériel spécial, mais un tamis ou une passoire sont très utiles. La nourriture des adultes peut être hachée et passée au-dessus de la tasse ou de l'assiette pleine de bouillie. S'il est impossible de se procurer un tamis, on peut facilement en fabriquer un. Il est possible également de broyer les divers aliments avant la cuisson en utilisant un pilon et un mortier qui se trouvent dans la plupart des foyers. Par ailleurs, certains aliments peuvent fort bien être écrasés avec une cuiller en bois ou une fourchette.

Quelques exemples d'aliments convenant aux jeunes enfants sont donnés au chapitre 36.

Période préscolaire: enfants de deux à cinq ans

Au début de cette période, les problèmes sont les mêmes que durant le sevrage. L'enfant court toujours le danger d'une malnutrition protéino-energétique, d'une anémie nutritionnelle ou d'une xérophtalmie. Il n'est pas encore capable d'assimiler totalement un régime d'adulte. Il faut donc s'en tenir aux règles ci-dessus.

A la fin de cette période, l'enfant peut manger la même chose que le reste de la famille. Toutefois, il se peut qu'il n'aime pas les mets relevés, poivrés et très épicés.

Souvent, la partie du repas familial riche en protéines est un ragoût ou une viande en sauce à laquelle on a ajouté du piment, des oignons et du curry en poudre. En conséquence, il se peut que l'enfant ne mange que la partie glucidique du repas parce que c'est la seule non épicée; cela peut être une cause de malnutrition.

Autre handicap pour les enfants de cet âge: à table, ils sont les derniers servis. Les hommes mangent les premiers et prennent presque tous les haricots, toute la viande et les autres parties vraiment nourrissantes du repas familial. Le dernier enfant, moins fort que ses frères et sœurs, peut n'avoir pratiquement aucun des bons morceaux.

L'enfant de deux à cinq ans grandit vite, et il se peut qu'il doive s'alimenter plus fréquemment que les membres plus âgés de la famille pour recevoir les apports recommandés (voir tableau 1, annexe 1). Il est nécessaire que les parents comprennent les besoins alimentaires de l'enfant et donc qu'ils veillent à lui donner les aliments qui lui conviennent, à les lui préparer comme il les aime, et à lui attribuer sa juste part. Il faut à cette fin leur dispenser une éducation nutritionnelle.

Quelques recettes de plats convenant aux jeunes enfants sont données au chapitre 36.

L'enfant d'âge scolaire

En Afrique, la grande majorité des enfants allant à l'école suivent des cours correspondant à notre enseignement primaire. La plupart de ces cours ont lieu dans des externats dont peu servent un déjeuner à leurs élèves. Dans les campagnes, l'école est souvent située à plusieurs kilomètres de la maison familiale. Fréquemment, l'enfant doit partir de chez lui de bonne heure et faire un trajet considérable à pied. Souvent, le petit déjeuner n'est pas prêt quand il part; il n'a rien à manger à l'école et il rentre en fin d'après-midi pour son premier et parfois unique repas de la journée.

Les besoins alimentaires d'un écolier sont importants (voir tableau 1, annexe 1). Quant à l'adolescent, il lui faut absorber la plupart des éléments nutritifs en plus grandes quantités que l'adulte moyen. Il est pratiquement impossible à l'écolier d'avoir une ration alimentaire suffisante en ne prenant qu'un seul repas, ou même deux, par jour. Il est donc éminemment souhaitable qu'il mange quelque chose avant de partir à l'école et également quand il est à l'école.

Se nourrir avant d'aller à l'école. Bien des mères ne sont pas disposées à se lever avant l'aube et à passer beaucoup de temps à allumer le feu et à préparer un repas chaud pour l'enfant avant son départ. Si ce dernier ne peut avoir de petit déjeuner chaud, il faut qu'il mange des fruits, quelques pommes de terre cuites froides, ou du manioc, ou encore de la bouillie froide (ugali) préparée la veille.

Se nourrir à l'école. L'enfant peut manger le déjeuner servi par l'établissement ou le casse-croûte qu'il a apporté avec lui.

DÉJEUNER A L'ÉCOLE. C'est la solution idéale. Il doit fournir en quantité suffisante les nutriments qui manquent le plus vraisemblablement ou sont en quantité insuffisante dans le régime familial. En Afrique, ce repas doit donc souvent comprendre des aliments riches en protéines et d'autres contenant des vitamines A et C, et du calcium. Un plat de graines de céréales entières, additionné de lait en poudre et accompagné de légumineuses et de feuilles vertes, est excellent. Il y a beaucoup d'autres possibilités, en fonction des ressources alimentaires locales. On trouvera au chapitre 37 quelques menus scolaires équilibrés.

Les repas scolaires sont salutaires car ils apportent des nutriments très nécessaires. Ils peuvent servir de base à une éducation alimentaire; c'est une bonne façon de faire connaître de nouveaux aliments; en outre, ils protègent de la faim et de la malnutrition (figure 11).

On peut aussi éduquer l'enfant sur le plan alimentaire en le faisant participer à diverses activités. Le jardin potager ou le verger de l'école peut fournir une nourriture supplémentaire précieuse pour le repas de midi. L'entretien d'une basse-cour, l'élevage de petits animaux (lapins, cochons d'Inde, pigeons, etc.) et la construction d'un petit étang piscicole sont possibles dans certaines régions. Ce sont là des activités éducatives qui contribuent aussi à ravitailler la cantine scolaire (figure 12).

Le déjeuner scolaire peut être assuré par l'État ou la municipalité comme partie intégrante de l'enseignement, et son financement être ainsi inclus dans les frais normaux de scolarité. On peut aussi instaurer un repas de midi en demandant aux élèves une contribution payable tous les jours, une fois par semaine, ou par trimestre. Des organisations locales fourniront gratuitement ou à bas prix des denrées pour l'alimentation scolaire, ce qui réduit le prix de revient.

Les repas scolaires peuvent aussi revenir moins cher si l'on fait appel à la collaboration des habitants du village, des associations de parents et des élèves. Il s'agit là d'un système qui cadrerait bien avec l'esprit «Harambee» (indépendance) au Kenya, ou pourrait s'inscrire dans les services fournis par un village ujamaa en Tanzanie. Par exemple, cette entraide peut permettre la construction d'un petit abri servant de cuisine. Des mères y travailleraient à tour de rôle, ce qui économiserait le salaire d'un cuisinier. Pendant les week-ends, les élèves, de leur côté, ramasseraient du bois pour faire le feu. Il n'est pas nécessaire que ces repas soient chauds; des repas froids sont tout aussi nourrissants.

Cependant, il faut insister sur le fait que même si un repas est servi aux enfants à l'école, les parents doivent veiller à les nourrir correctement à la maison.

COLLATION INDIVIDUELLE. S'il n'y a pas de déjeuner à l'école, les parents doivent donner à leurs enfants quelque chose à emporter pour manger au milieu de la journée. Il est parfois vraiment difficile de trouver des aliments appropriés. Le problème est le même que celui du petit déjeuner froid' et les divers aliments suggérés pour ce dernier peuvent tout aussi bien servir pour la collation de midi. Ils dépendront des ressources locales: bananes manioc entier cuit, papates douces ou pommes de terre rôties en robe des champs, fruits, tomates, mais grillé en épis, arachides grillées, noix de coco, poisson grillé froid, viande cuite fumée, œufs durs, calebasse de lait caillé ou morceau de pain.

Beaucoup d'établissements secondaires sont des internats. On y sert généralement trois repas par jour et le menu devrait être établi en suivant les recommandations d'une personne compétente en diététique.

On trouvera au chapitre 37 des exemples de régimes alimentaires équilibrés. Parfois, les établissements scolaires invoquent le manque d'argent pour excuser la médiocrité de la nourriture. Les repas servis à l'école n'ont pas besoin d'être luxueux, mais ils doivent être équilibrés et fournir tous les éléments nutritifs nécessaires à la croissance et à la santé. Non seulement l'enfant insuffisamment nourri ne grandit pas normalement, mais il peut aussi devenir anémique et présenter d'autres signes de malnutrition: il sera alors incapable de se concentrer et de profiter pleinement de l'instruction qu'il reçoit.


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