Deuxième partie - Bases physiologiques de la nutrition

Table des matières - Précédente - Suivante

9. Rôle des aliments
10. Glucides, lipides et protides
11. Les sels minéraux
12. Les vitamines

 

9. Rôle des aliments

« Nous sommes ce que nous mangeons ». C'est la phrase qui revient souvent pour montrer que la composition de notre corps dépend beaucoup de ce que nous consommons. Avant de considérer les différents aliments qu'il faut ingérer pour élaborer cette machine si compliquée qu'est le corps humain, il est indispensable d'avoir quelques notions sur la composition chimique de l'organisme. Le corps d'un adulte contient approximativement:

Elément Pourcentage du poids corporel
Oxygène 65
Carbone 18
Hydrogène 10
Azote 3,0
Calcium 1,5
Phosphore 1,0
Potassium 0,55
Soufre 0,25
Sodium 0,15
Chlore 0, 15
Divers (dont magnésium, fer, manganèse, cuivre, iode) 0,55

Ces différentes substances se présentent surtout sous forme d'eau, de protéines, de glucides, de lipides et de sels minéraux, dans les proportions suivantes:

Elément Pourcentage du poids corporel
Eau 63
Protéines 17
Lipides 12
Sels minéraux 7
Glucides 1

L'organisme est construit à partir de ces cinq constituants et des vitamines contenues dans les aliments. Ceux-ci servent essentiellement à assurer la croissance, la production d'énergie, les réparations et l'entretien de l'organisme. La nourriture apporte aussi joie et entrain, car boire et manger font partie des plaisirs de la vie. En vérité, nos aliments nourrissent à la fois le corps et l'âme. Même si la science pouvait présenter à l'homme un régime parfaitement équilibré dans sa composition, celui-ci manquerait, par exemple, de l'arôme et de la saveur d'un curry, ou de la sensation stimulante d'une tasse de café chaud.

Ci-après une classification commode, quoique incomplète, des différents constituants d'un régime alimentaire:

Elément Rôle
Glucides Combustible donnant l'énergie nécessaire pour maintenir la température de l'organisme et pour travailler
Lipides Source d'énergie et acides gras essentiels
Protéines Croissance et entretien de l'organisme
Minéraux Développement des tissus de l'organisme et processus métaboliques
Vitamines Processus métaboliques
Eau Renouvellement des liquides de l'organisme et participation à la régulation thermique
Epices et condiments Ajoutent au plaisir de la table
Parties non absorbables des aliments Servent de véhicule aux autres nutriments, donnent plus de consistance, fournissent un habitat à la flore bactérienne intestinale et facilitent l'élimination

« Métabolisme » est le terme général qui sert à désigner toutes les transformations chimiques exécutées par les cellules de l'organisme. La plus importante est l'oxydation (ou combustion) des aliments, avec production d'énergie (un peu comme le moteur d'une voiture qui brûle de l'essence pour produire l'énergie nécessaire à son déplacement). Dans la plupart des processus de combustion, qu'il s'agisse d'une voiture ou d'un être humain, il y a production de chaleur en même temps que d'énergie.

On enseigne en physique que l'énergie ne peut ni se créer ni se perdre; c'est une loi de la nature qui, bien qu'elle ne soit pas absolue. comme en atteste la conversion de la matière en énergie dans un réacteur nucléaire, reste vraie dans la plupart des cas. L'énergie nécessaire à l'organisme vient des aliments et, en l'absence de nourriture, cette énergie ne peut être produite que par la destruction des tissus. L'énergie sous toutes ses formes peut être convertie en chaleur. De la même façon qu'il est possible de mesurer la chaleur dégagée par un litre d'essence enflammée, il est possible d'exprimer l'énergie fournie par les aliments en termes d'énergie calorique. L'unité de mesure était la grande Calorie ou kilocalorie (qui vaut 1000 fois la petite calorie utilisée en physique). Elle est définie comme la quantité de chaleur nécessaire pour porter la température d'un litre d'eau de 14,5°C à 15,5°C. C'est une unité de mesure, de même que les litres sont des mesures de volume et les mètres des mesures de longueur. On tend aujourd'hui à utiliser le joule au lieu de la Calorie (voir tables de conversion, annexe 4), mais d'aucuns discutent encore pour savoir quelle est la meilleure unité pour exprimer l'énergie alimentaire.

Le corps humain a besoin d'énergie pour toutes les fonctions vitales, y compris le maintien de sa température et le fonctionnement continu du cœur et des poumons. Il faut aussi des calories pour le renouvellement, l'entretien et l'élaboration des tissus. Il s'agit là de processus métaboliques. La quantité minimale de calories qui permet l'exécution de ces fonctions pendant que l'organisme est au repos est appelée métabolisme basal. Celui-ci varie selon le sexe, l'âge, la taille, les maladies telles que le goitre, et beaucoup d'autres facteurs.

Ce n'est que lorsqu'il est au repos complet que l'individu moyen brûle la quantité minimale d'énergie de son métabolisme basal. Le moindre mouvement nécessite des calories supplémentaires, et le travail en demande bien sûr plus encore.

Une journée d'activité moyenne peut correspondre à la dépense d'énergie suivante:

  Activité Calories
Sommeil: 8 heures de repos au lit, dans les condi tions de métabolisme basal, soit 1 Ca lorie par minute: 8 x 60 x 1 480
Travail léger: 8 heures de garde du bétail par exemple, à 2,5 Calories par minute: 8 x 60 x 2,5 1 200
Autres activités: 8 heures assis en n'ayant que des acti vités mineures à 2 Calories par minute: 8 < 60 x 2 960
  Total 2 640

Si, au lieu de 8 heures de travail léger, l'individu pris pour exemple fait 5 heures de garde et 3 heures de travail pénible comme sarcler une terre dure, à raison de 4 Calories par minute, sa dépense en calories sera de:

  Activité Calories
Sommeil: 8 heures de repos au lit, dans les conditions de métabolisme basal, soit 1 Calorie par minute 480
Travail lèger: 5 heures de garde du bétail par exemple, à 2,5 Calories par minute 750
Travail pénible: 3 heures de sarclage par exemple, à 4 Calories par minute 720
Autres activités: 8 heures assis en n'ayant que des activités mineures, à 2 Calories par minute 960
  Total 2 910

Examinons maintenant ce qui se passerait chez l'individu assumant les activités mentionnées dans le premier exemple et ayant une alimentation lui apportant exactement 2 640 Calories. Son poids ne changerait pas et son organisme fonctionnerait normalement. Mais, si le même individu assumait les activités du deuxième exemple sans manger davantage, son poids diminuerait progressivement parce qu'il devrait utiliser entièrement la réserve de combustible qui constitue une partie de son propre corps. Cependant, il devrait bien vite limiter ses activités afin d'arrêter ce processus. Il travaillerait donc moins fort en sarclant, de telle sorte qu'au lieu de 4 Calories par minute il n'en brûlerait par exemple que 3,2; il aurait tendance à être fatigué en fin de journée et donc à augmenter son temps de repos (durant lequel il ne dépense que 1 Calorie par minute) en diminuant le temps consacré aux activités mineures. Son besoin en calories serait ainsi ramené à 2646, selon la répartition suivante:

  Activité Calories
Sommeil: 10 heures de repos au lit, dans les conditions de métabolisme basal, soit 1 Calorie par minute 600
Travail léger: 5 heures, à 2,5 Calories par minute 750
Travail pénible: 3 heures de travail à un rythme plus lent, à 3,2 Calories par minute 576
Autres activités: 6 heures assis en n'ayant que des activités mineures, à 2 Calories par minute 720
  Total 2 646

Ceci n'est qu'un exemple. Dans la plupart des cas, quand les gens augmentent leur dépense d'énergie, y compris le travail, ils ont plus d'appétit, et ils consomment leur aliment de base en plus grande quantité, que ce soit du riz, du maïs, du mil ou autre chose.

Les besoins en énergie d'un être humain sont déterminés par:

La taille. Un petit individu a besoin de moins de calories qu'un individu plus grand.

Le métabolisme basal. On a déjà dit que celui-ci varie et qu'il peut être affecté par certains facteurs tels qu'une maladie de la glande thyroïde.

L'activité. Plus le travail physique est dur ou le sport violent, plus il faut de calories.

La grossesse. Une femme a besoin de plus de calories pour assurer le développement du fœtus et porter le surcroît de poids.

L'allaitement. La mère allaitante a de plus grands besoins de calories pour donner à son bébé un lait nourrissant. En Afrique, l'allaitement au sein durant assez longtemps, beaucoup de femmes ont besoin d'un supplément de calories.

L'âge. Tous les enfants ont besoin d'énergie supplémentaire pour assurer leur croissance et leur activité. Les vieillards ont un besoin inférieur car ils sont moins actifs et ont en général un métabolisme basal. légèrement abaissé.

Le climat. Sous un climat chaud tel que celui de la plus grande partie de l'Afrique tropicale, il faut moins de calories qu'en climat froid pour permettre à l'organisme de conserver sa température normale.

10. Glucides, lipides et protides

Les glucides

La plupart des Africains tirent surtout leur énergie des glucides contenus dans ce qu'ils mangent. Les glucides constituent de loin la plus grande partie de la ration alimentaire, jusqu'à 80 pour cent dans certains cas, soit presque le double des 45 ou 50 pour cent que l'on trouve dans les régimes alimentaires de bien des pays industrialisés. Ils sont formés d'atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène dans la proportion 6:12:6. Ils sont brûlés pendant le processus du métabolisme pour produire de l'énergie libérant du gaz carbonique (CO2) et de l'eau (H2O). Dans le régime alimentaire de l'homme, les glucides sont essentiellement apportés sous forme d'amidon ou de sucres divers.

GLUCIDES

Monosaccharides Disaccharides Polysaccharides
Glucose Saccharose(sucre de table) Amidon
Fructose Lactose Glycogène(amidon animal)
Galactose Maltose Cellulose

Les glucides les plus simples sont les monosaccharides (ou sucres simples). Ces sucres peuvent franchir la paroi de l'intestin sans être transformés par les enzymes digestives. Les trois plus courants sont le glucose, le fructose et le galactose. Le glucose, quelquefois appelé dextrose, est contenu dans les fruits, les patates douces, les oignons et autres végétaux. C'est aussi la forme que prennent beaucoup d'autres glucides tels que les disaccharides et les amidons, après transformation par les enzymes digestives. Le glucose est oxydé pour la production d'énergie et de chaleur; il y a libération de gaz carbonique qui est rejeté par la respiration. Le glucose étant le sucre contenu dans le sang, on le choisit évidemment comme substance énergétique pour les personnes alimentées par voie intraveineuse. On utilise très souvent dans ce but du glucose dissous dans de l'eau distillée à des concentrations de 5 à 10 pour cent. On trouve le fructose dans le miel et le jus de certains fruits. Le galactose est un monosaccharide qui apparaît en même temps que le glucose lorsque les enzymes digestives agissent sur le lactose, c'est-à-dire le sucre contenu dans le lait.

Les disaccharides, quoique relativement simples, ne peuvent être absorbés au cours du transit intestinal qu'après avoir été transformés en monosaccharides. On peut donner comme exemple de disaccharides le saccharose, le lactose et le maltose. « Saccharose » est le nom scientifique pour le sucre de table, tel qu'on l'utilise dans le thé. En Afrique, il provient le plus souvent de la canne à sucre. On en trouve aussi dans les betteraves, les carottes et l'ananas. Le lactose est le disaccharide présent dans le lait maternel et animal. Il est beaucoup moins sucré que le saccharose. Quant au maltose, on le trouve dans les graines en germination.

Les polysaccharides sont, du point de vue chimique, des hydrates de carbone plus compliqués. Ils ont tendance à être insolubles dans l'eau, et quelques-uns seulement sont utilisables par l'être humain pour la production d'énergie. Comme exemple de polysaccharides, on peut citer l'amidon, le glycogène et la cellulose. L'amidon, polysaccharide qui se trouve dans les céréales et dans les racines et tubercules comestibles, comme la pomme de terre et le manioc, est une importante source de calories pour l'homme. Dans ces aliments, l'amidon se présente sous forme de granules qui éclatent sous l'effet de la chaleur et libèrent cette substance. Le glycogène est le polysaccharide fabriqué dans le corps humain et on l'appelle quelquefois «amidon animal». Le processus de formation du glycogène est l'inverse de ce qui se passe au cours de la transformation digestive de certains autres polysaccharides. Ainsi, l'amidon du manioc est détruit dans l'intestin pour former des molécules de monosaccharide. Ce monosaccharide passe dans le sang et, si sa concentration est supérieure aux besoins, un certain nombre de molécules fusionnent pour former un nouveau polysaccharide, le glycogène, selon le schéma suivant:

Amidon -> monosaccharide -> énergie + CO2 + H2O
Amidon en excès -> monosaccharide -> glycogène.

Le glycogène est habituellement présent dans les muscles et le foie, mais pas en très grandes quantités. Si l'on consomme plus de glucides que nécessaire, l'organisme les transforme en graisses et les met en réserve sous forme de tissus adipeux.

Un troisième polysaccharide est la cellulose qui constitue la fibre des plantes vertes et existe aussi dans le bois. L'appareil digestif de l'homme ne peut pas fractionner la cellulose ni l'utiliser comme source d'énergie. Certains animaux par contre, comme les bovins, ont dans leurs intestins des micro-organismes qui attaquent cette cellulose et en font un aliment énergétique. Pour ce qui est de l'homme, elle constitue la plus grande partie de la masse épaisse qui est évacuée dans les selles.

Il est maintenant reconnu que la haute teneur en fibres de la plupart des régimes alimentaires traditionnels africains contribue sans doute puissamment à prévenir certaines des maladies qui apparemment sont plus fréquentes chez les individus qui ont des régimes pauvres en fibres, comme dans les pays développés. En permettant un transit intestinal plus rapide, les fibres contribuent sans doute à prévenir la diverticulite, l'appendicite, les hémorroïdes et peut-être les maladies coronariennes.

Les lipides

Dans les régimes alimentaires africains, les lipides fournissent en général moins de calories que les glucides, à peu prés 8 à 10 pour cent du total. Dans la plupart des pays industrialisés, la consommation de graisses est proportionnellement beaucoup plus forte; aux Etats-Unis, par exemple, 40 à 50 pour cent des calories en proviennent.

Les lipides, tout comme les glucides, contiennent du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène. Ils ne sont pas solubles dans l'eau, mais le sont dans des solvants chimiques tels que l'éther, le chloroforme, le benzène. Par «lipides », on entend ici toutes les graisses et huiles comestibles que l'on trouve dans l'alimentation de l'homme, à savoir aussi bien des corps gras qui sont solides à une température normale fraîche, comme le beurre, que ceux qui, comme l'huile d'arachide ou de graines de coton, sont liquides à la même température. On emploie parfois le mot « huile » pour les corps liquides à la température ambiante européenne et le mot « graisse » pour ceux qui sont solides à la même température.

Les lipides sont des composés constitués principalement de triglycérides qui peuvent se décomposer pour former le glycérol et les acides gras. Ce processus s'accomplit dans l'intestin de l'homme grâce à des enzymes appelées lipases. Celles-ci se trouvent essentiellement dans les sucs pancréatiques et intestinaux. Les sels biliaires sécrétés par le foie émulsionnent les acides gras et les rendent ainsi plus solubles dans l'eau.

On divise les acides gras en deux groupes principaux: les acides gras saturés et les acides gras insaturés (comprenant à la fois les acides polyinsaturés et mono-insaturés). Les premiers comportent le plus grand nombre possible d'atomes d'hydrogène que leur permette leur structure chimique. Toutes les graisses et huiles absorbées par l'homme comportent un mélange d'acides gras saturés et insaturés. En gros, les graisses d'animaux terrestres (par exemple le gras de la viande et le beurre) contiennent plus d'acides gras saturés que les graisses végétales. Les lipides provenant des plantes et, dans une certaine mesure, ceux provenant des poissons, renferment plus d'acides gras insaturés, et en particulier de ceux que l'on appelle polyinsaturés. Mais il existe des exceptions comme, par exemple, l'huile de coco qui comporte une grande quantité d'acides gras saturés.

Le public prête désormais attention à cette classification des graisses, et ce d'autant plus qu'une consommation excessive de corps gras saturés paraît être l'un des facteurs à l'origine de l'athérosclérose et des maladies coronariennes. Mais ce risque est sans doute moins grave en Afrique car la plupart des gens y consomment relativement peu de matières grasses et la plus grande partie de celles-ci contient surtout des acides gras insaturés. Chez les quelques peuples qui absorbent beaucoup de graisses, tels que les Samburu du Kenya et les Masai de Tanzanie, les maladies attribuées à une absorption accrue de ces graisses sont rares. Mais on considère qu'au Sénégal et peut-être dans quelques autres pays d'Afrique, des maladies dégénératives pourraient être dues à une forte consommation de matières grasses. Le rôle exact des lipides dans l'étiologie de ces maladies reste encore à préciser. Il semble que l'on puisse tirer des conclusions valables de la comparaison entre les Africains ayant un apport lipidique élevé et leurs homologues des pays développés: les premiers ont une vie active et peu de tissus adipeux, les seconds ont une vie sédentaire et sont souvent obèses.

Les maladies coronariennes sont plus fréquentes chez les Africains aisés qui mangent à l'occidentale, qui ont davantage tendance à l'obésité et qui fument. Les régimes occidentaux contiennent en général beaucoup de cholestérol qui, avec les acides saturés, risque de faire augmenter le taux de cholestérol sanguin.

La présence de matières grasses dans le régime alimentaire est souhaitable pour le rendre plus savoureux. Les matières grasses apportent également deux fois plus de calories (environ 9 Cal/g) que les glucides et les protides (environ 4 Cal/g) et permettent donc de réduire le volume de la ration alimentaire. Un individu exerçant un travail de force peut avoir besoin de 4000 Calories par jour, surtout en climat froid. Il est alors hautement souhaitable qu'une bonne partie de l'énergie vienne des matières grasses, sinon la ration alimentaire serait très volumineuse. Les lipides servent de véhicule aux vitamines liposolubles dont il sera question plus loin.

Trois des acides gras insaturés ont été appelés « acides gras essentiels »; il s'agit d'acides polyéthénoïdes qui jouent un rôle majeur dans la synthèse d'importantes hormones humaines, les prostaglandines. Des expériences pratiquées sur des animaux et des observations faites sur l'homme ont mis en évidence des altérations caractéristiques de la peau et de la croissance lorsque ces acides gras font défaut, et il ne fait aucun doute qu'ils sont essentiels pour la nutrition des cellules et des tissus de l'organisme. Par conséquent, les lipides, et plus particulièrement certains corps gras, sont indispensables à la santé. Cependant, pratiquement tous les régimes en apportent la petite quantité nécessaire.

Les matières grasses déposées dans l'organisme servent de réserve d'énergie. C'est une façon économique d'en stocker car, comme on l'a dit plus haut, les lipides fournissent deux fois plus d'énergie à poids égal que les glucides ou les protides.

La graisse se trouve sous la peau, constituant un rempart contre le froid, et sert de tissu de soutien pour beaucoup d'organes tels que le cœur et les intestins. Il ne faut pas oublier que la graisse qui se trouve dans l'organisme ne provient pas obligatoirement des matières grasses que l'on a consommées. Une vache ou un cochon engraissent avec une alimentation essentiellement composée de glucides. De la même manière, un surplus de calories provenant d'aliments glucidiques comme les céréales, le manioc ou la banane, peut être transformé en graisse dans le corps humain.

Les protides

Les protides tout comme les glucides et les lipides, contiennent du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène, mais aussi de l'azote et souvent du soufre. Ils sont particulièrement importants en tant que substances azotées nécessaires pour la croissance et les réparations de l'organisme. Les principaux constituants des cellules et des tissus de l'organisme sont les protéines. La plus grande partie des constituants des muscles et organes (autres que l'eau) est faite de protéines. Bien que ces dernières puissent produire de l'énergie, c'est en tant que constituants essentiels de toutes les cellules qu'elles ont le plus d'importance. Il ne faut pas oublier que toutes celles-ci peuvent avoir besoin d'être renouvelées de temps en temps.

De même que les hydrates de carbone complexes (comme l'amidon) sont détruits et transformés en monosaccharides simples comme le glucose, et de même que les lipides sont détruits et donnent des acides gras, les protides sont aussi attaqués au cours de la digestion pour donner des acides aminés. Ceux-ci sont des composés organiques contenant le groupement aminé NH2.

Les plantes sont capables de synthétiser des acides aminés à partir de substances chimiques minérales simples. Les animaux n'ayant pas cette faculté, tous les acides aminés nécessaires à la synthèse de leurs protéines proviennent de la consommation de végétaux, ou d'autres animaux. Comme les animaux dont nous mangeons la viande tirent à l'origine leurs protéines des végétaux, c'est de là aussi finalement que viennent tous les acides aminés contenus dans l'alimentation de l'homme. Chez les animaux, la faculté de convertir un acide aminé en un autre est plus ou moins grande mais, chez l'homme, elle est très limitée. Ces transformations se font surtout dans le foie. Si cette possibilité de convertir un acide aminé en un autre n'avait pas de limite, le problème des carences protéiques et de la teneur en protéines des rations alimentaires serait de beaucoup simplifié. Il ne s'agirait plus que de fournir suffisamment de protides, sans se préoccuper de leur qualité ou de leur composition en acides aminés.

Il existe un grand nombre d'acides aminés, dont une vingtaine sont courants chez les plantes et les animaux. Sur cette vingtaine, huit se sont révélés être essentiels pour un homme adulte, d'où leur qualification de «acides aminés essentiels ». Ce sont la phénylalanine, le tryptophane, la méthionine, la lysine, la leucine, l'isoleucine, la valine et la thréonine. Un neuvième acide aminé, l'histidine, est nécessaire à la croissance et par conséquent indispensable aux nourrissons et aux enfants. Il se peut aussi qu'il soit nécessaire à la réparation des tissus. Chaque protéine dans un aliment donné est un mélange d'acides aminés, contenant quelquefois les huit «essentiels ».

Les protéines que nous consommons subissent un certain nombre de transformations au cours du transit gastro-intestinal. La physiologie de ces processus est compliquée. La pepsine et la rennine gastriques, la trypsine pancréatique et l'érepsine intestinale hydrolysent les protéines qui libèrent ainsi les acides aminés qui les composent. Ces derniers passent dans le sang alors qu'ils se trouvent dans l'intestin grêle, arrivent au foie et sont ensuite distribués dans tout l'organisme. On ignore de quelle façon chaque cellule de l'organisme entre en compétition avec les autres pour satisfaire son besoin de certains acides aminés, particulièrement quand il y a carence. Tout acide aminé en excès est débarrassé de son groupe aminé (NH2) qui va former de l'urée, éliminée par les urines, le reste de la molécule pouvant être transformé en graisse ou en un polysaccharide, le glycogène.

Il n'existe pas de véritable réserve de protéines dans l'organisme, comme il existe une réserve de graisse et, dans une faible mesure, de glycogène. Cependant, il est maintenant à peu près certain qu'un individu bien nourri possède une bonne quantité de protéines disponibles, qui lui permet de ne pas en recevoir pendant quelques jours, tout en restant en bonne santé. De même, on a démontré que des Africains mal nourris pouvaient, sans prendre de poids, augmenter la teneur en protéines de leur organisme.

Par conséquent, il est important de savoir quelle est la quantité de protéines que contient chaque aliment, quels sont les acides aminés présents dans ces protéines, en quelle quantité et en quelle proportion se trouvent les acides aminés essentiels.

A l'heure actuelle, on est mieux renseigné sur les protéines présentes dans les différents aliments et leur contenu en acides aminés. Différentes méthodes ont été mises au point pour attribuer un indice chimique à ces protéines et, à partir de là, définir la valeur de chacune d'elles. Cependant, un système d'indices chimiques tend à donner des valeurs qui ne sont pas exactes bien qu'elles semblent l'être, car certaines protéines, notamment celles d'origine végétale, ne sont pas totalement utilisées. C'est pourquoi nous ne faisons pas état ici de l'indice chimique des différentes protéines.

Toutefois, la valeur d'une protéine donnée dépend des divers acides aminés qu'elle renferme. Certaines protéines sont meilleures que d'autres et on dit qu'elles ont une valeur biologique supérieure. Ainsi en va-t-il de l'albumine de l'œuf et de la caséine du lait qui contiennent une bonne quantité de tous les acides aminés essentiels et sont par conséquent supérieures à la zéine du maïs assez pauvre en tryptophane et en lysine, et à la protéine du blé qui ne renferme que peu de lysine, Bien que les protéines du lait ou de l'œuf soient meilleures que celles du maïs ou du blé, il serait inexact de dire que les protéines de ces deux derniers produits sont inutiles, car si elles manquent de certains acides aminés, elles en contiennent beaucoup d'autres qui ont leur importance. On peut remédier à cette insuffisance en introduisant dans le régime un autre aliment contenant les acides aminés manquants. Ainsi, deux aliments ne possédant que des protéines pauvres peuvent, lorsqu'ils sont associés, constituer un bon mélange protéique.

Prenons, par exemple, les lettres A, B. C, D, E. F. G. H pour représenter les huit acides aminés essentiels et considérons un aliment ne contenant que les acides aminés A, B. C, D, E en bonne quantité; s'il était l'unique source de protéines d'un régime alimentaire, il ne satisferait pas les besoins puisque les acides aminés F. G et H font défaut. On pourrait y remédier en mangeant quelques protides très riches, comme ceux du lait ou des œufs, contenant les huit acides aminés essentiels, ou en mangeant d'autres protides assez pauvres mais contenant par exemple les acides aminés F. G et H.

Tout ceci pour démontrer que certaines personnes, surtout celles dont l'alimentation manque de protéines d'origine animale, doivent absolument consommer des aliments variés d'origine végétale, et non pas un seul aliment de base. Dans beaucoup de régimes alimentaires africains, les graines de légumineuses, telles que les arachides, les haricots et les pois, quoique de faible teneur en acides aminés soufrés, complètent les protides venant des céréales, qui sont souvent un peu justes en lysine, Un mélange d'aliments d'origine végétale, surtout s'ils sont consommés au cours d'un même repas, peut remplacer les protides d'origine animale.

La FAO a dressé des tableaux indiquant quels sont les acides aminés essentiels contenus dans les différents aliments (FAO, 1970); à partir de ces tableaux, on voit quels sont ceux qui se complètent le mieux. Il va de soi qu'il faut aussi déterminer la quantité totale de protides et d'acides aminés contenus dans chaque aliment.

Et nous arrivons à une question très difficile, celle de savoir quelle est la ration protéique souhaitable ou nécessaire pour l'être humain. Il faut des protides:

· Pour la croissance et le développement du corps.
· Pour l'entretien, la réparation et le remplacement des tissus usés ou détériorés.
· Pour fournir les enzymes métaboliques et digestives.
· En tant que constituants essentiels de certaines hormones telles que la thyroxine et l'insuline.

La quantité minimale d'azote éliminée par un adulte de taille moyenne est d'environ 3 g par jour, ce qui représente environ 19 g de protéines. Cependant, il est préférable pour différentes raisons que la ration quotidienne comporte davantage de protéines. Selon un comité d'experts FAO/OMS (FAO, 1973), il faut qu'un adulte du sexe masculin consomme 0,55 g de protéines sous forme de lait ou d'œuf par kg de poids corporel et par jour. Comme les gens ont des régimes alimentaires mixtes et ne tirent pas toutes leurs protéines du lait ou des œufs, il faut faire un ajustement en fonction de la qualité des protéines. C'est ainsi que si les protéines du régime ont une valeur d'environ 70 pour cent de celle des protéines contenues dans les œufs ou le lait, la ration quotidienne sera de

0,55 x 100 / 7, soit 0,8 g/kg de poids corporel.

Les enfants ont besoin de plus de protéines parce qu'ils grandissent; il se peut qu'ils aient besoin de 2 g de protéines de lait par kg de poids corporel et par jour, et un peu moins (1,2 g) pendant la petite enfance. En admettant que la protéine d'un régime mixte n'ait que 70 pour cent de la qualité de la protéine du lait, un nourrisson de 7 kg peut avoir besoin de 21 g et un enfant de 25 kg de 50 g de protéines par jour.

Une femme enceinte nécessite un surcroît de protides pour assurer la formation du fœtus. Il en va de même pour la mère allaitante puisque le lait qu'elle sécrète contient des protéines. Par exemple, une femme sécrétant 0,81 de lait fournira à son bébé 13 g de protéines; elle devra donc trouver ce supplément dans sa propre nourriture. Comme le coefficient de transformation n'est jamais de 100 pour cent, il lui faut automatiquement une quantité importante de protides supplémentaires chaque jour. En Afrique, il est courant de voir les femmes allaiter leur enfant pendant deux ans. Les mères africaines ont donc besoin d'un surcroît de protides pendant deux ans et neuf mois pour chaque enfant.

Bien que dans la plus grande partie de l'Afrique on consomme assez peu de protides, il existe des peuplades qui en absorbent une quantité exceptionnellement importante. Les Masai, qui se nourrissent surtout de lait, de viande et parfois de sang, peuvent consommer jusqu'à 200 g de protéines et même plus par jour. Ce régime riche en protéines semble être bien toléré et, en fait, les Masai sont en général physiquement supérieurs à leurs voisins. Cela peut être dû à des raisons génétiques et ethnologiques aussi bien qu'alimentaires.

Les régimes alimentaires pauvres en protéines sont presque toujours éminemment végétariens. Cette alimentation n'est généralement pas due à une quelconque préférence, car rares sont les Africains qui n'aiment pas les produits animaux. Ils ont tout simplement plus de mal à se les procurer, à les produire et à les conserver, et ils coûtent aussi plus cher que la plupart des produits végétaux. Une nourriture pauvre en viande, en poisson ou en produits laitiers n'est guère attrayante mais, dans des pays où la plus grande partie de la population est pauvre, elle est de règle.

Comme on le signale par ailleurs, les infections entraînent une perte accrue de l'azote contenu dans l'organisme. Cet azote doit être remplacé par des protéines dans le régime alimentaire. Ainsi les enfants ou les adultes sujets à de fréquentes infections ont plus besoin de protéines que des personnes en bonne santé. C'est là une chose à garder présente à l'esprit car en Afrique beaucoup d'enfants souffrent d'une série quasiment ininterrompue de maladies infectieuses; ils sont très sujets à la diarrhée et peuvent avoir des parasites intestinaux.


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