11. Les sels minéraux

Table des matières - Précédente - Suivante

Les minéraux remplissent de nombreuses fonctions. On les trouve sous forme de sels dissous dans les liquides de l'organisme, où le sodium, le potassium et le chlore ont un rôle physiologique précis pour maintenir la pression osmotique; ils prennent part à la constitution de nombreux tissus (dans les os, par exemple, une combinaison de calcium et de phosphore donne au squelette sa rigidité); ils sont présents dans les acides et les bases de l'organisme (par exemple le chlore de l'acide chlorydrique gastrique); et ils sont un constituant essentiel de certaines hormones (par exemple l'iode dans la thyroxine de la glande thyroïde).

Les principaux sels minéraux présents dans le corps humain sont le calcium, le phosphore, le potassium, le sodium, le chlore, le soufre, le cuivre, le magnésium, le manganèse, le fer, l'iode et le fluor.

Les végétaux sont si largement pourvus en phosphore que cet élément ne risque pas de manquer à la nutrition. Le potassium, le sodium et le chlore sont facilement absorbés et sont plus importants du point de vue physiologique. L'être humain s'approvisionne en soufre principalement grâce aux acides aminés soufrés; un manque de soufre va donc de pair avec une carence protéique. Quant au cuivre et au magnésium, il ne semble pas qu'ils fassent défaut en Afrique, tandis que pour le manganèse, on n'a pas pu mettre en évidence son rôle éventuel dans le métabolisme humain. La carence en zinc peut causer une forme rare de nanisme observée au Proche-Orient. C'est pourquoi les minéraux les plus importants du point de vue nutritionnel sont le calcium, le fer, l'iode et le fluor, et c'est d'eux seulement que nous parlerons dans ce chapitre.

Le calcium

Le corps d'un adulte de taille moyenne renferme environ 1250 g de calcium dont la plus grande partie se trouve dans les os et les dents; associé à du phosphore sous forme de phosphate de calcium, il constitue une substance dure qui donne au squelette sa rigidité. Cependant, celui-ci n'est pas aussi rigide et immuable qu'il en a l'air. En fait, les os sont une sorte de matrice cellulaire qui prend et restitue continuellement du calcium à l'organisme. Ils servent donc de réserve calcique.

Il y a peu de calcium dans le sérum sanguin, environ 10 mg pour 100 ml de sérum, mais il est important. Une diminution de ce taux de calcium provoque l'état tétanique (qu'il ne faut pas confondre avec le tétanos, maladie résultant d'une infection par le bacille du tétanos) décrit à la page 117. Il y a aussi environ 10 g de calcium dans les liquides extra cellulaires et différents tissus mous d'un organisme adulte.

La totalité du calcium de l'organisme, mis à part celui dont l'individu hérite de sa mère, provient normalement des aliments ingérés. Il est particulièrement nécessaire d'avoir du calcium en quantité suffisante pendant la croissance, car c'est à cette période que les os se développent.

Les besoins nutritifs du fœtus dans l'utérus maternel sont totalement satisfaits car, à cet égard, l'enfant se comporte comme un véritable parasite. Si la mère a un régime pauvre en calcium elle prélève sur ses propres os le supplément nécessaire à l'enfant. De même, un enfant entièrement nourri au sein, à condition que la quantité de lait soit suffisante, recevra ce qu'il lui faut en calcium, car, contrairement à la croyance populaire, la composition du lait de femme est très stable, tout particulièrement en ce qui concerne le calcium. Le lait maternel, même s'il s'agit d'une mère sous-alimentée avec un régime très pauvre en calcium, contient environ 30 mg de calcium pour 100 ml. Une mère allaitante qui sécrète ] litre de lait perdra donc 300 mg de calcium par jour.

Lorsque l'enfant cesse de recevoir le lait maternel, il risque pour la première fois de manquer de calcium et, avec bien des régimes africains, c'est là risque qui devient réalité. Le lait de vache est une excellente source de calcium, mais trop souvent on ne peut pas s'en procurer pour les enfants africains (figure 13). Un litre de lait de femme contient 300 mg de calcium, alors qu'un litre de lait de vache en contient 1200 mg. Ceci tient à ce que le veau pousse beaucoup plus vite que l'enfant, et cet apport plus élevé en calcium lui est indispensable pour l'ossification de son squelette qui croît rapidement. D'autres animaux domestiques ont également un lait d'une teneur en calcium plus élevée que celle du lait humain.

Un enfant (ou même un bébé) qui boit beaucoup de lait de vache excrète tout excédent de calcium; le surplus ne peut ni lui être nuisible ni accélérer sa croissance au-delà de la vitesse optimale.

Teneur en calcium des différents laits utilisés en Afrique

Source Teneur (mg/100 ml)
Lait de femme 30
Lait de vache 120
Lait de chamelle 120
Lait de chèvre 130
Lait de brebis 200

Les produits laitiers comme le fromage sont aussi riches en calcium mais les Africains mangent encore peu de cette dernière denrée, même dans les régions grosses productrices de lait. Les petits poissons de mer ou d'eau douce, comme les sardines et les sprats, fournissent de bonnes quantités de calcium car on les mange généralement entiers, y compris les arêtes. De petits poissons séchés appelés dagaa en Tanzanie et kapenta en Zambie peuvent être consommés couramment et enrichir utilement le régime en calcium. Les légumes et les graines de légumineuses en apportent aussi un peu. Dans les régimes tropicaux, les céréales et les racines, quoique relativement pauvres en calcium, sont souvent les aliments qui en fournissent le plus, en raison des grandes quantités consommées. L'eau potable peut également être plus ou moins riche en calcium.

L'absorption du calcium est variable, mais en général plutôt faible. Elle est en relation avec celle du phosphore et des autres principaux constituants minéraux des os. La vitamine D est indispensable à une bonne assimilation du calcium et l'on pense que les protéines y contribuent aussi. En revanche, l'acide phytique de certaines céréales et l'acide oxalique de certains fruits et légumes, tels que les épinards et la rhubarbe, peuvent inhiber cette assimilation. Aussi est-il difficile de définir de façon rigoureuse les besoins en calcium de l'être humain.

Ci-après quelques recommandations pratiques pour les rations calciques, d'après des suggestions de l'OMS et de la FAO:

Catégorie Ration journalière (mg)
Adultes 400-500
Enfants 400-700
Femmes enceintes et mères allaitantes 1000-1200

Les maladies ou malformations dues essentiellement à une carence alimentaire en calcium sont rares. Le rachitisme chez l'enfant et l'ostéomalacie chez l'adulte proviennent d'ordinaire tous deux d'un manque de vitamine D, qui aboutit à une déficience en calcium. Il n'y a apparemment aucun rapport entre les caries dentaires et une faible absorption de calcium.

Il se peut que la petite taille de certains groupes ethniques en Afrique ou ailleurs tienne, du moins en partie, à une faible absorption de calcium pendant plusieurs générations. Cependant, bien souvent, ces peuplades ont aussi une carence en protéines et autres substances nutritives, et sont affligées de nombreuses maladies qui les empêchent de se développer normalement.

Le fer

Chez un adulte en bonne santé, on trouve en moyenne 3 g de fer seulement, mais cette quantité relativement faible a une importance vitale. Dans bien des régions du monde, y compris une bonne partie de l'Afrique, la carence en fer est une des principales causes d'un mauvais état de santé.

Le fer se trouve dans le sang, associé à une protéine, sous la forme d'un pigment que l'on appelle hémoglobine. Cette hémoglobine est présente dans les globules rouges; elle sert à transporter l'oxygène des poumons aux cellules de l'organisme et à ramener le gaz carbonique aux poumons. Si, pour une raison quelconque, l'organisme ne possède pas assez de fer' la quantité d'hémoglobine diminue et le sujet s'anémie.

Il y a aussi une petite quantité de fer dans la chromatine et d'autres molécules cellulaires et dans un composé présent dans le muscle, appelé myoglobine. Ce fer n'est pas remis en circulation, même chez un malade anémique.

Cependant, un organisme en bon état possède une petite réserve de fer, peut-être 0,5 g en tout, qui se trouve sous forme de ferritine dans le foie, le rate et la moelle des os. Elle peut être utilisée chez un sujet qui commence à manquer de fer.

Il importe de rappeler que le fer n'est pas un élément qui s'use ou se détruit dans l'organisme. Ce dernier se montre très économe et conservateur en ce qui concerne l'utilisation du fer. Celui qui est libéré lors de la destruction des globules rouges vieillis est récupéré puis utilisé à nouveau pour la synthèse de nouveaux globules. De même, les globules rouges détruits par les parasites du paludisme perdent leur fer, mais celui-ci aussi est récupéré. Dans des conditions normales, le corps perd moins de 1 mg de fer par jour.

Pour un individu en bonne santé, les besoins nutritionnels en fer sont donc très faibles à moins qu'il n'y ait eu perte de sang. Les femmes, cependant, doivent compenser les pertes de sang des menstruations et de l'accouchement et faire face à des besoins plus grands pendant la grossesse et l'allaitement. Si l'on considère néanmoins les quantités de fer que doit contenir le régime alimentaire, il ne faut pas oublier qu'environ 10 pour cent seulement du fer présent dans les céréales, les légumes et les graines de légumineuses, à l'exclusion du soja, sont absorbés. Les taux d'absorption du fer contenu dans d'autres aliments sont un peu plus élevés: 30 pour cent dans le cas de la viande, 20 pour cent dans le cas du soja. L'organisme absorbe d'autant plus de fer qu'il se forme plus d'hémoglobine pour remplacer les pertes dues aux hémorragies et celles subies pendant la croissance et la grossesse. L'acide phytique et l'excès de sels ferreux peuvent inhiber l'absorption de fer du fait que se forment des sels ferreux insolubles.

Le lait maternel ne contient approximativement que 2 mg de fer par litre, et le lait de vache la moitié moins. Cependant, le nouveau-né possède une réserve constituée à partir du fer maternel pendant la gestation. Cette provision, ajoutée à la petite quantité qui se trouve dans le lait maternel sera suffisante jusqu'à l'âge de six mois. Dans la plus grande partie de l'Afrique, les bébés sont nourris au sein pendant bien plus d'un an et, si des aliments contenant du fer ne sont pas ajoutés à partir de six mois à ce régime lacté, il est probable qu'une anémie due à une insuffisance de fer apparaîtra (voir pages 156-157). De même, pour les enfants prématurés et les jumeaux, la réserve en fer du nouveau-né est réduite et le risque de voir survenir une anémie ferriprive est encore plus grand.

Il apparaît donc que les femmes ont davantage besoin de fer à différentes périodes de leur vie. Les femmes enceintes ont des besoins plus élevés, à la fois pour permettre la formation du sang et des tissus du fœtus et pour assurer à l'enfant une réserve utilisable après la naissance. Lors de l'accouchement, une femme peut perdre 750 ml de sang qui contient du fer, et celui-ci doit être remplacé. La nourrice sécrète 2 mg de fer par litre de lait et, chaque mois, lors de ses règles la femme perd plus ou moins de sang.

Les enfants grandissent, ce qui entraîne une augmentation de leur taille mais aussi de leur volume sanguin. Ils ont donc eux aussi un besoin en fer relativement important.

Une ration de 5 à 9 mg par jour pour les hommes et pour les femmes après la ménopause est recommandée. Quant aux femmes non ménopausées, cette ration devrait être de 14 à 28 mg (voir tableau 1, annexe 1).

Le fer se trouve dans la plupart des aliments mais, dans les plantes, la quantité varie légèrement avec la nature du sol. Les meilleures sources parmi les végétaux sont d'abord les feuilles vertes, puis les légumes et les fruits. Le plus grand apport pour l'homme vient en général de la denrée qu'il consomme le plus, soit les céréales, les racines féculentes ou les produits d'origine animale. Les céréales contiennent à peu près deux fois plus de fer que les racines féculentes. Le poisson et la viande en contiennent également de bonnes quantités, les abats tels que le foie, le cœur et les rognons en étant particulièrement riches.

A l'analyse, très peu de régimes présentent une réelle insuffisance en fer, même s'ils sont pauvres à bien d'autres points de vue. Cependant, il ne faut pas oublier, comme on l'a signalé plus haut, qu'une partie seulement du fer contenu dans un régime est absorbée. De nombreux facteurs entrent en jeu pour déterminer la quantité de fer alimentaire susceptible d'être utilisée par l'organisme.

Mais il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que les insuffisances en fer sont rares chez l'homme. Dans la plus grande partie de l'Afrique, il est plus courant de trouver des individus porteurs de parasites que des individus n'en ayant pas. Dans certaines régions, l'ankylostomiase atteint 75 pour cent de la population; la schistosomiase (ou bilhartiose) est extrêmement courante. La plupart de ces parasites sont une cause de perte de sang. De même, chez les populations pauvres, les ulcères et les blessures dues à des accidents sont assez fréquents et peuvent entraîner des hémorragies. Partout où il y a perte de sang, il y a perte de fer et si celui-ci n'est pas remplacé, apparition d'une anémie ferriprive.

L'iode

L'organisme d'un adulte moyen renferme environ 20 à 50 mg d'iode, dont 8 mg à peu près se trouvent dans la glande thyroïde. L'iode est indispensable pour la formation de la thyroxine, hormone sécrétée par cette glande.

Un manque d'iode dans l'alimentation provoque une hypertrophie de la glande thyroïde que l'on appelle goitre (figure 14). La glande thyroïde se situe à la base du cou. Le goitre peut avoir d'autres origines que la carence en iode, mais celle-ci est indubitablement et de loin la cause la plus fréquente du goitre endémique (voir aussi page 151).

Dans certaines des régions où l'on trouvait beaucoup de goitres, les autorités ont ajouté de l'iode au sel de cuisine et la maladie a disparu progressivement. La substance généralement ajoutée au sel était l'iodure de potassium, mais l'iodate de potassium est plus stable et préférable dans des climats chauds et humides.

En Afrique comme ailleurs dans le monde, on constate une grande incidence de goitres dans les régions de hauts plateaux éloignées de la mer. Par exemple, l'enquête menée par l'auteur dans le district de Njombe en Tanzanie a révélé que 75 pour cent de la population avaient une hypertrophie de la glande thyroïde.

L'iode est largement répandu dans les roches et les sols, mais la quantité contenue dans différentes plantes varie avec la nature du sol où elles ont poussé. L'iode est facilement entraîné par les eaux et une quantité considérable s'est écoulée vers la mer au cours des âges.

Bien que l'on sache que les poissons de mer et la plupart des végétaux poussant au voisinage de la mer sont des sources d'iode très importantes, il n'est pas très utile de dresser le tableau de la teneur en iode des aliments, en raison des grandes variations de cette teneur.

Le fluor

Le fluor se trouve essentiellement dans les dents et le squelette. Sa présence en très faibles quantités dans les dents concourt à les protéger de la carie. Une partie du fluor consommé pendant l'enfance s'incorpore à l'émail dentaire et le rend plus résistant aux acides organiques faibles qui se forment à partir des aliments qui adhèrent aux dents ou se glissent entre elles. Cela réduit beaucoup les risques de caries. Selon des études récentes, le fluor contribuerait aussi à accroître la résistance des os, surtout vers la fin de la vie, en freinant le processus d'ostéoporose.

Pour la plupart des êtres humains, la source principale de fluor est l'eau de boisson. Il suffit qu'elle en contienne environ une partie par million pour fournir aux dents la quantité convenable. Beaucoup d'eaux, cependant, en contiennent nettement moins. On trouve du fluor dans les arêtes, et les petits poissons que l'on mange entièrement en sont donc une bonne source. Le thé en contient également mais il n'est apparemment pas utilisé par l'être humain. Les autres aliments en ont peu. Si, dans une localité quelconque, la teneur en fluor de l'eau potable est inférieure à 0,5 partie par million, il est probable que les caries dentaires seront plus nombreuses que si la concentration était plus élevée.

Dans certains pays, il est maintenant d'usage, lorsque le taux de fluor de l'eau est inférieur à une partie par million, d'en ajouter. C'est là une pratique vivement recommandée, mais valable seulement pour les grands systèmes d'adduction d'eau. Elle est donc inapplicable en Afrique, où la plupart des gens ne sont pas approvisionnés en eau de cette façon. Actuellement, on essaie de fournir cet élément minéral aux populations privées d'eau fluorée, en ajoutant du fluor au sel de cuisine. Le fluor n'empêche pas les caries dentaires, mais en diminue l'incidence de 60 à 70 pour cent dans bien des cas.

Une absorption excessive de fluor pendant l'enfance provoque un état appelé « fluorose dentaire » dans lequel les dents prennent un aspect marbré (figure 15). Par exemple, dans certaines régions d'Afrique, on trouve des eaux contenant naturellement du fluor à raison de plus de 4 parties par million. De très grandes doses de fluor provoquent des altérations osseuses, des scléroses, des calcifications d'insertions musculaires et des exostoses. Une étude faite par l'auteur en Tanzanie a révélé une haute incidence d'altérations osseuses dues à un excès de fluor, à l'aide des radiographies de sujets âgés qui ont l'habitude de boire de l'eau contenant plus de 6 parties par million de fluor (figure 16).

12. Les vitamines

La vitamine A (rétinol)
La thiamine (aneurine, vitamine B1)
La riboflavine (vitamine B2)
La niacine (acide nicotinique, nicotinamide, vitamine PP)
La vitamine B12 (cyanocobalamine)
L'acide folique ou folate (acide ptéroylglutamique)
La vitamine C (acide ascorbique)
La vitamine D

 

Les vitamines sont des substances organiques présentes en très petites quantités dans les aliments et indispensables au métabolisme. Ce ne sont pas des critères chimiques ou physiologiques qui ont amené à les grouper mais, comme leur nom l'implique, le fait qu'elles ont une importance vitale dans l'alimentation, tout en n'entrant pas dans les autres catégories de substances nutritives - les glucides, les lipides et les protides.

Quand on a commencé à classer les vitamines, on a attribué à chacune d'elles une lettre de l'alphabet. Par la suite, on a tendu à abandonner les lettres pour des noms spécifiques, ce qui est justifiable lorsque la vitamine a une formule chimique bien définie, comme pour les principales vitamines du groupe B. Il est cependant plus facile de les étudier sous la même rubrique car, tout en n'ayant aucune parenté chimique, elles se trouvent la plupart du temps dans les mêmes aliments.

On décrira ici la vitamine A, cinq vitamines du groupe B (thiamine, riboflavine, niacine, B12 et acide folique), la vitamine C et la vitamine D. D'autres vitamines d'importance vitale également ont été découvertes. Ce sont l'acide pantothénique (dont la carence peut entraîner le syndrome « des pieds brûlants », évoqué à la page 161), la biotine (vitamine H), l'acide para-amino benzoïque, la choline, la vitamine E et la vitamine K (antihémorragique). Si ces vitamines ne sont pas décrites dans le présent ouvrage, c'est pour l'une des raisons suivantes:

- On ne connaît pas de cas d'insuffisance chez l'homme dans des conditions normales.

- Leur insuffisance est extrêmement rare en Afrique, même dans des régimes présentant de grosses anomalies.

- Les troubles dus à un manque de ces vitamines n'apparaissent qu'à la suite d'autres maladies très bien décrites dans des manuels de médecine générale.

- Leur rôle dans la nutrition humaine n'a pas encore été élucidé.

De toute façon, aucune de ces vitamines n'est importante pour ceux qui étudient la nutrition en tant que problème de santé publique en Afrique. Ceux qui désirent en savoir plus long sur ces vitamines se reporteront à des manuels de médecine générale ou à des ouvrages de nutrition plus détaillés. Un résumé des maladies et troubles dus à des carences en vitamines est donné dans le tableau de la page 82.

La vitamine A (rétinol)

Historique. La vitamine A fut découverte en 1913, époque à laquelle des chercheurs ont remarqué que si le saindoux (fabriqué à partir de la graisse de porc) constituait toute la partie lipidique du régime des animaux de laboratoire, leur croissance s'arrêtait, alors que si, dans un régime rigoureusement identique par ailleurs, on remplaçait le saindoux par du beurre, les animaux grandissaient et prospéraient. Il était donc évident que le beurre contenait une substance qui n'existait pas dans le saindoux. Cette substance semblait indispensable à la santé des animaux, même si les deux régimes comprenaient suffisamment de glucides, de lipides, de protides et de sels minéraux. Des expériences plus poussées sur les animaux révélèrent que le jaune d'œuf et l'huile de foie de morue contenaient la même substance alimentaire vitale, qui fut appelée vitamine A.

Plus tard, on établit que plusieurs produits d'origine végétale possédaient les mêmes propriétés nutritives que cette vitamine A contenue dans le beurre. On découvrit que cela tenait à ce que beaucoup de plantes contiennent un pigment jaune appelé carotène, qui peut être transformé en vitamine A dans le corps humain.

Les principales vitamines - résumé

Vitamine Nom chimique Troubles associés Unités
A Rétinol Cécité crépusculaire, xéro phtalmie, kératose folliculaire, kératomalacie µg (autrefois UI)
B1 Thiamine (aneurine) Béribéri mg
B2 Riboflavine Chéilite, stomatite angulaire et autres lésions de la lan gue et de la peau mg
PP Niacine (nicotinamide, acide nicotinique) Pellagre mg
B6 Pyridoxal, pyridoxamine, pyridoxine Convulsions mg
B12 Cyanocobalamine Anémie pernicieuse µg
- Folacine (acide folique acide ptéroylgluta mique) Anémie macrocytaire, sprue mg
C Acide ascorbique Scorbut mg
D Calciférol Rachitisme, ostéomalacie UI
- Acide pantothénique Syndrome « des pieds brûlants » mg
K   Maladies hémorragiques mg

Propriétés. La vitamine A ou rétinol est soluble dans les graisses, mais insoluble dans l'eau. Sous sa forme cristalline pure, elle est d'un jaunevert très pâle. On ne la trouve que dans des produits d'origine animale.

Les carotènes, qui jouent le rôle de provitamines ou précurseurs de la vitamine A, sont des substances jaunes dont lés plantes sont largement pourvues. Cette couleur jaune du carotène peut être masquée dans certains aliments par le vert de la chlorophylle, pigment végétal, qui lui est souvent associé. Il existe différentes sortes de carotènes; l'un d'eux, appelé ß-carotène, constitue la source la plus importante de vitamine A dans les régimes africains. La transformation de ces substances en vitamine A se fait dans la paroi de l'intestin. Comme au cours de cette transformation il se produit des pertes, il est admis que 1 µg de ß-carotène absorbé a l'activité biologique de 0,5 µg de rétinol. Seul un tiers environ du ß-carotène contenu dans les aliments est absorbé et assimilable. En conséquence, 1 µg de ß-carotène dans l'aliment équivaut à environ 1/6 µg de rétinol. Les maladies intestinales telles que la dysenterie et les infections associées à des parasites intestinaux comme les ascaris sont fréquentes sous les tropiques, et ont tendance à diminuer l'aptitude de l'organisme à transformer le carotène en vitamine A (voir ci-dessous).

Le foie est le principal organe de mise en réserve de la vitamine A chez l'homme et bien d'autres vertébrés, ce qui explique la haute teneur de cette vitamine dans les huiles de foie de poisson.

La vitamine A est un composant majeur du pigment de la rétine de l'œil (pourpre rétinien) et si elle vient à manquer, l'acuité visuelle est diminuée quand la luminosité est faible. Cet état est appelé « cécité crépusculaire ».

Les troubles biochimiques responsables des autres lésions dues à une avitaminose A n'ont pas été totalement élucidés. La principale transformation pathologique est une métaplasie kératinisante de différents tissus épithéliaux. La vitamine A apparaît comme un facteur indispensable de protection de la surface cutanée. Chez l'homme, une carence se traduit par des altérations de la peau, la kératose folliculaire, et de l'œil, sécheresse anormale de la cornée évoluant vers la xérophtalmie et parfois la kératomalacie. Ces états pathologiques sont décrits plus loin.

Unités. La vitamine A s'évaluait autrefois en unités internationales (UI), mais les quantités sont désormais exprimées en général en microgrammes (µg) de rétinol ou d'équivalent de rétinol. Une unité internationale de vitamine A équivaut à 0,3 µg de rétinol ou 0,55 µg de palmitate de rétinol.

Sources alimentaires. La vitamine A elle-même ne se trouve que dans des produits d'origine animale et provient surtout du bourre, des œufs, du lait, du foie et de quelques poissons. Cependant, la plupart des Africains trouvent principalement dans le carotène leur ration de vitamine A. Beaucoup de plantes comestibles en contiennent; les feuilles vert foncé, telles que celles de l'amarante (mchicha), des patates douces et du manioc en sont des sources beaucoup plus riches que les feuilles plus pâles du chou ou de la laitue, par exemple. Divers fruits et légumes, comme les mangues, les papayes (figure 17), les tomates et les carottes en contiennent de bonnes quantités. Parmi les céréales, seul le maïs jaune en renferme. On en trouve aussi un peu dans les bananes plantains et les bananes, ainsi que dans des variétés jaunes de patates douces. En Afrique de l'Ouest, une grande partie du carotène provient de l'huile de palme rouge que l'on utilise beaucoup pour la cuisine. La culture du très précieux palmier à huile commence à s'étendre à d'autres parties du continent. Etant donné sa haute teneur en carotène, l'huile de palme rouge est de plus en plus utilisée comme huile de cuisson par excellence dans l'alimentation des collectivités.

Le carotène et la vitamine A résistent assez bien aux températures de cuisson habituelles. Il s'en perd malheureusement beaucoup quand on fait sécher au soleil les feuilles vertes et autres aliments. C'est là une méthode traditionnelle assez répandue pour conserver feuilles et légumes sauvages dans les régions arides. Mais, étant donné que des troubles sérieux dus à la carence en vitamine A sont fréquemment observés dans lesdites régions, il importe d'y instaurer de meilleures méthodes de conservation.

Facteurs influant sur l'absorption et la transformation. Même dans les conditions d'efficacité maximale, l'intestin ne peut absorber et transformer qu'une partie du carotène apporté par l'alimentation. Si l'on ne consomme aucun produit d'origine animale et si l'organisme ne peut compter que sur le carotène, les allocations recommandées doivent être augmentées. Le carotène est médiocrement utilisé si l'alimentation est pauvre en lipides, et les régimes qui manquent de vitamine A manquent habituellement aussi de lipides. Comme il a déjà été dit, des maladies intestinales telles que la dysenterie, la maladie cœliaque et la sprue limitent l'absorption de la vitamine A et la conversion du carotène. De plus, les nourrissons et les jeunes enfants ne transforment pas le carotène en vitamine A aussi rapidement que les adultes.

Les sels biliaires sont indispensables à l'absorption de la vitamine A et du carotène. Une obstruction des voies biliaires risque donc de provoquer une avitaminose A.

Les huiles hydrocarbonées, l`huile de paraffine, par exemple, diminuent de façon très nette l'absorption du carotène. On considère souvent l'huile de paraffine comme un laxatif simple et absolument inoffensif. En cas de constipation chronique, elle est donc fréquemment prescrite par le personnel médical ou achetée par le public et prise tous les jours. Mais si ce traitement dure des mois. il peut se solder par une carence en vitamine A.

Mise en réserve par l'organisme. La vitamine A est stockée surtout dans le foie, en quantités très variables. Cette mise en réserve est importante car, dans beaucoup de régimes africains, la possibilité d'avoir des aliments contenant vitamine A et carotène dépend des saisons. S'ils sont consommés en assez grandes quantités, par exemple pendant la saison des pluies, l'organisme pourra constituer une réserve qui sera d'un grand secours pendant une partie au moins de la saison sèche. La brève saison des mangues, par exemple, permet souvent d'augmenter la réserve hépatique de vitamine A chez beaucoup de jeunes Africains qui passent leurs heures de loisir à la cueillette de cc fruit.

Toxicité. La vitamine A, prise en trop grande quantité, peut avoir des effets toxiques. Des cas se sont produits en Afrique de l'Ouest, à cause d'une consommation excessive d'huile de palme, et dans certains pays industrialisés chez des enfants à qui l'on avait donné trop de vitamine A sous forme médicamenteuse comme l'huile de foie de flétan. La manifestation la plus marquée est un épaississement irrégulier de certains os longs: elle s'accompagne généralement d'une hépatomégalie, d'altérations cutanées et d'une chute de cheveux.

Besoins chez l'être humain. Il est en général recommandé que l'homme adulte reçoive 750 µg de rétinol par jour. Les mères allaitantes doivent en recevoir 50 pour cent de plus, mais les enfants et les adolescents en nécessitent moins (voir tableau 1, annexe 1). Ces données sont fondées sur des régimes alimentaires contenant à la fois de la vitamine A et du carotène. Si le régime est entièrement végétarien, de plus grandes quantités de carotène peuvent être nécessaires car le taux de conversion en rétinol de ce dernier est bas.

La thiamine (aneurine, vitamine B1)

Historique. Au cours des années 1890, à Java (Indonésie), le docteur Eijkman, de nationalité hollandaise, remarqua que si l'on donnait à des poulets la même nourriture que celle de ses patients atteints de béribéri, les pattes des poulets s'affaiblissaient et des troubles assez semblables à ceux du béribéri apparaissaient. Les volailles, en outre, avaient la tête rejetée en arrière. La base de l'alimentation des malades atteints de béribéri était du riz poli. Lorsqu'il changea la nourriture des poulets et leur donna des grains de riz entier, ils commencèrent à se rétablir. Il démontra ainsi qu'il existait une substance dans l'enveloppe externe et le germe de riz qui protégeait les poulets de la maladie.

Au début de ce siècle, des travaux menés dans un hôpital psychiatrique de Malaisie ont montré que, dans des conditions de vie identiques, les sujets nourris de riz poli étaient atteints de béribéri, alors que ceux qui mangeaient du riz non décortiqué ne l'étaient pas. Il fut démontré en outre que les sujets du premier groupe guérissaient si on les mettait à un régime à base de riz non décortiqué. Malgré de nombreuses tentatives, ce ne fut qu'en 1926 que la vitamine B1, ou thiamine, fut enfin isolée sous forme de cristaux. On en fit la synthèse dix ans plus tard.

Propriétés. La thiamine est très soluble dans l'eau, supporte des températures allant jusqu'à 100°C mais tend à se détruire à des températures plus élevées (par exemple lors de la friture ou de la cuisson sous pression). Elle a une structure assez lâche et peut être facilement détruite en milieu alcalin.

Un grand nombre de travaux ont été menés sur le rôle physiologique et les propriétés biochimiques de la thiamine. On a ainsi montré que la thiamine joue un rôle primordial dans le métabolisme glucidique chez l'homme. Elle est utilisée dans le mécanisme compliqué de la dégradation ou oxydation des glucides et le métabolisme de l'acide pyruvique. L'énergie employée par le système nerveux provenant entièrement des glucides,

le manque de thiamine prive l'organisme d'énergie, d'où lésions des tissus nerveux et du cerveau. Etant donné le rôle joué par la thiamine dans le métabolisme glucidique, une personne dont la principale source d'énergie provient des glucides risque d'autant plus de présenter des signes de carence. C'est pourquoi les besoins de l'homme en thiamine sont parfois exprimés par rapport à sa consommation de glucides.

Unités. Cette vitamine ayant été synthétisée sous forme pure, elle est maintenant mesurée en milligrammes.

Sources alimentaires. La thiamine est largement répandue dans les aliments, qu'ils soient d'origine végétale ou animale. Cependant, les meilleures sources en sont les céréales et les graines de légumineuses. Les légumes verts, le poisson, la viande, les fruits et le lait en contiennent des quantités appréciables. Dans le cas des graines telles que les céréales, la thiamine se trouve surtout dans le germe et l'enveloppe. Une grande partie peut donc être perdue pendant la mouture, comme nous le verrons plus loin. Le son du riz, du blé ou d'autres céréales est naturellement riche en thiamine, ainsi que les levures. Les racines, y compris le manioc, en sont de faibles sources, ce dernier en contenant pratiquement aussi peu que le riz poli. Il est surprenant de constater que les cas de béribéri sont rares chez les nombreuses populations africaines qui se nourrissent essentiellement de manioc.

La thiamine étant très soluble dans l'eau risque d'être perdue si les aliments sont lavés avec trop d'ardeur ou cuits dans une trop grande quantité d'eau, jetée ensuite. Il est particulièrement important pour les populations qui consomment beaucoup de riz, soit de mettre exactement la quantité d'eau qui sera absorbée durant la cuisson, soit d'utiliser l'excédent dans une soupe ou un ragoût, car cette eau est riche en thiamine et autres éléments nutritifs.

Les céréales et autres graines conservées convenablement gardent leur thiamine pendant un an ou plus mais, si elles sont attaquées par des bactéries, insectes ou moisissures, leur contenu diminue progressivement.

Mise en réserve par l'organisme. La thiamine est facilement absorbée au cours du transit intestinal, mais l'organisme en stocke peu. Les expériences menées sur l'homme laissent penser qu'il ne peut constituer de réserve que pour environ six semaines. Le foie, le cœur, le cerveau ont une teneur plus élevée que les muscles et les autres organes.

Une personne qui en absorbe beaucoup présente rapidement une augmentation de l'excrétion urinaire. La quantité totale présente dans l'organisme est d'environ 25 milligrammes.

Besoins chez l'être humain. Un apport quotidien de 1,0 mg de thiamine pour un homme modérément actif et de 0,8 mg pour une femme modérément active sont suffisants. Les femmes enceintes et les mères allaitantes peuvent avoir un besoin supérieur (voir tableau 1, annexe 1).

Chez l'homme cependant, les besoins en thiamine dépendent dans une certaine mesure de sa consommation de glucides. Les chiffres figurant au tableau 1 de l'annexe 1 sont basés sur une ration quotidienne recommandée de 0,4 mg pour 1000 calories. Le béribéri, maladie due essentiellement à une carence en thiamine est décrit à la page 101.


Table des matières - Précédente - Suivante