34. Problèmes-nutritionnels et solutions pratiques

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Cet aperçu des mesures pratiques visant la solution des problèmes nutritionnels est loin d'être exhaustif. Il a simplement pour but de présenter, sous cinq rubriques principales, des suggestions qui peuvent être adaptées à un pays, à un village ou aux membres d'une communauté pour améliorer la nutrition. Chaque région, chaque collectivité, a ses propres problèmes dont on doit rechercher localement la solution. Les quelques idées avancées ici ne peuvent donc faire plus que de stimuler la réflexion.

Il est clair que maintes solutions relèvent de l'éducation, car, cela a été dit et répété, la malnutrition est due pour beaucoup en Afrique à un manque de connaissances en matière d'alimentation. Bon nombre des autres suggestions qui ont été faites concernent essentiellement l'agriculture. Le présent manuel n'est destiné à exposer en détail ni les méthodes d'enseignement ni les pratiques agricoles. On devra chercher des informations sur les moyens de développer et d'améliorer la production alimentaire dans les ouvrages qui traitent de l'agriculture, de l'horticulture, de l'élevage, des pêches et de l'aviculture.

Améliorer les connaissances nutritionnelles

L'ignorance est une cause importante de la malnutrition en Afrique. Voici, à titre d'exemples, comment on peut améliorer les connaissances nutritionnelles:

a) Education - enseignement nutritionnel dans les écoles, les classes d'alphabétisation, centres de formation agricole et les réunions de village (figure 59).

b) Exemple - les ministres et les leaders jouissant de considération pourraient introduire dans leurs discours le thème de la nutrition et consommer en public des aliments difficilement acceptés mais utiles du point de vue nutritionnel

c) Distribution de brochures et d'affiches, discussion sur la nutrition dans les journaux et à la radio, documentation sur la nutrition dans les expositions agricoles et autres.

d) Démonstrations - séances de démonstration sur la préparation et la cuisson des aliments, en particulier les aliments destinés aux enfants. Elles peuvent être conduites par les infirmières des centres sanitaires et dispensaires, par les agents du développement communautaire et par les monitrices d'économie familiale dans les écoles.

e) Travail d'équipe - coordination des efforts visant à diffuser les connaissances nutritionnelles à travers les comités de district et de village.

f) Encouragement des coutumes alimentaires traditionnelles louables du point de vue-nutritionnel, comme le fait de manger des insectes, de la mchicha et des fruits sauvages.

g.) Campagne contre les habitudes alimentaires regrettables, comme les interdits frappant les œufs et le poisson.

h) Enseignement de méthodes pratiques mais satisfaisantes de sevrage, par exemple l'emploi du lait caillé dans les bouillies, des arachides pilées et des mélanges de légumes.

i) Interdiction légale de la publicité concernant l'allaitement au biberon.

Accroître et améliorer la production vivrière

Il s'agit là surtout d'un problème agricole. Il faudrait viser à:

a) Promouvoir la production globale pour assurer un apport énergétique satisfaisant en mettant l'accent sur une disponibilité suffisante aux époques d'activité agricole intense, à la fin de la campagne, c'est-à-dire pendant la période de soudure.

b) Développer la production des plantes qui sont de bonnes sources de protéines. Chaque ménage devrait planter plus de haricots, d'arachides, de niébés, etc.

c) Augmenter et améliorer la production de protéines d'origine animale par:

- De meilleures méthodes d'élevage.

- Une plus ample utilisation des bovins et des caprins comme source d'aliments, plutôt que comme élément de prestige.

- L'utilisation du lait de chèvre.

- Le développement et l'amélioration de l'aviculture, et l'emploi des œufs, surtout pour les jeunes enfants.

- La diffusion et l'amélioration des méthodes de pêche et de conservation du poisson de mer et d'eau douce.

- La construction d'étangs de pisciculture communaux et familiaux (figure 54) dans toutes les zones alimentées en eau en permanence.

- Une plus large utilisation des barrages pour la production halieutique.

- Une ample utilisation alimentaire des petits animaux, en particulier des pigeons, des cochons d'Inde et des lapins.

- Une consommation accrue d'oursins, de sauterelles, de mouches lacustres, etc.

- Une consommation plus large de viande de gibier, notamment par une exploitation contrôlée des animaux sauvages.

d) Accroître la production de fruits et de légumes, notamment pour assurer un apport suffisant en vitamines A et C par:

- Une politique d'encouragement du jardin potager individuel.
- L'attribution de parcelles pour des cultures vivrières en ville.
- La création de vergers et jardins scolaires, communaux et collectifs.

Améliorer la distribution des denrées alimentaires

Les denrées alimentaires doivent être équitablement distribuées. Ce n'est pas toujours le cas, même là où les approvisionnements sont suffisants. Voici les moyens de parvenir à une distribution plus équitable:

a) Améliorer les moyens de communication, afin que les stocks excédentaires disponibles dans une zone puissent être transférés dans une autre zone accusant un déficit.

b) Améliorer les dispositifs de commercialisation, et pour cela: accroître le nombre des marchés et des magasins d'alimentation; mieux approvisionner les boutiques de village en produits manufacturés et conservés, de bonne valeur nutritive et de prix raisonnable; améliorer les marchés; créer des magasins alimentaires coopératifs.

c) Répartir équitablement les vivres au sein des familles afin que les enfants aient leur juste part d'aliments protéiques et autres, et que les femmes enceintes et les mères allaitantes soient mieux nourries.

d) Distribuer un repas de midi dans les écoles; encourager les enfants à s'alimenter à l'école; distribuer du lait à l'école; améliorer les repas dans les internats.

e) Mettre à disposition des aliments spéciaux pour les enfants; faire connaître des préparations culinaires spéciales pour les très jeunes enfants.

f) Payer les salaires chaque semaine plutôt que chaque mois; encourager une meilleure gestion du budget familial.

g) Veiller à ce que les travailleurs puissent recevoir un repas de midi (cantines subventionnées; rations de travailleurs manuels).

Améliorer l'entreposage des vivres et des récoltes

Environ 25 pour cent de toutes les denrées alimentaires produites en Afrique ne sont jamais consommées par l'homme. Ces quantités se détériorent ou sont mangées par les insectes, les rats et autres ravageurs. Des mesures peuvent être prises pour remédier à cet état de choses sur les lieux de production, au foyer, dans les boutiques et dans les entrepôts.

On peut citer notamment:

a) La lutte contre les rats (pièges, poison, défense des greniers, etc). 6) La lutte contre les insectes (insecticides, amélioration du stockage (figure 60), récipients hermétiques)

c) La lutte contre les moisissures et la pourriture des denrées (entreposage des denrées après un séchage aussi poussé que possible, emploi de meilleurs récipients).

d) La lutte contre les oiseaux, surtout dans les zones à mil et à blé.

e) Les mesures de protection contre les singes, babouins, porcs-épics, sangliers et autres animaux destructeurs - y compris les éléphants.

Améliorer la transformation des aliments

Par une transformation convenable des aliments, on peut s'assurer que leur valeur nutritive sera préservée au maximum et que les excédents alimentaires seront utilisés. Voici des mesures appropriées à cet effet:

a) Meilleures méthodes de conservation des aliments au foyer et dans le village (séchage ou fumage des viandes et du poisson, conservation des fruits et légumes, production familiale ou communale de fromage, etc.).

b) Amélioration des méthodes de cuisson des aliments: ébullition moins prolongée des légumes contenant de la vitamine C, cuisson du riz dans une quantité minimale d'eau, préparation de mets spéciaux pour les nourrissons.

c) Utilisation accrue des procédés pour assurer la conservation des denrées alimentaires locales et, dans certains cas, pour les rendre plus agréables au goût. Cela exige un plus grand nombre de petites entreprises commerciales pour le séchage du poisson, le séchage et la conservation d'autres aliments, ainsi que des usines pour transformer les fèves de soja indigènes en produit comestible.

d) Mise en vente à un prix raisonnable de bons produits laitiers transformés.

e) Enrichissement en vitamines et fer des céréales ayant subi un usinage poussé. Le mieux est de promulguer une loi à cet effet.

f) Iodation du sel pour prévenir le goitre.

g) Fluoration de l'eau pour réduire les caries dentaires dans les zones qui se prêtent à cette opération et lorsque l'eau contient moins de 0,5 partie par million de fluor.

Principales mesures à prendre par le personnel de santé

Pour améliorer l'état nutritionnel des collectivités locales, l'agent de santé devrait:

a) Assurer un bon service de soins pour traiter les personnes atteintes de malnutrition et des nombreuses maladies qui y sont associées.

b) Saisir toutes les occasions pour présenter aux malades, hospitalisés ou non, l'importance d'un régime alimentaire équilibré. Insister particulièrement sur les besoins des enfants, des femmes enceintes et des mères allaitantes.

c) Organiser une distribution efficace d'aliments supplémentaires pour les jeunes enfants, si l'on dispose de ces aliments.

d) Encourager, dans les dispensaires et même dans les foyers, l'utilisation de courbes de poids pour les jeunes enfants.

e) Faire des démonstrations culinaires dans les centres de protection maternelle et infantile et ailleurs. Mettre spécialement l'accent sur les aliments de sevrage appropriés. Toujours s'efforcer d'utiliser des denrées disponibles sur place et acceptables pour les intéressés. La participation des mères à ces démonstrations est importante. Elles peuvent aider à préparer les aliments, les faire prendre à leurs bébés durant la séance et, dans certains cas, apporter leurs propres denrées. La sixième partie de ce manuel donne des exemples d'aliments convenant pour les démonstrations.

f) Prendre des mesures préventives contre les maladies gastro-intestinales, les infections et autres troubles précurseurs de la malnutrition. La vaccination contre certaines maladies est au nombre de ces mesures.

g) Mener des études et enquêtes pour préciser les types de malnutrition constatés et leur importance. Les résultats de ces travaux permettront au personnel de santé de donner un avis compétent sur les mesures à prendre. Etudier les pratiques alimentaires locales et les coutumes se rapportant à la nourriture.

h) Participer activement aux travaux de groupe destinés à améliorer la nutrition. S'il n'existe ni comité ni équipe dans la zone ou le village, l'agent de santé peut faire appel à ses collègues des services de l'agriculture, de l'éducation et du développement social pour former une équipe représentative qui traitera les problèmes nutritionnels de façon coordonnée.

i) Prendre des notes et consigner les observations cliniques intéressant la nutrition.

j) Donner des avis sur les régimes alimentaires appliqués dans toutes les institutions de la région considérée. Etablir la valeur nutritive du régime à l'aide des tables de l'annexe 3. Voir ensuite, d'après le tableau 1 de l'annexe 1, si la ration est suffisante. Dans la négative, suggérer des améliorations reposant autant que possible sur des denrées indigènes et n'entraînant pas de majorations excessives du coût des repas.

k) Après avoir analysé le problème dans chaque région et avoir reconnu les facteurs responsables, entreprendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l'alimentation des nourrissons et des moins de cinq ans, en faisant appel à tous les concours disponibles personnel de santé, auxiliaires bénévoles, etc.

l) Encourager un allaitement au sein prolongé.

m) Déconseiller l'usage du biberon pour les nourrissons.

n) Encourager à compléter dès le quatrième mois l'allaitement au sein par d'autres aliments.

o) Organiser de bonnes consultations prénatales et post-natales; évaluer l'incidence de l'anémie et décider s'il y a lieu de donner du fer, à titre prophylactique, à toutes les femmes enceintes.

p) S'efforcer d'améliorer l'hygiène alimentaire sur les marchés, dans les boutiques et dans les foyers.

q) Prendre des mesures pour améliorer le mode de préparation des aliments à la maison afin de minimiser les pertes de nutriments.


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