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2. UTILISATION DE L'INFORMATION


2.1 OBJECTIFS EN MATIÈRE DE POLITIQUE ET D'AMÉNAGEMENT
2.2 L'APPROCHE DE PRÉCAUTION

Les objectifs de la politique et de l'aménagement des pêcheries doivent se fonder sur des analyses de données fiables. On peut grosso modo distinguer les questions de politique et d'aménagement selon qu'elles concernent la sécurité alimentaire, les préoccupations socio-économiques et environnementales, chacune nécessitant, aux fins de décision, des types d'informations déterminés. S'il est possible de recourir à l'approche de précaution quand l'information est insuffisante, l'aménagement doit en général reposer sur “la meilleure information scientifique disponible”, ce qui a d'importantes implications pour ce qui concerne le type, la quantité et la qualité des données à recueillir.

2.1 OBJECTIFS EN MATIÈRE DE POLITIQUE ET D'AMÉNAGEMENT


2.1.1 Contribution des pêches à l'approvisionnement alimentaire
2.1.2 Contribution des pêches à l'économie
2.1.3 Impact de la pêche sur l'écosystème

“Pour assurer l'aménagement durable des pêcheries et faire en sorte que les objectifs sociaux et économiques soient atteints, il faudrait acquérir une connaissance suffisante des facteurs sociaux, économiques et institutionnels par le biais de la collecte de données, de l'analyse et de la recherche.” (CCPR 7.4.5)
Si l'on veut formuler une politique applicable à l'ensemble du secteur halieutique et des plans d'aménagement efficaces pour des pêcheries déterminées, il faut disposer des données appropriées. Les politiques et les plans d'aménagement des pêches doivent partir du principe que le secteur halieutique contribue à l'approvisionnement alimentaire et à l'économie locale et nationale, et constitue une composante essentielle de l'écosystème. La collecte des données doit, de ce fait, englober tous les aspects de la pêcherie, depuis les ressources naturelles et leur exploitation jusqu'aux consommateurs, à l'industrie et au commerce.

La formulation des politiques et des plans détaillés d'aménagement des pêcheries ne relève pas de la portée du présent document. On peut, toutefois, donner quelques exemples de questions qui se posent généralement quand on établit des politiques et des plans d'aménagement.

2.1.1 Contribution des pêches à l'approvisionnement alimentaire

La sécurité alimentaire est un souci primordial des décideurs, des planificateurs et des administrateurs des ressources naturelles vivantes, surtout dans beaucoup de pays en développement. Pour de nombreuses communautés, le poisson peut être la principale source de protéines animales. Les petits États insulaires en développement sont souvent particulièrement tributaires du poisson pour leur alimentation. Il est essentiel d'être en mesure de quantifier la dépendance à l'égard du poisson comme ressource alimentaire pour que les politiques et la gestion assurent une utilisation durable de cette ressource et un accès satisfaisant aux populations qui en dépendent.

2.1.2 Contribution des pêches à l'économie

Pour les besoins de l'élaboration des politiques et de la planification aux plans national et local, il faut définir la place de la pêche dans l'économie. Gérées correctement, les pêches sont à même de procurer de substantiels avantages économiques à l'économie nationale et locale. Les évaluations de la contribution économique des pêches doivent tenir compte de la production de revenu au niveau des communautés locales, de leur rentabilité pour la collectivité au sens large et des recettes en devises tirées des exportations. Divers pays tirent aussi un revenu des redevances qu'ils perçoivent auprès des navires de pêche étrangers en échange d'un accès aux ressources situées dans leurs Zones économiques exclusives (ZEE). Pour beaucoup de petites économies insulaires, c'est un élément appréciable du revenu national. Les évaluations doivent, d'autre part, inclure une mesure de la dépendance économique et sociale. Il faut pour cela disposer d'estimations du nombre de personnes employées dans les secteurs de la récolte, de la transformation et autres, et du nombre total de personnes dépendant de la pêche pour leur subsistance (les travailleurs plus les personnes à leur charge).

2.1.3 Impact de la pêche sur l'écosystème

La pêche diminue les populations de poissons sauvages, abaisse les dimensions des populations à un niveau inférieur à celui du stock inexploité. Cela peut affecter non seulement la population exploitée mais aussi les espèces interdépendantes, qui sont les prédateurs, les proies ou des espèces en compétition avec la population ciblée en tant que ressource alimentaire. Il importe donc de suivre en permanence l'évolution de la communauté ichtyque, ainsi que celle du stock exploité pour veiller à ce que l'écosystème ne soit pas endommagé par la pêche. Des données sur les captures, sur l'effort de pêche, sur les rejets et des données biologiques sont nécessaires pour suivre les effets directs de l'exploitation; un suivi autre que de la pêche et un suivi écologique peuvent être également nécessaires pour repérer toutes les modifications de l'environnement.

Dans le cas des pêches continentales, la création et la perte d'habitats sont souvent un aspect déterminant de la production. Les variations saisonnières et à long terme de la zone d'inondation doivent être surveillées au même titre que les activités de pêche pour rendre compte des différents facteurs qui influent sur les stocks de poissons. Un suivi spécial de l'environnement peut être nécessaire si une pêcherie continentale ou marine est à même d'entraîner des modifications appréciables de l'habitat sous-jacent. C'est une particulière préoccupation en matière de conservation car les modifications de l'habitat sont la principale cause d'extinction des espèces. Les engins qui ont un impact physique sur les habitats benthiques, comme les chaluts de fond et les dragues, peuvent requérir un suivi spécial.

2.2 L'APPROCHE DE PRÉCAUTION

Le Code de conduite pour une pêche responsable insiste sur l'obligation qu'ont les États de conserver les stocks et d'éviter leur surexploitation.

“Le droit de pêcher implique l'obligation de le faire de manière responsable afin d'assurer effectivement la conservation et la gestion des ressources bioaquatiques.” (CCPR 6.1)
Pour ce faire, il leur est demandé de collecter des données de manière que les décisions se fondent sur les meilleures preuves scientifiques disponibles.
“Les décisions portant sur la conservation et l'aménagement dans le domaine de la pêche devraient être fondées sur les données scientifiques les plus fiables disponibles, en tenant compte également des connaissances traditionnelles relatives aux ressources et à leur habitat, ainsi que des facteurs environnementaux, économiques et sociaux pertinents... Les États devraient accorder la priorité à la conduite de recherches et à la collecte de données pour améliorer les connaissances scientifiques et techniques sur les pêcheries...” (CCPR 6.4)
Jusqu'à maintenant, l'aménagement des pêcheries n'a pas réussi à prévenir la surpêche et à restaurer les ressources épuisées Il a donc fallu réexaminer le processus d'aménagement des pêches, y compris le fondement même de tout l'aménagement, à savoir la collecte et l'analyse de l'information.

Un des effets de cette réévaluation a été l'adoption de l'approche de précaution en matière d'aménagement des pêches. L'approche de précaution impose aux gestionnaires de pêcheries d'être prudents quand l'état d'une ressource n'est pas certain, par exemple quand les données concernant la pêche sont insuffisantes ou peu fiables. La pratique suivie dans le passé en matière d'aménagement était généralement que des mesures restrictives devaient être justifiées par une analyse et une interprétation rationnelles des données. Dans le cadre de l'approche de précaution, la charge de la preuve est inversée et il est nécessaire de justifier qu'une mesure est sans danger pour la pêcherie. En l'absence d'une telle assurance, la pêche est ramenée à un niveau minimal. L'approche de précaution est donc une puissante incitation à collecter des données fiables et pertinentes sur les pêcheries.

L'approche de précaution s'est concrétisée dans deux importantes initiatives internationales: l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons et le Code de conduite FAO pour une pêche responsable (article 7.5)

“Les États devraient appliquer largement l'approche de précaution...L'insuffisance d'informations scientifiques appropriées ne devrait pas être une raison de remettre à plus tard ou de s'abstenir de prendre des mesures de conservation et de gestion.” (CCPR 7.5.1)
Quand les données sont insuffisantes, comme dans le cas de pêcheries nouvelles ou exploratoires, le Code dispose que:
“Les États devraient adopter, dès que possible, des mesures prudentes de conservation et de gestion ... Ces mesures devraient rester en vigueur jusqu'à ce qu'on dispose de données suffisantes pour évaluer l'impact de la pêche sur la durabilité à long terme des stocks” (CCPR 7.5.4)
L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (1995) est un instrument contraignant qui applique le principe de précaution tant à la haute mer que dans les ZEE pour ce qui est des stocks chevauchants et des poissons grands migrateurs. Il précise le rôle et les responsabilités des organismes régionaux des pêches et des États de pavillon en matière de collecte et d'échange des données nécessaires pour répondre aux besoins de l'évaluation des stocks et pour étayer les objectifs d'aménagement appliqués aux stocks chevauchants et aux grands migrateurs. L'Annexe I de l'Accord intitulée Normes requises pour la collecte et la mise en commun des données (voir Annexe I) précise quels sont les besoins minimaux de données de la conservation des stocks de poissons. L'article 48 de l'Accord indique que les annexes de l'accord peuvent être révisées de temps à autre, sur la base de considérations scientifiques et techniques, ou peuvent être perfectionnées par les organes régionaux des pêches ou dans le cadre d'arrangements. Il importe de noter que les États de pavillon sont chargés de veiller à ce que les navires battant leur pavillon communiquent les données nécessaires, quel que soit l'endroit où ils pêchent, et sont tenus de vérifier lesdites données.

En outre, l'Accord de la FAO visant à favoriser le respect des mesures de conservation et de gestion, qui fait partie du Code de conduite, stipule que toutes les parties fourniront des informations pour aider à identifier les navires de pêche qui se soustraient aux mesures internationales de conservation et de gestion.


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