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CHAPITRE 1 - INTRODUCTION


Pourquoi ces directives ont-elles été élaborées ?
Qu'entend-on par transfert de la gestion de l'irrigation et quelles en sont les répercussions ?
Pourquoi le transfert de la gestion de l'irrigation est-il si répandu ?
Organisation de ces directives

Pourquoi ces directives ont-elles été élaborées ?

Ces directives ont été élaborées pour aider les décideurs, les planificateurs, les experts techniques et les autres responsables des réformes (y compris les représentants des exploitants) qui s'occupent de programmes de transfert de la gestion de l'irrigation (TGI) à concevoir et à mettre en oeuvre une réforme efficace, globale, intégrée et durable. Autrement dit, une réforme qui profite aussi bien aux gouvernements qu'aux exploitants et aux consommateurs de produits agricoles, contribuant par là à promouvoir un développement rural équitable.

Les fonctionnaires et les représentants des parties intéressées oeuvrant dans les secteurs de l'eau des pays en développement sont souvent forcés de mettre en oeuvre des réformes rapidement. Et ce, même s'ils sont contraints par le manque de temps, de compétences en matière de planification stratégique et d'expériences de transfert de la gestion de l'irrigation. Les présentes directives permettront aux spécialistes de répondre à toute la gamme des questions que peuvent poser la formulation et la mise en oeuvre des programmes de TGI. Cependant, les étapes et les méthodes décrites dans ces directives ne seront pas toujours nécessaires ou applicables dans toutes les situations.

Normalement, nombre des décisions et des mesures relatives aux programmes de TGI ne peuvent se concrétiser qu'au moment de la mise en oeuvre. C'est ainsi que beaucoup de problèmes ou de situations imprévues peuvent surgir pendant la planification et la mise en oeuvre. Les solutions exigeront non seulement des analyses objectives ou techniques mais aussi des négociations, voire des expérimentations.

C'est pourquoi, ces directives ne devront pas être interprétées comme un plan universel mais comme un aperçu général ou une référence dont l'objectif est de mettre les planificateurs face à l'ensemble des aspects que peut revêtir une réforme et qu'il faudra envisager ou traiter. Les planificateurs disposeront ainsi d'une perspective élargie à partir de laquelle élaborer un programme adapté au contexte local et mis en oeuvre avec la participation et le soutien de l'ensemble des parties intéressées.

Qu'entend-on par transfert de la gestion de l'irrigation et quelles en sont les répercussions ?

Le "transfert de la gestion de l'irrigation" est le passage de la responsabilité et de l'autorité de la gestion des organismes publics aux organisations non gouvernementales, telles que les associations d'utilisateurs de l'eau. Il peut s'agir d'un transfert total ou partiel des fonctions de la gestion et comprendre l'autorité totale ou partielle. Sa mise en oeuvre peut se réaliser au niveau sectoriel, c'est-à-dire de la maîtrise des canaux tertiaires, ou de l'ensemble du périmètre d'irrigation, ou encore des forages. D'autres termes sont utilisés comme synonymes de transfert, notamment dévolution, prise en charge, décentralisation, privatisation1 ou désengagement.

1La privatisation consiste normalement dans le transfert des avoirs du périmètre d'irrigation du gouvernement au secteur privé. Pour plus de détails sur la décentralisation et la dévolution, voir les documents présentés à la consultation technique sur la décentralisation, Rome, décembre 1998, organisée par la division du développement rural de la FAO.
L'expression "gestion participative de l'irrigation" se rapporte normalement à la participation des utilisateurs de l'eau, conjointement au gouvernement, à la gestion de l'irrigation. Elle diffère du TGI qui veut dire remplacer le gouvernement. Après le transfert, le nouveau service peut ou non être fourni directement par une organisation d'agriculteurs. Le fournisseur du service peut être une entreprise financièrement autonome, un office semi-municipal de l'eau, une mutuelle ou une autre entité locale. Mais un tel service relèvera normalement, en partie du moins, des exploitants qui en sont les premiers bénéficiaires.

En outre, le TGI se distingue de la décentralisation, qui signifie normalement le passage de la prise de décisions du niveau central aux niveaux régional ou local tout en restant au sein de la même organisation gouvernementale. Le TGI est le transfert des responsabilités de la gestion de l'irrigation d'une organisation à une autre.

Le TGI est une réforme qui recouvre de nombreux domaines et qui peut entraîner des changements aux niveaux suivants:

· politique générale et législation;
· mandat et structure des organisations publiques et locales;
· budget d'entreprise, politique du personnel et affectations;
· droits d'usage de l'eau et organisations d'agriculteurs;
· procédures opérationnelles et conception technique;
· installation de nouveaux services de soutien;
· autres.

Pourquoi le transfert de la gestion de l'irrigation est-il si répandu ?

Après une période d'expansion accélérée des zones irriguées dans le monde entier aux cours des années 1950 jusqu'au début des années 1980, de nombreux gouvernements ont eu du mal à financer les coûts périodiques de l'irrigation ou à recouvrer les redevances pour l'eau à la charge des exploitants. En effet, les administrations financées au niveau central ne sont pas toujours à même de fournir des services efficaces d'approvisionnement en eau à un grand nombre de petits exploitants. Ces facteurs ont entraîné la détérioration rapide des infrastructures, l'amenuisement des superficies irriguées, la distribution impropre de l'eau associée à des pertes, ainsi que l'engorgement progressif et la salinisation des sols. Soumis à de fortes pressions financières, de nombreux gouvernements cherchent désormais à transférer la responsabilité de la gestion des périmètres irrigués à des fournisseurs de services de l'eau locaux, tels que les associations d'utilisateurs.

Depuis le milieu des années 1980, les gouvernements ont redoublé d'efforts dans le monde entier pour transférer la gestion des périmètres irrigués des organismes publics aux organisations d'exploitants ou à d'autres entités non gouvernementales. Ce phénomène s'est produit dans des pays présentant différents niveaux de développement (Etats-Unis et Indonésie), dans des pays capitalistes et socialistes (Chili et Chine) et dans des pays dont l'économie est plus ou moins libéralisée (Mexique et Soudan). D'une manière générale, les gouvernements espèrent que le TGI leur permettra de réduire les coûts de l'irrigation et d'augmenter suffisamment la productivité et la rentabilité de l'agriculture irriguée pour compenser un accroissement éventuel des frais de l'irrigation à la charge des exploitants.

Certains pays comme le Chili, le Mexique et la Chine ont avancé sensiblement dans cette voie. D'autres, comme l'Indonésie, les Philippines et quelques Etats de l'Inde, ont entrepris des programmes de transfert mais paraissent s'être enlisés dans des problèmes de mise en oeuvre. Quelques pays encore ont transféré la gestion des petits périmètres et envisagent actuellement le transfert de celle de périmètres plus étendus, bien qu'ils se rendent comptent que, dans ce cas, de nouveaux fournisseurs de services seront indispensables. Au Pakistan, dans quelques Etats de l'Inde et dans plusieurs pays africains, les gouvernements semblent au bord d'une réforme mais sans avoir défini les politiques et les plans leur permettant de procéder.

Le tableau 1 fournit une liste de pays ou d'Etats qui ont adopté des politiques de transfert de la gestion de l'irrigation au cours des 30 dernières années. D'autres pays comme les Etats-Unis, le Japon, l'Espagne, Israël et l'Argentine ont amorcé ce transfert il y a plus de 30 ans. Dans de nombreux pays dont la Thaïlande, l'Indonésie, la Chine, l'Espagne et le Pérou, les exploitants gèrent de façon durable des périmètres irrigués depuis des siècles.

TABLEAU 1 - Pays ou Etats qui ont adopté des politiques de transfert de la gestion de l'irrigation au cours des 30 dernières années

Amérique latine

Asie du sud, du sud-est et de l'est

Afrique et Proche-Orient

Europe et Asie centrale

Brésil, Chili,Colombie, République dominicaine, Equateur, El Salvador, Guatemala, Mexique, Pérou

Bangladesh, Chine, Inde (Andhra Pradesh, Bengale, Gujarat, Haryana, Maharashtra, Tamil Nadu), Indonésie, Laos, Népal, Pakistan, Philippines, Sri Lanka, Viet Nam

Ethiopie, Ghana, Jordanie, Madagascar, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Nigéria, Sénégal, Somalie, Afrique du sud. Soudan, Turquie Zimbabwe.

Albanie, Arménie, Bulgarie, Chypre, Géorgie, Kazakhstan, Macédoine, Moldova, Roumanie

Organisation de ces directives

Ces directives sont organisées en fonction des quatre étapes du transfert de la gestion de l'irrigation. La première étape (chapitre 2) concerne la mobilisation de l'appui nécessaire à l'adoption d'une politique de transfert. Elle comporte la sensibilisation du grand public et des décideurs et la préparation et l'adoption d'une définition de la politique de transfert. Le processus peut s'arrêter là si l'appui est insuffisant ou si l'on s'aperçoit que le moment ou le lieu sont inopportuns. Si l'on décide de procéder, les responsables de la formulation des politiques, de la planification et de la mise en oeuvre sont guidés à travers les étapes successives.

La deuxième étape (chapitre 3) consiste dans la planification stratégique des mécanismes de base de la réforme. Elle peut comprendre la constitution d'un comité de coordination et des groupes de travail et de réflexion, ainsi que la préparation d'un plan stratégique concis.

La troisième étape (chapitres 4 à 7) traite d'importantes questions de politique qui devront être réglées avant de planifier la mise en oeuvre, à savoir i) comment le sous-secteur de l'irrigation sera financé après le transfert de la gestion de l'irrigation; ii) quel niveau de restructuration de la législation et du sous-secteur sera nécessaire en vue de faciliter le transfert; iii) quelles sont les fonctions de la gestion qui devront être transférées; iv) à quel type d'organisation le gouvernement devra-t-il confier la gestion.

La quatrième étape (chapitres 8 à 11) concerne la planification et la mise en oeuvre. Elles ont été associées à bon escient car, en pratique, la planification s'élabore en pendant le processus de mise en oeuvre. Les tâches fondamentales relatives à cette étape sont l'établissement et le renforcement des associations d'utilisateurs et des fournisseurs du service de l'eau, l'amélioration des infrastructures d'irrigation, le suivi et l'évaluation et l'adaptation des plans aux enseignements tirés de la mise en oeuvre.

Ces chapitres sont suivis d'annexes qui fournissent un surcroît de références. Elles incluent une liste de publications et de documents relatifs au transfert de la gestion de l'irrigation.


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