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4. ORIENTATIONS METHODOLOGIQUES


4.1. Sources d’information
4.2. Recensements agricoles


Toutes les étapes du processus de production des statistiques doivent être conduites avec une vigilance toute particulière afin de garantir l’obtention d’une information statistique intégrant les aspects relatifs aux questions de genre.

Le recensement agricole n’est pas la seule source d’informations statistiques sur le secteur mais il est par contre la plus importante et est le pivot autour duquel s’articulent d’autres sources. Celles-ci peuvent avoir comme objectif principal soit l’actualisation de certains indicateurs sur des périodes ultérieures au recensement soit l’approfondissement de certains volets dont la complexité empêche le traitement dans le cadre du recensement. De plus, certaines enquêtes ne visent pas le secteur agricole en soi, mais fournissent des informations pertinentes sur celui-ci. Par ailleurs, certains instruments disponibles permettent de saisir une partie de l’information; ce sont, entre autres, le recensement de la population, les registres administratifs, etc. Toutes ces sources présentent à la fois des avantages et des limites.

Le recensement agricole a une qualité irremplaçable, celle de sa couverture géographique. C’est la seule source qui rend compte de toutes les exploitations, grandes et petites, sur l’ensemble d’un pays. Cependant, l’envergure de l’opération exige une simplification et un nombre limité de questions qui peut nuire à l’approfondissement des sujets explorés et au niveau de qualité.

Certaines limites peuvent être surmontées par des enquêtes par échantillon probabiliste spécialement conçues pour des sujets précis, par exemple, les enquêtes budget-temps, les enquêtes de consommation alimentaire. Elles permettent, d’une part, un plus grand nombre de questions précisant au mieux les rubriques et, d’autre part, une mise en œuvre par un personnel mieux formé et un contrôle plus approfondi de l’opération de terrain et du traitement de l’information. Le principal inconvénient de ces enquêtes est que les informations ne sont significatives que pour de grandes agrégations géographiques ou un nombre limité de zones en fonction de la base de sondage arrêtée par rapport aux objectifs spécifiques de recherche et du budget disponible. Elles peuvent également présenter des problèmes pour le plan d’échantillonnage et des déviations d’application peuvent survenir au niveau du terrain.

Il n’existe certes pas de statistiques parfaites mais il est évident que toute source traitée avec rigueur est extrêmement utile. Les biais et les lacunes ainsi que leur portée peuvent être connus et des déductions acceptables effectuées. L’idéal est de ne pas se limiter à une seule source mais d’en utiliser plusieurs en appréciant leurs différences et leur complémentarité.

L’information requise doit être le fruit d’un système statistique, c’est-à-dire le cumul de diverses sources, reliées entre elles et partageant une base conceptuelle et méthodologique commune ou, pour le moins, dotées de mécanismes favorisant leur complémentarité.

4.1. Sources d’information


4.1.1. Les recensements de la population et sur l’habitat
4.1.2. Les enquêtes sur la consommation alimentaire
4.1.3. Les enquêtes sur les revenus et les dépenses du ménage
4.1.4. Les enquêtes sur l’emploi
4.1.5. Les enquêtes budget-temps
4.1.6. Les études sur les ressources naturelles et l’environnement


Les différentes sources fournissant des renseignements sur le secteur agricole et ayant un potentiel pour intégrer une approche de genre sont présentées ci-après, suivies des caractéristiques du recensement agricole, axe central du système d’information sur le secteur.

4.1.1. Les recensements de la population et sur l’habitat

Les recensements de la population et sur l’habitat apportent une large gamme de données sur la population: caractéristiques socio-démographiques des membres des ménages, leur activité principale, estimations sur les migrations internes, etc. Par ailleurs, les questions sur l’habitat, traitées généralement en même temps que les recensements démographiques, éclairent sur la situation du logement et des services liés à l’habitat.

Ces recensements sont certainement une mine d’informations pour connaître la population rurale. Cependant, par leur nature, ces sources ont des limites à l’obtention d’une vue d’ensemble de la population active agricole. L’une d’entre elles est la période de référence, une autre l’accent porté sur l’activité principale mentionnée par les répondants. Le recensement de la population cherche à obtenir des renseignements à un moment donné ou sur une période très brève (semaine précédant le recensement). Etant donné le caractère saisonnier des activités agricoles, cette image ponctuelle est insuffisante pour mesurer la main-d’oeuvre et l’emploi en milieu rural. De plus, le recensement de la population ne saisit normalement qu’une seule activité, celle que le répondant considère comme son activité principale. Si la personne interrogée estime que l’activité agricole n’est pas sa principale activité, celle-ci est de fait évacuée53, ce qui empêche par la suite de connaître le nombre total de personnes engagées dans la production agricole. Une autre limite de taille est le sous-enregistrement de l’emploi féminin, agricole et non-agricole, qui a déjà fait l’objet de nombreux commentaires.

53 Dans les recensements de population, en règle générale, le répondant peut décider quelle est son activité économique principale. Il a le choix entre: celle qui fournit le plus de revenus; celle pour laquelle il consacre le plus de temps; celle qui est la plus stable; celle dans laquelle il a le plus d’ancienneté. Il est par contre toujours recommandé de donner priorité à l’activité économique sur les activités non-économiques; par exemple, un retraité, une personne au foyer qui travaillent devront être enregistrés comme actifs, ce qui n’est pas toujours possible vu les préjugés existants.

Cependant, les avantages d’un recensement de la population sont multiples et doivent être mis à profit pour la connaissance du secteur agricole. En premier lieu, la couverture est universelle, urbaine et rurale, et fournit ainsi une excellente base de sondage des ménages pour détecter les petites exploitations. Dans certains pays, le recensement de la population et le recensement agricole ont été conduits en même temps (Costa Rica) mais ceci est rarement possible vu la complexité de chaque opération.

L’idéal serait que le recensement de population inclue une question spécifique sur l’activité agricole. Une question générale sur l’activité secondaire n’assure pas toujours le repérage de l’activité agricole puisque celle-ci peut être considérée en troisième lieu. A titre d’exemple, les femmes cultivant une parcelle et vendant des produits prêts à la consommation (beignets, arachides sucrées, etc.) sont nombreuses. Pourtant, ces mêmes femmes déclarent qu’elles sont commerçantes ou que leur activité se limite à la transformation des produits. Elles n’indiquent pas qu’elles sont agricultrices. L’inclusion d’une demande particulière sur l’activité agricole dans les recensements de population pourrait permettre de procéder, après identification des ménages ayant répondu positivement, à la passation du questionnaire du recensement agricole ou à une enquête par sondage. Dans cette option fortement recommandable, il est évident qu’entre les deux recensements (population et agricole), le laps de temps ne doit pas être trop long. En outre, une totale collaboration entre les deux équipes est requise, ce qui n’est pas toujours possible étant donné qu’elles relèvent, le plus souvent, d’administrations différentes.

4.1.2. Les enquêtes sur la consommation alimentaire

Ces enquêtes recueillent des données sur la consommation alimentaire et visent parfois à mesurer l’état nutritionnel. Dans la mesure où la nourriture est commune à la famille, il est difficile d’établir une différenciation pour chacun des membres: les données sont globales pour l’ensemble de la famille. C’est ainsi que la moyenne quantitative d’aliments consommés par personne surestime automatiquement la quantité consommée par les femmes des ménages pauvres. Toutefois, étant donné l’état nutritionnel, on peut supposer que, en général, elles mangent moins que les autres membres de la famille.

Pour mesurer l’état nutritionnel, des opérations sophistiquées sont requises telles que la prise de mesures anthropométriques (rapport poids-taille, périmètre brachial, etc.), qui sont onéreuses et exigent un personnel et un équipement hautement spécialisés.

4.1.3. Les enquêtes sur les revenus et les dépenses du ménage

En général, ces enquêtes retiennent comme unité d’observation et d’analyse le ménage où sont recueillies des informations sur les dépenses et les revenus. Les questions relatives à l’activité principale s’adressent soit à tous les membres du ménage en âge de travailler, soit à la personne qui dirige la famille. La limite, dans le premier cas, est identique à celle mentionnée pour le recensement de la population qui se concentre seulement sur l’activité principale. Dans le second cas, l’information est extrêmement réduite puisqu’une seule personne est interrogée, le chef de famille, ce qui exclut probablement les femmes. L’analyse est biaisée puisqu’elle s’effectue sur la base du sexe du chef de famille et l’apport des revenus et la répartition des dépenses de et entre chaque membre sont méconnues. Une autre limitation sérieuse à ces enquêtes est l’omission, parfois délibérée, des zones rurales. La grande utilité de ces enquêtes réside dans le fait qu’il est possible d’en déduire les dépenses pour l’alimentation.

4.1.4. Les enquêtes sur l’emploi

Les enquêtes sur l’emploi ou la main-d’œuvre ont une couverture variable parce qu’elles sont souvent effectuées à partir d’un échantillon probabiliste qui n’inclut, pour certains pays, que les villes principales et pour d’autres que les zones urbaines. Parfois, ces enquêtes sont conçues pour couvrir la population globale du pays sans aucune différenciation ou au contraire en établissant des répartitions urbain-rural ou par région. Si ces enquêtes sont élaborées spécifiquement, elles peuvent être un moyen pour obtenir des informations sur les habitants qui vivent et travaillent en milieu rural, y compris les travailleurs familiaux non rémunérés, les travailleurs des petites exploitations ou les journaliers des grandes entreprises. On a recours à des enquêtes effectuées de façon régulière pour appréhender les changements saisonniers.

Au cours de ces enquêtes, des précautions doivent être prises pour surmonter les problèmes des recensements de la population relatifs à la mesure de l’emploi agricole autre que l’activité principale. L’utilisation de questions filtres peut permettre le recueil de données sur les groupes fréquemment négligés (femmes, enfants, anciens). Ces inconvénients peuvent être contournés s’ils sont clairement énoncés et si l’expérience accumulée dans le domaine est valorisée.

4.1.5. Les enquêtes budget-temps

Les enquêtes sur l’emploi du temps sont probablement les plus aptes à évaluer la contribution des hommes et des femmes aux activités économiques et non-économiques. Elles sont idéales pour étudier la division sexuelle des tâches au sein du ménage et pour mesurer la répartition du travail économique, rémunéré ou non. Ces enquêtes peuvent quantifier le travail agricole fourni par les hommes et les femmes. Malheureusement, la délimitation confuse entre activité économique et tâche domestique rend complexe la précision. En outre, la perception et l’évaluation du temps sont variables d’une zone à l’autre et entre milieu urbain et milieu rural. Dans ce cas, les méthodes anthropologiques peuvent suppléer valablement les techniques statistiques. Une publication de la FAO54 signale à cet égard:

54 FAO, Collecting statistics on agricultural population and employment, Economic and Social Development Paper No. 7, page 119

“Le concept de temps de travail dans l’activité agricole est plus difficile à saisir que pour d’autres branches d’activité économique étant donné que le travail agricole implique que l’on travaille dans les champs, qu’on transporte les produits au marché, qu’on s’approvisionne en ville, qu’on tienne les registres, etc. En outre, il n’existe pas un lieu fixe de travail: une partie du travail se fait aux champs, une autre à la maison, en ville, au marché ou ailleurs. La distance entre ces lieux peut être longue et absorber beaucoup de temps. Au moment d’enregistrer le temps travaillé par le(la) paysan(ne), les travailleurs apparentés et ceux qui sont rémunérés, il est donc recommandé d’inclure tous les temps de travail et de déplacement importants.”

L’expérience permet d’accomplir des progrès et les institutions statistiques nationales ont de plus en plus recours aux études et enquêtes budget-temps pour quantifier le travail non rétribué afin de faire apparaître sa valeur dans les systèmes de comptabilité nationale.

4.1.6. Les études sur les ressources naturelles et l’environnement

Face à la détérioration universelle de l’environnement ou “changement global” (diminution de la couche d’ozone, réchauffement de la planète et perte de la biodiversité), les recherches et les plans d’action ont proliféré dans le monde entier. Leurs objectifs, leur couverture et leur méthodologie sont fort variables. En ce qui concerne les thèmes traités par ce document, on peut souligner les efforts en cours pour obtenir des informations sur l’utilisation des ressources ligneuses et non-ligneuses, particulièrement quand elles sont un complément aux activités agricoles de subsistance.

4.2. Recensements agricoles


4.2.1. La définition des objectifs et la portée du recensement
4.2.2. La conception du questionnaire
4.2.3. Le plan de tabulation
4.2.4. La campagne d’information et la demande de collaboration
4.2.5. L’unité de dénombrement et la couverture
4.2.6. Le plan d’échantillonnage (sondage)
4.2.7. La sélection du personnel
4.2.8. Les manuels d’instructions et la formation des enquêteurs
4.2.9. Les manuels d’instructions et la formation des superviseurs
4.2.10. L’adéquation des répondants
4.2.11. Le recensement pilote
4.2.12. Le traitement des données
4.2.13. La présentation des données
4.2.14. Le programme de diffusion


Les recensements agricoles recueillent des données sur les exploitations agricoles en les centrant sur la production elle-même: récolte, cheptel, intrants et facteurs de production agricoles. Dans beaucoup de pays, les ressources humaines ne sont absolument pas prises en compte, dans d’autres, elles le sont marginalement. Seuls quelques pays utilisent des questionnaires détaillés sur les membres des ménages et la main d’œuvre engagée. La portée et les objectifs de ces recensements varient selon les époques et les pays, et souvent, au sein d’un même pays, en fonction des besoins nationaux et des recommandations internationales.

En 1995, la FAO, dans son Programme du recensement mondial de l’agriculture 2000, a montré son souci de couverture universelle et son intérêt pour les activités des membres des ménages ayant une exploitation55. Cette nouvelle approche marquera sans aucun doute un tournant dans l’histoire des recensements agricoles car dans le passé, l’emphase accordée aux facteurs de production, autres que la force de travail, ne laissait guère d’espace à la main-d’œuvre engagée dans les processus de production agricole56. L’information compilée et enregistrée sur les ressources humaines et sur leur contribution était pauvre.

55 Cette préoccupation se confirme dans le document du programme qui propose une typologie des ménages liés à une unité de production agricole (pages 32-33) et insiste sur la nécessité de saisir l’information pertinente. Il y est proposé également de saisir les caractéristiques socio-démographiques et de participation aux activités économiques (agricoles et non agricoles) de tous les membres du ménages (pages 34-35). Ces aspects ont déjà été discutés au chapitre 3.

56 L’argument était que le nombre de travailleurs agricoles pouvait être connu par les recensements de la population; les limites de cette source pour la population économiquement active dans l’agriculture ont été commentées auparavant.

Une autre limite fréquente des recensements agricoles est l’exclusion des petites exploitations. Elle obéit, d’une part, à des raisons techniques et, d’autre part, aux objectifs des recensements agricoles. L’exclusion des petites unités réduit les coûts et simplifie le dénombrement. Dans le passé, l’objectif principal visait à connaître les caractéristiques des grandes unités où se concentre la production. Toutefois, depuis que la pauvreté, l’insécurité alimentaire et la dégradation de l’environnement sont les domaines prioritaires de lutte, la connaissance, par des procédures appropriées, de la population féminine et masculine dépendant de la production de leurs exploitations agricoles est fondamentale.

Dans certains pays, les exploitations en zone urbaine et/ou celles dont la taille est inférieure à un certain seuil, subjectivement défini, sont écartées du dénombrement. Les difficultés pratiques de repérage et les ressources limitées en sont les causes, mais l’explication profonde est sujette à une hypothèse propre aux pays développés. En effet, l’argumentation est que la production de ces exploitations n’est pas significative pour l’ensemble de la production agricole et qu’elle n’est que le résultat d’activités “mineures ou secondaires”. Pourtant:

· L’exclusion des zones urbaines peut conduire à une sous-estimation de la contribution des femmes à la production agricole, particulièrement dans les pays en développement.

· La production de ces unités est vitale pour la survie de beaucoup de foyers et l’information caractérisée sur les activités devient décisive à la formulation des politiques.

· L’ambiguïté de la définition du concept urbain et rural est un problème sérieux pour lequel les Nations Unies n’ont pas encore pu formuler des recommandations précises vu la diversité des situations. Parfois, l’espace urbain est défini à partir de catégories juridiques et des besoins politico-administratifs, sans lien avec la densité de population, la fourniture de services et les activités économiques (c’est le cas du Mozambique et d’autres pays).

La solution pour laquelle chaque pays optera dépendra de son infrastructure statistique et des ressources financières disponibles. Les options possibles sont les suivantes:

· Utiliser dans le même recensement agricole des questionnaires différents pour les petites exploitations et pour les grandes et moyennes exploitations;

· Etablir un échantillonnage probabiliste au sein du recensement agricole afin de saisir l’information sur les petites unités;

· Effectuer des enquêtes agricoles et sur l’emploi rural pour collecter des informations plus détaillées sur les petites exploitations sur la base d’un échantillonnage probabiliste à partir du recensement comme base de sondage. Le but est de recueillir des informations plus détaillées sur les petites exploitations.


Le recensement est une grande entreprise qui ne doit être amorcée que lorsque sa réalisation totale est assurée. Pour l’initier, on devra disposer d’un cadre légal précisant l’institution chargée de sa réalisation, ses attributions et ses responsabilités. Un budget doit être préparé et les sources de financement garanties. Dans les premiers chapitres, il a été recommandé que les utilisateurs participent à certaines étapes car, en plus des avantages techniques que cela représente, cette participation permet de s’adjoindre leur soutien actif pour le rassemblement des fonds nécessaires à la mise en œuvre d’un tel projet. Une fois la décision prise, les équipes de travail sont constituées et placées sous l’égide d’une coordination extrêmement performante. A chaque équipe sont attribuées des tâches spécifiques clairement définies qui ont trait à:

· la conception;
· l’administration;
· les activités de terrain;
· le traitement des données;
· la communication sociale.

Les tâches sont nombreuses et seules les plus saillantes57 sont mentionnées ici; celles qui influent de façon importante une perspective de genre seront traitées ultérieurement.

57 Pour approfondir chaque type de tâches, il existe nombre de documents publiés par la FAO, tels celui du programme du recensement mondial de l’agriculture 2000.

L’équipe de conception part de l’examen des objectifs du recensement et de sa portée et définit si un sondage est nécessaire. Elle développe les outils de collecte, les manuels d’instructions et les matériaux de formation, les plans de tabulation et les formats de présentation des données. Elle arrête les critères de vérification des données recueillies et révise les critères de classification et de groupement des variables.

L’équipe d’administration est responsable de la préparation du budget et de la logistique. Elle tient compte des besoins transmis par les autres équipes et veille à faire parvenir, à temps, les ressources matérielles et financières à toutes les unités opérationnelles du recensement. Cette équipe est chargée aussi de contrôler l’exécution du budget.

L’équipe chargée des activités de terrain participe dès les préparatifs cartographiques jusqu’aux enquêtes comprises. Elle coordonne la formation des superviseurs et des enquêteurs en collaboration avec l’équipe conceptuelle. Elle analyse les chemins critiques pour le recueil des données qu’elle effectue et supervise. Elle contrôle la documentation de tout le matériel utilisé et, si besoin est, arrête l’échantillonnage sur le terrain en suivant les directives.

L’équipe de traitement des données conçoit les programmes de saisie et de vérification, compile l’information relevée en fonction du format décidé par l’équipe conceptuelle. Cette équipe participe dès l’élaboration du questionnaire et des procédures de contrôle, comme l’équipe de terrain, pour arrêter un cadre qui facilite le travail des deux équipes et qui évite les erreurs lors du recueil des données, de leur compilation et de leur traitement.

L’équipe de communication sociale a deux tâches principales: avant le recensement, celle de sensibiliser les répondants pour s’adjoindre leur coopération et diminuer les risques de biais et, après le recensement, celle de diffuser les résultats les plus importants au niveau du grand public.

On trouvera ci-dessous des commentaires généraux sur les aspects fondamentaux liés à l’incorporation de la dimension du “genre” dans la réalisation d’un recensement, dont la mise en oeuvre s’articule autour des grandes composantes suivantes:

1. la planification et l’organisation du recensement;
2. les activités sur le terrain;
3. le traitement des données;
4. la présentation et la diffusion des résultats.


Ces composantes elles-mêmes se détaillent en différentes étapes:

· la définition des objectifs et la portée du recensement;
· la conception du questionnaire;
· l’élaboration du plan de tabulation;
· la campagne d’information sur le recensement et l’appel de collaboration des répondants;
· le dénombrement et la couverture;
· le plan d’échantillonnage;
· la sélection du personnel;
· les manuels d’instructions et la formation des enquêteurs et des superviseurs;
· l’adéquation des répondants;
· le recensement pilote;
· le traitement des données;
· la présentation des données;
· le programme de diffusion.

Comme il a été mentionné au début de ce chapitre, toutes les étapes de ce processus doivent faire l’objet de vigilance pour que les informations soient collectées par sexe. Ci-après, étape par étape, sont mis en exergue les aspects particulièrement pertinents pour l’application de l’approche genre à un recensement agricole.

4.2.1. La définition des objectifs et la portée du recensement

La prise en compte de la problématique de genre dans le recensement sous-tend l’inclusion de nouveaux sujets et l’adoption de directives et de recommandations internationales. Aussi pour que la récolte des données soit conduite de façon à mesurer effectivement le travail, la capacité et le degré d’accès aux ressources, autant des hommes et des femmes, une discussion et un accord s’imposent. Ceux-ci doivent avoir lieu dès le démarrage de l’opération de recensement lors de la fixation des objectifs et de la planification des activités.

Il faut tout d’abord identifier les besoins en données et définir clairement les objectifs et la portée du recensement en respectant les intérêts spécifiques des partenaires et les préoccupations politiques du pays. A ce stade, examiner les études et enquêtes existantes est indispensable pour éviter la duplication des efforts, assurer la cohérence des concepts et des définitions et établir les bases d’un système intégré de statistiques agricoles.

En résumé, les objectifs d’un recensement agricole sont de:

· obtenir, traiter et diffuser des informations de base sur le secteur agricole, c’est-à-dire évaluer le produit généré par ce secteur (denrées alimentaires et matières premières), les ressources matérielles et la force de travail féminine et masculine. Ceci oblige à prendre les précautions nécessaires pour ne pas omettre les petites unités;

· garantir un dénombrement de toutes les exploitations du pays (couverture la plus large possible) pour un résultat pertinent et de qualité;

· développer des bases de sondage utiles à un système d’enquêtes périodiques pour le secteur agricole.

4.2.2. La conception du questionnaire

La qualité des statistiques selon le genre dépend fortement de la conception du questionnaire, étape qui conduira à des erreurs d’adoption des concepts et définitions, de formulation et d’enchaînement des questions ainsi que de langage si elle est mal conduite. La crédibilité des réponses est totalement liée à cette étape conceptuelle.

L’intégration d’une perspective de genre passe par l’examen des concepts et des définitions, la reformulation des questions ainsi que la révision des méthodes et des procédures. Souvent, toute intention de saisir des informations relatives au genre est rejetée d’avance en argumentant sur le risque de redondance ou le besoin d’ajout de questions conduisant à des questionnaires trop longs. En réalité, des questions complémentaires sont rarement nécessaires.

Pour la formulation du questionnaire, la collaboration des groupes d’usagers est précieuse. La constitution d’un comité, incluant des spécialistes de genre, serait judicieuse. Les membres du comité doivent être pleinement conscients de ce que peut couvrir un recensement et avoir des connaissances sur l’utilisation analytique des statistiques afin de ne solliciter que des données accessibles. Ce comité peut aider à clarifier des concepts, à argumenter leur importance et à surmonter les réticences classiques face à l’adoption d’une approche de genre.

Traditionnellement, les rubriques et les définitions statistiques étaient formulées sans aucune considération des spécificités de genre et généralement négligeaient des aspects essentiels à la détermination de la situation des femmes. Au cours des dernières années, une bonne partie des efforts internationaux pour améliorer la qualité et la couverture des statistiques dans une perspective de genre se sont concentrés sur la révision des définitions-types, surtout pour l’emploi58. Cet examen a été conduit par des experts de tous horizons (statistiques économiques, emploi, démographie, etc.) qui se sont appuyés sur l’expérience des instituts nationaux de statistiques, sur des recherches spécifiques et des études de cas. Les résultats ont nettement enrichi la façon de mesurer ce qu’il en est pour les hommes et les femmes. Dans la mesure du possible, les pays devraient adopter les recommandations internationales qui fournissent l’opportunité d’effectuer des comparaisons et d’inclure dans les bases de données des organisations internationales des informations actualisées de chaque pays.

58 Parmi les événements importants, on peut mentionner la révision en 1982 de la définition de la population économiquement active et de la population au chômage, adoptée par la XIIIème Conférence des statistiques du travail; la révision en 1993, du Système de comptabilité nationale des Nations Unies et l’adoption en 1993, de la première définition du secteur informel par la XVème Conférence des statistiques du travail. Voir chapitres précédents.

Lors de l’élaboration du questionnaire, les biais statistiques les plus connus doivent être évités. Parmi les causes les plus classiques de distorsions, on peut mentionner59:

59 Adapté de: Francesca Perucci, Birgitta Hedman, Engendering Statistics, (ronéo).

· Les concepts et définitions inadéquats: qui ne reflètent pas de façon appropriée les disparités entre hommes et femmes en milieu rural (par exemple, la définition de chef de famille, d’exploitant, d’activité économique, etc.).

· La formulation erronée des questions: un cas typique est la question relative à l’emploi dans l’exploitation. Elle est souvent si mal formulée que l’emploi est entendu exclusivement comme activité régulière et rémunérée. C’est ainsi que la plupart des femmes sont exclues des dénombrements.

· Le mauvais choix du répondant: qui ne peut pas informer correctement sur les autres personnes ou travailleurs de l’exploitation. Par exemple, les hommes peuvent dire que les femmes sur l’exploitation ne font pas partie des actifs.

· La sélection erronée des enquêteurs: qui introduisent, lors de l’énonciation des questions, des valeurs et des préjugés dus à un parti pris, à une formation insuffisante ou par simple négligence.

· Les difficultés de communication: avec les répondants qui ne comprennent pas le questionnaire ou le langage utilisé; en règle générale, surtout lors d’un entretien avec une femme, l’origine de ce blocage provient de questions trop techniques ou du recours à une terminologie complexe.

· La dissimulation de la vérité: par les répondants et délibérément afin de coller au discours social dominant ou bien par suspicion ou crainte sur le but de la question; par exemple, les hommes cachent volontairement, pour des raisons sociales ou/et culturelles, le fait que leur(s) épouse(s) travaillent sur l’exploitation.


Cadre conceptuel

La première étape conceptuelle du questionnaire repose sur l’identification et l’explicitation des concepts et des définitions. Ce passage obligé est primordial pour mesurer la contribution des femmes et des hommes à l’exploitation et pour identifier leurs caractéristiques socio-économiques et leur degré d’accès aux ressources. Tout ceci a fait l’objet des chapitres précédents où il a été démontré que l’adoption de définitions inadéquates peut conduire, entre autres, à la sous-estimation du travail des femmes et des ménages dirigés par une femme. Les concepts doivent être traduits en questions concrètes, ce qui suppose de:

· identifier les concepts à explorer en relation avec les objectifs et la portée du recensement;

· déterminer le mode d’application pratique de la définition et préciser les détails des critères adoptés;

· spécifier les critères de classification des options possibles. Des recommandations internationales existent pour les catégories principales mais il est conseillé de les modeler aux réalités spécifiques à chaque pays.


Tous les éléments, concepts, définitions, critères d’application doivent apparaître dans le questionnaire qui, dans la mesure du possible, doit se suffire à lui-même sans qu’il y ait besoin de le surcharger de commentaires. Les manuels d’instructions ne sont pas destinés à compenser la défaillance du questionnaire. Au contraire, leur utilité est d’aider à la résolution de situations atypiques, d’éviter les biais lors du recensement et d’appuyer la formation des enquêteurs et des superviseurs. Il est suggéré de les illustrer par des exemples pour garantir des relevés corrects de données.

En général, la complexité des questionnaires est sous-estimée, ce qui peut réduire la portée des étapes ultérieures. L’investissement de temps et de ressources pour la formulation est crucial, sachant qu’il n’existe pas de modèle de questionnaire “clé en main” étant donné la diversité des contextes des pays. Les responsables de l’élaboration du questionnaire devront examiner les expériences de leur pays et d’autres pays, en particulier ceux qui sont similaires et, surtout, ils devront effectuer un test sur le terrain.

Formulation des questions

La rédaction des questions fera l’objet de soins minutieux sachant que de nombreuses rubriques sont cognitivement porteuses de réponses fausses. Les malentendus sont souvent dus à une mauvaise formulation des questions et des instructions d’application, mais les interprétations personnelles des enquêteurs n’y sont pas étrangères surtout lorsqu’il s’agit d’un domaine aussi sensible que celui de la problématique de genre.

Une attention toute particulière doit être portée aux risques de réponses induites par le mode de questionnement. Par rapport aux distorsions connues et pour récupérer l’information perdue lors de la première demande, l’alternative est, soit de reformuler la question soit d’ajouter des questions-filtres compensatoires. On a déjà parlé des déviations possibles dans les chapitres précédents. Les femmes ont tendance à se considérer elles-mêmes comme personnes au foyer, sous-estimant leur contribution économique, particulièrement celle liée à l’exploitation familiale. Les activités telles que planter, récolter ou égrener sont perçues comme des tâches domestiques alors qu’elles sont économiques. Par habitude, le mot travail induit celui de rémunération. En outre, dans différentes cultures, les hommes sont réticents à reconnaître que leur(s) femme(s) et leurs filles travaillent étant donné le contrôle social qui s’y réfère. L’équation sexiste homme égal revenu familial conduit à dénombrer les femmes comme personnes au foyer et elle est maintenue si les enquêteurs sont des hommes.

L’utilisation de certains “mots clés” fera l’objet d’un soin attentif. Les mots véhiculant les concepts sont susceptibles d’interprétations pour des questions telles que: “Est-ce vous qui travaillez comme...?” ou “Quelle est votre activité principale?” parce que la “connotation du mot travail est celle d’emploi rétribué”. Des études ont démontré que la qualité de la mesure de l’activité des femmes variait en fonction des mots clés utilisés dans les questions. La question “Avez-vous travaillé sur l’exploitation” peut être remplacée par “Avez-vous fait une ou plusieurs des activités suivantes: élevage de volailles, désherbage, semis, récolte, etc.”60.

60 Ruth Dixon Mueller et Richard Anker, Assessing Women’s Economic Contributions to Development, BIT, Genève, 1988. En 1988, un projet au Pakistan du Bureau des statistiques de New York (UNSO) a révisé le questionnaire pour l’enquête sur la main-d’oeuvre dans cet esprit. En plus de modifier la forme et les séquences des questions pour saisir les conditions de travail, une section avec des questions directes sur les activités des femmes a été ajoutée pour mesurer leur travail en spécifiant la destination des produits, à savoir la vente ou l’auto-consommation. Cette démarche a permis de se conformer à la définition de l’activité économique recommandée par le BIT. La seule modification des questions sans changement des rubriques a permis de quantifier la participation féminine: 47% au lieu des 13% estimés antérieurement.

Langage utilisé

Le style de langage utilisé influe sur le contenu de la réponse; le recours à certains termes porte en eux des risques d’interprétation et de compréhension personnelles ainsi que des biais en matière de genre. Par exemple, le terme “homme/mois” est associé directement aux hommes alors que celui de “personne au foyer” est appliqué quasi automatiquement aux femmes, excluant parfois même la possibilité de dénombrer des hommes se dédiant aux activités domestiques. Les vocables apparemment plus neutres tels que “chef de ménage” induisent également des associations d’idées étant donné les perceptions sur l’assignation sexuelle des rôles. Avec plus ou moins de facilité, il est possible de trouver des termes moins connotés tels que mois/personne ou responsable du ménage, etc.61.

61 Le français est une langue sexiste à domination masculine. Le changement demande un effort particulier et volontariste.

Les femmes sont plus démunies pour accéder à un langage éloigné de leur réalité dans les pays où elles sont désavantagées en matière d’instruction par rapport aux hommes. Elles ont peu d’opportunités de contacts avec l’extérieur, particulièrement en milieu rural. Elles sont plus isolées, moins touchées par les médias et peu accoutumées à des langages autres que celui de leur quotidien. De façon générale, l’emploi de terminologies techniques est totalement hors de propos pour dialoguer avec des personnes peu familiarisées avec les techniques d’enquêtes.

Dans certains pays, plutôt en zones rurales, les langues vernaculaires ont une audience plus large que la langue officielle; elles sont précieuses pour faciliter le contact avec les femmes qui ont le plus fort taux de monolinguisme. Tenant compte de ce fait et si les ressources font défaut pour la traduction des matériels du recensement, l’engagement d’enquêteurs bilingues, capables d’adapter les questions sans y introduire de biais est requis. Dans les pays multi-lingues, le questionnaire traduit dans toutes les langues serait l’idéal. Pour la traduction, on veillera à utiliser des mots neutres en matière de genre. Les responsables du recensement l’examineront attentivement et si besoin, feront appel à un linguiste.

Enfin, la formulation d’un questionnaire cohérent avec une approche de genre demande le respect des deux recommandations suivantes: 1) retenir un mode d’enregistrement des données permettant l’identification des petites exploitations liées à un ménage et 2) dénombrer effectivement les exploitants et les exploitantes.

Codes d’identification du questionnaire

Comme il a été mentionné au chapitre 3, les codes doivent permettre l’identification de chaque exploitation et, en cas de liaison avec un, deux ou plus de ménage, de les mettre en relation et de façon univoque les exploitations et le ou les ménages correspondants. Les codes d’identification se divisent en quatre sections:

· Dans la première, on trouve les espaces pour relever les informations permettant de localiser géographiquement l’exploitation avec les codes correspondants à la division politico-administrative.

· Dans la seconde section, on donnera un numéro d’enregistrement unique pour l’exploitation avec des chiffres additionnels pour ses composantes si tel est le cas.

· La troisième section ménage un espace pour un chiffre indiquant si l’exploitation est associée ou non à un ménage; de cette façon, pour analyser un type particulier d’unité, les informations compilées peuvent être traitées immédiatement par ordinateur; par exemple, on peut réserver le chiffre 1 pour les exploitations associées à un ménage au moins, le chiffre 2 pour les exploitations à caractère d’entreprise gérées de façon séparée aux ménages des producteurs et le chiffre 3 pour les situations mixtes (exploitations qui opèrent comme des entreprises mais dont l’organisation est étroitement liée à la structure familiale des propriétaires pour lesquelles il faut saisir les aspects relatifs à l’entreprise et ceux concernant le ménage à l’égal des exploitations codées avec le chiffre 1).

· La quatrième et dernière section est réservée à l’identification du ménage par un code unique. Les codes d’identification des ménages et des exploitations doivent être différents parce que leur relation n’est pas forcément univoque.

La démonstration suivante illustre les cas, présentés au chapitre 3, qui peuvent se présenter, sachant que:

· la lettre e symbolise le code de l’exploitation;

· la lettre h symbolise le code du ménage;

· des nombres suivis sont affectés à e et h;

· la série est nouvellement initialisée pour chaque zone géographique;

· si e = n, à l’enregistrement d’une autre exploitation e sera accru d’une unité e = n+1;

· que si h = t, à l’enregistrement d’un autre ménage h sera accru d’une unité h = t+1:

® les nombres utilisés sont donc uniques;
® une relation univoque peut donc être établie entre ménages et exploitations.

a) Ménages gérant plus d’une exploitation agricole:


Code exploitation

Type d’exploitation

Code ménage

Zone géographique

e

1 ou 3

h

Zone géographique

e+1

1 ou 3

h


b) Exploitations gérées par deux ou plusieurs personnes de différents ménages:


Code exploitation

Type d’exploitation

Code ménage

Zone géographique

e

1 ou 3

h

Zone géographique

e+1

1 ou 3

h+1


c) Ménages avec une seule exploitation gérée par les personnes d’un seul ménage:


Code exploitation

Type d’exploitation

Code ménage

Zone géographique

e

1 ou 3

h


d) Exploitations type entreprise administrées par un régisseur salarié sans relation avec le ménage:


Code exploitation

Type d’exploitation

Code ménage

Zone géographique

e

2

0


Identification de l’exploitant

Au chapitre 3, le concept d’exploitant et ses limites ont été examinés dans une perspective de genre. Concrètement, un exploitant ou une exploitante est la personne qui prend les décisions importantes pour l’unité productive, et plus de une personne peuvent assumer ces responsabilités.

Les difficultés majeures sont liées aux petites exploitations: difficultés d’identification en tant qu’unité productive et difficultés d’enregistrement du vrai responsable dans l’idée d’éviter l’omission des femmes. Le premier pas est donc de découvrir si un ménage a au moins une exploitation agricole. Pour certains, ceci est évident mais pour d’autres, des questions de vérification sont parfois indispensables.

Selon le pays, la référence sera la période de temps au cours de laquelle toute unité agricole opérationnelle (c’est-à-dire qui n’a pas été abandonnée) a eu une activité. En Amérique latine, par exemple, une durée de six mois est plus que suffisante. Même si les personnes se déplacent de façon saisonnière, un laps de temps de six mois comprendra certainement quelques périodes intenses d’activité agricole telles que le semis ou la récolte. A titre d’exemple, dans l’enquête nationale de l’emploi rural du Mexique, on demande:

Pendant les 6 derniers mois, c’est-à-dire de ________ à ________
(Lisez toutes les options et indiquez les réponses sachant que les réponses peuvent être multiples.)

1. () Avez-vous cultivé des terres et/ou participé à des activités agricoles?
2. () Avez-vous été occupé(e) par l’élevage et/ou par les soins aux animaux?62

62 Dans cette enquête, à cette question est ajouté “pour la vente” mais dans une version précédente, était posée la question “Avez-vous été occupé(e) par l’élevage des animaux pour la consommation familiale et/ou par un potager familial?”. A la lumière des nouvelles recommandations internationales, l’auto-consommation et la production pour la vente peuvent être intégrées à l’activité économique. Pour cette raison la spécification “pour la vente” a été éliminée du texte.

3. () Avez-vous chassé et/ou pêché?
4. () Avez-vous ramassé des produits végétaux et/ou des produits forestiers?
5. () Aucune des options ci-dessus.


Cette question, dans l’enquête concernée, sert à vérifier si les membres du ménage sont liés à une exploitation (elle peut être adaptée en fonction du contexte). Si tous les membres du ménage apportent une réponse négative, l’entretien se termine; par contre si les réponses sont positives, ce qui sous-entend qu’une exploitation existe, le questionnaire se poursuit.

Pour s’assurer que les responsables de la production sont effectivement enregistrés, la procédure suivante est recommandée:

1. Après avoir constaté que le ménage est lié à une unité de production, tous les membres sont enregistrés. La procédure peut être celle utilisée normalement dans les enquêtes sur les ménages: identifier un ou une chef (ou tête) de ménage reconnu(e)63, l’enregistrer et faire de même avec tous les membres en notant les liens de parenté, le sexe et l’âge.

63 Il peut s’agir de celui qui apporte le plus du point de vue économique ou bien du producteur principal ou bien de la personne la plus âgée; quelle que soit sa condition, ceci pourra être vérifié avec les informations qui suivront. Ce qui est important à ce stade est d’enregistrer tous les membres du ménage.

2. Après cet enregistrement, une série de questions sera posée seulement aux personnes qui sont au-dessus d’un certain âge: par principe toute personne en âge suffisant pour prendre les décisions nécessaires à la mise en oeuvre d’activités de production. Les questions traitant la prise de décision pourront être: est-ce vous qui décidez de ce que l’on doit semer?, est-ce vous qui décidez des animaux à élever?, est-ce vous qui décidez de la période de vente et de la quantité à vendre?, etc.

Pour chaque situation, les questions les plus appropriées seront arrêtées. Il sera alors possible de savoir qui est responsable, qui prend les décisions importantes, c’est-à-dire qui est (sont) l’exploitant(e), les exploitants(tes)? Une fois cette (ces) personnes identifiée(s), l’enquêteur doit avoir clairement à l’esprit que c’est à elle (eux) que les questions sur la production doivent s’adresser (les données sur le sexe et l’âge ont déjà été recueillies).

Il est fort probable que plus d’une personne soit identifiée comme responsable, soit par rapport à une production spécialisée, soit par rapport au partage des prises de décision. Ces cas de figure doivent être explicitement recueillis. L’information aura d’autant plus de qualité si elle est fournie par son responsable, par exemple, si la femme s’occupe des volailles et l’homme des cultures, l’idéal serait que chacun d’entre eux apporte les éléments sur son domaine.

4.2.3. Le plan de tabulation

Une des règles capitales d’un recensement est la préparation du plan de tabulation en même temps que le questionnaire, avant le démarrage des activités de terrain. Ceci est crucial dans une optique d’exploration d’idées nouvelles et d’expérimentation novatrice de procédures, comme c’est le cas pour les statistiques sexospécifiques. Une préparation minutieuse du plan de tabulation garantit, d’une part, l’intégration au questionnaire de toute demande importante et, d’autre part, l’écartement de toute question inutile. Une question inexploitable est souvent due à une mauvaise formulation, d’où l’impossibilité d’association à une rubrique et l’obtention de réponses marginales ou hors propos. Le résultat est seulement un gaspillage de ressources. Il faut noter que le recensement pilote doit inclure les tabulations de base ce qui permet d’évaluer en partie le questionnaire.

Pour une analyse de genre, la seule connaissance du pourcentage de femmes chefs de ménage et de femmes chefs d’exploitation est insuffisante. Pour saisir les besoins des hommes et des femmes et leur contribution au secteur agricole, tous les aspects de la production et de l’accès aux ressources doivent être ventilés par sexe. C’est ainsi que, outre la variable sexe, seront examinées les caractéristiques des exploitants pour les exploitations, celles des chefs de ménage et des membres pour les ménages et finalement, celles des travailleurs de l’exploitation (apparentés et employés) pour les individus. La variable sexe n’est pas additionnelle; elle fait partie des caractéristiques de base indispensables pour définir les exploitations dans leur contexte et pour les croisements des tabulations à entrées multiples.

La présentation finale de l’information sera reprise dans la dernière section de ce chapitre. Cette section tenait à mettre l’accent sur le fait que le plan de tabulation doit être prévu en même temps que le questionnaire et non ultérieurement.

4.2.4. La campagne d’information et la demande de collaboration

Dans la plupart des pays, l’Institut national de statistiques est l’organisme qui conduit le recensement agricole. Il a sa propre politique pour l’annoncer et le faire connaître. La question est de savoir comment alerter l’opinion publique et sensibiliser les répondants sur l’importance d’une mesure adéquate de la contribution des femmes. Il s’agit donc de combattre les stéréotypes discriminatoires. Une option est le recours aux affiches, aux annonces télévision et radio, à la presse et autres moyens de communication pour expliquer les objectifs du recensement et illustrer les travaux agricoles assurés par les femmes, autant dans les zones rurales que urbaines. Ce travail doit être réalisé par des professionnels de la communication à qui les concepteurs du recensement auront précisé leurs attentes.

Dans les campagnes d’information, on doit se rappeler que les femmes ont peu d’accès aux médias, peu de contacts avec l’extérieur et des difficultés certaines avec l’écrit. La production de matériels visuels et graphiques (affiches avec des illustrations identifiantes), leur diffusion dans des lieux par elles fréquentés (marchés, dispensaires, écoles, ...), des émissions radiophoniques ciblés sur elles, etc. sont autant de solutions possibles. Les organisations de base et les groupements féminins peuvent être également des relais efficaces.

4.2.5. L’unité de dénombrement et la couverture

L’unité de dénombrement recommandée est l’exploitation. L’idéal est que toutes les exploitations (milieu urbain et rural) soient couvertes et particulièrement les petites exploitations majoritaires dans les pays en développement et où se concentre le maximum de productrices. Un autre aspect important est l’existence d’exploitations multiples. Quand des exploitations distinctes sont dirigées par des membres différents d’un même ménage, chacune d’elles est une unité statistique, même si cela paraît complexe. Ceci permet, en partie, de ne pas omettre des femmes productrices (cf. chapitre 3). En bref, toutes les exploitations contribuant à la production de denrées alimentaires doivent être enregistrées.

Dans les pays où les registres agricoles sont tenus à jour, le recensement y trouve une base de sondage idéale: toutes les données de base des exploitations y sont consignées. Mais, un registre agricole exhaustif et actualisé coûte cher et suppose des systèmes administratifs et statistiques hautement développés qui, en général, sont l’apanage des pays riches. Dans quelques pays d’Amérique latine, ce type de registre existe, mais seulement pour les grandes exploitations; l’exception est Cuba qui enregistre toutes les exploitations.

Les erreurs de couverture sont le plus souvent le fruit d’une base de sondage inadéquate: registres agricoles incomplets, recensement ancien de la population, etc. De plus, la valeur et l’impact de ces erreurs sont difficilement quantifiables.

4.2.6. Le plan d’échantillonnage (sondage)

Là où les registres agricoles n’existent pas, la base de sondage s’appuie sur les résultats des recensements de la population. La préparation de l’échantillon conditionne fortement le dénombrement des petites exploitations et des unités de subsistance où le travail des femmes est prédominant. Seule une bonne base de sondage peut garantir un échantillon probabiliste apte à fournir une mesure fiable des problèmes critiques de genre dans le secteur agricole.

Quand on ne peut recourir ni aux registres ni aux résultats des recensements de la population (pour un sondage sur liste), le dénombrement devra être effectué sur la base des zones géographiques ou des listes de villages et de localités (pour un sondage aréolaire). Dans ce cas, toutes les exploitations de toutes les localités ou villages doivent être identifiées par les enquêteurs, soit par une visite aux ménages, soit par un entretien avec les autorités locales supposées connaître les habitants de leur circonscription.

Dans certains pays, le manque de ressources et les limites du système statistique national conduisent à rechercher l’information agricole à partir d’un sondage probabiliste, faute de pouvoir explorer exhaustivement une zone. La base de sondage sera alors construite en plusieurs étapes:

la première consiste à quadriller le territoire en zones (segments) qui sont dénombrées et sur lesquelles une première sélection s’effectue;

dans la seconde étape, on effectue un parcours des zones au cours duquel les exploitations sont numérotées et les unités de sondage à enquêter sont retenues. Une deuxième sélection peut être faite à partir de subdivisions dans lesquelles les exploitations qui seront soumises au questionnaire sont arrêtées.


La conception du sondage et le contrôle de la construction de l’échantillon seront sous la responsabilité d’un expert en sondage à qui l’équipe conceptuelle du recensement aura fixé les objectifs.

Pour le plan d’échantillonnage, un intérêt sera marqué aux facteurs influant sur les activités des hommes et des femmes:

1. Périodes de travail: le caractère saisonnier du travail agricole induit de fortes probabilités d’écarter les exploitations qui opèrent de façon saisonnière. Pour examiner les travaux temporaires, accomplis le plus souvent par les femmes, un sondage rotatif, mensuel, trimestriel, par saison est conseillé. Si ce n’est pas envisageable, des questions rétroactives seront nécessaires. Les informations seront, cependant, de moins bonne qualité.

2. Différences géographiques: les disparités de genre peuvent être scrutées par zones géographiques où hommes et femmes ont des activités de production distinctes (cas fréquent ou limité suivant les situations); la base de sondage doit assurer la couverture et la visibilité de tous les types d’activités.

3. Taille de l’exploitation: du fait que les femmes représentent la majorité des exploitantes des petites unités qui sont généralement négligées ou traitées superficiellement, il est capital que la base de sondage garantisse la visibilité des exploitations. Les techniques de sondage actuelles permettent le maintien de la représentativité statistique.

4.2.7. La sélection du personnel

Les équipes chargées des statistiques agricoles sont majoritairement masculines, soit par manque de statisticiennes expérimentées dans ce domaine, soit par préjugés sexistes attribuant cette spécialité aux hommes. Pourtant, il est fondamental que des femmes fassent partie des équipes de direction, des équipes techniques et de terrain. Tout en ayant besoin, elles aussi, d’une formation, elles sont probablement plus conscientes de la problématique de genre et plus ouvertes à son approche. Cette affirmation n’est pas soutenue par le seul fait d’être femme, mais par le fait que, tout simplement, les femmes vivent ces questions quotidiennement, en sont témoins et parties et, par conséquent, y réfléchissent naturellement.

La qualité de l’échange entre enquêteur et répondant est essentielle au respect des visées du recensement. Les enquêteurs, hommes et femmes, doivent avoir des qualités de communicateur pour dialoguer avec les hommes et les femmes ainsi qu’une connaissance des habitudes culturelles, des signifiants du langage et des mécanismes de biais pour saisir les influences possibles sur les réponses. L’idéal est que les femmes aient une connaissance de base de l’agriculture afin qu’elles puissent détecter les informations fausses délibérées exprimant une fin de non recevoir. Avec prudence, elles pourront transformer en plaisanterie la première réponse et obtenir l’information correcte. Les hommes doivent être extrêmement respectueux, spécialement quand ils s’entretiennent avec des femmes.

L’expérience des recensements de la population prouve que le sexe de l’enquêteur n’est pas déterminant pour la qualité de la réponse. Aucune évaluation dans ce sens n’a été conduite pour les recensements agricoles. Toutefois, force est de constater que dans certaines sociétés, les normes culturelles empêchent les femmes de parler librement aux hommes. Dans ces cas, des enquêteurs masculins et féminins sont nécessaires.

4.2.8. Les manuels d’instructions et la formation des enquêteurs

Une formation intensive des enquêteurs, soutenue par des manuels d’instructions judicieux, aide à modifier les stéréotypes sexistes. Le programme de formation doit mettre l’accent sur les objectifs du recensement et conscientiser le personnel sur l’importance de son rôle pour obtenir des informations de qualité. Il doit approfondir les aspects qui traditionnellement véhiculent les disparités de genre afin que les enquêteurs respectent les critères recommandés et évitent les biais discriminatoires. Des instructions précises doivent être fournies pour contourner les préjugés sexistes; les exemples pour illustrer et approfondir les rubriques et les définitions doivent représenter équitablement les situations des hommes et des femmes. Enfin, on évitera de tomber dans l’excès contraire et de ne pas tenir suffisamment compte des données sur les hommes. Comme on l’a vu dans le deuxième chapitre, appliquer une approche genre signifie examiner et comprendre la situation des deux sexes de manière différenciée, ainsi que les relations existant entre les hommes et les femmes.

Exemple d’objectifs de formation pour les enquêteurs64

64 Adapté de Improving Statistics and Indicators on Women Using Household Surveys, Nations Unies, DIESA, Series F. No 48, New York, 1988.

1. comprendre l’importance du recueil de données reflétant les situations des hommes et des femmes dans la société;

2. apprendre l’utilisation d’un langage neutre en matière de genre et éviter le recours aux termes sexistes (exemple: le chef de famille, homme/mois, l’exploitant, etc.);

3. identifier les rubriques et les définitions pouvant poser questions pour le recueil d’informations relatives au genre (exemple: situation dans l’emploi, activité économique, chef de famille, etc.);

4. savoir conduire des entretiens tout autant avec des hommes qu’avec des femmes et être conscient des différences possibles;

5. examiner des exemples de situations masculines et féminines illustrées avec des dessins où hommes et femmes assument des rôles non conventionnels et en discuter;

6. explorer les difficultés et les blocages pour mesurer les activités des femmes;

7. analyser des situations d’entretien avec un nombre égal de femmes et d’hommes et relever les différences.

4.2.9. Les manuels d’instructions et la formation des superviseurs

Le travail des superviseurs est particulièrement intensif au démarrage de la phase de dénombrement pour détecter les erreurs et les corriger. Des distorsions dues aux questions de genre peuvent apparaître même si les problèmes principaux ont été traités lors de la conception du questionnaire et par les manuels d’instructions et d’appui. Parallèlement les superviseurs doivent encourager les enquêteurs à porter leur attention sur les aspects de genre. Aussi, ils doivent être formés pour rectifier les maldonnes, réorienter l’action dès les premiers entretiens et éviter les déviations par la suite. L’organisation de sessions intensives “Statistiques et genre” à leur bénéfice est indispensable, d’autant que leur rôle lors de la formation des enquêteurs est loin d’être négligeable.

4.2.10. L’adéquation des répondants

La sélection des répondants influence la qualité des données:

· Si le répondant n’est pas la personne qui connaît la gestion de l’exploitation, il peut donner des réponses incorrectes.

· Les hommes peuvent avoir des réticences à admettre que leur(s) femme(s) travaillent.

· Les hommes peuvent méconnaître une série d’aspects liés à la contribution de leur(s) épouse(s) aux activités productives dont elles sont responsables.

· Les femmes peuvent ne pas être en mesure de répondre aux questions sur les activités spécifiques de leur mari par manque de connaissance; etc.

On se référera utilement aux ouvrages traitant les techniques d’entretien pour les orientations, les erreurs à éviter, etc. Par exemple, un écueil courant lors des entretiens est la présence d’autres personnes qui pourraient nuire à l’obtention de réponses claires et précises, spécialement si elles sont étrangères à l’exploitation. On sera donc très attentif à ce que chaque producteur concerné fournisse les informations requises sans interférence quelconque.

4.2.11. Le recensement pilote

Le test des instruments et des procédures est décisif pour évaluer leur validité. L’expérimentation du questionnaire est également intéressante pour former le personnel aux opérations censitaires de terrain, pour réajuster les manuels d’instructions et prévoir le contenu de formation. La logistique est également mise à l’épreuve pour apprécier son adéquation et apporter des modifications si nécessaire. Entre le test et le recensement, un temps raisonnable doit être consacré à l’analyse des résultats des tabulations de base, à l’évaluation des modalités opérationnelles, au repérage des problèmes et des erreurs et à leur correction.

Pour des statistiques selon le genre, le test est capital pour cerner les mécanismes sociaux et culturels ayant un impact négatif sur la qualité des réponses. Entre la théorie et la pratique existent bien souvent des écarts. Aussi, il est indispensable de faire des essais de questions, des expérimentations de langage et des analyses de contenu. La vérification des “sans réponse” ou “sans objet” sera conduite pour voir si elles sont plus fréquentes chez les hommes ou chez les femmes.

4.2.12. Le traitement des données

Entre le recueil des données sur le terrain et la publication des résultats s’inscrit toute une série de tâches qui vont du codage à la mise en tableaux. Si l’attention sur les questions de genre se relâche, le risque d’en perdre le fil est réel.

Codage

L’information saisie est codée numériquement pour sa compilation statistique. Les réponses à quelques questions sont déjà pré-codées (choix multiple de réponses). Celles des questions ouvertes ou semi-ouvertes demandent un traitement et un codage. Pour ce dernier (adoption, révision, reformulation si nécessaire) la perspective de genre doit toujours être présente. Dans les options de réponse, les différences de genre doivent être clairement signalées. Lors du processus de codage, on veillera à ne pas altérer les données recueillies, par exemple, en écartant tel ou tel élément de réponse jugé comme non significatif parce que s’appliquant uniquement soit aux femmes soit aux hommes.

Vérification et imputation

Pour évaluer la qualité de la saisie de l’information, les pourcentages de non-réponses totales et ceux de non-réponses partielles sont calculés. Les premiers peuvent s’expliquer par le refus de communiquer l’information, par l’inaccessibilité géographique (relief accidenté, inondation, etc.), par l’absence de la personne ou par la non-identification de l’exploitation. Les raisons doivent être enregistrées méticuleusement: pour l’évaluation des résultats, chaque cas est significatif. Les seconds peuvent être dus à l’absence d’un répondant pertinent (la personne interrogée détient des renseignements partiels) ou à la dissimulation volontaire des informations par l’exploitant.

La vérification du traitement des données et de sa cohérence sont des moments forts du recensement agricole. Les procédures d’imputation doivent être utilisées de façon stricte et sur des critères qualitatifs et quantitatifs élaborés à partir de l’expérience du pays. Une attention spéciale sera prêtée aux changements et aux imputations pour éviter tout biais sexiste.

Les unités “sans réponse” et les unités qui ont répondu peuvent différer totalement les unes des autres. Il est donc pertinent de contrôler si les caractéristiques par sexe sont similaires pour les unes et les autres.

Critères de classification

Des efforts doivent être consentis pour utiliser des critères de classification et un mode de codage aptes à faire ressortir les différences de genre. Ils perdront leur valeur si, lors du dépouillement pour la mise en tableaux, les groupements occultent ces disparités.

Plus les groupements sont affinés, plus l’information est riche. Bien qu’il soit préférable de respecter les catégorisations classiques pour maintenir une certaine comparaison internationale et historique nationale, rien n’empêche de développer des classifications plus détaillées au sein de ces classifications pour satisfaire à l’analyse de genre.

4.2.13. La présentation des données

La mise en forme des données doit être accessible et adaptée à un large éventail d’usagers. Les tableaux et les graphiques doivent être clairs, directs et attractifs. Ainsi, les statistiques sexospécifiques pourront être utilisées pour plaider la parité et promouvoir des changements.

La sélection des indicateurs et des modes de diffusion est capitale pour une analyse et une interprétation correctes des données. Plus les données et les indicateurs seront vulgarisés et commentés, plus les statistiques élargiront leur public.

Certaines interrogations prévalent pour la mise en forme des tableaux et des graphiques:

· Quelle est l’information la plus importante que le lecteur peut en retirer?
· Est-ce que ces tableaux et graphiques répondent à la demande des utilisateurs?

Il est également primordial de se demander si les tableaux et graphiques apportent au lecteur une information bien spécifique. Chaque présentation portera un message particulier dont le contenu ne sera perçu que si elle est suffisamment explicite. Une règle d’or est à respecter: ne pas surcharger d’informations les tableaux et les graphiques. Toutes les colonnes et les lignes des tableaux porteront leur intitulé et seront accompagnées, si besoin est, de notes explicatives. Plus la présentation est limpide, plus l’utilisation des statistiques sera efficace.

Un principe fondamental est de présenter conjointement les données relatives aux hommes et aux femmes; les séparer écarte toute possibilité de comparaison et enlève toute cohérence à l’approche de genre. Si toute l’information ne peut entrer sur un même tableau, elle sera scindée à partir de critères tels que zone géographique, période de temps mais surtout pas en fonction de la variable sexe.

Les valeurs exprimées en chiffres absolus sont recommandées pour que l’utilisateur puisse avoir plus de liberté pour l’analyse. Si elles sont calculées en pourcentage, on n’oubliera pas d’indiquer ce que représente les 100%, sachant qu’ils peuvent être, soit hommes et femmes inclus, soit femmes ou hommes seulement. Dans les statistiques selon le genre, les deux options sont pertinentes pour avoir une vue d’ensemble complète. Le tout est de décider de la présentation la plus appropriée et de fournir les commentaires nécessaires à la compréhension du tableau et à la conduite des analyses. Lourdes Ferràn propose de:

· observer les recommandations du BIT sur le genre pour toute statistique sur l’emploi;

· classer par sexe les statistiques sur la production et la commercialisation agricoles;

· ventiler par sexe la rémunération, le nombre de travailleurs, la nature du travail, la technologie et autres thèmes similaires;

· revoir les groupements pour prendre en compte les formes de production à petite échelle.

En plus des tableaux à entrées multiples, en chiffres absolus ou en pourcentages, d’autres indicateurs peuvent être publiés. Il peut s’agir de taux (ou proportion de la population ayant un caractère déterminé par rapport à son ensemble), par exemple, le taux d’activité féminine (ou proportion de femmes actives par rapport au total de femmes) ou encore de statistiques et d’indicateurs, par exemple, le rapport consommateurs-producteurs au sein du ménage et en fonction du sexe du chef de famille.

L’exploration approfondie des informations est possible grâce aux méthodes modernes de traitement. De nombreux répertoires d’organisation des données peuvent être créés afin de construire des catégories d’exploitations dirigées par les femmes par variable (état civil, âge, autres). Ensuite, des tabulations peuvent être effectuées sur la base d’autres variables importantes (taille de l’exploitation, utilisation des ressources, autres). Les sous-répertoires peuvent être mis en forme à partir de critères sociaux s’ils sont significatifs des différences existantes. La variable sexe peut donc être un critère de la définition d’une sous-catégorie ou une variable constante pour toutes les tabulations. Ce sera l’objectif de l’analyse qui fixera l’option. Pour explorer le secteur informel et l’agriculture de subsistance, les groupements peuvent être aussi opérés en fonction des typologies déjà présentées au chapitre 3: exploitations a) viables; b) potentiellement viables; c) non viables ou a) autosuffisantes, b) dépendantes de transfert.

Les moyens magnétiques permettent de fournir les données brutes, non compilées, aux utilisateurs spécialisés. La confidentialité sera préservée en dissimulant les données d’identification qui faciliteraient la reconnaissance des unités enregistrées, surtout par des ventilations basées sur des variables peu fréquentes.

4.2.14. Le programme de diffusion

Beaucoup de données collectées ne sont pas analysées et ne parviennent pas aux utilisateurs. L’information relative aux ressources humaines, comprise dans les recensements agricoles, n’est publiée qu’en partie. Le reste est rarement utilisé. Les producteurs de l’information statistique doivent se pencher sur les modes de diffusion des données et collaborer avec les représentants des groupes d’utilisateurs pour valoriser les demandes, adapter les produits et les services aux besoins, contribuer à la vulgarisation et encourager l’utilisation des statistiques par les institutions académiques, les gouvernements et les ONG.

Il faut prêter une attention particulière à la manière dont les statistiques, instruments indispensables à l’élaboration des politiques et des plans de développement, atteignent les décideurs (ministères, planificateurs et autres organismes responsables de la conception et de la mise en oeuvre des politiques). La promotion et le suivi/évaluation des changements fondamentaux, notamment pour l’agriculture et le développement durable, en dépendent.

Les statistiques et les indicateurs construits à partir des recensements rendent compte d’aspects cruciaux tels que le niveau de pauvreté, la production de denrées alimentaires, l’accès aux ressources et les services de formation et de vulgarisation, etc. Dans moult pays essentiellement ruraux, ces problèmes touchent la majeure partie de la population et ont une influence sur leur capacité de survie. Cependant les instances gouvernementales ont encore un accès limité aux statistiques de base impérieuses pour concevoir leurs politiques, en assurer le suivi et pour promouvoir des mesures novatrices.

Le temps, relativement long, entre le dénombrement et la publication des résultats est une des raisons pour laquelle les organes de décision s’intéressent peu aux statistiques. Un des moyens pour compenser cette lacune est de publier tout d’abord les résultats préliminaires déjà ventilés par sexe. Ils seront ensuite complétés, précisés et détaillés pour leur diffusion qui se basera sur:

· les caractéristiques des groupes cibles;
· les besoins des usagers et les demandes en statistiques;
· les ressources humaines et les moyens financiers disponibles;
· les modes de communication les plus utilisés dans le pays.

La collaboration avec les utilisateurs tout au long des étapes du recensement et les contacts périodiques facilitent l’information sur la nature des donnés disponibles pour leur travail. Des actions de promotion des résultats sont recommandées; elles seront également l’occasion de faire part des “découvertes” démythifiant les préjugés sur les rôles féminins et masculins. Il peut s’agir de:

· la distribution, lors de réunions et débats sur le secteur agricole, de dépliants, affiches avec les résultats de base du recensement soulignant la participation différenciée par sexe;

· la présentation des résultats aux responsables politiques, organismes de planification, ONG, instituts de recherche, groupes de défense des droits des femmes, médias;

· la diffusion de documents simples et attrayants et l’émission de spots radiophoniques mettant en exergue la réelle contribution des femmes; les messages seront conçus pour atteindre les agricultrices;

· l’organisation de séminaires et d’ateliers de formation pour les utilisateurs afin qu’ils sachent faire usage des données du recensement;

· la publication des résultats les plus notables dans la presse, les bulletins gouvernementaux et des ONG et autres publications;

· la participation de personnes éminentes aux entretiens, débats télévisés et radiophoniques;

· l’organisation d’expositions graphiques animées par des conférences, débats publics, séminaires et autres; etc.

Après la publication du rapport préliminaire, les résultats du recensement feront l’objet de plusieurs volumes traitant chacun d’un thème spécifique ou d’une région particulière. Ils peuvent également être diffusés par des moyens électroniques (disque optique compact, disquettes) à destination des utilisateurs spécialisés (statisticiens, chercheurs, universitaires) désirant s’engager dans des analyses approfondies. Une publication spéciale sur les résultats dus à l’approche des statistiques selon le genre sera envisagée afin d’atteindre la plus large audience possible. Elle sera attrayante, de manipulation aisée, rédigée dans un langage accessible à tous et illustrée par des graphiques. Les définitions et les indicateurs retenus y seront expliqués et commentés.

Pour promouvoir la parité entre les hommes et les femmes, la reconnaissance de la contribution des femmes au secteur agricole et au bien-être de la société est impérative. La diffusion illustrée et vivante à grande échelle (affiches, programmes de radio, vidéos, etc.) de ce que les chiffres disent froidement peut sans nul doute relever le défi.


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