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ANNEXE 1: Dispositions de la Convention de 1982 sur le droit de la mer relatives aux conditions d'accès aux pêcheries relevant des juridictions nationales

par

William T. Burke
Université de Washington
Seattle, Washington,
Etats-Unis d'Amérique

I. INTRODUCTION

L'objet de la présente étude est de passer en revue les dispositions de la Convention de 1982 sur le droit de la mer, relatives aux conditions d'accès aux pêcheries relevant des juridictions nationales. Sa portée: les zones et ressources faisant l'objet de la juridiction nationale et quelques ressources que l'on trouve dans cette aire de juridiction mais qui se meuvent aussi à l'extérieur. Après avoir détermine rapidement les zones et les ressources en cause, nous nous tournerons vers les dispositions applicables de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

A. Ressources ichtyologiques régies par une juridiction nationale

La juridiction de l'Etat côtier s'étend sur les ressources biologiques marines qui se trouvent entièrement à l'intérieur d'un certain nombre de zones différentes, sur lesquelles il exerce son autorité exclusive, y compris les eaux continentales, les mers territoriales, les mers archipélagiques et la zone de pêche exclusive ou économique et le plateau continental. Dans les trois premières de ces zones l'Etat côtier exerce sa souveraineté; à cet égard, seule la nouvelle zone d'eaux archipélagiques, créée par le Traité sur le droit de ma mer soulève des questions de juridiction dont les incidences halieutiques méritent d'être étudiées.

La principale zone donc nous aurons à nous préoccuper est la Zone économique exclusive (ZEE), dont la création par le Traité sur le droit de la mer, constitue sans doute la principale innovation de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Si la ZEE, et une zone de pêche exclusive, telles qu'établies par de nombreux Etats, peuvent se recouvrir, elles ne sont pas nécessairement identiques quant aux questions de pêche ou au regard du droit de la mer.

Le plateau continental est mentionne ici du fait que des droits souverains sur des pêcheries sédentaires sont souvent revendiqués (autorité de l'Etat côtier sur le plateau) et les accords internationaux tels que le droit de la mer évoquent ces espèces en ces termes.

B. Stocks de poissons relevant de plusieurs zones exclusives

Certains poissons se meuvent dans plusieurs zones de juridiction ou sont distribués de part et d'autre de plusieurs de ces zones et sont exploités dans plusieurs de ces zones ou affectent des stocks associés, relevant d'autres juridictions. Aux fins de notre étude, nous ne nous intéressons qu'aux stocks qui se trouvent dans les zones économiques exclusives, car le Traité sur le droit de la mer ne connaît que cette situation. Les problèmes de gestion occasionnés du fait que plusieurs zones sont intéressées peuvent varier avec la nature du mouvement en cause et les intérêts des Etats concernés (Gulland, 1982); cependant la situation juridique ne semble pas être affectée par ces différences.

C. Poissons vivant a l'intérieur et au-delà des zones exclusives

Certains poissons se meuvent sur de vastes distances et l'on peut les trouver dans la ZEE voire au-delà. Certains d'entre eux peuvent être accessibles à l'exploitation uniquement à l'intérieur de la ZEE ou seulement en dehors ou simultanément à l'intérieur et en dehors. L'accessibilité dans ces différentes zones peut varier selon les saisons ou d'une année à l'autre. La difficulté du problème de gestion peut être fonction de l'accessibilité du poisson. En règle générale, toutefois, ces poissons ne peuvent être exploités avec succès à l'intérieur d'une zone nationale seulement.

Les espèces anadromes présentent des problèmes particuliers du fait que la perpétuité de leur existence dépend des mesures prises par l'Etat hôte, susceptibles d'affecter très considérablement leur abondance ultérieure y compris la survie ultime de l'espèce. Ces poissons peuvent toujours être péchés dans les eaux des Etats hôtes et la façon la plus efficace de les gérer consiste a limiter leur exploitation a ces eaux. Cependant ils sont également accessibles en dehors des zones de juridiction nationale et y sont communément pêches. Dans certains cas, ces opérations de pêche sont effectuées hors de toute juridiction nationale et parfois dans la zone de pêche ou dans la zone économique de l'Etat étranger.

II. LEGISLATION APPLICABLE AUX DIFFERENTES ZONES ET FORMES DE JURIDICTION NATIONALE

A. Mer territoriale

II est universellement admis qu'un Etat côtier exerce sa souveraineté sur toutes les ressources biologiques qui se trouvent à l'intérieur des limites du territoire national, ainsi que sur la zone dans laquelle elles sont situées. L'accès à ces ressources par un pêcheur étranger doit être autorisé par l'Etat côtier. Toute réglementation affectant l'exploitation est celle de l'Etat côtier, sous réserve de dérogations convenues par voie d'accord.

B. Eaux archipélagiques

Les notions "d'Etats-archipels" et d'"eaux archipélagiques" sont, pour l'essentiel, une création des négociations préalables au Traité sur le droit de la mer, encore que quelques revendications nationales aient été avancées précédemment. Ces notions ne sont pas encore largement reconnues en dehors du Traité. En vertu du Traité, l'Etat-archipel exerce sa souveraineté sur les eaux archipélagiques et aurait donc normalement pleine autorité en matière de pêche. Deux articles cependant limitent cette autorité. Les articles 47 et 51 exigent que l'Etat-archipel reconnaisse les droits de pêche existants et traditionnels d'un Etat limitrophe dans certaines zones des eaux archipélagiques. Il est intéressant de noter que la préservation de ces droits ne s'applique qu'à l'intérieur des eaux archipélagiques, c'est-à-dire à l'intérieur des eaux circonscrites par les lignes de base entourant les îles et non à l'intérieur des zones délimitées à partir des lignes de base1.

1 Cependant, dans une autre partie du Traité, on fait mention des Etats ayant exploité une zone qui devient ZEE. L'article 62(3) stipule que, lorsqu'il accorde à d'autres Etats l'accès à sa zone économique exclusive, l'Etat côtier tient compte de ces Etats

C. Zone économique exclusive

En vertu du Traité sur le droit de la mer, l'Etat côtier détient des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et d'aménagement des ressources biologiques du fond des mers, du sous-sol et des eaux surjacentes, a l'intérieur de la zone économique exclusive. Cette zone "ne s'étend pas au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale". Si un Etat côtier a établi la mer territoriale maximum autorisée par le Traité (12 milles marins), il peut donc exercer ses droits souverains sur une zone supplémentaire de 188 milles marins.

Ces droits sont afférents à toutes les ressources biologiques qui se trouvent à l'intérieur de la zone, a une exception près. En effet, les droits concernant les ressources biologiques du fond des mers et du sous-sol doivent être exercés en vertu de dispositions de la Convention sur le droit de la mer applicables au plateau continental. Nous les examinerons ci-après. Certaines espèces sont aussi l'objet d'articles complémentaires et sont également examinées par la suite, à savoir notamment les grands migrateurs, énumérés à l'annexe 1 du Traité, les espèces anadromes et les mammifères marins.

La séquence fondamentale des décisions, prises en vertu de la Convention sur le droit de la mer, et affectant l'accès aux pêcheries d'un Etat côtier déterminé est fondamentalement la suivante. L'Etat côtier: (a) détermine le volume admissible des captures de ses ressources biologiques en décidant quel volume d'une espèce ou d'un stock détermines peut constituer une cible d'exploitation ou être capturé accidentellement; (b) détermine sa capacité d'exploitation du stock particulier; (c) si le volume admissible des captures excède sa propre capacité d'exploitation, il décide qui pourra y avoir accès et en établit les modalités et les conditions a cette fin; (d) conclut des accords ou autres arrangements pour régir l'accès des navires étrangers au volume disponible; (e) en décidant des captures admissibles, l'Etat côtier détermine aussi quelles restrictions seront applicables compte tenu des effets de l'exploitation des stocks cibles sur d'autres stocks.

Chacune de ces décisions peut affecter l'accès par les pêcheurs étrangers et être considérée comme une condition d'accès. Pour certaines espèces, la décision initiale, relative aux captures admissibles et la décision concernant l'accès doivent être précédées par des consultations ou négociations préalables avec d'autres Etats, soit directes, soit par l'intermédiaire d'une organisation internationale.

L'étude ci-après porte spécifiquement sur les dispositions du Traité qui affectent ou pourraient affecter l'accès de navires étrangers aux pêcheries d'une zone économique. L'accent est mis sur la compétence ou l'autorité légale de l'Etat côtier à décider des conditions d'accès, y compris celle de décider si l'accès sera autorisé. Il convient toutefois de souligner que le fait d'être détenteur de l'autorité légale n'implique pas nécessairement son exercice. Les avantages que l'Etat côtier tire de l'exploitation de sa ZEE par des navires étrangers sont souvent suffisants pour que l'on s'abstienne d'exercer l'autorité d'interdire l'accès. Il s'ensuit que par la suite, lorsque nous affirmons que l'Etat côtier peut légitimement exclure toute exploitation étrangère, alors même qu'un "reliquat" biologique existerait incontestablement. Nous n'entendons nullement proclamer que l'exercice de cette autorité soit souhaitable. En bonne logique, il est parfois plus avantageux de vendre des droits d'accès à des pécheurs étrangers plutôt que de limiter l'accès aux seuls pécheurs locaux.

1. Volume total admissible des captures

L'article 61 du Traité stipule que l'Etat côtier "fixe le volume admissible des captures en ce qui concerne les ressources biologiques dans sa zone économique exclusive". Les captures admissibles déterminées par l'Etat côtier englobent normalement les stocks exploités intentionnellement, soit à des fins commerciales ou récréatives, soit à d'autres fins (notamment scientifiques), et les captures incidemment effectuées lors de l'exploitation d'une espèce cible. En pratique, il arrive que le niveau des captures accessoires autorisées soit plus significatifs pour les pêcheurs que le niveau des captures cibles, les réglementations pouvant mettre fin à l'exploitation de l'espèce cible avant que l'on ait atteint le niveau autorisé. Si les captures accessoires autorisées sont réalisées d'abord, certains Etats côtiers exigent que l'exploitation de l'espèce cible cesse, alors même que l'on serait loin du rendement autorisé.

Il a été admis, lors des négociations des Conférences des Nations Unies sur le droit de la mer, que l'emploi du présent "détermine" a valeur impérative. La portée de cette obligation n'est cependant pas précisée. Le bon sens voudrait que cette obligation n'implique pas simplement des calculs théoriques et qu'elle s'applique aux stocks dont on juge qu'ils sont sensiblement affectes par l'exploitation, qu'il s'agisse de captures cibles ou accessoires. En conséquence, a moins d'une exploitation effective ou hautement probable, un Etat côtier ne serait pas en défaut s'il ne déterminait pas de volume admissible des captures. En dépit de la lettre de l'article 61, l'Etat côtier n'est donc pas tenu, en vertu de son esprit, de déterminer des captures admissibles pour toutes les "ressources biologiques" de la ZEE.

Le Traité stipule clairement que la détermination du volume admissible des captures est laissée a la discrétion de l'Etat côtier. L'article 61 ne comporte qu'une limitation très générale, à savoir que l'Etat côtier est astreint a "prendre des mesures pour éviter que le maintien des ressources biologiques de sa zone économique exclusive ne soit compromis par une surexploitation". C'est la une obligation en termes très généraux et l'autorité de l'Etat côtier ne fait l'objet que de restrictions très minimes, comme on le verra immédiatement ci-après. Sauf cette restriction, qui ne limite que le volume admissible des captures, l'Etat côtier peut fixer ce volume admissible comme il l'entend. Les dispositions applicables au règlement des différends en matière de pêche confirment à l'évidence la marge d'autorité de l'Etat côtier. L'article 297(3)(a) soustrait aux procédures obligatoires applicables en vertu de la partie XV du Traité, tout différend relatif au "pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier de fixer le volume admissible des captures" de ressources biologiques de la ZEE. (Nous examinons plus loin le règlement des différends en matière d'accès.)

L'expression "volume admissible des captures" risque d'être quelque peu cause de confusion. En effet, dans le contexte du Traite, elle est souvent associée a des usages, remontant a des accords internationaux relatifs a l'Atlantique nord, selon lesquels les contingents étaient établis sur la base d'un maximum détermine par des considérations biologiques (Hoydal, 1984). Il me semble possible de démontrer que "volume admissible des captures", au sens de l'article 61 de la Convention sur le droit de la mer ne doive pas être interprète comme une quantité de poisson déterminée pour des motifs strictement biologiques.

L'alinéa 3 de l'article 61 constitue la disposition fondamentale aux fins de l'interprétation de l'expression "volume admissible des captures" de l'alinéa 1. Il y est stipulé, en effet que des mesures visant à éviter la surexploitation "visent aussi à maintenir ou rétablir les stocks des espèces exploitées a des niveaux qui assurent le rendement constant maximum, eu égard aux facteurs écologiques et économiques pertinents,...". Certains de ces facteurs ont été identifies, mais on a expressément évite que l'énumération soit exhaustive. Il semble abondamment prouve que si un Etat côtier n'est pas obligé a maintenir l'abondance au niveau du rendement constant maximum, il n'est pas davantage obligé d'établir le volume admissible des captures au niveau du rendement constant maximum. Normalement, il ne peut simultanément maintenir l'abondance à un niveau inférieur ou supérieur au niveau produisant le rendement constant maximum et établir un volume admissible des captures qui est égal à ce rendement constant maximum. En conséquence, la fixation, par l'Etat côtier, du volume admissible des captures en vertu de l'article 61 n'est pas nécessairement liée à une notion de quantité déterminée de poisson disponible, fondée sur une évaluation des stocks sur la seule hypothèse biologique du rendement maximum dudit stock.

Il est vrai que l'article 61 demande un "volume admissible des captures" et semble présumer qu'une quantité numérique devra être précisée. Toutefois, qu'une indésirable que cette approche puisse être du point de vue de la gestion, cette quantité numérique ne traduit pas nécessairement des considérations d'ordre strictement biologique. La détermination d'un "volume admissible des captures" quantifie peut traduire un éventail de facteurs dont l'Etat côtier juge qu'ils sont importants eu égard a ses intérêts. L'alinéa 3 de l'article 61 se réfère à des "facteurs écologiques et économiques pertinents", déterminants du rendement exploitable. Le terme "écologique" peut être conçu comme ne traduisant pas seulement des préoccupations biologiques ou écologiques stricto sensu, celles-ci étant prises en compte dans la notion de "rendement maximum soutenable" et dans la référence - faite au paragraphe suivant - à d'autres espèces, mais tous les facteurs propres à la pêcherie. En déterminant un "volume admissible des captures", l'Etat côtier a le droit de tenir compte de cet éventail de facteurs.

2. Mesures de protection contre la surexploitation

L'obligation expresse d'"éviter que le maintien des ressources biologiques de sa zone économique exclusive ne soit compromis par une surexploitation" est vague et semble essentiellement d'un faible poids. L'expression "maintien des ressources biologiques" est peu claire car le niveau qu'il convient de maintenir ni même ce qui devrait être maintenu ne sont précisés. Or les pécheurs ne pêchent pas simplement "des ressources", ils recherchent des types détermines, des espèces et des tailles de poisson. L'exploitation dans la zone, selon toute probabilité, ne porte que sur une part, voire même une part minime, de la biomasse totale des ressources biologiques de la zone. En outre, une telle exploitation ne prendrait typiquement pour cible qu'une portion, peut-être même une portion très exiguë, d'une espèce. Alors même que toute une population cible serait pêchée, l'effet des opérations de pêche pourrait être mince, voire nulle, pour une espèce dont cette population cible ne serait qu'une partie.

L'interprétation en vertu de laquelle les "ressources biologiques" signifierait un stock déterminé de poisson exploité ne semble pas très rationnelle si l'on peut montrer que le stock n'est qu'une portion d'un groupe, à l'intérieur de l'espèce. Réduire un tel stock au point qu'il soit "compromis'' n'aurait pas d'effet sur l'espèce et pourrait se justifier rationnellement sur le plan local. Dans certains cas, un stock détermine équivaut à l'ensemble d'une espèce donnée et dans ce cas l'obligation d'éviter de la compromettre par une surexploitation constitue une approche valable; en tout état de cause, une telle situation est sans doute exceptionnelle.

Cependant, il peut être très malaisé de déterminer si un stock cible est simplement une partie d'une espèce plus vaste ou s'il constitue une espèce distincte. Le Traité devrait sans doute alors être interprété prudemment comme astreignant les Etats côtiers à limiter les captures totales d'un "stock" ou d'une "population" dans leur ZEE. Alors même que, par exemple, la pêche au pouls pourrait être tout a fait souhaitable sur un plan général - il s'agit d'exploiter un stock de manière très intense puis de le laisser (si possible) se reconstituer avant de permettre qu'on l'exploite à nouveau un Etat côtier devrait être prudent, eu égard a l'injonction du Traité selon laquelle la "ressource biologique" en cause ne doit pas être "compromise" par un tel niveau d'exploitation. Si la pêche portait sur une espèce distincte, on pourrait concevoir qu'une exploitation excessive, sous couvert de pêche au pouls, risque de la "compromettre". Pécher pratiquement l'ensemble d'une partie d'une espèce peut être sans danger tant que l'espèce n'est pas compromise; il est cependant judicieux de faire preuve d'un excès de prudence et de tenir compte des incertitudes existantes quant aux caractéristiques du poisson capture.

Ces observations ont une portée générale mais s'appliquent tout particulièrement à la réglementation de la capture des espèces anadromes, portant uniquement sur les migrations à partir de sites fluviaux déterminés. Les poissons qui effectuent ces migrations peuvent en fait être si distincts, sur le plan génétique, qu'ils constituent à proprement parler une espèce. Il peut alors être nécessaire de réglementer l'exploitation du saumon, afin d'éviter toute possibilité de compromettre ces migrations ou "espèces".

3. Rendements autorises: rendement constant maximum et rendement optimal

Les mesures prises par l'Etat côtier afin d'éviter que les ressources biologiques soient compromises par la surexploitation "visent aussi à maintenir ou rétablir les stocks des espèces exploitées à des niveaux qui assurent le rendement constant maximum, eu égard aux facteurs écologiques et économiques pertinents..." (article 61(3)). Il s'ensuit qu'un Etat côtier n'est pas tenu de gérer les pêcheries de manière à ce qu'elles produisent un rendement constant maximum s'il ne le souhaite pas. En fait, l'Etat côtier est expressément autorise a gérer (les stocks) pour obtenir le rendement que lui suggèrent ses intérêts écologiques et économiques.

Vu la référence spécifique de l'article 61(3) à des "facteurs écologiques et économiques" on peut se demander si ce sont là les seuls facteurs en vertu desquels on peut déterminer ce que peut être le volume admissible des captures. Cette formulation exclut-elle que l'on puisse prendre en compte des considérations "sociales" ou politiques? Cela paraît peu probable. Comme on l'a note précédemment, le terme "écologique" peut être conçu comme englobant toutes les caractéristiques essentielles d'une situation, en vertu desquelles l'Etat côtier entreprend des mesures de gestion. Interpréter cette phrase de façon restrictive et exclure de la gestion halieutique les préoccupations sociales ou politiques serait contraire à l'autorité fondamentale de l'Etat côtier telle qu'établie à l'article 56, dans lequel il est précisé que l'Etat côtier détient les droits souverains d'exploration, d'exploitation, de conservation et de gestion de ces ressources. "Gérer" signifie normalement prendre des mesures réglementaires en vue d'objectifs variés, et les éléments sociaux et politiques y figurent en place, prééminente. Le "droit souverain" de gérer est en règle générale considéré comme englobant ces objectifs et il n'existe dans la Convention sur le droit de la mer, en dehors de l'article 61, rien qui indique que la notion de "droit souverain" doive être envisagée autrement. L'omission d'une référence expresse à des considérations "sociales" ne saurait donc être interprétée comme limitant l'autorité de l'Etat côtier si largement définie à l'article 56.

Il s'ensuit spécifiquement que l'Etat côtier peut maintenir un niveau d'abondance de la population qui réponde à ses intérêts, tel qu'il les détermine, tant que la ressource n'est pas compromise. L'Etat côtier pourrait décider de maintenir un niveau d'abondance excédant sensiblement celui qui produirait un rendement constant maximum, d'où des taux de captures plus élevés a un coût réduit. En vertu du Traité sur le droit de la mer, les mesures de conservation et de gestion de l'Etat côtier peuvent être choisies de manière à servir ses intérêts. Certains de ces intérêts sont d'ailleurs précisés dans le Traité lui-même lorsqu'il se réfère au "besoins économiques des collectivités côtières vivant de la pêche et (les) besoins particuliers des Etats en développement, et compte tenu des méthodes en matière de pêche, de l'interdépendance des stocks et de toutes normes minimales internationales généralement recommandées au plan sous-régional, régional ou mondial".

Nombre d'Etats côtiers, sinon la plupart, n'auraient aucun intérêt à refuser d'autoriser l'exploitation de ces ressources aussi pleinement que leur abondance le permettra en conditions de sécurité. L'exercice de leur libre arbitre pour la détermination du volume des captures admissibles équivaudrait alors à permettre des rendements autorisant l'exploitation des ressources par des navires étrangers. Le problème revient alors a fixer des limites sûres pour le volume des captures, qui y aura accès, à quels termes et à quelles conditions. L'Etat côtier peut encore avoir intérêt à prévoir certaines restrictions du niveau de l'effort de pêche ce qui pourra lui permettre de tirer de l'exploitation étrangère plus d'avantages que dans d'autres cas.

4. Normes scientifiques applicables a l'adoption de mesures de conservation et de gestion

En adoptant des mesures, l'Etat côtier doit tenir compte "des données scientifiques les plus fiables dont il dispose". Cela semble signifier que l'Etat côtier peut adopter des mesures alors même que les bases scientifiques ne sont pas complètes ou aussi complètement vérifiées que possible. Plus précisément, l'Etat côtier peut prendre des décisions en matière de conservation et de gestion lorsque les données disponibles présentent des lacunes ou que l'interprétation de certaines données est incertaine parce qu'elles sont incomplètes ou incomplètement comprises.

La détermination de l'effort qu'un Etat côtier est tenu d'exercer pour améliorer la qualité et la quantité des données disponibles demeure un problème majeur. Si l'Etat côtier a l'obligation de fixer le volume, admissible des captures et d'éviter de compromettre une ressource, est-il requis d'investir dans des efforts visant a obtenir des données meilleures que précédemment, aux fins de ses décisions? Rien, dans le Traite, ne porte expressément sur cette question. Cependant, on peut inférer de la répétition du terme "disponible" (alinéas 2 et 5 de l'article 61) que l'Etat côtier a pour obligation première d'utiliser les données fournies par les sources normalement prévues et que le Traité ne lui impose aucune obligation expresse d'améliorer ce qui est disponible ou d'aller à d'autres sources. On peut raisonnablement supposer que l'accent mis sur "disponible" signifie qu'il n'y a pas de devoir à proprement parler de rechercher des données et des informations excepté celles qui pourraient être obtenues vu l'aptitude, pour l'Etat côtier, d'allouer des ressources et des compétences à cette tâche.

Dans ce contexte, le terme "disponible" ne se réfère pas seulement aux données détenues par l'Etat côtier, il convient de considérer qu'il doit englober aussi des données ou informations provenant d'autres sources, y compris les flottilles étrangères, les organisations internationales et autres Etats exploitant la pêcherie ainsi gérée. En vertu de l'article 61(5), les différentes organisations mentionnées doivent contribuer et échanger "les informations scientifiques disponibles, les statistiques relatives aux captures et à l'effort de pêche et les autres données concernant la conservation des stocks de poisson". L'Etat côtier est autorisé à faire dépendre son autorisation d'accès à sa ZEE de la fourniture des informations qu'il stipule, à savoir notamment les statistiques de capture et d'effort, ainsi que de la réalisation de recherches halieutiques et de la mise à disposition de données scientifiques. Toutes données et informations que l'on pourrait raisonnablement s'attendre à obtenir à ces sources devraient être considérées comme étant "disponibles". Il ne devrait pas être possible de se défendre d'une inculpation de manquement à s'acquitter d'une obligation du Traité en arguant que l'on a failli rechercher ou utiliser ces données et informations.

5. Obligation de tenir compte des effets de l'exploitation sur des espèces associées ou tributaires

La plupart des pêcheries sont de nature multispécifiques en ce sens qu'elles ont pour cibles plusieurs espèces ou que, pour d'autres motifs, elles affectent de manière significative plus d'une espèce. On a donc fréquemment l'occasion d'envisager les effets de l'exploitation d'espèces autres que les espèces cibles. L'obligation à cet égard figure à l'article 61(4), lequel stipule que "...l'Etat côtier prend en considération (leurs) effets sur les espèces associées aux espèces exploitées ou dépendant de celles-ci, afin de maintenir ou de rétablir les stocks de ces espèces associées ou dépendantes à un niveau tel que leur reproduction ne risque pas d'être sérieusement compromise".

La question de savoir ce qu'il faut entendre par l'expression "associé;... ou dépendant..." n'est pas résolue dans le Traité. L'auteur d'une étude récente jugeait que ces expressions ne font pas encore l'objet d'un usage commun et qu'elles sont vagues (Dawson, 1980). Dans un autre document, on supposait il y a peu que les espèces associées incluent les "captures accessoires ou faux-poisson" et qu'il faut au titre des espèces "dépendantes" envisager des relations prédateur/proie ou d'autres rapports plus éloignés, de nature alimentaire ou biologique (Burke, 1982). On a constate que les effets de l'exploitation diffèrent grandement dans ces diverses situations et qu'ils peuvent être négligeables ou catastrophiques ou répondre à toutes les nuances intermédiaires. Les mammifères marins, si sensibles aux captures accessoires et à la déplétation, alors même que leur exploitation est modérée, posent des problèmes particuliers.

Quelle que soit l'interprétation donnée aux termes évoqués, il semble probable que les Etats se heurteront à des difficultés considérables dans l'exécution de cette obligation. La connaissance et la compréhension des écosystèmes complexes, existant dans les zones de 200 milles, sont insuffisantes pour que la gestion des écosystèmes soit satisfaisante. Un récent rapport faisant autorité a cet égard, mentionnait a peu près que pour déterminer les incidences sur la gestion de l'expression "gestion des écosystèmes" il faut avoir au préalable une bonne, connaissance de l'environnement physique et chimique, ainsi que des espèces biologiques qui composent l'écosystème, et comprendre les interactions s'exerçant a l'intérieur du complexe spécifique et entre ce complexe et son environnement. Pour être efficace, la gestion d'un écosystème devrait aussi être fondée sur une connaissance des flux d'énergie matérielle et de nutriments a l'intérieur de l'écosystème. A l'heure actuelle, l'ensemble de ces interactions n'est pas suffisamment bien connu pour permettre une gestion globale de quelque écosystème que ce soit (FAO, 1979).

Par ailleurs, le rapport entre exploitation par pêche et excès des captures incidentes est parfois bien établi et un Etat côtier peut être accuse d'avoir manqué a l'obligation établie à l'article 61(4). Dans la mesure où la mortalité par pêche doit être réduite pour tenir compte des effets de l'exploitation d'une espèce déterminée sur les espèces associées ou tributaires, des conditions d'accès pourraient bien être affectées. Les Etats étrangers demandant à accéder à une ressource pourraient voir avec quelque sévérité les actions d'un Etat côtier visant à limiter leur accès, lorsqu'il est allégué que ces mesures se justifient par une telle considération. Cependant, comme on l'a déjà noté, l'Etat côtier est souverain pour établir le volume des captures autorisées, ainsi que les modalités et les conditions d'application. En conséquence, aucune protestation n'aurait de fondement légal.

6. Obligation de promouvoir l'exploitation optimale

Les Etats dotés de flottilles hauturières ont formulé, lors des négociations sur le droit de la mer, différentes propositions visant à obtenir le maintien pour eux de l'accès aux zones de juridiction élargies. Les principaux Etats pratiquant la pêche hauturière, à savoir l'URSS, et le Japon, ont suggère des formules de nature à préserver substantiellement leurs flottilles contre l'autorité de l'Etat côtier. Les Etats-Unis avaient au départ visé le même objectif, par le biais d'un principe d'exploitation pleine ou maximale, à l'avantage des Etats dotés de flottilles hauturières et d'une proposition en vertu de laquelle les espèces dites de grands migrateurs devaient être gérées exclusivement par une organisation internationale. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont lié le contrôle, par l'Etat côtier, de l'accès à ses fonds de pêche à sa propre capacité d'exploitation. Lorsque celle-ci atteignait 100 % du volume admissible des captures, l'élimination progressive (en cinq ans) des navires étrangers était prévue.

L'article 62 du Traité sur le droit de la mer diffère sensiblement de toutes les propositions autres que celles qui conféraient un contrôle total et illimité aux Etats côtiers. Intitulé "exploitation des ressources biologiques", il oblige l'Etat côtier à "favoriser une exploitation optimale des ressources biologiques de la zone économique exclusive, sans préjudice de l'article 61". Ce libellé confirme a l'évidence que le Traité n'impose aucune obligation d'exploitation "totale" ou "maximum" des fonds de pêche de la ZEE.

En premier lieu, l'expression retenue est "exploitation optimale" en dépit de la proposition américaine, qui employait le terme "maximum". Il est clair, par ce choix, que l'objectif de la gestion ne doit pas être mesuré simplement en fonction des captures les plus élevées possibles de poissons. "Optimale" permet d'envisager une variété d'objectifs de gestion. Ce choix des termes est d'autant plus significatif que, si les dispositions du droit de la mer en matière de pêche suivent en général la structure de la proposition des Etats-Unis, elles s'en écartent sur ce point particulier ainsi que par d'autres notions et détails opérationnels.

L'article 61 oblige aussi l'Etat côtier à "promouvoir une exploitation optimale" ce qui signifie qu'il lui incombe d'en prendre la décision. Aucun autre Etat ne pourrait mettre en oeuvre l'objectif d'une utilisation optimale (quelle que soit la définition que l'on en retienne) car aucun ne saurait revendiquer aucune compétence en matière de choix des objectifs, des politiques, des principes ou des tactiques de sa gestion de la ZEE. Cependant, les Etats dont les ressortissants pêchent des espèces anadromes et de grands migrateurs ont le droit d'être consultés ou de participer à des activités conjointes, débouchant sur un choix de l'Etat côtier. En tout état de cause, l'injonction de "favoriser" un objectif particulier ne semble ni constituer un fardeau ni une obligation particulière sauf à interdire, le cas échéant, des options extrêmes telles que l'interdiction sans motif de toute utilisation d'espèces communément exploitées.

Enfin, l'obligation de "favoriser une exploitation optimale" s'entend "sans préjudice de l'article 61". L'autorité de l'Etat côtier, aux termes de l'article 61 n'est donc affectée en aucune: manière par une obligation concernant l'"utilisation optimale". L'autorité exercée en vertu de l'article 61 englobe essentiellement: (1) la fixation du volume admissible des captures; (2) la prise de mesures visant a éviter que les ressources de la ZEE ne soient compromises par l'exploitation; (3) la détermination des rendements autorisés, à la lumière des rendements constants maximum eu égard aux facteurs écologiques et économiques et compte tenu des effets sur les espèces associées et dépendantes. Aucune de ces déterminations ou de ces choix n'est nécessairement affecté par aucune obligation à observer ou à englober un niveau particulier d'exploitation, au-delà de zéro, pour une pêcherie particulière. Compte tenu de l'article 62(1), l'autorité consacrée par l'article 61 pourrait s'exercer de manière a fixer un volume de captures autorisées ou un rendement admissible à quelque niveau que l'Etat côtier détermine être dans l'intérêt de son effort d'exploitation ou quels que soient les autres intérêts légitimes qu'il cherche à favoriser. Outre l'obligation d'éviter de compromettre les espèces cibles ou de menacer la reproduction des espèces associées/dépendantes, la seule exception légale à cette autorité, en vertu de l'article 61, réside dans l'obligation, exprimée à l'article 64, de coopérer pour l'exploitation de certaines espèces de grands migrateurs. Cette obligation devrait être interprétée comme requérant des négociations qui tiennent de façon active compte tenu des intérêts des autres Etats exploitants et côtiers et qui y repondent.

La conclusion selon laquelle "l'exploitation optimale" doit être décidée par l'Etat côtier seul, est renforcée par les dispositions relatives au règlement des différends, contenues dans la partie XV de la Convention sur le droit de la mer. L'article 297(3)(a) excepte des procédures obligatoires de règlement des litiges découlant de la section 2 de la partie XV tout différend relatif aux droits souverains (d'un Etat côtier) sur les ressources biologiques de la zone économique exclusive ou à l'exercice de ses droits, y compris son pouvoir discrétionnaire de fixer le volume admissible des captures et sa capacité de pêche, de repartir le reliquat entre d'autres Etats et d'arrêter les modalités et conditions a cette fin. Il est certain que dans la Convention sur le droit de la mer, la signification spécifique d'"exploitation optimale" dans chaque contexte détermine est de la compétence exclusive de l'Etat côtier.

7. Capacité de pêche et reliquat

Outre les droits souverains et intangibles (en vertu des procédures du Traité applicables au règlement des litiges), de fixer le volume admissible des captures (en vertu des articles 56 et 61), l'Etat côtier est expressément autorise par l'article 62(2) à déterminer sa propre capacité d'exploitation des ressources biologiques de sa zone économique exclusive. Ces deux décisions discrétionnaires de l'Etat côtier, déterminent s'il y a un reliquat: l'article 62(2) stipule que "si cette capacité d'exploitation est inférieure à l'ensemble du volume admissible des captures, il (l'Etat côtier) autorise d'autres Etats... à exploiter le reliquat du volume admissible...". L'injonction faite à l'Etat côtier de donner accès à ce reliquat est donc en fait considérablement moins autoritaire que ne le laisserait supposer la lecture de l'article 62 seul. L'obligation, pour l'Etat côtier, de donner accès (au reliquat) est donc fonction d'une condition préalable capitale, à savoir qu'il détermine que sa capacité d'exploitation est inférieure a l'ensemble du volume admissible des captures. Ces déterminations étant de la compétence exclusive de l'Etat côtier, il apparaît que le fait de "donner accès" n'est pas, selon l'esprit, une obligation de l'Etat côtier. Ce n'est que si l'Etat côtier décide de déclarer qu'un reliquat est dans son intérêt, qu'il est requis d'y donner accès aux termes et dans les modalités qu'il prescrit.

Il est maintenant bien admis qu'un Etat côtier peut avoir des raisons valables de décider et d'affirmer qu'il est dans son intérêt de déterminer que les captures autorisées sont égales ou inférieures a sa capacité d'exploitation, d'où il s'ensuit qu'il n'autorise pas l'exploitation par les fottilles étrangères. Dans une autre communication destinée à la présente réunion, John Gulland formule des considérations susceptibles d'influencer les Etats côtiers dans cette direction.

Le Traité établit clairement que l'Etat côtier ne saurait être tenu d'accorder a d'autres Etats cet accès, alors même qu'il aurait manqué à déterminer un volume admissible des captures et sa capacité d'exploitation. Apparemment, les pères du Traité ont considère que le libre arbitre de l'Etat côtier va au point qu'il peut refuser de fixer un volume admissible des captures et une capacité d'exploitation. L'article 297 exclut toute obligation pour un Etat côtier de se soumettre à la procédure obligatoire de règlement des différends portant sur ses droits souverains en matière de pêche ou l'exercice de ces droits (comme nous le verrons dans une section ultérieure); il exclut tout aussi expressément toute procédure obligatoire si l'Etat côtier refuse l'accès par omission pure et simple. Si le refus d'agir est "arbitraire", l'Etat côtier peut, certes, être poursuivi par voie de "conciliation obligatoire". Cette procédure est obligatoire en ce sens que l'Etat côtier est du moins tenu de payer une partie des frais et dépens de la procédure de conciliation et qu'il ne saurait empêcher sa réalisation en refusant de comparaître. Cependant, la commission de conciliation ne peut que formuler des recommandations non obligatoires et celles-ci peuvent être purement et simplement rejetées par l'Etat côtier, à supposer même qu'il accepte d'en faire le moindre cas.

Il est vrai que l'article 300 stipule que les Etats doivent exercer "les droits, les compétences et les libertés reconnus dans la Convention d'une manière qui ne constitue pas un abus de droit" et l'on pourrait voir ici une limitation du pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier. Un tel argument pourrait prévaloir s'il existait un moyen de le soumettre à un tribunal impartial. Toutefois, l'article 297 exclut largement cette possibilité. On peut même considérer qu'il établit que le refus d'un Etat côtier de prendre des mesures en vue de fixer un volume de captures admissibles n'est pas "un abus de droit" en vertu du Traité. En excluant cette "non-action" de la procédure de règlement obligatoire des différends, le Traité stipule assurément qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un abus d'autorité et dans ce cas, il semblerait difficile d'arguer qu'elle constitue nécessairement un "abus de droit".

D'autre part, si un Etat exploitant dispose de l'influence nécessaire pour s'assurer un examen extérieur, par voie d'accord ou, en tout état de cause, indépendamment du Traité du droit de la mer, l'article 300 pourrait donner un fondement à une action visant à attaquer des actions arbitraires de la part de l'Etat côtier.

En bref, le Traité ne comporte en fait aucune disposition venant limiter le pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier d'interdire l'accès de sa ZEE ou zone de pêche à l'exploitation par un Etat étranger. A des fins juridiques pratiques, le Traité n'établit aucune voie de droit même contre des mesures arbitraires, aboutissant à en interdire l'accès a un Etat étranger.

L'accent mis sur la suprématie et le pouvoir discrétionnaire accordés aux Etats côtiers en vertu des articles 61 et 62 de la Convention sur le droit de la mer ne devrait pas faire perdre de vue le fait que, selon toute probabilité, les Etats côtiers exerceront cette autorité et ce pouvoir discrétionnaire pour trouver dans la ZEE un reliquat de poisson. En outre, certains Etats sont peut-être dotés d'une législation en vertu de laquelle les captures admissibles doivent être déterminées conformément à des informations biologiques et il pourrait bien se faire alors que le volume admissible des captures excède leur capacité d'exploitation. Encore qu'une telle législation ne soit pas imposée par la Convention sur le droit de la mer, elle est compatible avec elle et peut entraîner la détermination d'un reliquat tel que défini par le Traité. Quelle que soit la raison pour l'Etat côtier d'établir un reliquat, ce faisant, il est obligé à y donner accès. De cela découle alors la nécessité de déterminer les modalités et les conditions d'accès et de répartir le reliquat entre les pêcheurs étrangers. L'Etat côtier peut, de là, être amené à examiner si un Etat particulier devrait être autorisé a accéder aux ressources compte tenu de sa situation géographique ou d'activités antérieures de pêche ou de recherche. Ces questions seront examinées lorsque nous aurons étudie les termes et les conditions d'accès.

8. Article 62 - Termes et conditions d'accès des Etats étrangers

La Convention exige que tout Etat côtier qui dispose d'un reliquat de ressources biologiques dans sa ZEE en accorde l'accès à d'autres Etats. Cette autorisation est donnée "par voie d'accords ou d'autres arrangements et conformément aux modalités, aux conditions et aux lois et règlements visés au paragraphe 4" du même article. Ce dernier paragraphe stipule que les ressortissants d'autres Etats qui pêchent (dans la zone économique exclusive) "se conforment aux mesures de conservation et autres modalités et conditions fixées par les lois et règlements de l'Etat côtier". La nature des modalités et conditions est laissée à la discrétion pleine et entière de l'Etat côtier. Le seul frein spécifique consiste dans la nécessité pour les lois et règlements de l'Etat côtier, englobant ces conditions d'"être compatible avec la Convention...". L'éventail des termes et conditions n'est toutefois pas limite par le Traite. La liste de l'article 62 est de nature purement illustrative et nullement exhaustive.

Les lois et règlements de l'Etat côtier peuvent avoir trait aux onze catégories de mesures énumérées à l'alinéa 4 de l'article 62 et apparemment à d'autres questions aussi, dans la mesure où ces lois et règlements sont compatibles avec les autres dispositions du Traité. Ces lois et règlements de l'Etat côtier en matière de pêche pourraient avoir trait aux "autres intérêts nationaux" de l'Etat côtier, dont ce dernier est admis a tenir compte, lorsqu'il donne accès, en vertu de l'alinéa 3. En conséquence, si les pêcheries de l'Etat côtier sont jugées importantes du point de vue de l'intérêt national parce qu'elles constituent un moyen utile de réaliser des objectifs politiques déterminés, les lois et règlements de l'Etat côtier concernant l'accès aux fonds de pêche pourraient traduire cet intérêt. Si la réalisation des objectifs politiques était facilitée par certaines conditions spécifiques affectant l'accès des Etats étrangers, ces conditions pourraient être mises en oeuvre dans les lois et règlements de l'Etat côtier.

En vertu de la Convention sur le droit de la mer, les décisions de l'Etat côtier quant aux termes des conditions d'accès relèvent de son pouvoir discrétionnaire, cependant orienté, l'obligation du Traité en vertu de laquelle les lois et règlements de l'Etat côtier contenant les termes et conditions a cette fin doivent être compatibles avec le Traité. L'article 300 stipule en outre que les Etats parties doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées aux termes de la Convention et exercer leurs droits "d'une manière qui ne constitue pas un abus de droit". Pour respecter ces directives, un Etat côtier ne peut à la fois déclarer un reliquat et établir des règlements qui interdisent en fait son exploitation. Une fois un reliquat déclare et une répartition faite en faveur des pêcheurs étrangers, l'Etat côtier a l'obligation d'exercer son autorité réglementaire de bonne foi et en conformité des autres dispositions matérielles du Traité. Des règlements désobligeants, imposant des conditions extravagantes et irréalistes, qui en pratique interdiraient l'exploitation, ne seraient pas conformes au Traité. On peut en citer les exemples suivants: l'utilisation de zones d'interdiction de telle sorte que la flottille étrangère risque, selon toute probabilité, d'encourir du fait de la banquise des dommages coûteux pour ces engins fixes ou encore l'exigence qu'il dispose ses engins dans une voie de navigation maritime. On pourrait encore citer à cet égard l'utilisation de "créneaux" ou de campagnes de pêche autorisées, qui rendraient l'exploitation des flottilles étrangères indûment coûteuses1.

1 II convient de rappeler sans délai que les lois et règlements de l'Etat côtier censés violer l'article 300 ou réputés incompatibles avec d'autres dispositions du Traité ne peuvent être contestes par voie de procédure obligatoire en vertu de la Partie XV du Traité si l'Etat côtier n'y consent pas

S'il peut sembler peu réaliste d'envisager que l'on puisse imposer des conditions déraisonnables alors qu'il aurait suffi d'interdire toute exploitation par des navires étrangers en évitant de déclarer un reliquat, l'autorité et l'influence politique à l'intérieur d'un pays déterminé peuvent être réparties de façon que cette tactique soit plausible et, parfois, jugée souhaitable. Le Traité sur le droit de la mer ne la permettrait pas.

Le vaste éventail des modalités et conditions qu'énumère l'article 62, recoupe dans une large mesure celles que l'on pourrait s'attendre à trouver dans les lois et règlements applicables en matière de pêche, à savoir notamment: délivrance de permis; paiement de droits; contingents de captures (quotas); campagnes et zones de pêche; types, taille et nombre des engins et des navires; Caille, âge et espèces de poissons; renseignements et recherches exigés; lieux de débarquement; observateurs; formation; techniques; transfert des techniques; entreprises conjointes et mesures d'exécution.

L'importance particulière de certaines de ces questions ne devrait pas échapper dans cette masse de détails. L'article 62(a) se réfère spécifiquement à l'attribution de permis et au paiement des droits; il s'ensuit à l'évidence que l'Etat côtier est fondé à demander un paiement en échange du droit d'accès aux reliquats. Le Traité ne comporte aucune limitation ou restriction spécifiques quant au niveau des droits et, s'il impose d'être raisonnable, il accorde aux Etats côtiers ample latitude quant aux avantages financiers qu'il peut tirer de l'exploitation de leur ZEE. L'Etat côtier pourrait incontestablement exiger un droit qui traduirait la valeur que ce droit représente effectivement pour l'Etat étranger. Si le Traité se réfère à la "délivrance de licences aux pêcheurs ou pour les navires ou engins de pêche, y compris le paiement de droits ou toute autre contre-partie", il ne s'ensuit pas que le paiement total exige en échange de l'accès doive être fonde sur un simple calcul ayant pour base le nombre de pêcheurs ou de navires. Il peut davantage être fonction de la valeur totale du droit de pêche, quelles que soient la stratégie et la tactique de pêche adoptées par l'Etat hauturier. Le paiement de chaque navire pourrait néanmoins être très important par rapport à sa part de prise. Il n'y a là aucun obstacle légal à la détermination des droits par l'Etat côtier. Bien entendu, celui-ci n'est aucunement tenu d'obtenir compensation du droit d'accès en taxant chaque navire ou pêcheur.

De l'article 62(4)(a), il ressort que les paiements peuvent "consister en une contribution adéquate au financement, à l'équipement et au développement technique de l'industrie de la pêche". Si le libellé ne mentionne que les Etats côtiers en développement, il est douteux qu'il faille interpréter cela comme l'expression d'une volonté de réserver ces formes de paiement à ces seuls Etats. Les Etats côtiers développés peuvent eux aussi avoir des zones côtières et des secteurs de population importants ayant besoin de telles contributions. Ils peuvent donc souhaiter accepter de la part des Etats pratiquant la pêche hauturière une rémunération sous cette forme. Si toutes les formes de compensation se valent, celle qui est adoptée ne devrait guère importer.

La multiplicité des conditions d'accès stipulées à l'article 62 entraîne un problème: quelle est la valeur qu'il faut leur attribuer? Si l'Etat côtier exige, par exemple, des recherches halieutiques en guise de condition d'accès, l'Etat demandant l'accès se trouve confronté à un coût notable, auquel il faut attribuer une valeur lorsqu'on détermine la rémunération totale perçue par le pays côtier. Il en est de même pour les procédures particulières requises à titre de mesures d'exécution.

9. Contraintes affectant le choix des Etats qui obtiennent accès

L'article 62 comporte deux dispositions spécifiques, concernant la décision de l'Etat côtier quant aux Etats qui auront accès à ses pêcheries. L'alinéa 2, ayant stipulé l'obligation fondamentale de donner accès, précise que l'Etat côtier "tient particulièrement compte des Etats sans accès à la mer et géographiquement désavantagés". L'alinéa 3 enjoint à l'Etat côtier de "(tenir) compte de Cous les facteurs pertinents", et met ensuite l'accent sur quatre Etats ou catégories d'Etats différents: (1) l'Etat côtier lui-même; (2) les Etats sans accès à la mer (article 69) et géographiquement désavantagés (article 70); (3) les Etats en développement de la région où de la sous-région et (4) les Etats dont les ressortissants pratiquent habituellement la pêche dans la zone ou qui ont beaucoup contribué à la recherche et à l'inventaire des stocks.

L'auteur analyse le Traité par rapport aux trois dernières catégories d'Etats, dans l'optique de l'autorité de l'Etat côtier concernant l'accès à ses ressources par chacune de ces catégories et des droits des Etats de chaque catégorie.

(a) Etats sans littoral (article 69) et géographiquement désavantages (article 70)

Les articles 69 et 70 méritent une analyse approfondie car ils ont été particulièrement controversés lors des négociations sur le droit de la mer. Ces articles sont donc le fruit de négociations particulières visant à satisfaire les Etats sans littoral, géographiquement désavantagés et côtiers. En définitive, les dispositions des articles 69 et 70 ne conditionnent ni ne modifient de manière significative le droit souverain de l'Etat côtier sur l'exploitation de sa ZEE. L'Ambassadeur Nandan, Président du groupe de négociation 4 qui s'est occupé de la question clé des Etats sans littoral et géographiquement désavantagés rappelait que certains Etats ont déclare "qu'ils devaient pouvoir participer à titre préférentiel ou prioritaire a l'exploitation des zones économiques exclusives voisines" et que, selon eux, les articles 69 et 70 devraient faire: "expressément état de la priorité ou de la préférence à leur accorder, afin de donner plus de sens à ces articles".

Cette position était inacceptable pour les Etats côtiers et les articles 69 et 70 n'en font aucune mention. L'Ambassadeur Nandan a néanmoins déclaré qu'il était "persuadé qu'il est nécessaire de préciser d'une manière ou d'une autre la relation entre les dispositions des articles 69 et 70 et celles de l'article 62". Sa solution de compromis a consisté à amender l'article 62, de telle sorte qu'à la fin de l'alinéa 2 on trouve l'expression "ce faisant, il (l'Etat côtier) tient particulièrement compte des articles 69 et 70, notamment à l'égard des Etats en développement visés par ceux-ci". Sa suggestion a été retenue.

Ni cet amendement, ni les alinéas 3 et 4 qui ont été ajoutés aux articles 69 et 70, respectivement, n'imposent aucune contrainte à l'Etat côtier quant à sa décision de donner ou non accès à des Etats étrangers, quels qu'ils soient, y compris les pays sans littoral et géographiquement désavantagés. En fait, la déclaration selon laquelle les Etats sans littoral et géographiquement désavantagés ont "un droit à participer" (articles 69 et 70) ne se réfère qu'aux "reliquats" et à "une part appropriée du reliquat". Le point de savoir s'il existe un reliquat demeure, en premier lieu sous le contrôle entier de l'Etat côtier, et cela est spécifiquement confirmé par la clause en vertu de laquelle le "droit de participer" s'exerce "conformément... aux articles 61 et 62". Il s'ensuit de cette précision expresse que le "droit" stipulé aux articles 69 et 70 relève du pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier, fixé aux articles 61 et 62. Ce droit dépend donc de la décision de l'Etat côtier Concernant le volume admissible des captures, de sa détermination de sa propre capacité d'exploitation et des termes et conditions qu'il choisit d'appliquer à l'exploitation de sa ZEE.

Si les articles 69 et 70 n'ont aucune incidence sur le fond des articles 61 et 62, ils n'en déclarent pas moins le "droit" des pays sans littoral et géographiquement désavantagés d'exploiter une partie du reliquat, s'il en est fixé un. En dépit des références multiples de l'article 62 aux articles 69 et 70, le droit même d'exploiter une partie du reliquat est tenu. Il est stipulé à l'alinéa 2 de l'article 62 que l'Etat côtier doit donner accès "par voie d'accords ou d'autres arrangements et conformément aux modalités, aux conditions et aux lois et règlements (de l'Etat côtier)". Si, en accordant (à d'autres Etats) l'accès de sa ZEE, l'Etat côtier doit "tenir particulièrement compte" des pays sans littoral et géographiquement désavantagés (alinéa 2), l'alinéa suivant, qui constitue le texte essentiel concernant les Etats susceptibles d'obtenir accès à la ZEE, prévoit expressément que l'énumération des facteurs pertinents dont l'Etat côtier doit tenir compte en accordant l'accès à sa ZEE n'est pas exclusive. La référence aux articles 69 et 70 n'est que l'un des facteurs dont l'Etat côtier doit tenir compte, dans une liste à composition non limitée, et qu'il peut déterminer en choisissant sa façon d'agir. La référence complémentaire aux Etats sans littoral à l'alinéa 2, met, certes, l'accent sur leur importance lorsque l'Etat côtier choisit qui aura accès au reliquat, mais ne réussit cependant pas à éliminer complètement le droit, pour ce dernier de donner accès à d'autres Etats. Ce droit n'est que légèrement altéré par l'article 62 combiné avec les articles 69 et 70.

Les alinéas 3 de l'article 69 et 4 de l'article 70, identiques quant au fond (et dans la suite de notre étude, toute référence à 69(3) devra être interprétée comme s'appliquant aussi à 70(4)), contituent une limitation, d'ailleurs modeste, du pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier de déterminer qui aura accès à son reliquat.. L'hypothèse, inhérente à l'article 69(3), est que l'Etat côtier a déclare un reliquat, que l'exploitation par des navires étrangers est autorisée, et que l'Etat côtier accroît sa propre capacité d'exploitation du volume admissible des captures. Si cette progression est entièrement du fait de l'Etat côtier, alors (l'Ambassadeur Nandan suggère que) les Etats sans littoral et géographiquement désavantagés ne sont guère justifiés à insister pour participer à cette exploitation - et l'article 69 est sans objet. On peut supposer que cela est lie au fait qu'une fois l'Etat côtier ayant réalisé son propre effort d'exploitation, il n'y a pas de reliquat, toute participation étrangère est alors exclue. Cependant, si le développement de la capacité locale est réalise grâce à des entreprises conjointes, l'article 69(3) stipule que l'accès des Etats sans littoral et géographiquement désavantagés est maintenu.

Il convient de mettre l'accent sur cette notion de maintien conditionnel de l'accès. Dans le rapport de l'Ambassadeur Nandan, il est signalé que dans l'article 69(3) l'accent est mis sur les pays sans littoral et géographiquement désavantagés qui sont des pays en développement et qui ont effectivement pratiqué la pêche dans la zone exclusive en question lorsque la situation se présente". Si l'on se réfère à cet énoncé en interprétant l'article 69(3), son libellé exclut toute revendication de la part des Etats en développement sans littoral et géographiquement désavantagés pour accéder a l'exploitation des ZEE adjacentes lorsque la capacité de récolte de l'Etat côtier approche d'un point qui lui permettrait - par des entreprises conjointes - de récolter la totalité des prises autorisées des ressources biologiques. (On se souviendra en outre que le volume admissible des captures peut être ajuste pour tenir compte des intérêts sociaux de l'Etat côtier et qu'il n'est pas dicté par des considérations biologiques.)

En dépit du ton catégorique du libellé de l'article 69(3), la disposition relative au maintien de la participation des Etats sans littoral et géographiquement désavantagés laisse beaucoup à désirer, car elle n'offre ni certitude ni garantie d'accès. Les Etats côtiers et les autres Etats concernés "coopèrent" en vue de conclure des "arrangements... équitables" permettant aux Etats en développement sans littoral et géographiquement désavantagés de participer "selon qu'il convient, eu accord aux circonstances et a des conditions satisfaisantes pour toutes les parties". Ce libelle est très vague quant à la protection qu'il offre aux Etats sans littoral ou géographiquement désavantagés qui ont procède a des investissements, pour acquérir des navires et des engins et parfois aussi des installations de traitement, d'entreposage, de distribution et de commercialisation et qui cherchent a protéger leurs capitaux en accédant à une offre assurée d'une ressource déterminée. Les dispositions relatives au maintien de la participation "selon qu'il convient eu égard aux circonstances" laissent une très large liberté d'appréciation quant aux arrangements à conclure. Plus le nombre d'organisations exploitant un reliquat décroissant est grand, plus petite sera la quote-part de chacun, et l'on peut donc s'attendre a ce que la part "appropriée" soit relativement exiguë et sujette a réduction ultérieure, notamment lorsque le pays sans littoral et géographiquement désavantagé n'est que l'un des nombreux Etats exploitants. Le problème risque d'être d'autant plus difficile si l'Etat sans littoral ou géographiquement désavantagé a besoin de poisson d'une espèce, d'une taille ou d'une qualité déterminées ou péchés en un lieu ou à une époque particulière.

S'il est juste d'affirmer que les articles 69 et 70 donnent un fondement juridique à la revendication de l'accès lorsque l'Etat côtier accepte d'établir un "reliquat", il importe aussi d'affirmer que les conditions auxquelles se réalisera cet accès pourraient être de nature à imposer des obstacles insurmontables. Le droit de participer à l'exploitation d'une partie du reliquat doit être conforme aux articles 61 et 62, ce dernier stipulant que l'Etat côtier peut établir les modalités, les conditions, les droits et les règlements régissant l'accès. Il apparaît donc que l'accès dépend en fait de l'aptitude de l'Etat sans littoral ou géographiquement désavantagé à satisfaire aux modalités et conditions de l'Etat côtier. Les satisfaire peut être extrêmement difficile, voire impossible, en particulier si l'Etat côtier établit des droits qui sont détermines sur une base concurrentielle.

L'article 69(2) stipule, pour sa part, que les Etats concernés arrêtent les "conditions et modalités de cette participation" par voie d'accords. L'article 69(2) établit une liste non limitative de facteurs dont ces Etats doivent tenir compte dans la recherche d'un tel accord. Il faut citer en premier lieu "la nécessite d'éviter tous effets préjudiciables aux communautés de pêcheurs ou à l'industrie de la pêche des Etats côtiers". Les mêmes facteurs doivent être pris en compte dans l'application de l'article 69(3) lorsque, par des entreprises conjointes, l'Etat côtier accroît sa capacité d'exploitation du volume admissible des ressources. En conséquence, le fait qu'un Etat sans littoral ou géographiquement désavantagé déterminé obtient l'accès recherché est fonction de sa capacité à négocier des accords appropriés avec l'Etat côtier, entre autres, eu égard aux conditions applicables aux communautés de pécheurs et à l'industrie de la pêches des Etats côtiers, a l'étendue de l'exploitation d'autres fonds par le pays sans littoral ou géographiquement désavantagé, a la mesure dans laquelle d'autres Etats sans littoral ou géographiquement désavantagés exploitent la ZEE de l'Etat côtier et aux besoins alimentaires des Etats en cause.

On peut affirmer, en conclusion, que les articles 69 et 70 ne stipulent pas un droit effectif d'accès a l'exploitation de la ZEE d'un pays adjacent. Si l'Etat en cause déclare un reliquat, les articles 69 et 70 donnent toutefois aux pays sans littoral ou géographiquement désavantagés le droit de revendiquer l'accès a ce surplus. La réalisation pratique demeure tributaire des traquenards et difficultés que comportent les négociations visant à réaliser des accords bilatéraux, sous-régionaux et régionaux a des termes satisfaisants, tant pour l'Etat côtier que pour les autres.

(b) Etats en développement de la région ou sous-région

La référence de l'article 62 aux Etats en développement de la sous-région ou région est le troisième des points de la liste non exhaustive des facteurs pertinents dont l'Etat côtier "tient compte" en donnant accès à sa ZEE. Si, comme on vient de le noter, les Etats sans littoral et géographiquement désavantagés ne détiennent, en tout état de cause, qu'un droit de négocier l'accès à des termes satisfaisants également pour l'Etat côtier, les autres Etats en développement de la région ont un droit légal encore moindre à être pris en compte. Il est cependant juste de rappeler que ces Etats, parmi d'autres Etats en développement, peuvent demeurer aptes à négocier leur accès, de préférence aux Etats visés aux articles 69 et 70, à condition d'accepter des termes dont l'Etat côtier jugera qu'ils lui donnent satisfaction. Or l'Etat côtier a entière discrétion pour fixer les modalités et les conditions de l'accès à sa ZEE. En conséquence, il appartient uniquement à ce dernier en vertu des articles 62, 69 et 70 de choisir l'Etat Ou les Etats à qui il donnera accès.

(c) Perturbations économiques

Le quatrième et dernier des facteurs pertinents mentionnés à l'article 62 porte sur la "nécessité de réduire à un minimum les perturbations économiques dans les Etats dont les ressortissants pratiquent habituellement la pêche dans la zone ou qui ont beaucoup contribué à la recherche et à l'inventaire des stocks". On pourrait, à cet égard, englober deux catégories différentes d'Etats: les Etats qui pratiquent la pêche et ceux "qui ont beaucoup contribué a la recherche et à l'inventaire des stocks". Dans l'un et l'autre cas, la situation juridique est la même: ces Etats sont les derniers, dans une liste non exhaustive d'Etats, qui doivent être pris en considération lorsque l'Etat côtier décide de donner accès à sa ZEE. Cet ordre est en contraste brutal - et il apparaîtrait que cela soit intentionnel - avec la proposition spécifiquement formulée par les Etats-Unis, à savoir que l'accès devait être accordé sur la base de certaines priorités, la première concernant les Etats qui ont traditionnellement exploité une ressource. De la sorte, si l'on accorde un poids juridique à l'ordre de l'énumération contenue dans l'article 62, le facteur de perturbation économique dans les Etats dont les ressortissants pratiquent habituellement la pêche dans la zone et les Etats qui ont beaucoup contribué à la recherche et à l'inventaire des stocks devrait être le moins puissant de ceux qui ont été mentionnés. Cependant, comme on l'a déjà noté précédemment, le choix par l'Etat côtier, des Etats qui obtiennent accès à la ZEE est en dernière analyse tributaire des modalités et conditions qu'il juge acceptable. Il s'ensuit qu'un État figurant dans cette quatrième catégorie pourra recevoir la préférence. Si un "ordre de priorité" est suggéré par l'ordre d'énumération de l'article 62, il apparaît vicié, du fait du pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier de fixer les modalités et les conditions qu'il juge satisfaisantes.

A cet égard, on a beaucoup argué, dans certains secteurs, quant à la mention, dans l'article 62 des perturbations économiques qui, affirme-t-on, obligeraient a attribuer une part d'un reliquat aux Etats qui peuvent justifier de telles perturbations. Un tel argument n'a aucun fondement, même si l'on pouvait concéder que les activités de certains pêcheurs répondent aux critères d'exploitation habituelle d'une ZEE. Alors même qu'aucun Etat en développement, sans littoral ou géographiquement désavantagé n'aurait demande accès à la zone économique exclusive, la Convention sur le droit de la mer ne comporterait aucune obligation à donner accès à quelque Etat que ce soit.

En vertu du Traité sur le droit de la mer, l'Etat côtier détermine seul les conditions d'accès (sous réserve de l'article 64 pour les thonidés et autres espèces énumérées à l'annexe 1 et examinées ci-après). En conséquence, seuls les Etats qui satisfont à ces conditions peuvent obtenir accès. Dans ce cas, il est évident qu'aucun Etat ne peut demander accès sous prétexte qu'il y a droit. Cela est particulièrement évident dans l'hypothèse où l'Etat côtier déciderait d'allouer tout Son reliquat, par voie d'enchères, au plus offrant. Si tous les Etats qui participent aux enchères sont des Etats ayant habituellement exploité la zone, mais que l'une des soumissions seulement est la plus élevée, tous les Etats, sauf un, seront interdits d'accès. Cela est parfaitement légal en vertu d'un Traité qui donne à l'Etat côtier toute latitude pour déterminer les modalités et conditions d'accès qu'il juge acceptables. La décision de tirer d'une ressource excédentaire un maximum de revenus est certes raisonnable et inattaquable sous prétexte d'abus de droit ou de toute autre forme d'abus de pouvoir discrétionnaire.

En fait, imaginer les choix pratiques concernant l'accès qui, sauf à présenter un lien avec la politique, pourraient être jugés déraisonnables peut être malaisé. L'article 62 reconnaît expressément qu'en donnant accès à sa ZEE, l'Etat côtier peut tenir compte de la signification des ressources biologiques de la ZEE pour son "économie" mais aussi, pour ses "autres intérêts nationaux". Toute sorte d'intérêts qui, à différents degrés, portent sur la pêche peuvent être envisagés, y compris d'ordre politique, militaire, pédagogique, écologique, culturel, religieux, ou idéologique. Il est établi sans équivoque que les Etats utilisent déjà leur contrôle sur la pêche pour réaliser de tels objectifs. Vu le caractère vague du libellé du Traite, on aurait quelque difficulté à démontrer ou à convaincre que l'Etat côtier ne saurait plus exercer son autorité quant à l'accès pour promouvoir ces types d'intérêt. En vertu même du Traité, l'Etat côtier pourrait évoquer les considérations les plus variées pour justifier son choix de l'Etat ou des Etats qu'il autorise à accéder aux ressources ichtyologiques dans sa propre ZEE.

D. Stocks partagés

La création, par la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer de la zone économique exclusive de 200 milles marins est fréquemment saluée comme la principale réalisation de cette entreprise de législation internationale. Cette appréciation est souvent justifiée par l'ensemble des ressources biologiques virtuellement exploitées à moins de 200 milles d'une cote, la création de la ZEE permettant d'améliorer les décisions en matière de conservation et de gestion des pêcheries. La ZEE place les pêcheries sous la juridiction d'un Etat côtier et, partant, les rend tributaires d'un seul système de gestion.

Malheureusement, les possibilités dépistées par les observateurs ne sont pas épuisées. En effet, nombre de stocks de poisson exploités, voire peut-être la plus grosse part des stocks supportant une exploitation industrielle massive sont selon John Gulland (1982) des "stocks de migrateurs partagés", c'est-à-dire des stocks qui à un stade quelconque sont sujets à la juridiction de plusieurs Etats, compte tenu d'un schéma régulier de déplacements transfrontières. Souvent, les Etats en cause ne sauraient donc réaliser les objectifs de la conservation ou de la répartition indépendamment des autres Etats. Cela signifie aussi qu'en dépit de son autorité juridique exclusive, l'Etat côtier n'est pas apte à maîtriser entièrement les conditions d'accès aux stocks de sa ZEE. Évidemment, ce dilemme ne se produit pas toujours. En matière de stocks partagés, on se trouve confronté à de multiples situations, qui comportent des éléments différents et présentent divers problèmes.

Cette situation est évoquée à l'article 63(1) de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer: "lorsqu'un même stock de poissons ou des stocks d'espèces associées se trouvent dans les zones économiques exclusives de plusieurs Etats côtiers...". La conduite suivante est prescrite pour les Etats en cause: ils "s'efforcent,... de s'entendre sur les mesures nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement de ces stocks, sans préjudice des autres dispositions de la présente partie". Pour qu'un Etat côtier puisse promulguer de meilleures mesures de gestion, il doit souvent rechercher l'accord de l'autre ou des autres Etat(s) côtier(s), concernant une ou plusieurs mesures relatives aux stocks cibles. En outre, ces Etats sont requis de rechercher l'accord quant aux "stocks associés" qui peuvent être des stocks qu'aucun de ces Etats n'est intéressé à exploiter.

L'un et l'autre (ou tous les) Etats dans cette situation conservent l'autorité exclusive qui leur est conférée par les articles 56, 61 et 62. Il arrive cependant assez fréquemment que cette autorité soit inadéquate ou insuffisante aux fins de la réalisation des objectifs de gestion. Ainsi, la création de la ZEE peut continuer de constituer une meilleure possibilité de gestion, mais il apparaît que cette possibilité est très souvent tributaire de la coopération et de l'accord internationaux. On se trouve en présence d'une certaine amélioration, moindre peut-être que ce qui semblerait, dans la mesure ou, au lieu de chercher a gérer les pêcheries ouvertes à tous, le nouveau régime autorise les Etats côtiers des zones en cause à en limiter l'accès a leurs propres pêcheurs et à le réglementer. Ce qui change c'est donc l'ampleur, sinon la nature du problème. Au lieu d'être confronté au libre accès de tous, l'Etat côtier possédant des stocks partagés n'a affaire qu'aux "copropriétaires".

Toutefois, l'article 63 laisse beaucoup à désirer, qu'il s'agisse d'identifier les Etats tenus de rechercher un accord en matière de conservation et de développement ou d'identifier l'ensemble des problèmes pertinents aux stocks partages. L'article 63 aurait dû être rédige de manière à tenir compte de tous les cas significatifs dans lesquels surgit un problème de gestion lorsqu'un Etat côtier ne peut à lui seul prescrire des mesures pertinentes à un stock qui se trouve aussi dans la zone de juridiction d'un autre Etat. Or, il n'est pas entièrement évident que l'alinéa 1 de l'article 63 réalise cet objectif.

Il faut donc se demander si l'article 63(1) ne se réfère qu'aux seuls cas dans lesquels les stocks cibles ou les stocks des espèces associées apparaissent dans deux ou plusieurs zones. A première vue du moins, il ne semble pas que l'un et l'autre doivent obligatoirement apparaître dans toutes les zones en cause. Les questions en suspens peuvent être décrites comme suit: l'obligation de l'article 63(1) s'applique-t-elle lorsqu'une espèce associée n'apparaît que dans la zone de l'Etat B, alors que le stock cible (exploité) apparaît en A et B? Ou bien est-elle applicable à l'Etat C, dans la ZEE duquel l'une des espèces associées apparaît également mais non le ou les stock(s) cible(s)? Ou bien est-elle applicable lorsque l'espèce cible apparaît dans l'Etat A alors qu'une espèce ou des espèces associées apparaissent aussi bien dans l'Etat A que dans l'Etat B?.

En dépit du libellé de l'article 63(1), celui-ci devrait être interprété comme trouvant son application chaque fois que l'on se trouve en présence de l'une de ces situations c'est-à-dire lorsque: (1) le stock cible est exploité en A et B et un stock associé dans l'un ou dans l'autre; (2) le stock cible est exploite en A ou B et un stock associé en A et B. Il s'ensuivrait que dans tous les cas où un stock cible ou associé apparaît dans une zone seulement, alors que l'autre apparaît dans deux ou plusieurs zones, l'article 63 s'applique. Une telle interprétation ferait une place à l'éventualité d'un Etat tiers dans la zone duquel ne se trouve aucune des espèces cibles.

L'obligation fondamentale imposée par l'article 63(1) ne saurait être légitimement décrite comme terrifiante, imposante voire même très importante. En premier lieu, l'obligation ne consiste pas a établir des mesures conjointes ou à se concerter pour des mesures de conservation ou à coordonner les recherches mais seulement - à "s'(efforcer)... de s'entendre" sur ces questions. Tant qu'un Etat côtier fait un effort raisonnable pour déterminer les problèmes qui requièrent un accord avec un autre Etat côtier en vue d'établir un accord, il aura satisfait à l'obligation de l'article 63(1). Le premier volet de l'hypothèse n'est pas nécessairement aisé à exécuter car il suppose que l'on connaisse le ou les stock(s) cible(s) et associé(s), ce qui peut présenter une certaine difficulté. Il est cependant douteux que l'on puisse arguer d'un manquement à agir, à moins de pouvoir prouver que les fonctionnaires pertinents n'ont fait aucun effort pour utiliser les informations disponibles sur les stocks en cause ou pour obtenir de nouvelles informations susceptibles de constituer la base de l'identification d'un problème.

Une fois les Etats côtiers appropriés déterminés, il suffira à n'importe lequel de s'efforcer de bonne foi à réaliser un accord sur les "mesures nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement de ces stocks". Ne pas s'entendre ne constitue pas nécessairement une inobservation de l'obligation de l'article 63. Les objets précis d'un éventuel accord sont dénués d'importance à cet égard, ils varient évidemment en fonction des difficultés spécifiques, liées à certains contextes, ainsi que des avantages et inconvénients respectifs pour les Etats en cause.

Enfin, l'article 63 est assez exceptionnel parmi les articles de la Convention sur le droit de la mer relatifs à l'exploitation de la ZEE, car il mentionne spécifiquement les stocks et non pas seulement les "ressources biologiques" ou les "espèces". L'obligation de rechercher un accord ne surgit donc que si le même stock (espèces cibles ou associées) se trouve dans l'une et l'autre ZEE, lorsque la même espèce est en cause. On peut concevoir que les deux Etats partagent une espèce, mais que les stocks de cette espèce ne traversent pas la frontière des ZEE et ne soient pas affectés par l'exploitation du stock distinct. Cette situation n'est pas envisagée à l'article 63(1) et les Etats en cause n'auraient aucune obligation mutuelle (Gulland, 1982).

E. Stocks relevant de l'autorité de l'Etat côtier et se trouvant en haute mer

Trois situations, envisagées par la Convention sur le droit de la mer, traitent de cette forme de stocks partagés. L'une concerne les espèces de grands migrateurs qui se trouvent à l'intérieur et au-delà de la ZEE. Une autre a trait aux espèces anadromes, qui se déplacent des zones relevant de la juridiction nationale vers des zones extérieures et vice-versa. La troisième se réfère aux stocks côtiers (stocks cibles qui ne relèvent pas de l'article 64 et stocks associés), qui se trouvent à l'intérieur de la ZEE et en haute mer, qui sont distribués, ou qui se meuvent, de part et d'autre de la frontière de la ZEE avec la haute mer. Nous examinerons ci-après chacune de ces situations.

1. Grands migrateurs

L'article 64 et l'annexe 1 de la Convention sur le droit de la mer identifient et précisent certaines ressources biologiques marines comme les espèces de grands migrateurs, qui font l'objet d'un traitement distinct et qui se trouvent à l'intérieur de la ZEE. L'expression "grands migrateurs" n'est définie ni dans l'article 64 ni ailleurs, cependant, l'on y fait référence dans la liste de l'annexe I. Différentes espèces de thonidés constituent les ressources de la plus grande importance commerciale, énumérées dans l'annexe. Parmi les autres, on citera des espèces hautement prisées pour la pêche récréative, a savoir notamment les marlins, les voiliers et les espadons.

Les grands migrateurs (tels que définis dans la Convention sur le droit de la mer) relèvent de l'Etat côtier dans sa ZEE comme toutes les autres espèces. Cependant, les Etats côtiers sont en outre requis, en vertu de l'article 64, de coopérer avec les Etats exploitant ces espèces dans la région "afin d'assurer la conservation des espèces en cause et de promouvoir l'exploitation optimale de ces espèces dans l'ensemble de la région, aussi bien dans la zone économique exclusive qu'au-delà de celle-ci".

Ces espèces peuvent souvent être exploitées à l'intérieur d'une ou de plusieurs ZEE et au-delà. Les quantités pêchées à l'intérieur peuvent affecter la pêche au-delà et vice-versa; les effets potentiels de l'exploitation diffèrent selon le contexte particulier, parfois en fonction de la superficie de haute mer située en dehors des zones de pêche.

Sur l'autre face de ce tableau, on trouve les droits et les obligations des Etats exploitants. Conformément à l'article 64, ces Etats ont l'obligation de coopérer avec les Etats côtiers en vue de l'exploitation des grands migrateurs à l'intérieur de la zone et dans la région située au-delà. Ces Etats ne sont donc pas libres d'adopter des mesures de conservation et de répartition applicables uniquement en haute mer sans s'être efforcés de coopérer à cette fin avec les Etats côtiers. L'exploitation de la région par les Etats côtiers ou hauturiers, avant toute mesure conjointe visant a réglementer une nouvelle campagne, serait contraire a l'article 64 dans la mesure ou elle pourrait porter préjudice aux mesures ultérieures de conservation et de répartition, tant à l'intérieur qu'au-delà de la zone, à tout le moins pour cette campagne et peut-être par la suite.

A l'intérieur de la ZEE, l'Etat côtier a le droit d'établir pour les espèces de grands migrateurs le volume admissible des captures, aussi longtemps qu'il procède en conformité de ses obligations au titre de l'article 64. Parmi ces obligations, il faut citer sa coopération avec d'autres Etats côtiers et exploitants de la région, concernant la conservation et l'exploitation. "Coopérer" signifie, raisonnablement, entreprendre des négociations avec les autres Etats, en vue d'établir des mesures de conservation et de repartir les captures. Ces négociations doivent porter sur les grands migrateurs tant a l'intérieur de la zone qu'au-delà, l'obligation s'étendant aux grands migrateurs de la région.

La situation qui s'établit lorsque les Etats côtiers et hauturieurs sont incapables de s'accorder sur un régime déterminé, est la principale cause de problèmes. La Convention sur le droit de la mer met alors l'autorité entre les mains de l'Etat côtier, à tout le moins pour ce qui concerne les grands migrateurs qui se trouvent a l'intérieur de la ZEE. Il s'ensuit que, lorsque de grands migrateurs se trouvent dans les zones de plusieurs Etats côtiers, il sera nécessaire que ceux-ci(à tout le moins) coopèrent en vue de réaliser des mesures efficaces de conservation et de gestion.

Pour les grands migrateurs qui peuvent être aussi exploités au-delà d'une ZEE déterminée, la Convention peut être interprétée de différentes façons, en vue d'une gestion efficace par tous les Etats côtiers de la région. L'article 116 stipule que le droit de pêche en haute mer est garanti sous réserve des droits et obligations ainsi que des intérêts des Etats côtiers... prévus... aux articles 64... L'effet spécifique de ce libellé n'est pas élaboré dans le Traité; on peut cependant raisonnablement l'interpréter comme signifiant que, lorsque la coopération cesse ou fait défaut, la pêche en haute mer des grands migrateurs ne peut être effectuée que sur la base de la détermination par les Etats côtiers du volume admissible total pour l'ensemble de la région et de leur capacité d'exploiter ce volume admissible à l'intérieur de leur ZEE.

Quant à l'accès aux grands migrateurs à l'intérieur d'une ZEE déterminée, il ne saurait être considéré, abstraction faite de l'accès aux grands migrateurs dans la région au-delà de cette ZEE; c'est la sa caractéristique la plus significative. La pêcherie doit être considérée comme un tout et les décisions de gestion doivent tenir compte de la disponibilité des stocks où qu'ils soient exploités, y compris à l'extérieur de la ZEE considérée. Que l'Etat (ou les Etats) côtier (s) le veuille(nt) ou non, il(s) sera(ont) contraint(s) de déterminer l'accès aux grands migrateurs a l'intérieur de sa (leur) ZEE et à tenir compte des activités d'exploitation et mesures réglementaires prises en dehors de sa (leur) ZEE, tant dans la ZEE d'un autre Etat qu'en haute mer. Si tout Etat côtier dispose de l'autorité exclusive de conserver et d'allouer les grands migrateurs qui se trouvent à l'intérieur de sa zone, cette autorité ne saurait suffire en soi à produire les résultats souhaités, à moins que cet Etat ne coopère avec d'autres Etats dans les ZEE desquels le même stock est disponible. Nul, parmi ces Etats ne peut, de son cote, établir un régime de gestion efficace si des captures significatives de ces stocks peuvent être réalisées en haute mer, au-delà de sa zone de contrôle. Si l'on peut interpréter le Traité sur le droit de la mer comme visant à éviter cette dernière éventualité, la contrainte ultime qui s'exerce sur leur capacité à contrôler l'accès consiste dans leur propre désir de coopérer réciproquement et dans leur aptitude à le faire. La Convention sur le droit de la mer peut être interprétée comme donnant le pas aux droits de l'Etat côtier sur les droits de pêche en haute mer; cependant le Traité n'autorise pas l'Etat côtier a faire respecter les droits en haute mer et cela en revient en pratique à nier la domination côtière, sauf là où l'exploitation ne saurait être économique en haute mer sans que soit exploitée aussi la ZEE.

2. Espèces anadromes

Les conditions d'accès des flottilles étrangères aux stocks anadromes ont sans doute peu d'importance par rapport à ce qui se passe pour d'autres stocks. Cela s'explique du fait que l'espèce anadrome la plus prisée, à savoir le saumon, ne devrait guère être disponible à l'exploitation étrangère à l'intérieur d'une ZEE. Rares sont les Etats côtiers qui ne disposent pas de la capacité de capturer tout le saumon dont ils disposent et aucun ne souhaite permettre l'exploitation par des étrangers au-delà du volume admissible des captures. En outre, le Traité stipule que les stocks de poissons anadromes "ne peuvent être péchés que dans les eaux situées en deçà des limites extérieures des zones économiques exclusives", sauf dans les cas où l'application de cette disposition entraînerait des perturbations économiques pour un Etat autre que l'Etat d'origine". En conséquence, les questions d'accès au-delà de la ZEE n'auraient de signification que pour les Etats ayant traditionnellement péché au-delà de la limite de 200 milles. Cette question n'est pas traitée ici, car notre problème vise seulement l'accès d'une pêcherie à l'intérieur de la ZEE.

L'article 63(1) s'applique apparemment aux stocks anadromes qui transitent dans la ZEE; il conviendrait cependant d'interpréter ces dispositions comme ne se référant qu'aux stocks qui ne sont pas régis par d'autres articles relatifs à des espèces déterminées. De la sorte, l'article 66 contient les seules dispositions applicables aux espèces anadromes. Dans cette situation, les Etats d'origine des stocks de poissons anadromes "sont les premiers intéressés par ceux-ci et en sont responsables au premier chef" (article 66(1)). Cela signifie, en vertu de l'article 66(2) que l'Etat dont sont originaires des stocks de poissons anadromes fixe le total admissible des captures de ces stocks, après consultation avec l'Etat adjacent (ou l'Etat côtier avec lequel il y a partage, s'il n'est pas adjacent) et avec les Etats qui sont autorisés, en vertu du Traité, à pêcher en haute mer. En conséquence, et contrairement à ce qui se passe pour d'autres stocks partagés, les stocks anadromes ne sont pas sujets à l'autorité des deux (ou de tous les) Etats qui se les partagent, pour la détermination des captures admissibles. Il semble raisonnable d'interpréter cela comme signifiant que tout Etat participant à l'exploitation a l'obligation de reconnaître le volume admissible de captures ainsi établi.

Il est intéressant de noter toutefois que l'autre Etat côtier exploitant est apparemment autorisé, en vertu de l'article 66, à établir ses propres règlements dans sa ZEE, alors qu'il est également requis de coopérer avec l'Etat d'origine à la conservation et à la gestion de ses stocks. C'est là une conclusion qu'il est raisonnable d'adopter sur l'article 66, alinéas 2 à 4. On lit à l'alinéa 2 que la réglementation de la pêche du pays d'origine s'applique à "toutes les eaux situées en deçà des limites extérieures de sa zone économique exclusive" ainsi qu'à la pêche visée au paragraphe 3(b) (la pêche en haute mer). D'autre part, le paragraphe 3(a) limite la pêche des poissons anadromes aux eaux situées en deçà des limites extérieures des zones économiques exclusives (sauf pour certaines opérations de pêche au-delà) et cette référence à "des zones" a évidemment trait a la pêche dans une ZEE autre que celle du pays d'origine. Ainsi l'autorité réglementaire de l'Etat hôte, telle que définie au paragraphe 2, ne coïncide pas avec les dispositions du paragraphe 3, relatives a l'exploitation de ces stocks anadromes. Cette autorité s'étend à l'exploitation de la haute mer, mais non pas à l'exploitation d'autres ZEE.

L'Etat côtier exploitant est censé coopérer avec l'Etat d'origine. Du fait que celui-ci a autorité pour fixer le volume admissible des captures, il apparaît que le premier doit s'adapter à la direction prise par ce dernier à cet égard. A cette réserve près, ces Etats sont supposés négocier de nouveaux accords, soit directement soit par l'intermédiaire d'organisations régionales. En définitive, l'Etat d'origine dispose de l'autorité première sur les stocks anadromes, et si d'autres Etats côtiers exploitants peuvent avoir quelque intérêt à l'exploitation de ce même stock, il n'est pas entièrement libre de le contrôler dans sa zone même et sa maîtrise des conditions d'accès n'est pas totalement libre de toute entrave.

3. Espèces côtières se trouvant à l'intérieur de la ZEE et de la haute mer adjacente

Le troisième cas, celui des stocks qui se trouvent conjointement dans la ZEE et en haute mer (qu'il s'agisse de stocks cibles ou associés), porte sur les espèces qui ne sont pas de grands migrateurs et qui vivent tant à l'intérieur de la zone que dans un secteur extérieur, adjacent à la zone. En vertu de l'article 63(2), les Etats côtiers exercent le plein contrôle de ces stocks dans la ZEE exactement, de la même façon que pour tout autre stock à l'intérieur de la ZEE. Contrairement a ce qui se passe pour les grands migrateurs dans la ZEE, l'Etat côtier n'a aucune obligation complémentaire de coopération ou de recherche d'accords concernant le stock dans la ZEE, ni d'obligation complémentaire concernant l'exploitation de ce stock dans son ensemble, c'est-à-dire dans la ZEE et au-delà.

Cependant, l'Etat côtier et les Etats qui exploitent ces stocks sont obligés de "s'(efforcer)... de s'entendre sur les mesures nécessaires à la conservation de ces stocks dans le secteur adjacent". (Le critère relatif à la notion de secteur adjacent diffère également de la situation quant aux grands migrateurs, pour laquelle aucune condition similaire ne s'applique.) Le contraste susmentionné entre les obligations de l'Etat côtier concernant la conservation de ces stocks et les grands migrateurs est sans doute bien moindre qu'il n'y paraîtrait. Il est douteux qu'un Etat côtier puisse s'attendre à prendre des mesures de conservation efficaces si elles ne sont applicables qu'a l'intérieur de la ZEE, alors qu'une exploitation illimitée serait autorisée pour le même stock dans un secteur situé au-delà de la ZEE. Il est donc probable que si l'Etat côtier cherche a réaliser une conservation efficace, il devra se concerter pour les mesures qu'il prendra dans sa zone, avec les autres Etats, quant à leur application à la haute mer, au-delà de la zone.

Pour ce qui est de l'utilisation et des conditions d'accès, il n'y a pas de différence entre stocks dits "straddling stocks" (stocks partages) et tout autre stock, qui ne se trouverait qu'à l'intérieur ou entièrement à l'intérieur d'une seule ZEE. L'Etat côtier jouit de l'autorité exclusive de déterminer le volume admissible des captures, de fixer sa capacité d'exploitation et de définir les modalités et les conditions d'accès à tout reliquat qu'il pourrait déclarer, quels que soient les caractères d'exploitation au-delà de la zone.

Il convient toutefois de noter que les conditions effectives d'accès à l'intérieur de la ZEE risquent d'être affectées par l'exploitation de ces stocks au-delà de la ZEE. Si des opérations de pêche autorisées étaient de nature à réduire l'abondance du même stock à l'intérieur de la ZEE, les déterminations précitées pourraient en subir les effets.

Les relations entre l'article 63(2) et l'article 116 pourraient avoir leur importance à cet égard. Comme on l'an noté précédemment, ce dernier article stipule que le droit de pécher en haute mer s'exerce sous réserve des droits, des obligations et de l'intérêt des Etats côtiers tels que stipulés à l'article 63(2) et dans d'autres articles. Malheureusement, le Traité n'élucide ni n'élabore cette relation et nous n'avons rien pour nous guider, concernant la signification de cette réserve. Nous savons que le droit coutumier ne comportait aucune restriction de cet ordre sur le droit de pêche en haute mer et qu'il convient d'interpréter le Traité comme donnant effet à toutes ses dispositions. La question qui se pose ici est de savoir quel est, dans ce cas, l'effet recherché.

En premier lieu, cette question n'a pas d'importance si les Etats côtiers et exploitants peuvent s'entendre sur les mesures de conservation nécessaires dans la zone adjacente. Comme on l'a noté par ailleurs, les intérêts nationaux en matière de pêche et les différences qui en résultent quant aux schémas d'exploitation aux engins, aux méthodes et aux pratiques halieutiques peuvent toutefois rendre malaise un accord concernant ces mesures. Heureusement, pour autant que l'on soit informé à l'heure actuelle, ce problème particulier des stocks zone/haute mer n'est pas aussi fréquent que celui des stocks partages entre ZEE.

Il faut aussi souligner que l'article 63 oblige les Etats en cause à rechercher un accord. S'ils le font et qu'ils échouent, alors que l'un et l'autre ou tous se sont efforcés en toute bonne foi d'y parvenir, que peut-on faire?

La aussi, comme dans le cas des grands migrateurs, le fléau de la balance du droit de la mer semble pencher en faveur de l'Etat côtier. L'article 116 soumet le droit de pêche aux dispositions de l'article 63(2) et des autres articles établissant les droits, les obligations et les intérêts de l'Etat côtier. Il est clair que l'Etat côtier dispose de droits importants sur la portion du stock qui se trouve dans sa ZEE, ainsi que de la compétence légale de décider concernant toutes mesures de conservation nécessaires outre que de l'étendue et des modalités de l'accès par les Etats étrangers aux stocks qui se trouvent dans sa zone. Si la pêche en haute mer est sujette au droit de l'Etat côtier d'établir des mesures de conservation dans la ZEE, on peut en inférer que les autres doivent reconnaître que ces mesures s'appliquent partout ou le stock en question se trouve en haute mer. Si l'Etat exploitant n'est pas tenu de reconnaître et de respecter les mesures de l'Etat côtier, celles-ci risquent d'être rendues inefficaces pour l'ensemble du stock. Le fait que le défaut d'observation de ces mesures en haute mer entraînait ou non un tel effet dépendrait de l'étendue, du moment et des méthodes d'exploitation. En cas d'exploitation significative de la haute mer, selon toute probabilité les mesures prises par l'Etat côtier seraient vouées à l'échec. Un tel résultat semble incompatible avec les articles 116 et 63(2) et d'autres dispositions relatives à l'exploitation des ZEE.

Les mesures restrictives appartenant a l'Etat côtier sont limitées, par l'article 63(2), à la conservation; l'utilisation en haute mer demeure exorbitante de l'autorité de l'Etat côtier. Bien évidemment, si les captures totales autorisées, pour un stock de la ZEE, tiennent compte de l'ensemble du stock et non pas seulement de la portion qui se trouve dans la ZEE, comme cela apparaît possible, et si l'Etat côtier estime que sa capacité d'exploitation s'élève a 100 % du stock qui se trouve a l'intérieur de la ZEE, il semblerait qu'il n'y ait aucun reliquat pour l'exploitation de la zone adjacente par des Etats étrangers. D'autre part, si les captures totales autorisées excédent la capacité d'exploitation locale à l'intérieure de la ZEE, les Etats étrangers doivent être libres de prélever le reliquat en dehors de cette zone sous réserve d'observer des mesures de conservation. Si cette interprétation des articles 63(2) et 116 était valable, l'Etat côtier pourrait être incapable de bénéficier de l'exploitation de la ZEE si le reliquat pouvait être prélevé en ZEE tout en étant disponible en haute mer adjacente. Ce reliquat pourrait alors être exploite en haute mer par des étrangers et sans frais.

Bien entendu, il se pourrait que du fait du schéma des migrations, l'abondance du stock disponible en haute mer soit grandement réduite par l'exploitation locale antérieure de la zone. Il pourrait donc se révéler peu rentable ou moins productif d'attendre, pour exploiter ce stock en haute mer. Dans ce cas, l'Etat côtier pourrait encore établir les modalités et les conditions de l'accès aux stocks qui se trouvent a l'intérieur de la ZEE. Du fait de la disponibilité du stock en haute mer, les options de l'Etat côtier en matière de fixation de conditions d'accès par les flottilles pourraient se heurter a un plafond.

La situation inverse peut se produire à l'occasion: la pêcherie la plus rentable est située en haute mer, et une réduction de l'abondance est ultérieurement constatée en ZEE. Tant que les Etats péchant en haute mer observent les mesures de conservation prescrites, l'Etat côtier ne disposerait d'aucune arme légale pour modifier la situation. On rappellera à cet égard que les mesures de conservation applicables en haute mer ne sauraient être discriminatoires, ni dans leur forme ni en fait, contre les pêcheurs d'aucun Etat. En conséquence, l'Etat côtier ne peut légitimement prescrire de mesures de conservation discriminatoires applicables à la haute mer pour avantager ses propres pécheurs à l'intérieur de la ZEE.

Toutes ces observations sont évidemment des vues de l'esprit. On pourrait établir d'autres interprétations, pour donner effet tant aux articles applicables a l'exploitation de la ZEE et à celle de la haute mer ou au-delà. Cependant, quelqu'interprétation que l'on retienne, on devrait pouvoir mettre en place un régime de conservation efficace. A moins que cela ne soit la norme, le devoir imposé à tous les Etats de conserver les ressources biologiques de la haute mer et à l'intérieur des ZEE pourrait demeurer hors d'atteinte. L'adoption de cette norme fait pencher presque nécessairement l'interprétation en faveur de l'autorité de l'Etat côtier dans le cas où seules de très faibles captures sont effectuées au-delà de la ZEE de 200 milles. L'exiguïté des captures annuelles d'espèces côtières (non les grands migrateurs) au-delà de 200 milles incite à croire que le risque, pour l'intérêt général, serait faible dès lors que l'on reconnaîtrait que l'autorité prédominante incombe à l'Etat côtier pour adopter des mesures de conservation lorsque les Etats intéressés ne parviennent pas a se mettre d'accord. Ces mesures ne sauraient être discriminatoires, aussi une telle approche devrait-elle être à la fois raisonnable et acceptable.

Lorsque l'Etat côtier exige l'observation de certaines mesures de conservation applicables aux stocks partagés avec la haute mer on pourrait être amené à entreprendre à sa demande une procédure obligatoire de règlement des litiges. L'exclusion de certaines questions halieutiques du règlement obligatoire ne s'applique pas aux différends relatifs aux stocks qui se trouvent en haute mer. Si l'Etat pratiquant la pêche hauturière ignore les demandes de coopération de l'Etat côtier, il pourrait bien s'exposer à une mise en demeure par le biais des procédures obligatoires de règlement des litiges.

F. Mammifères marins

L'une des espèces de grands migrateurs de l'annexe 1 est constituée par les cétacés. Bien que l'article 64 s'applique à toutes les espèces inventoriées à l'annexe 1, l'inclusion des cétacés en tant que relevant de l'article 64 pourrait résulter d'une erreur technique. En effet, les articles 64 et 65 avaient précédemment constitué un seul article. L'article 64 ne devrait pas être considéré comme s'appliquant aux cétacés. En tout état de cause, et quel que soit le libellé de l'article 64, l'article 65 stipule que rien dans la partie 5 "ne restreint le droit d'un Etat côtier d'interdire, de limiter ou de réglementer l'exploitation des mammifères marins plus rigoureusement que ne le prévoit cette partie, ni éventuellement la compétence d'une organisation internationale pour ce faire". L'article 61 exige que l'Etat côtier évite que ces animaux ne soient compromis par une sur exploitation ou que leur reproduction ne soit compromise. Cependant, en vertu de l'article 65, l'Etat côtier ou une organisation internationale compétente peuvent interdire toute capture d'un mammifère marin alors même que Sa population atteindrait un maximum d'abondance et qu'il Serait complètement à l'abri de toute exploitation excessive. En fait, l'article 65 semble ajouter peu de chose à l'autorité, déjà détenue par les Etats côtiers, en vertu d'autres articles. Même aux termes de l'article 61, un Etat côtier pouvait déterminer que les captures autorisées d'un stock ou d'une espèce ou d'une population étaient égales à zéro. Il est cependant juste de noter que l'article 61 traite de la conservation du point de vue de l'exploitation et non de la préservation, tandis que l'article 65 semble essentiellement s'occuper de cette dernière.

III. PROCEDURES OBLIGATOIRES DE REGLEMENT DES LITIGES

Sur le plan juridique, l'existence d'un remède légal en cas de différend concernant l'accès d'un Etat étranger à l'exploitation d'une ZEE constitue une condition importante de cet accès; que cet accès soit ou non consenti n'en est évidemment pas affecté, mais par contre, que l'accès puisse ou non être réalisé. En outre, en matière de pêches, la FAO a un rôle spécifique à jouer en liaison avec une procédure d'arbitrage visant spécifiquement à déterminer les faits et, si possible, à formuler des recommandations aux parties en litige.

Compte tenu des opinions contradictoires déjà exprimées en matière de pêche, il apparaît probable que l'interprétation et l'application d'une Convention aussi complexe et variée que celle qui est applicable au droit de la mer entraînera des vues conflictuelles. Conformément à l'article 279 de sa partie XV, les différends de ce genre devront être réglés par des voies pacifiques, selon un dispositif précisé à l'article 33(1) de la Charte des Nations Unies. Si les parties rie réussissent pas à s'entendre quant aux instruments du règlement, tout litige concernant l'interprétation et l'application, peut être soumis, à la demande de l'une des parties en litige, à l'un des tribunaux ayant juridiction en vertu de la section 2 de la partie XV. Les procédures envisagées dans cette section sont obligatoires, et les décisions acquises le sont aussi. Les différends en matière de pêche doivent être réglés conformément à la section 2, c'est-à-dire par la procédure obligatoire avec résultat obligatoire à cette exception près qu'elle ne s'applique pas aux litiges concernant les droits souverains relatifs aux ressources biologiques de la zone économique exclusive. Cette exception est de taille, puisqu'il s'agit de la plus grande des aires de juridiction de l'Etat côtier en matière de pêche et qu'elle exclut la prise de décision par des parties tierces et en pratique, tout litige relatif à une ressource biologique qui se trouve à l'intérieur de la ZEE.

L'exception, en matière halieutique, de l'article 297(3)(a) est particulièrement digne d'être relevée, car il est libelle en termes vagues ("... un différend relatif à ses droits souverains") et que la portée de l'autorité de l'Etat côtier telle qu'établie aux articles 56, 61 et 62 de la partie V, relative à la zone économique exclusive est explicitée. Cette clarification dérive de la précision avec laquelle il est stipulé que les droits souverains de l'Etat côtier incluent "... son pouvoir discrétionnaire de fixer le volume admissible des captures et sa capacité de pêche, de répartir le reliquat entre d'autres Etats et d'arrêter des modalités et conditions établies dans ses lois et règlements en matière de conservation et de gestion". Les articles 61 et 62 sont sans ambiguïté en ce qu'ils établissent l'autorité exclusive des Etats côtiers de prendre des décisions. L'article 297, renforçant cet élément, confirme que les critères de cette décision sont en tout état de cause laissés à la détermination de l'Etat côtier. Cela importe d'autant plus que les articles 61 et 62 précisent les choix qui sont guidés par des critères donnant à l'Etat côtier beaucoup de latitude dès lors qu'il s'agit de choisir parmi un certain nombre d'options.

Ainsi, l'article 61(1), relatif aux captures autorisées dans une ZEE, ne limite en aucune façon la liberté de choix de l'Etat côtier. En restreignant cette disposition au rendement spécifique d'une espèce exploitée, l'article 61(2) se réfère au "rendement constant maximum" mais "eu égard aux facteurs écologiques et économiques pertinents". En conséquence de la référence au pouvoir discrétionnaire à l'article 297, l'Etat côtier a toute liberté de décider ce que devraient être les captures d'un stock ou d'une espèce, à la lumière de son appréciation des "facteurs écologiques et économiques". Une fois qu'un Etat côtier aura adopté des mesures applicables à l'exploitation de sa ZEE, il n'est plus question de faire appel a un décideur étranger, susceptible de reviser le choix effectue et d'imposer une décision obligatoire de le modifier.

Cela n'exclut pas qu'une partie tierce ne puisse faire appel de certaines décisions. L'article 297(3)(b) stipule que l'une quelconque des parties en litige peut soumettre le différend à une procédure obligatoire de conciliation, en vertu de la section 2 de l'annexe 5, dans certains cas particuliers, à savoir: (1) lorsque l'Etat côtier a manifestement failli à son obligation d'assurer que le maintien des ressources biologiques ne soit pas compromis; (2) lorsqu'il a refusé arbitrairement de fixer, à la demande d'un autre Etat, le volume admissible de captures et sa capacité d'exploiter les ressources biologiques; (3) qu'il a refusé arbitrairement d'attribuer, comme le prévoient les articles 62, 69 et 70, un reliquat qu'il a déclaré exister. Dans ce cas, un Etat peut demander une conciliation obligatoire. Une procédure de conciliation peut donc être engagée par un Etat réclamant, et l'Etat côtier doit se joindre à lui pour soumettre le litige. L'Etat côtier est tenu de se soumettre à une telle procédure mais ne peut y être forcé; le défaut de se faire représenter ne met pas fin à la procédure. La Commission est tenue de faire rapport, et de formuler ses conclusions sur les faits et le droit; cependant "le rapport, y compris ses conclusions et recommandations, n'est pas obligatoire pour les parties".

On pourrait concevoir que des procédures d'arbitrage obligatoire puissent être exercées en vertu du Traité à l'encontre d'un Etat côtier s'il cherchait à prescrire des mesures applicables tant dans sa ZEE qu'à l'exploitation de la haute mer au-delà de sa ZEE. L'article 110 stipule que la pêche en haute mer relève du droit de l'Etat côtier, en vertu notamment des articles 63(2) et 64. Si un Etat côtier interprétait cette disposition comme l'autorisant a prescrire des mesures applicables a l'exploitation en haute mer des stocks partages ou de grands migrateurs, sous prétexte qu'à défaut, ses droits incontestables à l'intérieur de la ZEE risqueraient d'être rendus inefficaces, on pourrait soulever un argument de poids, à savoir qu'il devrait être tenu d'accepter qu'un litige subséquent soit soumis aux procédures obligatoires, en vertu de la section 2 de la partie XV. Ces litiges ne portent pas simplement sur l'exploitation de ressources qui sont sujettes aux droits souverains de l'Etat côtier, mais concernent surtout des ressources exploitées par - et significatives pour - un certain nombre d'Etats pratiquant la pêche hauturière. On pourrait concevoir qu'un litige comportant ces éléments puisse découler de l'article 116 avec son énumération.

Il conviant de noter spécifiquement l'une des procédures de règlement des litiges établie par le Traité. On pourrait faire appel au Tribunal établi en vertu de l'annexe VIII du Traité pour aider à résoudre toute controverse découlant en premier lieu de faits contestés, alors même qu'un Etat côtier ne saurait être obligé à lui soumettre un différend. Le Tribunal, dont la plupart des membres seraient choisis par les parties sur une liste d'experts établie par la FAO, aurait pouvoir de déterminer des faits concluants entre les parties mais devrait se borner à leur soumettre des recommandations, concernant les questions en litige. Cette procédure pourrait se révéler utile pour éliminer les litiges relatifs à des "faits", les parties demeurant maîtresses de rechercher un accommodement sur la base des "faits".

REFERENCES

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Dawson, C.L., 1980 Glossary of terms and concepts used in fishery management. FAO Fish. Rep., (236): 115-7

FAO, 1979 Interim report of the ACMRR Working Party on the scientific basis of determining management measures. Rome, Italy, 6-13 December 1978. FAO Fish. Circ.. (718):112 p.

Gulland, J.A., 1982 Quelques problèmes concernant l'aménagement des stocks partages. FAO Doc. Tech. Pêches, (206):24 p. Publié aussi en anglais.

Hoydal, K., 1984 ICES procedures in formulating management advice. In Papers presented at the Expert Consultation on the Regulation of Fishing Effort (Fishing Mortality). Rome, Italy, 17-20 January 1983. FAO Fish. Rep., (289) Suppl. 3


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