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ANNEXE 6: La participation étrangère a l'exploitation des fonds de pêche: la pratique dans les Etats côtiers


par

L.C. Christy et G. Moore
Service juridique
FAO, Rome

Bien que certains pays revendiquent une juridiction étendue en matière de pêche depuis plus d'une génération, la plupart des demandes sont plus récentes et la majorité des pays en sont encore à formuler leur politique halieutique dans leur zone étendue. L'un des éléments fondamentaux de cette politique réside dans l'attitude à l'égard de la participation étrangère à l'exploitation de la zone. Trois grands choix sont ouverts aux pays côtiers: interdire ou décourager toute participation étrangère, donner accès à des opérateurs entièrement étrangers (systèmes de permis), ne donner accès qu'en association avec des partenaires nationaux (entreprises conjointes) ou avec des exploitations nationales (ventes directes ou "bord à bord").

Il faut voir dans cela des grandes catégories et non pas des choix stricts. Aucune n'est véritablement exclusive; même une politique visant à exclure toute participation étrangère admettra des exceptions dictées par la nécessité d'apports et de marchés étrangers, la présence d'immigrants étrangers, la difficulté de définir et de contrôler les activités interdites aux étrangers. Néanmoins, chacun de ces trois grands groupes peut être proprement décrit comme la politique prédominante de l'Etat côtier en matière de participation étrangère à l'exploitation des fonds de pêche.

1. LIMITATION DE LA PARTICIPATION ETRANGERE

Plusieurs pays ont, du moins officiellement, exclu la participation étrangère à l'exploitation des fonds de pêche relevant de leur juridiction et d'autres semblent viser à l'éliminer dans toute la mesure possible. La raison ostensible d'une telle politique est d'améliorer les quantités capturées et les possibilités pour les ressortissants du pays en cause.

La réduction de l'exploitation étrangère peut produire des effets bénéfiques de plusieurs façons. Le point de savoir si ces avantages se matérialiseront et s'ils dépasseront les coûts est complexe. Dans différentes pêcheries, la réponse variera. Dans une pêcherie homogène et fortement peuplée, l'exclusion de certains pécheurs (étrangers) a des chances d'améliorer des captures des pêcheurs (locaux) restants. L'effet peut être annule si de nouveaux pécheurs entrent alors dans la pêcherie. Ce cas peut toutefois comporter des avantages par l'accroissement des possibilités d'emploi, L'approvisionnement et la commercialisation a l'échelle locale. Lorsque des stocks apparentés sont exploités, la diminution de l'effort sur l'un d'eux peut avoir des effets imprévisibles, allant jusqu'à réduire la disponibilité de l'autre stock. Lorsque la pêcherie est faiblement exploitée, la réduction de l'exploitation étrangère peut n'avoir aucun effet notable sur les captures locales alors qu'elle devrait normalement accroître les possibilités d'expansion de l'effort local.

Que la réduction de l'exploitation étrangère améliore ou non les pêcheries locales, elle peut se révêler très utile, dans la mesure ou elle évite les conflits entre différents engins et différents groupes de pécheurs. Dans le cas typique de concurrence entre engins, ce sont les pécheurs locaux qui risquent davantage de subir des pertes, d'ou l'intérêt évident pour le Gouvernement de réduire les conflits. Alors même qu'il n'y aurait pas d'effet concurrentiel ou conflictuel de la pêche étrangère, elle risque de susciter une forte animosité de la part des pêcheurs locaux. Un gouvernement peut donc avoir de bonnes raison politiques de réduire l'exploitation étrangère ou du moins de la rendre moins viable.

L'exploitation étrangère est normalement considérée comme une source de revenu et d'autres avantages, contre lesquels il s'agit de peser les effets négatifs sur la pêche locale. Cependant, le coût de l'administration et de la réglementation de la pêche étrangère peut la rendre peu intéressante, abstraction faite de tout effet sur la pêche locale. Une exclusion vigoureuse imposerait elle aussi des frais de réglementation; un Etat pourrait bien décider de ne poursuivre activement aucune politique, ne permettant pas aux étrangers de pêcher et ne faisant aucun effort pour les empêcher. Cela constitue une "politique" que l'on a parfois adoptée.

Comme l'exclusion des pêcheurs étrangers peut présenter des avantages, elle est également source de danger. Le plus grave se manifeste lorsqu'un pays n'a pas la capacité de réaliser ses objectifs de pêche (en termes de rendement, de profits ou autres). Pour exclure les étrangers, il faudrait donc accroître l'effort national, souvent sur des pêcheries nouvelles et des techniques peu familières.

De nombreux pays jugent qu'ils ne possèdent que quelques-unes des clés d'une telle évolution, compte non tenu de la ressource elle-même. Ils sont alors confrontés à la nécessité de créer des organisations économiques, d'importer du matériel, d'apprendre les techniques, de former du personnel et de trouver des débouchés. Chacun de ces éléments est en soi un lourd fardeau et s'efforcer de les poursuivre tous risque d'entraîner la débâcle commerciale. Aussi l'élimination progressive de la pêche étrangère présente-t-elle l'avantage de permettre un développement graduel de la pêche locale.

Alors même qu'un pays ne serait pas attiré par des aventures infructueuses, l'exclusion totale des étrangers risquerait de restreindre' les possibilités d'utiliser des ressources non conventionnelles, ou de tirer profit des variations de l'abondance, de faire l'appoint des compétences locales. Des arrangements souples avec des étrangers peuvent constituer une solution-tampon permettant a la gestion halieutique de répondre assez rapidement à des conditions mouvantes. Il n'est pas toujours possible de prévoir quand et où les étrangers peuvent être utiles à une pêcherie, aussi est-il judicieux d'éviter toute interdiction rigide dans les règlements de pêche, alors même que la politique générale tendrait à exclure les étrangers.

2. ARRANGEMENTS D'ACCES

Les arrangements destinés à régir l'accès des pêcheurs étrangers peuvent faire l'objet d'accords bilatéraux, donner naissance à un système de permis ou de contrats ou une combinaison de ces trois formes. Ces arrangements peuvent autoriser l'exploitation par des étrangers en tant que tels ou grâce à une forme quelconque d'association. (On trouvera ci-après les considérations propres aux entreprises conjointes et à d'autres accords d'association; dans la présente section, on supposera que l'exploitation est exclusivement étrangère.)

(a) Accords bilatéraux

Les accords bilatéraux ont été classés en différentes catégories, selon leur objet: accords d'extinction progressive; accords de pêche réciproques; accords d'autorisation commerciale et accords-cadres relatifs à des entreprises conjointes. Les accords d'extinction progressive sont par définition transitoires et nous ne nous y attarderons pas. Les accords de pêche réciproques ont une plus grande importance à long terme. De nombreuses pêcheries sont effectivement internationalisées par les mouvements côtiers des pécheurs qui parfois acquièrent un statut semi-local. Parfois aussi, des facteurs saisonniers ou autres peuvent rentabiliser l'utilisation de la même flottille dans les eaux des deux pays. Dans ces conditions, et lorsque la conjoncture politique est favorable, l'utilité des accords de pêche réciproques est claire. Il n'est toutefois pas si facile de réaliser un accord. Les deux parties peuvent ne pas gagner également au change; il peut être malaise de définir les navires susceptibles d'en bénéficier; il peut tout simplement y avoir trop de frictions et trop peu de confiance pour que l'accord fonctionne.

L'octroi de permis de pêche commerciale peut ou non être fondé sur un accord bilatéral et parfois, aucun permis proprement dit n'est attribué. Nous retiendrons simplement l'expression "octroi de permis de pêche" chaque fois que des entreprises de pêche strictement étrangères sont autorisées à accéder sur une base de non réciprocité. Tout accord régissant ce type d'accès présente l'avantage potentiel de faire intervenir l'Etat du pavillon dans le contrôle de l'application. Cette coopération peut être étendue grâce à un réseau régional d'accords harmonisés, et permettre le transfert d'avantages non financiers (tels que la formation) de la part de l'Etat du pavillon. Ces accords facilitent aussi la répartition du reliquat, aux sens de la Convention sur le droit de la mer, essentiellement conçue en termes d'obligations inter-Etats. Il convient de noter que les accords entre Etats côtiers et associations de pêche non gouvernementales sont aussi fréquemment utilisés soit dans le cadre des accords inter-Etats, soit en dehors. Le droit de pêche est normalement attribué par l'Etat côtier, en vertu de sa législation nationale, sans qu'il en soit toujours ainsi. Certains sont décernés par les associations du pays du pavillon en vertu d 'un accord, d'autres revêtent davantage la forme d'un contrat entre l'Etat côtier et le bénéficiaire du permis sans qu'aucune législation particulière soit en cause.

(b) Permis de pêche commerciaux

En matière d'attribution de permis de pêche commerciaux le principal problème ne réside pas dans leur forme, mais dans le fait d'en disposer ou non. Les arrangements autorisant la pêche commerciale ont le grand avantage de pouvoir être établis rapidement, les termes peuvent en être renégocies relativement aisément et fréquemment et il peut y être mis fin en tant que de besoin. Cela permet d'ajuster la quantité et la nature de l'effort de pêche sans que l'on ait a craindre de perturbations sociales et économiques dans la communauté locale de pêcheurs.

Sur le plan financer, les licences commerciales comportent le moins de risques. Elles assurent un revenu connu et stable, qui est prélevé à la source (c'est-à-dire qui n'est pas soumis a des manipulations financières, du fait de prélèvements occultes de profit) et il n'est pas sujet aux aléas commerciaux. C'est une sortie de loyer, payé directement au Gouvernement de l'Etat côtier, et susceptible d'être affecté au développement ou à d'autres fins, à sa discrétion. Lorsque les pécheurs étrangers disposent d'un avantage comparatif, celui-ci a des chances d'être déterminant. En outre, l'engagement financier de l'Etat côtier est minime, alors que le développement de la capacité nationale requiert normalement des capitaux.

L'attribution de licences commerciales a quelques utilisations à long terme ou liées au développement, encore que celles-ci soient moins nombreuses. Lorsque des systèmes convenables de déclaration des captures sont en vigueur, on peut en tirer des informations essentielles sur les ressources disponibles, aux fins de développement des pêches et ce, en vertu de la seule mise a l'épreuve réelle: la pêche commerciale. Les dispositions locales en matière de développement peuvent aussi être incluses dans les arrangements présidant à l'attribution de licences, grâce à des conditions de transfert de connaissances et de techniques, a l'emploi de membres locaux dans l'équipage des navires bénéficiant de licences et a d'autres conditions telles que la mise à terre et la transformation locale des captures, destinées à aiguillonner le développement des industries locales de transformation du poisson ou la fourniture de protéines aux marchés locaux.

Les principaux inconvénients des accords de licence commerciale sont un corollaire de ses avantages, à savoir leur risque et leur coût réduits et leur souplesse. Alors même que les conditions de développement régissent l'attribution des licences, la nature vague des arrangements incite a ne pas trop exiger. Une licence octroyée à plus long terme pourrait constituer la base d'une plus grande stabilité et d'un engagement plus pousse, mais dans ce cas, un Etat côtier envisagerait sans doute une plus forte participation locale, et l'on se retrouverait sans doute dans le type d'association décrite ci-après.

Autre inconvénient de l'attribution de licences commerciales: le risque de ne pas en tirer les avantages prévus: les pécheurs peuvent tromper, ne pas payer, ne pas déclarer convenablement leurs captures. Le coût du contrôle tend alors a réduire de façon significative les avantages nets pour l'Etat côtier. Il convient de soupeser le coût de l'application d'une interdiction de la pêche étrangère, par rapport à toutes ces considérations. Pour de nombreux pays, accepter des bénéfices réduits et encourir des frais moindres d'application représente un avantage net.

3. ASSOCIATION AVEC DES RESSORTISSANTS DU PAYS COTIER

II existe divers types d'arrangements, conclus sous différentes formes juridiques, pour associer des intérêts halieutiques étrangers à des ressortissants et entités du pays côtier. On citera à cet égard des prises de participation dans les entreprises conjointes, des opérations conjointes avec ou sans partage des bénéfices, des affrètements, des ventes directes et d'autres formes, qui restent à identifier. Tous ces arrangements peuvent être combinés et confondus. Toutefois, les politiques nationales distinguent fréquemment entre entreprises conjointes, auxquelles on peut appliquer le qualitatif de "locales" et les autres arrangements, qui peuvent ou non bénéficier d'un statut particulier.

(a) Entreprises conjointes

Les entreprises conjointes ont longtemps été favorisées par les pays en développement comme un moyen de développer leurs propres industries halieutiques. Elles ont aussi, peut-être plus communément, découlé du désir des pêcheurs étrangers d'accéder aux stocks nationaux, face à des mesures visant à limiter l'exploitation étrangère. Si une compagnie locale ou un certain pourcentage de participation locale sont requis, on peut établir une compagnie ou trouver un partenaire. D'autres entreprises conjointes ont été constituées, en matière de pêche comme dans d'autres secteurs, pour des motifs financiers, commerciaux, techniques n'ayant que fort peu a voir avec les politiques gouvernementales.

Les attraits des entreprises conjointes pour les Etats côtiers sont inhérents aux motivations qui ont préside a leur constitution (cela est également vrai des inconvénients qu'implique leur utilisation pour tourner les restrictions appliquées a l'exploitation des fonds de pêche par des navires étrangers). En tant que moyen de développement, l'entreprise conjointe permet aux pays côtiers de participer, à raison de ses capacités, à une entreprise industrielle sans être tenus en premier lieu de maîtriser les conditions techniques et gestionnaires nécessaires pour l'exploiter. Les aptitudes des gestionnaires et techniciens locaux peuvent se trouver accrues à la suite de l'entreprise conjointe, ce qui permet progressivement une prise de participation plus poussée. Les pays industrialises peuvent y trouver également des avantages, encore que dans une moindre mesure, toutes leurs pêcheries n'étant pas également avancées sur le plan technique ou commercial. Il en va notamment ainsi pour les ressources répondant à des impératifs commerciaux particuliers.

L'objectif du développement n'est pas incompatible avec un autre avantage des entreprises conjointes, à savoir la complémentarité. Les compétences, les coûts, les marchés des deux pays ou compagnies peuvent être combinés à l'avantage maximum de l'un et de l'autre. Cela est facile à constater lorsqu'un pays peut offrir des ressources, des installations à terre et une main-d'oeuvre a bon compte, alors qu'une compagnie étrangère possède des capitaux, des aptitudes gestionnaires et des débouches.

Les inconvénients des entreprises conjointes peuvent être à la mesure même des espoirs que l'on fonde sur elles. Le principal est le risque: risque commercial bien entendu, généralement élevé en matière de pêche et risque de manipulations financières de la part du partenaire prépondérant. L'un et l'autre de ces risques sont particulièrement significatifs pour les pays en développement, qui sont le moins à même de supporter des pertes et disposent en général d'un appareil moins complexe pour les prévenir. L'expérience de l'aide au développement dans les pays industrialisés montre cependant que ceux-ci peuvent également être les victimes d'une confiance mal placée.

(b) Autres formes d'association

Cette catégorie est sans limites et recouvre à tout le moins trois types d'arrangements. Le premier, dont l'exemple - type est celui des opérations de pêche conjointe, suppose que les navires étrangers pêchent sous contrôle étranger. Une catégorie intermédiaire porte sur des services contractuels y compris l'affrètement de navires d'origine étrangère pour le compte d'une compagnie nationale. Enfin certains arrangements sont représentes par les ventes directes, dans lesquelles les partenaires étrangers conduisent des opérations auxiliaires, sans participer a la capture proprement dite du poisson.

Dans la mesure où ces arrangements hybrides permettent la combinaison, à l'avantage mutuel, de compétences et de ressources complémentaires, il faut les considérer comme étant avantageux tant pour l'Etat côtier que pour les étrangers. Cela est facile à constater lors de la vente directe de produits lorsque la demande intérieure est faible. Il y a là une possibilité particulièrement intéressante de développement pour les artisans-pêcheurs, face à des débouches mondiaux favorables. D'autres exemples pourraient être donnés.

L'un des motifs pour lesquels l'Etat côtier peut être amené à reconnaître une association entre des étrangers et ses propres ressortissants réside dans son caractère inévitable. Il est très difficile, dans le monde moderne, d'exclure toute participation étrangère à l'exploitation des fonds de pêche et dès que de l'équipement, des crédits, des techniciens ou des débouchés étrangers sont en cause, il est très difficile de définir "la pêche" de telle sorte qu'il soit totalement impossible pour les étrangers de tourner les restrictions à leurs activités. Ils peuvent acheter des parts sociales, conclure des contrats à long terme, acquérir des usines de transformation et faire d'autres choses parfaitement légitimes, qui ont pour effet de les faire participer à la pêcherie. La politique générale d'un Etat a donc avantage à tenir compte de cela et s'efforce de créer les conditions les plus favorables.

Ces formes hybrides d'association présentent deux inconvénients majeurs. En premier lieu, l'étranger sera attire par les aspects les plus avantageux d'une opération, se réservant par exemple le rôle commercial, et laissant la pêche proprement dite aux ressortissants locaux. Alors même que l'équilibre entre les parties serait raisonnable, l'Etat côtier peut subir une perte de valeur ajoutée sur le plan national. Il peut être plus avantageux pour le pêcheur d'affréter des navires étrangers, mais les ventes des chantiers navals locaux sont réduites d'autant.

Le second inconvénient de ces arrangements, qui leur est commun avec les entreprises conjointes, réside dans le fait que l'on y a recours pour éviter toute mesure visant à limiter la pêche étrangère de manière à favoriser l'exploitation locale. Les conditions locales de propriété peuvent être tournées sans difficulté par des hommes de paille et des accords Imaginatifs d'affrètement, de vente et de financement. Les étrangers peuvent alors bénéficier des conditions favorables destinées aux ressortissants du pays côtier. Compte tenu de la difficulté d'exclure totalement les étrangers, les deux seules options possibles consistent soit à établir des conditions égales pour tous soit à maintenir une vigilance constante.

Un Etat côtier peut adopter différentes approches quant à la réglementation applicable à une catégorie aussi hétérogène. Il peut saisir le problème dans sa globalité en définissant "la pêche" ou "les investissements étrangers" de façon très large, pour réglementer alors toutes leurs manifestations. Dans une telle approche, différentes positions peuvent être adoptées à l'égard de différents types d'arrangements. On peut aussi juger cas par cas. Cette approche a pour inconvénient de créer un fardeau administratif considérable. Elle peut cependant être la plus appropriée dans un pays relativement petit, où des investissements même modestes sont de nature à affecter des intérêts nationaux importants.

Une méthode, plus commune, consiste à réglementer non pas en termes de catégories mais d'éléments spécifiques de la pêche. Typiquement, on définirait la "pêche" ou le "navire de la pêche" et la nationalité. Ainsi, si la "pêche" ne porte que sur la capture, les opérations étrangères portant sur des navires-mères seraient possibles, contrairement a ce qui se passerait si la définition de la pêche portait également sur la capture, le transport et le traitement du poisson. Si la nationalité d'un navire de pêche est définie par la nationalité de son exploitant, il peut être possible d'affréter un navire propriété étrangère pour pêcher selon les conditions locales. Si la nationalité est définie selon le propriétaire, le patron de pêche et le lieu de construction, des navires étrangers affrétés, voire achetés, resteraient "étrangers".

L'inconvénient des définitions a priori réside dans le fait qu'elles sont trop statiques. Des lors qu'un élément faisant l'objet d'une réglementation a été défini, des arrangements sont inventés pour la circonvenir. Et si la définition est assez étroite, elle risque d'éviter tout arrangement susceptible cependant d'être à l'avantage réciproque des parties. Cela est sans doute inévitable dès lors que l'on cherche à réglementer une industrie importante.

4. CHOIX DES POLITIQUES

II ressort à l'évidence de ce qui précède que toutes les politiques d'un Etat côtier concernant la participation étrangère à ses opérations de pêche sera fonction d'une combinaison de facteurs qui a des chances d'être exceptionnelle, tant pour l'Etat considéré que dans le temps. Chaque Etat doit donc nécessairement élaborer ses propres politiques et les actualiser constamment. Certains principes semblent toutefois être d'une application plus générale.

L'un d'eux réside dans le fait que le calcul des coûts et des avantages est complexe. Comme on l'a vu plus en détail dans la communication de Gulland, il risque de se produire une interaction significative entre pêcheries locale et étrangère alors même qu'elles semblent se concentrer sur différents stocks. Le problème est amplifie chaque fois que différents pécheurs et gouvernements risquent d'avoir différentes combinaisons d'objectifs halieutiques, qu'il n'est pas facile de mesurer à la même aune.

Autre principe général: la nécessite d'une politique souple pour faire face a des circonstances mouvantes. Les ressources peuvent être mal connues et/ou variables; la pêcherie évolue en réponse à des événements économiques généraux ainsi qu'a la situation des ressources; les pécheurs locaux et étrangers, en réagissant à la politique halieutique elle-même, modifient encore la situation. Dans la mesure où ces facteurs régissent toute pêcherie, les politiques tendraient à favoriser les formes de participation étrangère les plus faciles a contrôler et, le cas échéant, à éliminer. Lorsque la stabilité est suffisante pour favoriser les solutions à long terme, des formes de participation étrangère elles-mêmes plus stables peuvent être retenues pour favoriser cette tendance. L'impératif de garantir à long terme les investissements de plus longue durée n'élimine cependant pas la nécessité d'actualiser sans cesse la politique générale.

Dans toutes les situations, sauf celles qui se caractérisent par une très grande simplicité, les Etats côtiers jugeront sans doute qu'il y a place pour toutes les formes de participation étrangère, y compris son exclusion de certaines pêcheries. Lorsque les ressources sont inexplorées ou très légèrement exploitées, l'attribution de permis commerciaux peut constituer la meilleure façon de les exploiter tout en s'informant à leur égard. Lorsque les pêcheurs locaux ne sont pas en mesure de se défaire de leurs captures, faute d'installations de traitement ou de commercialisation, des arrangements avec des entreprises étrangères portant sur des opérations à terre ou à bord peuvent constituer la réponse. Lorsqu'un partenaire local qualifié, ainsi que d'autres conditions existent en vue d'un engagement majeur dans une entreprise particulière avec un partenaire étranger approprie, l'entreprise conjointe peut être la réponse.


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