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ANNEXE 9: L'effet des barrières commerciales sur le développement des pêcheries de certains Etats côtiers

par

James S. Campbell
Consultant, Pêches
Nouvelle-Zélande

De nombreux facteurs conditionnent l'aptitude des Etats côtiers à s'acquitter des responsabilités dont ils sont investis en vertu de la Convention sur le droit de la mer: déterminer le volume total des captures admissibles, évaluer leur propre capacité d'exploitation des ressources de leur zone économique exclusive et promouvoir l'utilisation optimale de ces ressources.

Les Etats désireux de tirer de leurs ressources halieutiques le maximum de bénéfices économiques sont confrontés à de nombreuses difficultés. La disparité entre la population d'un pays et la taille de ses ressources ichtyologiques peut l'amener à s'efforcer d'accéder aux zones de pêche d'autres pays ou à faire l'objet de pressions de la part de pays étrangers pour donner accès à ses propres ressources. Lorsque les ressources ichtyologiques d'un Etat côtier représentent une proportion élevée de ses ressources totales, la nécessité d'en tirer le maximum d'avantages économiques revêt une importance majeure.

Les pays très peuplés, produisant d'autres protéines animales en quantités limitées et dont les ressources ichtyologiques, souvent considérables, ne suffisent pourtant pas à répondre à leur propre demande pratiquent sans doute la pêche depuis longtemps. D'autres pays qui disposent parfois de ressources ichtyologiques potentielles supérieures à la demande locale, peuvent avoir déjà vu ces ressources exploitées par d'autres nations.

Dans la nouvelle situation créée par l'acceptation généralisée de la Convention sur le droit de la mer, il faut considérer la variété infinie de conditions régissant l'aptitude des Etats côtiers à tirer des avantages économiques maximums de leurs ressources biologiques marines. Il faut donc prendre en compte de nombreux points lorsqu'on envisage les modalités et conditions d'accès des étrangers à ce qui a été appelé le "reliquat" et que l'on élabore des directives.

L'un des principaux éléments qu'il faut prendre en compte est la mesure dans laquelle le potentiel d'un Etat côtier à réaliser une "exploitation optimale" et à en tirer l'avantage économique maximum est influencé par l'aptitude de cet Etat côtier à déterminer des débouchés avantageux pour ses captures de poisson.

De nombreux arrangements peuvent exister pour aider les Etats côtiers a développer leur capacité de capture et de transformation du poisson, mais cela ne saurait suffire à leur permettre d'en tirer les avantages économiques que la quantité et la qualité de leurs ressources seraient susceptibles de produire. Les avantages économiques sont liés à l'acceptibilité sur les marchés internationaux et à l'accès à ces débouchés des espèces particulières de poisson et de produits dérivés offerts par l'Etat côtier.

Les espèces les plus prisées et les plus demandées sont souvent celles dont l'offre est relativement restreinte dans le monde entier. Il peut s'agir d'espèces commercialisées partout, telles que les langoustes et les crevettes, dont la vente est en général assurée. Ces espèces, ainsi que d'autres espèces particulièrement prisées, peuvent entrer dans la catégorie de produits ichtyologiques de luxe dont les débouchés sont essentiellement situés dans les pays très avancés, aux goûts alimentaires particulièrement raffines et qui ont la possibilité de les payer.

La grande majorité des espèces de poissons peut cependant être beaucoup plus difficile à vendre, et il faut donc les commercialiser dans de bonnes conditions. Or on se trouve en présence d'une vaste gamme de préférences localisées et nationales, voire de refus de différentes espèces de préparations et de présentations. La commercialisation, au plan international, des espèces moins connues et moins bien acceptées est donc particulièrement difficile même en l'absence de toute barrière commerciale. L'aptitude à vendre tous les types de poissons à des prix excédant le coût de la capture, du traitement et de la commercialisation, a une influence majeure sur la réalisation effective de l'exploitation optimale de ces ressources.

De la sorte, toute barrière au commerce international du poisson peut déboucher sur des restrictions au développement de la pêche. Les politiques protectionnistes de certains Etats, qui demandent plus de poisson qu'ils n'en peuvent produire dans leurs propres eaux, deviennent des barrières sérieuses à la vente et, partant, au développement.

Dans nombre de cas, l'appoint requis par les Etats pratiquant la pêche hauturière a, dans le passé, été capturé dans les eaux d'autres Etats côtiers et non pas acheté à ces Etats.

Certains Etats pratiquant la pêche hauturière, qui attendent de la part de l'Etat côtier qu'il donne accès à ses ressources ichtyologiques en attribuant des permis de pêcher ce qu'il est désormais convenu d'appeler "le reliquat", maintiennent un certain nombre de barrières contre l'importation de ces mêmes espèces si elles sont produites par l'Etat côtier.

Ces barrières peuvent revêtir de nombreuses formes et bénéficient du soutien des politiques gouvernementales ou être établies grâce à des politiques et à des pratiques protectionnistes et concurrentielles, adoptées par les industries de la pêche des Etats pratiquant la pêche hauturière.

Les gouvernements qui prennent la responsabilité de négocier les modalités d'accès aux zones de pêche des Etats côtiers sont également responsables des restrictions ou contingent à l'importation des droits et d'un certain nombre de barrières non tarifaires. Parmi ces dernières, on peut citer des normes critiques en matière d'hygiène, d'étiquetage, de conditionnement et de nomenclature. Les politiques monétaires officielles peuvent affecter les taux de change, les subventions à la pêche hauturière et à la commercialisation à l'exportation.

Les organisations industrielles des pays pratiquant la pêche hauturière peuvent créer des barrières efficaces au commerce en adoptant des pratiques commerciales ou des prix de nature à restreindre ou a décourager les exportations des Etats côtiers désireux de développer leur industrie halieutique.

D'autres barrières au développement de l'exploitation de certaines ressources peuvent être constituées par le défaut de coopération ou la mauvaise volonté dans les domaines suivants: fourniture de navires susceptibles de participer à des entreprises conjointes ou possibilité de noliser ou d'entrer dans des arrangements d'affrètement destinés à permettre le développement de nouvelles pêcheries. Certains programmes d'"aide" peuvent donner plus d'avantages aux pays "donateurs" qu'aux Etats côtiers en développement.

Les Etats pêcheurs étrangers ne cherchent pas toujours à obtenir l'accès aux ressources ichtyologiques uniquement pour nourrir leur propre population. De nombreux pays ont vendu à l'étranger du poisson capturé dans les eaux d'autres pays sous licence et en compétition avec le même poisson, produit par l'Etat côtier même qui a autorisé d'exploiter ses propres eaux.

L'aptitude des Etats côtiers à commercialiser le poisson de leur propre zone peut donc être battue en brèche par les activités commerciales de pays étrangers détenteurs de permis, vendant à l'exportation en concurrence directe avec leurs propres exportations de la même espèce. Dans certains cas, lorsque les Etats pratiquant la pêche hauturière ont fait traiter ces espèces dans un pays disposant d'une main-d'oeuvre à bon compte, ils peuvent disposer d'un avantage de prix, ainsi que d'un avantage éventuel de livraisons et de fret par rapport au produit de l'Etat côtier.

Parfois, des tarifs différentiels sont appliqués à certaines espèces de poissons pour lesquels des nations pratiquant la pêche hauturière détiennent déjà des licences ou en demandent. Les importations de certaines espèces de poissons, outre qu'elles sont sujettes à des contingents à l'importation, peuvent aussi être pénalisées par des tarifs différentiels. Ainsi, dans un cas déterminé, un droit de 10 pour cent est prélevé sur les importations de poissons captures par la flottille locale de l'Etat hôte, 5 pour cent sur le poisson capturé par des entreprises conjointes avec cet Etat, l'ensemble du poisson pris sous licence entrant en exemption de droits.

Des dispositifs visant à restreindre ce qui peut apparaître comme une concurrence de la part de l'Etat côtier souhaitant développer ses propres pêcheries peut entraîner l'application sélective de certaines restrictions en termes de qualité, d'hygiène ou de nomenclature. L'application, en matière de certification de la teneur en mercure, de normes plus élevées que celles qui sont applicables au marché intérieur, ainsi que l'exigence d'une nomenclature acceptable pour différentes espèces de poissons sont d'autres exemples de barrières commerciales.

Dans de nombreux cas, les Etats côtiers en développement ne disposent pas de la structure commerciale ni même des connaissances voulues pour surmonter les barrières érigées par les pratiques concurrentielles de l'industrie halieutique: manipulation et marchés, variations de prix et autres réactions concurrentielles en matière commerciale.

Il n'est pas douteux que les gouvernements des Etats pratiquant la pêche hauturière font l'objet de pressions très sensibles de la part des organisations de pêche dans leurs propres pays. Néanmoins, les gouvernements n'ont pas toujours répondu aux requêtes des organisations industrielles représentant les détenteurs de permis, pour interdire l'importation des espèces pour lesquelles de telles licences ont été attribuées. Les débouchés de produits de la pêche potentiels sont parfois dominés par un petit nombre de très grosses entreprises commerciales. Celles-ci sont aptes à contrôler les volumes et les prix sur le plan national, bénéficient du soutien de leurs gouvernements grâce a des restrictions à l'importation et à des tarifs, et s'efforcent de contrôler l'offre internationale. Des problèmes de commercialisation particuliers confrontent les Etats côtiers lorsque les principaux marchés, pour certaines espèces de poisson, sont situés dans des pays qui contrôlent déjà une proportion notable de la production de ces espèces.

Les restrictions appliquées aux échanges internationaux de poisson n'affectent pas seulement les Etats en développement pratiquant la pêche, mais aussi de nombreuses nations dotées de pêcheries bien développées. Pour réaliser l'exploitation optimale de leurs ressources, ces pays peuvent souhaiter développer des ressources particulières dont les débouchés sont situes à l'étranger. Le "reliquat" des ressources n'est pas ce qui est disponible en excédent de ce qu'un Etat côtier peut consommer. Les Etats côtiers doivent être en mesure de s'assurer des avantages économiques en commercialisant n'importe laquelle de leurs ressources devenue disponible une fois leur propre demande satisfaite.

Les Etats qui ont procédé à des investissements dans des flottilles hauturières et employé une main-d'oeuvre nombreuse à des activités de pêche hauturière, risquent de connaître certaines difficultés économiques. Cela constitue un problème grave et il convient de montrer de la compréhension. Il faut cependant aussi comprendre les difficultés qui confrontent certains Etats en développement pratiquant la pêche. Leurs difficultés économiques, dérivant de la pénurie de ressources précieuses, et de leur développement insuffisant risquent d'être proportionnellement plus grandes que celles des Etats qui sont appelés à ajuster leurs activités de pêche afin que d'autres puissent exploiter pleinement leurs propres ressources nationales.

Comme il est nécessaire de développer la coopération en matière de gestion et de contrôle des pêcheries présentant un intérêt commun, il faut montrer de la bonne volonté et collaborer à la commercialisation des produits de la pêche provenant de ces pêcheries d'intérêt commun.

Il apparaît que les pays pratiquant la pêche hauturière n'encourent aucune obligation d'accorder l'accès a leurs marchés au poisson des Etats côtiers aux eaux desquels les pays pratiquant la pêche hauturière demandent l'accès. On peut avancer que les restrictions commerciales et tarifaires imposées aux produits importés sont régies par d'autres accords internationaux tels que le GATT, ou que les Gouvernements ne sauraient interférer avec les pratiques commerciales ou intervenir dans la situation commerciale. Néanmoins, dans la mesure où l'aptitude d'un Etat côtier à tirer un avantage maximum des ressources biologiques de sa zone économique exclusive est sérieusement affectée par la possibilité qu'il a de vendre les produits dérivés de ces ressources, l'accès aux débouchés doit incontestablement être lié à l'accès aux ressources elles-mêmes.

Dans les négociations ultérieures, relatives au droit d'accès à des ressources ichtyologiques, l'accès aux débouchés deviendra inévitablement un élément important.


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