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ANNEXE 10: Mise en oeuvre des accords avec des Etats étrangers


par

Hasjim Djalal

Directeur des Affaires juridiques et des Traités Département indonésien des Affaires étrangères
(Représentant de l'Indonésie au Second Comité de la troisième Conférence des Rations Unies sur le droit de la mer)

Extrait de Law of the Sea
Problems of Conflict and Management of Fisheries in Southeast Asia
Actes de la Conférence de l'ICLARM N° 2
révisés par F.T. Christy Jr.

Introduction

Le thème qui m'a été assigné est celui de l'"exécution des accords avec des étrangers". Je ne saurais débattre de la mise en oeuvre d'accords conclus entre d'autres pays du Sud-Est asiatique car je suis mal équipé pour le faire. Je me bornerai donc à mes propres observations sur l'exécution des accords de pêche conclus par l'Indonésie avec d'autres Etats sur les eaux régies par sa juridiction nationale. Les opinions que j'exprime dans la présente communication me sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement l'avis du Gouvernement indonésien.

Avant de pouvoir examiner les différents accords conclus entre l'Indonésie et d'autres pays, il faut comprendre la diversité des situations nationales de l'Indonésie en la matière, car elle peut être déterminante de l'accord lui-même. En second lieu, aux fins de la présente discussion, le terme "accord" portera non pas seulement sur les accords officiellement conclus mais aussi sur d'autres arrangements en vigueur depuis quelque temps entre l'Indonésie et d'autres pays.

La position indonésienne

Du point de vue de l'Indonésie, toutes les ressources ichtyologiques qui se trouvent dans les eaux de l'archipel indonésien et dans ses mers territoriales sont régies par sa juridiction nationale. Ces ressources incluent: les espèces sédentaires qui se trouvent sur le plateau continental indonésien, et les ressources pélagiques ou démersales, qui vivent dans les zones devenues depuis lors la zone économique exclusive de l'Indonésie. Cette position est bien connue. Il me suffira donc de me référer à la déclaration indonésienne du 13 décembre 1957, faisant état du concept indonésien d'Etat-archipel et de la mer territoriale de 12 milles, ultérieurement incorporés l'un et l'autre dans la loi N°4/1960. En 1961, l'Indonésie ratifiait en outre la Convention de Genève sur les plateaux continentaux (1958), acquérant ainsi des droits souverains sur les espèces sédentaires de toutes les ressources biologiques sur son plateau continental.

Le concept d'Etat-archipel consiste essentiellement dans la reconnaissance du droit d'un Etat archipélagique tel que l'Indonésie, de tracer des lignes de base droites reliant les points extrêmes des îles extrêmes de l'archipel, ce qui permet d'enclore tout l'archipel en une seule entité. La mer territoriale, la zone contigue, la zone économique exclusive et le plateau continental de l'Etat-archipel seront mesurés vers l'extérieur, à partir de ces lignes de base. Les eaux situées à l'intérieur de ces lignes de base sont des eaux archipélagiques, sur lesquelles l'Etat-archipel exerce sa souveraineté territoriale. Cette souveraineté couvre les eaux, l'espace aérien au-dessus des eaux, le fond des mers et le sous-sol et toutes les autres ressources qui y sont contenues1. En vertu de ce concept fondamental et en particulier de la notion de souveraineté sur toutes les ressources naturelles contenues dans les eaux archipélagiques, l'Etat-archipel exerce sa souveraineté sur toutes les ressources ichtyologiques vivant à l'intérieur de ses eaux archipélagiques. Ainsi, toute exploration ou exploitation de ces ressources, en vertu de l'article 33 de la Constitution de l'Indonésie de 1945, ne saurait être entreprise qu'à l'avantage du peuple indonésien, soit par le biais de ses propres organisations soit par voie d'arrangements avec des organisations étrangères. Tout accord conclu avec des Etats étrangers en la matière devra tenir compte de cette position fondamentale.

1 Au fil des ans, le concept indonésien d'Etat-archipel a fini par être incorpore dans le TNCO. Pour le détail du régime inhérent au concept d'Etat-archipel qui, je l'espère, sera incorporé dans la Convention sur le droit de la mer, cf. articles 46-54 du TNCO

Etant donné que l'ensemble des eaux archipélagiques appartiennent désormais à l'Etat archipélagique d'Indonésie, toute la législation nationale en matière d'exploitation halieutique de ses eaux peut désormais s'appliquer aux eaux archipélagiques et mers territoriales indonésiennes. Cette législation peut être soit récente, soit remonter à l'ère coloniale. Une partie de cette ancienne législation désormais applicable aux eaux archipélagiques de l'Indonésie, mérite d'être mentionnée.

En premier lieu, on citera la loi 'sur la pêche des perles et coraux de 19161 qui réglemente la récolte des perles, des anémones de mer et des coraux jusqu'à 3 milles des cotes. Des droits exclusifs et traditionnels applicables à ces activités sont garantis aux pêcheurs locaux dans toute partie de la mer dont la profondeur est inférieure à 9 mètres à marée basse. Ces droits ne sauraient être transférés à d'autres, sauf dispositions prévues dans la loi même.

1 Gazette officielle de l'Etat, 1916, Nº 157, en date du 29 janvier 1916

En second lieu, on notera la loi sur la pêche de 19202 qui interdit l'usage de poisons, de toxines et d'explosifs pour la pêche, sauf à des fins scientifiques autorisées.

2 Gazette officielle de l'Etat, 1920, N° 396, en date du 26 mai 1920

En troisième lieu, la loi sur la pêche côtière, de 19273. Les règles énoncées dans cette loi concernent l'exploitation des mers territoriales indonésiennes, alors fixées à 3 milles à partir de la ligne de marée basse tout au long de la cote. La loi stipule que seuls les navires battant pavillon indonésien et montés par des équipages constitués par des ressortissants indonésiens (à moins d'autorisation spéciale du Ministre de l'agriculture) seront autorisés a pêcher dans les eaux indonésiennes. Toutes les activités de pêche dans les eaux indonésiennes respecteront les droits de pêche traditionnels de la population côtière indigène, ainsi que la pêche le long des lignes de cotes placées sous leur juridiction respective et tiendront compte de ces droits. Cette loi a été amendée à plusieurs reprises et, pour la dernière fois, en 1960, alors que les principes indonésiens relatifs à l'Etat-archipel et ceux concernant la mer territoriale de 12 milles étaient incorporés dans la loi N° 4.

3 Gazette officielle de l'Etat, 1927, N° 144

En quatrième lieu, la loi de 19274 sur la chasse à la baleine réglemente les opérations à ce titre dans une zone de 3 milles à partir des cotes indonésiennes. La loi stipule que toute opération de chasse à la baleine dans une zone de 3 milles à partir des cotes (se trouvant maintenant dans les eaux archipélagiques indonésiennes et la mer territoriale de 12 milles) ne peut être autorisée que par le Président de la République, exception faite des activités de chasse à la baleine traditionnellement réalisées par la population côtière indigène. La loi réglemente aussi tous les autres détails relatifs à la chasse à la baleine.

4 Gazette officielle de l'Etat, 1927, N° 145, en date du 29 avril 1927

Cinquièmement, la loi de 1939 sur la mer territoriale et le cercle maritime5 définit la mer territoriale indonésienne (3 milles à partir des cotes à marée basse ou à partir de lignes de base droites, lorsqu'il y a des baies, des embouchures de fleuves ou des estuaires de moins de 6 milles de large ou encore en présence de franges d'îlots le long des cotes ou d'un détroit de moins de 6 milles de large, dont les deux cotes appartiennent à l'Indonésie). La loi stipule aussi des "cercles maritimes" autour de certains secteurs, situés à l'intérieur des lignes des cotes indonésiennes. Les activités de pêche sont interdites à l'intérieur de ces cercles, sauf par la population indigène indonésienne ou par les individus ayant obtenu une permission spéciale du Chef d'état-major de la Marine. La loi établit aussi des directives strictes pour le Chef d'état-major de la Marine, concernant l'autorisation de pêcher à l'intérieur des cercles maritimes. Le Décret présidentiel N° 103, promulgué le 27 mai 1963, prévoit la conversion de toutes les eaux indonésiennes en un cercle maritime unique. Ce Décret renforce le pouvoir du Chef d'état - major de la Marine de faire appliquer toutes les dispositions relatives à la législation des pêches dans toutes les eaux indonésiennes.

5 Gazette officielle de l'Etat, 1939, N° 442

Les individus violant en tout ou en partie les lois précitées sont passibles d'une amende ou d'emprisonnement.

Certains règlements récents sur la pêche dans les eaux archipélagiques indonésiennes et la mer territoriale contiennent des dispositions relatives à l'emploi du matériel et des chalutiers dans certains secteurs, et donnent toutes précisions sur l'exploitation maximum des ressources ichtyologiques.

Les décisions N° 561/1973 et 40/1974, émanant l'une et l'autre du Ministre de l'agriculture1 obligent aussi toutes les entreprises pratiquant la pêche à la crevette d'utiliser tout le faux-poisson. En 1975, le même Ministre prenait une décision2 énonçant des directives sur la conservation et la gestion appropriée des ressources ichtyologiques. Cette décision réglemente la fermeture saisonnière ou sectorielle de certains fonds de pêche, pour une, ou plusieurs, ou toutes les espèces de poissons, ainsi que le type, la taille et le nombre des navires; la taille des filets et de l'ensemble du matériel de pêche et les contingents applicables pour chaque capture. La décision N° 2/19753 interdit le chalutage dans les eaux de moins de 10 mètres de profondeur autour des cotes d'Irian Jaya (cf. carte figurant en annexe). La pêche de la crevette au chalut-boeuf ou encore les culs-de-chaluts ayant un maillage inférieur à 3,0 cm/maille étirée sont également interdits. Le Directeur général des pêches est autorisé à déterminer chaque année (commençant le 1er avril) le nombre de navires autorisés à pêcher, une fois que le stock de poissons ou de crevettes dans la zone aura été évalué. La décision N° 123/19754 interdit la pêche de Rastrelliger, Decapterus, Caranx, Sardinella, et d'autres espèces pélagiques similaires par des sennes coulissantes de moins de 7 cm dans les ailes et moins de 3,5 cm dans le sac. La violation de cette règle peut entraîner la révocation du permis de pêche.

1 cf. Décision N° 561/KPTS/UM/11/1973, du 7 novembre 1973 et 40/KPTS/UM/2/1974 du 1er février 1974

2 cf. Décision N° 01/KPTS/UM/1/1975, en date du 2 janvier 1975

3 cf. Décision N° 02/KPTS/UM/1/1975, en date du 2 janvier 1975

4 cf. Décision N° 123/KPTS/UM/3/1975, en date du 31 mars 1976

L'une des décisions les plus importantes qui aient été prises par le Ministre de l'agriculture est la décision N° 607/19765. Elle stipule la division de certaines parties des lignes côtières indonésiennes en quatre ceintures (figure 1):

5 cf. Décision N° 607/KPTS/UM/9/1976, en date du 30 septembre 1976

1 . Première ceinture de pêche, à savoir: eaux côtières jusqu'à 3 milles de la marque des basses eaux le long des cotes. Des navires de pêche ayant abord des moteurs, jaugeant plus de 5 TJB, ou ayant une puissance supérieure à 10 CV: toutes les espèces de chaluts (chaluts à perche, chaluts à plateau et chaluts-boeufs) (gangui), les sennes coulissantes, etc., les filets maillants encerclants et les filets maillants péchant à la traîne ou encore les filets de plus de 120 m de long sont interdits.

2. Seconde ceinture de pêche, à savoir: les eaux d'une largeur de 4 milles, mesurées à partir de la première ceinture. Dans cette ceinture, les navires ayant à bord un moteur, jaugeant plus de 25 TJB ou ayant une puissance supérieure a 50 ch, dotés de chaluts de fond (avec plateaux) avec une ralingue de plus de 12 mètres, de chaluts démersaux ou pélagiques ou de paires de chaluts (boeufs) ou encore de filets de plus de 300 mètres de long sont interdits. Les interdictions énoncées pour la seconde ceinture de pêche6 ne s'appliquent pas aux navires de pêche de propriété de la State Fishing Enterprise.

6 cf. Décision N° 608/KPTS/UM/9/1976, en date du 30 septembre 1976

3. La troisième ceinture de pêche, à savoir: les eaux de 5 milles de large, mesurées à partir de la deuxième ceinture de pêche. Les navires à moteur intérieur, de plus de 100 TJB ou d'une puissance excédant 200 ch, les chaluts démersaux (à plateaux) ayant plus de 20 mètres de ralingue, les chaluts-boeufs, ainsi que les filets de plus de 600 mètres de long sont interdits dans cette ceinture.

4. Quatrième ceinture de pêche, a savoir: les eaux en dehors de la troisième ceinture de pêche. Là, tous les navires et équipement légitimes peuvent être utilisés, à l'exception des chaluts-boeufs, qui ne peuvent être employés que dans l'océan Indien.

Les règlements stipulent aussi qu'à certaines exceptions précises près, tous les filets ayant un maillage inférieur à 25 mm et les sennes coulissantes pour le thon ayant un maillage inférieur à 60 mm sont interdits dans les quatre ceintures. En outre, l'emploi de chaluts à perche, de chaluts à plateaux et de chaluts-boeufs pour la pêche pélagique et démersale est interdit dans le détroit de Madura ainsi que dans le détroit de Bali.

Tous les permis de pêche doivent préciser la ceinture dans laquelle le navire est autorisé à pêcher. Les violations de ce règlement peuvent entraîner la révocation du permis de pêche. Le Directeur général des pêches est autorisé à appliquer cette décision de manière stricte.

En vue de perfectionner la réglementation applicable à l'emploi des chaluts, le Ministre de l'agriculture a édicté la décision N° 609/19767 Celle-ci répartit la pêche démersale dans les eaux indonésiennes entre quatre zones (cf. carte annexe). Chaque chalutier ne peut exploiter que la zone a laquelle il est assigne et doit porter une marque de couleur indiquant sa zone d'opération. Les quatre zones sont les suivantes: la zone A, dans l'océan Indien; la zone B dans le détroit de Malacca et la mer de Chine méridionale; la zone C dans le détroit de Karimata, dans la mer de Java, et le détroit de Macassar; et la zone D à l'est de l'Indonésie.

7 cf. Décision N° 609/KPTS/UM/9/1976, en date du 30 septembre 1976

Figure 1 Les quatre ceintures de pêche des cotes indonésiennes

Le Directeur général des pêches1 annonçait que les décisions du Ministre de l'agriculture (Décisions N 607, 608 et 609, 1976) étaient destinées à entrer en vigueur le 1er juillet 1978. Depuis lors, 634 chalutiers ont été saisis dans toutes les parties de l'Indonésie pour violation de ces règlements. Cela représente environ 3 pour cent de tous les navires de pêches (environ 21 000 navires) opérant dans les eaux indonésiennes.

1 cf. Décision N° H.11/1/4/4/78, en date du 15 mai 1978

Toutes les règles et les règlements susmentionnés sont indispensables aux fins de la conservation de toutes les ressources biologiques et pour les protéger contre la déplétion, en particulier celles qui sont importantes aux fins de la consommation et de l'économie des petits pêcheurs locaux ou s'agissant d'autres ressources qui sont importantes essentiellement pour les débouchés mondiaux. Les pêcheries le long du détroit le Malacca, de la mer de Java, du détroit de Bali et du détroit de Macassar peuvent être classées comme entrant dans la première catégorie tandis que l'exploitation des thonidés dans la mer de Banda et l'exploitation des crevettes dans la mer d'Arafura peuvent être classées comme entrant dans la seconde catégorie. Cela importe d'autant plus que la vie d'un secteur significatif de la population cotière de l'Indonésie dépassant un million de pécheurs est largement tributaire des pêcheries de la première catégorie. La seconde catégorie est non moins importante, vu son potentiel d'entrées de devises étrangères, susceptibles d'aider au développement économique du pays.

Il est clair que tous les navires étrangers opérant en vertu de quelque arrangement que ce soit dans les eaux indonésiennes doivent respecter strictement les règles et règlements susmentionnés.

Accords avec des pays étrangers

Lorsqu'on examine les accords conclus par l'Indonésie avec des pays étrangers, plusieurs situations se présentent:

1. Accord conclu avec le Japon pour l'exploitation des thonidés dans la mer de Banda;

2. Accord de principe avec la Corée du Sud en vue d'efforts de coopération en matière de pêche;

3. arrangement négocié entre l'Indonésie et ses voisins - plus précisément Singapour et la Thaïlande - autorisant les Etats voisins adjacents à l'Indonésie a poursuivre leur exploitation en vertu de droits de pêche traditionnels dans certains secteurs des eaux archipélagiques indonésiennes;

4. Accord destiné à être conclu sur les droits d'accès des Etats sans littoral et géographiquement désavantagés au reliquat des ressources biologiques dans des zones appelées à faire partie de la zone économique exclusive de l'Indonésie;

5. arrangements conclus avec d'autres pays voisins, et précisément l'Australie, autorisant les pêcheurs traditionnels indonésiens à poursuivre l'exploitation des secteurs situés à l'intérieur de la zone de pêche exclusive australienne, plus précisément à moins de 12 milles des lignes de base australiennes.

Arrangements avec le Japon

Le Gouvernement japonais a avancé une revendication en vertu de laquelle ses pêcheurs ont traditionnellement exploité les eaux lointaines de l'Indonésie, y compris la zone de la mer de Banda. Cette revendication était certainement contraire à l'assertion de principes archipélagiques par l'Indonésie depuis 1957. La détermination de l'Indonésie de faire respecter ses principes archipélagiques à créé des problèmes qui ont affecté ses relations avec les intérêts halieutiques japonais, notamment dans le secteur de la mer de Banda.

Les protestations du Japon, en 1957 et en 1960, n'ont pas amené l'Indonésie à abandonner ses principes archipélagiques. Elle a continué d'appliquer ses principes à l'encontre des navires japonais exploitant illégalement cette zone. Différents navires de pêche ont été saisis, cités en justice, soumis à des amendes ou à d'autres peines pour avoir viole les lois indonésiennes.

Différents efforts, de la part des deux pays, en vue de résoudre la question, ont finalement été couronnés de succès lorsque les deux parties ont signé un "arrangement intérimaire" le 27 juillet 1968. Cet accord intérimaire, conclu entre le Gouvernement de la République d'Indonésie et le Représentant de la National Federation of Fisheries Cooperatives of Japan and the Federation of Japanese Tuna Fishermen Cooperative Association (Fédération nationale des coopératives de pêche du Japon et la Fédération des Associations coopératives d'exploitants japonais de thonidés) réglementait l'exploitation des thonidés par les pêcheurs japonais membres des deux associations "dans les eaux situées entre les îles indonésiennes". La zone faisant l'objet de l'arrangement est la mer de Banda, située dans les eaux archipélagiques de l'Indonésie, et qui s'étend entre 124°E 2°S, 129°E 2ºS, 132°E 3°S, 132ºE 3ºS, 124°E 8°S et 124°E 2ºS, comme le précise l'arrangement intérimaire. Les japonais se sont engagés à ne pas opérer dans des secteurs autres que ceux qui ont été spécifiés dans l'arrangement.

L'article 1 de l'arrangement accordait à certains navires japonais l'autorisation de faire relâche au port d'Ambon, ou ils pouvaient obtenir des facilites pour l'exploitation des thonidés dans la région. Cependant, avant de pouvoir exploiter la mer de Banda, les navires de pêche devaient obtenir des certificats de l'ambassade d'Indonésie à Tokyo. Les navires devaient se rendre dans le port indonésien à la fin de chaque activité de pêche, aux fins de vérifications par les autorités navales locales. Les demandes d'autorisation et les facilités devaient être arrangées par les associations pour le compte de leurs membres. Devaient être précisés le nom des navires, le nom du propriétaire et le numéro d'immatriculation du navire, ainsi que son tonnage. Des conditions complémentaires telles qu'un état nominatif de l'équipage et une photographie du navire étaient également imposées.

Les navires de pêche japonais ayant obtenu l'autorisation et le certificat étaient en outre requis de porter certaines marques de part et d'autre du pont du navire, les détails étant spécifiés dans l'arrangement.

Pour pouvoir pécher dans la zone précitée, les navires de pêche devaient acquitter un certain droit, selon la classe à laquelle ils appartiennent. Pour un navire de classe A, c'est-à-dire de 40 tonnes, jaugeant moins de 70 TJB, le droit était fixé à US$ 300 par navire et par an, alors que pour un navire de la classe B, c'est-à-dire de 100 tonnes jaugeant plus de 70 TJB mais moins de 300 TJB, le droit était fixé à US$ 390 par navire et par an, payables en yens par l'intermédiaire de l'ambassade d'Indonésie à Tokyo.

Dans un but de protection des pêcheurs indonésiens, les navires de pêche japonais n'étaient pas autorisés à opérer à l'intérieur d'une zone de 30 milles autour de l'île d'Ambon, ni dans d'autres zones destinées à être déterminées d'un commun accord. De même, les navires de pêche japonais n'étaient pas autorisés a utiliser des navires-mères ou des transporteurs. Chaque navire devait être seul et la seule méthode autorisée était la pêche à la palangre.

Le nombre de navires autorise à opérer en vertu de cet arrangement était limité à 250 dont un tiers au maximum pouvait entrer dans la classe des 100 tonnes, non inférieurs à 70 TJB mais non supé-reurs à 300 TJB. Dans cette catégorie, cependant, 13 navires d'environ 200 TJB, mais ne dépassant pas 300 TJB étaient autorisés. Le solde devait consister en navires de la classe des 40 tonnes ne devant pas jauger plus de 70 TJB. Le volume maximum de captures de l'ensemble de la flottille japonaise était limité, en vertu de cet Accord, à 15 000 tonnes par an. L'arrangement a pris effet à sa signature, le 6 juillet 1968 et devait être en vigueur pendant un an seulement.

La forme, ainsi que le contenu de cet arrangement, étaient curieux. En premier lieu, alors qu'il avait été négocié entre des représentants des Gouvernements indonésien et japonais, il a été signé entre le Gouvernement de l'Indonésie et la National Federation of Fisheries Cooperatives of Japan et la Federation of Japanese Tuna Fishermen Cooperative Association, organisations privées. Il semblait que si le Gouvernement japonais était très désireux de protéger les intérêts de ses pêcheurs, il hésitait cependant à conclure un arrangement officiel avec le Gouvernement indonésien. Le Japon craignant peut-être qu'un tel accord bilatéral puisse être interprété, du point de vue juridique, comme une reconnaissance indirecte, de facto ou de jure du concept indonésien d'archipel.

Deuxièmement, l'arrangement réglementait les activités de pêche japonaise "dans des eaux situées entre les îles indonésiennes". Dès l'abord, le Gouvernement indonésien avait été hostile à cette formulation, préférant la simple formule "dans les eaux indonésiennes". Les incidences étaient claires: le Gouvernement japonais souhaitait une reconnaissance juridique claire par le Japon de ce concept d'archipel, tandis que la partie japonaise insistait pour maintenir un semblant de non reconnaissance juridique, par l'emploi de la formule précitée.

En troisième lieu, la partie japonaise acceptait de payer l'accès aux pêcheries de thonidés dans la mer de Banda. Si l'Indonésie a considéré que la quantité payée est minime, ou sans signification, elle a cependant admis que le paiement était un acte qui constituait reconnaissance par le Japon de son concept archipélagique. Le Japon, de son coté considérait simplement le paiement comme un droit d'entrée dans un port indonésien, les navires de pêche japonais opérant dans les eaux archipélagiques indonésiennes étant appelés à faire rapport sur les résultats de leurs opérations dans ce port indonésien prédéterminé.

En quatrième lieu, l'arrangement n'était valable que pour une période limitée, à savoir un an. Ainsi, il devait être renouvelé chaque fois et chaque fois les discussions allaient porter sur le point de savoir si un tel arrangement était nécessaire, et ce, sur chacun des points précédemment mentionnés. Fondamentalement l'Indonésie ne considérant pas cet arrangement avantageux pour elle, souhaitait donc en modifier les termes, plus en accord avec ses besoins. La partie japonaise, de son coté, considérait cet arrangement comme extrêmement important, en premier lieu, du fait qu'il impliquait des activités et la vie économique d'un certain secteur de l'électorat japonais; il était donc politiquement significatif pour tout gouvernement japonais. Chaque fois que les négociations semblaient sans issue, des pressions politiques allaient être appliquées à l'Indonésie. L'arrangement a finalement été renouvelé cinq fois et remplacé par un nouvel arrangement en 1975. Entre 1968 et 1975, cet arrangement a produit moins de US$ 10 millions pour le Gouvernement indonésien, à savoir US$ 147 640 en droits de pêche, US$ 1 929 186 sous forme d'aide (subventions) et US$ 7 856 285 sous forme de crédits d'aide à des projets.

En 1975, le Gouvernement indonésien était devenu très peu désireux de maintenir l'arrangement. Il devait cependant continuer a accorder à cet intérêt japonais une considération particulière, le Gouvernement de ce pays considérant la solution de la question comme fondamentale du point de vue de sa position concernant la question des Etats-archipels à la Conférence sur le droit de la mer. Avant que le Premier Ministre Tanaka accepte d'exprimer des vues compréhensives a l'égard des principes archipélagiques, lorsqu'il est venu en visite en Indonésie en 1974, il a fallu obtenir l'accord de l'Indonésie de poursuivre l'arrangement sur les eaux archipélagiques.

Le 26 septembre 1975, la validité de l'arrangement intérimaire expirait. A nouveau, des négociations s'ouvraient. L'une et l'autre parties désiraient ne pas renouveler une sixième fois l'arrangement intérimaire. A la place, un nouvel arrangement a été conclu, cette fois entre une entreprise halieutique d'Etat indonésienne, la Perikanan Samodra Besar (PSB)1 et les associations japonaises de pêche mentionnées précédemment. Les nouveaux arrangements comportaient des dispositions relatives à la coopération en matière de pêche des thonidés, sur la base d'un accord de partage des profits. Le nouvel accord exigeait aussi des associations qu'elles préparent et transmettent à la PSB un plan de campagne pour la pêche des thonidés pour chaque année contractuelle. Ce plan doit être réalisé après agrément de la PSB "qui sera donné rapidement" (article II du Contrat). Les zones d'opération demeuraient les mêmes en vertu du nouvel accord à savoir les eaux situées entre les îles de l'archipel indonésien", comme c'était déjà le cas dans l'arrangement intérimaire. Dans l'arrangement intérimaire, les navires de pêche japonais n'étaient pas autorisés a opérer dans un secteur de 30 milles autour de l'îles d'Ambon mais, contrairement à l'accord intérimaire, les navires japonais ne pouvaient exploiter une zone de 15 milles à partir d'autres groupes spécifiés d'îles, tels que Geser, Gorong et Banda Neira. La restriction en vertu de laquelle les navires japonais devaient exploiter essentiellement les thonidés et ce, à la palangre, était maintenue. Le volume maximum des captures était ramené à 8 000 tonnes par an et le nombre de palangriers destinés à être utilisés était fixé à un maximum de 100, consistant en navires de moins de 80 TJB (classe A) et de 80 TJB ou plus mais moins de 300 TJB (classe B). Le nombre maximum de navires de la classe B était limité à 33. De même, les navires japonais opérant en vertu du contrat étaient requis de porter des marques dont les détails figuraient dans le contrat. De même aussi, les navires n'étaient pas autorises à utiliser des navires-mères ou des transporteurs.

1 La PSB a été créée en vertu du Règlement gouvernemental N° 12 de 1969, du Règlement gouvernemental N° 16 de 1972 et des articles d'association N° 37 du 12 mai 1972. Son siège social est à Djakarta, conformément à une décision du Ministre de l'agriculture (N° 350/KPTS/UM/8/1975 du 20 août 1975).

Le contrat comportait une nouvelle disposition, à savoir l'arrangement relatif à la répartition des profits. En vertu du contrat, les associations devaient abandonner à la PSB 40 pour cent des profits réalisés sur leurs opérations. La formule détaillée de calcul des profits devait être terminée par les deux associations et la PSB. Les associations devaient supporter tous les frais d'exploitation encourus pour les navires et transmettre à la PSB des rapports sur les opérations et leur résultat, y compris un état des profits et pertes. D'autre part, le PSB devait prendre des mesures administratives en vue d'obtenir les documents nécessaires pour faciliter les opérations et aider les associations à obtenir le permis nécessaire pour l'entrée au port. Les navires japonais opérant en vertu du contrat étaient en outre tenus d'être porteurs de certificats délivrés par l'ambassade d'Indonésie à Tokyo.

Le contrat devait prendre effet le 17 octobre 1975 et rester en vigueur pendant trois ans à partir de la date d'expiration de l'arrangement intérimaire.

La mise en oeuvre du contrat au cours des trois dernières années n'était pas davantage encourageante pour l'Indonésie. Le profit des opérations n'était calculé qu'à 2,5 pour cent. Etant donné que la part de la PSB dans ces profits s'élevait à 40 pour cent, celle-ci ne devait gagner que 40 pour cent des 2,5 pour cent, soit environ un pour cent du revenu total brut. Le montant ainsi perçu par la PSB ne suffisait pas même à couvrir les frais d'administration (télégrammes, vérifications, etc.).

En outre, le nombre de navires japonais déclarés en vertu du contrat était inférieur au nombre total admissible. Alors que 100 navires par an étaient admis, 23 seulement se sont présentes pour vérification en 1975-76, 35 en 1976-77 et 77 entre septembre 1977 et juin 1978. Entre septembre 1977 et avril 1978, 35 navires seulement se sont présentés à Ambon pour vérifications et contrôle.

Différents problèmes se sont posés dans le cadre de l'arrangement contractuel. Le Département indonésien des finances affirmait que, l'Association de pêche japonaise et les équipages japonais opérant en vertu du contrat obtenaient leurs revenus en Indonésie et devaient donc payer des impôts en vertu de la loi indonésienne. Bien évidemment, les associations et les équipages ont refuse de payer des impôts et ce, sous prétexte qu'ils avaient déjà été imposés au Japon. Le problème devait être résolu grâce à une "dispense" accordée par le Département indonésien des finances, situation guère acceptable. En second lieu, les navires japonais obtenaient des facilités d'approvisionnement en combustible lors de leur entrée à Ambon pour vérification. L'entrée irrégulière de ces navires crée des problèmes pour la Pertamina State Oil and Gas Company, qui était contrainte de faire des arrangements a Djakarta a cet effet.

Au cours de la période triennale couverte par le contrat, en dehors d'un pour cent, négligeable, de participation aux profits, la partie indonésienne obtenait aussi un navire-école, avec un équipement évalué à US$ 1,8 million sous forme de subventions et un nouvel atelier de répartition navale pour la PSB, évalué à US$ 200 000.

Le contrat n'étant en vigueur que pour trois ans, soit jusqu'au 27 septembre 1978, les deux parties sont à nouveau confrontées au problème toujours embarrassant du renouvellement du contrat. Il n'est pas encore clair comment l'arrangement sera réalisé, s'il l'est, pour les années à venir.

L'application stricte de l'arrangement avec le Japon présentait de nombreux problèmes. En premier lieu, le secteur couvert par l'accord était relativement étendu, d'ou des difficultés de supervision pour les Autorités indonésiennes chargées de l'application de la loi. En outre, d'autres navires, y compris des navires de pêche, utilisaient aussi la zone en tant que voie de transit entre l'océan Pacifique et l'océan Indien, et les organes d'application des lois avaient peine à distinguer les navires faisant l'objet de l'arrangement de ceux qui ne faisaient que transiter. En troisième lieu, la mise en oeuvre de l'arrangement supposait une plus grande efficacité des institutions diverses chargées de l'application des lois en termes de personnel, d'équipement, de méthodes et de coordination. Quatrièmement, alors même que les activités d'application en mer auraient été réalisées sans difficultés, le processus de solution judiciaire demeurait gigantesque. Un navire appréhende en mer pour avoir violé l'arrangement, c'est-à-dire les règles et réglementations de l'Indonésie en matière de pêche, devait être présenté à la Cour, qui risquait de se trouver à 150 km du lieu de saisie. Plusieurs semaines, voire des mois pouvaient s'écouler avant que le cas soit finalement règle. Les dommages financiers, tant pour le navire que pour le Gouvernement indonésien (qui était appelé à nourrir l'équipage dans l'intervalle) étaient parfois énormes.

Pour éviter cette situation, dès le début des années soixante-dix, le Gouvernement indonésien a promulgué le "système d'amende pacifique" en vertu duquel un navire suppose avoir viole les lois et règlements de l'Indonésie en matière de pêche pouvait être autorisé à quitter les eaux indonésiennes immédiatement après avoir paye une amende déterminée au Gouvernement indonésien, par l'intermédiaire de l'autorité d'application des lois qui l'avait appréhende en mer. L'idée consistait a éviter les procédures judiciaires longues et coûteuses, à l'avantage tant du navire que du Gouvernement indonésien. Malheureusement cet essai a rencontré de nombreuses difficultés. En outre, on a ultérieurement découvert un abus de pouvoir, s'agissant de l'application et le système a fini par être abrogé.

D'autre part, le navire qui péchait illégalement dans les eaux indonésiennes était largement responsable des difficultés d'application de l'arrangement. Certains de ces navires préféraient corrompre les fonctionnaires indonésiens plutôt que de se soumettre a un jugement qui, en tout état de cause, aurait sans doute été plus coûteux en temps et en argent.

Plusieurs permis ont également été accordés par le Gouvernement indonésien à différentes compagnies japonaises pour pécher en vertu d'accords d'entreprises conjointes avec des compagnies de pêche privées indonésiennes. Depuis un certain nombre d'années, de tels permis étaient utilisés dans la mer d'Arafura pour la pêche a la crevette, etc. Ce type d'opérations consistait en un simple accord d'entreprise conjointe, dans le contexte de la Loi indonésienne sur les investissements étrangers. Comme tous les accords d' investissements dans des entreprises conjointes, ces opérations étaient régies par la Loi indonésienne et, partant, ne créaient pas les mêmes problèmes.

Accords de pêche avec la République de Corée

La Corée du Sud est l'un des pays asiatiques qui a développé sa capacité de pêche hauturière. Il est donc logique que le Gouvernement de ce pays envisage une éventuelle coopération halieutique avec l'Indonésie et vice versa. Des officiels des deux pays se sont réunis une première fois à Séoul en juillet 1972, pour examiner la possibilité d'établir des entreprises halieutiques conjointes en Indonésie. La Corée du Sud a accepté d'encourager la participation des compagnies coréennes dans de telles entreprises conjointes, tandis que l'Indonésie exprimait sa décision de soutenir de telles activités, y compris pour les essais de pêche. L'une et l'autre parties sont également convenues de promouvoir la coopération technique en matière de pêche, grâce à l'échange de chercheurs et de données techniques et scientifiques et dans le domaine de l'éducation. En outre, la Corée du Sud s'est dite prête a exporter des navires de pêche, a crédit, tandis que l'Indonésie acceptait d'explorer la possibilité d'importer des navires de pêche de la République de Corée du Sud.

Une seconde réunion a eu lieu a Djakarta en septembre 1972. La Compagnie de pêche coréenne acceptait, en guise de première mesure envers la création d'entreprises halieutiques conjointes en Indonésie dans le cadre de la loi indonésienne, d'envoyer "dans un très proche avenir" trois thoniers et deux chalutiers péchant par l'arrière dans "les eaux indonésiennes" pour procéder, pendant six mois, à des essais de pêche en coopération avec des compagnies privées indonésiennes. L'une et l'autre parties sont convenues de la mise en oeuvre immédiate d'essai de pêche. Ont également été étudiées au cours de cette reunion la réalisation d'un accord de coopération technique entre les deux pays, la possibilité de réaliser une investigation conjointe en Indonésie et dans les eaux adjacentes, ainsi que la possibilité d'importer des navires de pêche de la République de Corée.

Une troisième réunion avait lieu à Séoul en mai 1974. Il y était décide que la République de Corée partagerait son expérience et ses méthodes de pêche avec l'Indonésie, afin de développer les pêcheries côtières et hauturières de ce pays. Les deux pays s'engageaient aussi a renforcer leur coopération technique; à collaborer en matière de recherche et d'investigations sur les ressources marines des eaux indonésiennes; à encourager les entreprises conjointes entre leurs compagnies privées et dans le domaine de l'exploitation des thonidés à la palangre, de la pêche à la ligne de la bonite à ventre rayé et du chalutage de la crevette, et à prendre des initiatives privées en vue de l'exportation de navires de pêche de la République de Corée vers l'Indonésie.

En pratique, la coopération halieutique entre l'Indonésie et la Corée du Sud n'a pas été très poussée, et aucun accord d'entreprise conjointe n'a été conclu entre firmes privées des deux pays. La question de la mise en oeuvre de l'accord de coopération entre l'Indonésie et la Corée du Sud n'était donc pas très importante. Les problèmes des navires sud-coréens étaient essentiellement liés au transit dans les eaux de l'archipel indonésien et à la façon de les empêcher de pécher en transit. Ils portaient moins sur l'application des accords avec les autres pays que sur la mise en oeuvre des lois et règlements indonésiens vis-à-vis des navires de pêche en transit.

Arrangements avec les pays voisins

En 1969, peut-être sur la base de l'arrangement provisoire entre l'Indonésie et le Japon, la Malaisie a pris l'initiative de conclure un accord relatif aux opérations de pêche des ressortissants malais dans les eaux indonésiennes du détroit de Malacca. Cependant, des négociations prolongées en ce sens n'ont pas donne de résultats concrets, l'Indonésie étant peu désireuse d'appliquer le système inhérent à l'arrangement provisoire aux activités de pêche dans le détroit de Malacca. Par contre, elle était prête a coopérer avec la Malaisie sur la base de la loi indonésienne sur les investissements étrangers de 1967 (Loi indonésienne N° 1, 1967). A cet effet, les compagnies privées malaises étaient encouragées à investir dans des entreprises conjointes avec des coopératives ou des compagnies de pêche indonésiennes. Cette idée n'avait guère d'attraits pour la Malaisie et, par suite, aucun accord de pêche n'a été conclu entre les deux pays.

Singapour présentait aussi un problème. Il revendiquait le fait que depuis longtemps ses pécheurs avaient traditionnellement exploité certaines parties des eaux archipélagiques indonésiennes et que, pendant des années, les navires de Singapour avaient visité et parcouru les eaux situées entre les îles indonésiennes pour acheter du poisson aux pêcheurs indonésiens. Ces dernières activités étaient plutôt de nature commerciale que proprement halieutique.

Simultanément, l'Indonésie concentrait ses efforts sur le maintien, l'application et l'obtention de la reconnaissance internationale de son concept d'Etat-archipel. Ces efforts créaient des problèmes quant aux activités de pêche de Singapour dans les eaux archipélagiques de l'Indonésie. Pour obtenir la reconnaissance par Singapour de son concept d'Etat-archipel, l'Indonésie a entrepris plusieurs consultations avec cet Etat et il est apparu essentiel que l'Indonésie fasse quelques concessions en faveur de Singapour. L'une de ses concessions consistait dans la reconnaissance des droits de pêche traditionnels de Singapour dans certaines zones des eaux archipélagiques indonésiennes. Comme l'article 51 du TNCO devait le formuler ultérieurement, un Etat-archipel doit reconnaître les droits de pêche traditionnels des Etats voisins immédiatement adjacents dans certaines zones et exploitant ses eaux archipélagiques.

La reconnaissance des droits de pêche traditionnels devait cependant faire l'objet de certaines réserves. En premier lieu, le concept du droit de pêche traditionnel devait être clairement distingué du concept de droit traditionnel à l'exploitation. On arguera qu'en vertu du droit coutumier international, tous les Etats peuvent détenir des droits traditionnels d'exploitation des hautes mers ou des eaux qui autrefois étaient la haute mer, le concept de droits de pêche traditionnels devant être fonde sur des pratiques réelles existantes. De la sorte, l'existence d'une pratique, suffisamment prolongée dans le temps, de la pêche dans certaines zones des eaux archipélagiques indonésiennes devait être établie avant que les droits de pêche traditionnels puissent être reconnus. En second lieu, le concept de droits de pêche traditionnels n'exempte pas les pécheurs étrangers de l'obligation d'observer les lois et règlements indonésiens, ni ne doit empêcher le Gouvernement indonésien de protéger ses ressources ichtyologiques ainsi que le bien-être de ses pêcheurs côtiers indigène; en bref, le concept de droit de pêche traditionnel ne devrait en aucun cas entrer en conflit avec les efforts consentis par le Gouvernement indonésien afin de développer ses industries halieutiques au profit du bien-être de ses propres pécheurs.

Le concept de droit de pêche traditionnel, fondé sur l'exploitation effective doit donc être défini avec précision. Pour ce qui est de l'Indonésie, le terme "traditionnel" devrait répondre à plusieurs critères et y correspondre. En premier lieu, "traditionnel" devrait être jugé dans le temps. Cela signifie que l'existence effective d'activités de pêche suffisamment anciennes doit être établie. En second lieu, "traditionnel" devrait aussi indiquer les zones fréquemment visitées par les pécheurs, en d'autres termes, les fonds de pêche visités devraient être relativement constants. En troisième lieu, "traditionnel" devrait aussi se référer aux pécheurs eux-mêmes, en ce sens que le droit ne sera conféré qu'aux pêcheurs mêmes qui ont traditionnellement visité la zone. Quatrièmement, "traditionnel" devrait aussi se référer au matériel et aux navires utilisés, ainsi qu'au volume des captures, en ce sens que si la signification de "droit de pêche traditionnel" doit leur être applicable, les navires utilises devraient être relativement traditionnels. Cela exclut toute possibilité d'accords des droits de pêche traditionnels à des navires modernes, dotés d'un matériel moderne, en premier lieu du fait que de tels navires et engins modernes placeraient les pêcheurs locaux indonésiens dans une position de désavantage extrême.

Le concept de droit de pêche traditionnel est donc complexe. En conséquence, l'article 51(1) du TNCO stipule que "les modalités et les conditions de l'exercice de ces droits et activités, y compris la nature, l'étendue et les zones auxquelles ils s'appliquent pourront être déterminés par voie d'accords bilatéraux entre les Etats en cause". Le texte stipule aussi que le droit conféré sur la base des droits de pêche traditionnels ne sera pas transféré à des parties tierces ni partagés avec elles, par voie d'entreprises conjointes avec d'autres pays ni par aucun autre arrangement. Il est donc clair que, à l'avenir, le bénéfice des droits de pêche traditionnels de la part des Etats voisins adjacents dans les eaux archipélagiques indonésiennes est reconnu, encore que sa mise en oeuvre et ses modalités soient tributaires d'un accord bilatéral destiné à être conclu entre les pays en cause. A l'heure actuelle, aucun accord de ce type n'a encore été conclu.

Il va sans dire que la reconnaissance des droits de pêche traditionnels des Etats voisins immédiatement adjacents aux eaux archipélagiques indonésiennes s'applique aussi aux pêcheurs malais . Elle exclut catégoriquement les pêcheurs du Japon, de la Corée et d'autres nations pratiquant la pêche hauturière.

Arrangement avec la Thaïlande

La Thaïlande est l'un des pays à croissance rapide qui devient en peu de temps un Etat pratiquant la pêche hauturière. Elle dispose aussi de l'une des industries de la pêche la plus développée de l'Asie du sud-est. Bien que les pêcheurs thaïlandais continuent à exploiter largement le golfe de Siam et la mer d'Andaman, nombre d'entre eux ont traditionnellement visité les eaux archipélagiques indonésiennes au cours des dernières années.

Du fait de la croissance rapide de son industrie de la pêche, la Thaïlande a également avancé a l'appui qu'elle a accorde au principe d'Etat-archipel de l'Indonésie certaines conditions. Pleinement consciente de ce que les activités de pêche thaïlandaise dans les eaux archipélagiques indonésiennes pourront ne pas être recouvertes par la notion de droit de pêche traditionnel, la Thaïlande, en appuyant le concept d'Etat archipélagique de l'Indonésie, demande aussi des concessions sous forme d'arrangements spéciaux et de coopération en matière de pêche dans les eaux archipélagiques indonésiennes. Comme dans d'autres cas, l'Indonésie est prête à conclure avec la Thaïlande un arrangement sur la base de sa loi sur les investissements étrangers de 1967. Les officiels des deux pays se sont réunis à deux reprises pour examiner la question et sont convenus d'effectuer une investigation conjointe pour, rechercher les espèces appropriées commercialement et économiquement exploitables. Cette enquête a été réalisée en 1977. L'un et l'autre pays étudient et analysent maintenant les résultats avant de s'efforcer de conclure l'arrangement de pêche nécessaire et approprié.

Le droit des pays sans accès à la mer et géographiquement désavantagés

En dehors de Singapour et du Laos, il serait difficile de citer d'autres Etats du sud-est asiatique répondant au concept d'Etats sans accès à la mer et "géographiquement désavantagés". En tout état de cause, hormis Singapour, aucun autre Etat sans accès à la mer et géographiquement désavantagé n'a exercé d'activités de pêche dans les eaux archipélagiques ou les mers territoriales indonésiennes. En conséquence, il n'est pas utile d'examiner des arrangements pour ce groupe.

La question pourrait cependant se poser si l'Indonésie devait en venir à proclamer sa propre zone économique exclusive, comme l'ont fait nombre de ses voisins. En vertu des articles 69 et 70 du TNCO, il faudra toutefois que des arrangements soient conclus entre l'Indonésie et les pays sans littoral et géographiquement désavantagés qui lui sont adjacents, afin de permettre à ces derniers d'exploiter le reliquat des ressources ichtyologiques de la zone faisant partie de la ZEE de ce pays. L'Indonésie n'a pas encore déclaré de zone économique exclusive, aussi la question demeure-t-elle du domaine de l'hypothèse.

Droits de pêche traditionnels de l'Indonésie dans les eaux situées au large de l'Australie

Depuis des siècles, les pécheurs originaires de l'Indonésie orientale et méridionale visitent traditionnellement les eaux situées au large des cotes australiennes, pour différents types de pêcheries traditionnelles. Les pécheurs d'Ambon et des Moluques méridionales, par exemple, se sont traditionnellement rendus dans le golfe de Carpentaria pour y pécher des perles. Le Gouvernement australien a reconnu ces activités de pêche traditionnelles, qui se poursuivent jusqu'à présent sans grande difficulté.

Sur les autres cotes septentrionales de l'Australie, les pécheurs indonésiens, essentiellement originaires des petites îles de la Sonde ont régulièrement visite les zones environnant les archipels des Ashmore et de Cartier, pour différents types d'exploitation. Nombre de ces groupes d'îles faisant désormais partie de l'Australie, étaient autrefois considérées comme faisant partie de l'ancien royaume de Rôti, chaîne insulaire du groupe des petites îles de la Sonde. Les activités de pêche ne constituaient pas vraiment un problème en soi, dans la mesure ou le Gouvernement australien a toujours reconnu les droits de pêche traditionnels des pécheurs indonésiens. Le problème était davantage de nature écologique qu'halieutique. Les pécheurs traditionnels indonésiens employaient des navires, du matériel et des méthode de pêche traditionnels. Ils étaient en général peu conscients des problèmes écologiques modernes. En conséquence, ils étaient habitués à descendre à terre pour y chercher de l'eau douée et du bois de chauffage. Parfois ils chassaient les oiseaux, qui en Australie bénéficiaient parfois d'une protection saisonnière. Après de nombreuses discussions entre les Gouvernements australien et indonésien, un mémorandum d'accord a été signé le 7 novembre 1974. Ce mémorandum autorisait les pêcheurs traditionnels indonésiens à opérer dans la zone de pêche exclusive et sur le plateau continental adjacent au continent australien et aux îles du large jusqu'au 28 février 1975. A partir de mars 1975, les lois et règlements australiens allaient s'appliquer dans la zone de pêche exclusive de 12 milles de ce pays. La notion de "pêcheurs traditionnels" s'applique aux pécheurs qui ont traditionnellement capturé du poisson et des organismes sédentaires dans les eaux australiennes, par les méthodes utilisées traditionnellement depuis des décennies. "Zone de pêche exclusive" signifie l'étendue d'eaux de 12 milles en direction de la mer à partir des lignes de base depuis lesquelles est mesurée la mer territoriale australienne. Le mémorandum stipulait en outre qu'après le 28 février 1975, l'Australie continuerait de respecter et de permettre les opérations des ressortissants indonésiens autour d'Ashmore Reef, Cartier Islet, Scott Reef, Seringapatam Reef et Browse Islet, sous réserve des conditions ci-après:

1. les opérations seraient limitées aux pêcheurs traditionnels;

2. les débarquements des pêcheurs traditionnels indonésiens, pour obtenir des provisions d'eau douce seraient limités à East Islet et à Middle Islet d'Ashmore Reef;

3. les navires de pêche traditionnels indonésiens cherchant un abri peuvent le faire dans les groupes d'îles susmentionnés; les personnes ne se rendront cependant pas a terre sous réserve des dispositions de l'alinéa 2 ci-dessus.

Le mémorandum stipulait en outre que les pêcheurs indonésiens ne seraient pas autorisés à prendre de tortues dans la zone de pêche exclusive australienne de 12 milles. Les trogues, les holothuries, les ormeaux, les limaces (green snails), les éponges et tous les mollusques peuvent être prélevés sur le fond des mers adjacentes aux îles d'Ashmore et Cartier, à Browse Islet et à Scott et Seringapatam Reefs.

La mise en oeuvre du mémorandum n'a pas été aisée. A ce jour, en dépit de nombreuses circulaires diffusées soit par la Direction générale des pêches, soit par les gouvernements locaux, les pêcheurs les violent. Il n'a pas été facile de demander aux pécheurs traditionnels de s'abstenir d'aller a terre, sur une île qu'ils visitent traditionnellement depuis la nuit des temps. On admettra qu'il s'agit d'un fait pédagogique plutôt que d'un problème de respect de la loi. Il est heureux que jusqu'à présent le Gouvernement australien se soit montre compréhensif et conscient de la complexité de l'application des lois.

Récemment, l'Australie a également déclaré son intention d'adopter une zone économique de 200 milles autour de son territoire. La zone de 200 milles, si elle est revendiquée par l'Australie, alors qu'elle n'a pas été clairement délimitée, affecterait presque certainement les pêcheurs des Etats voisins et plus particulièrement les pêcheurs indonésiens qui ont l'habitude d'exploiter cette zone. Cette question ne relève pas du problème des pécheurs traditionnels, dont la question a été examinée ci-dessus. Compte tenu de ce fait, l'Australie s'est également déclarée prête a étudier le problème et a offert aux Etats en cause, y compris l'Indonésie, des possibilités d'examiner les intérêts halieutiques de l'Indonésie dans la zone qui pourrait être revendiquée dans le cadre de la zone économique exclusive australienne. La question est maintenant à l'étude attentive des Etats concernés.

Conclusion

Actuellement, le seul accord important en matière de pêche, conclu par l'Indonésie, est l'arrangement intérimaire de 1968 avec les associations japonaises de pêche pour les thonidés, concernant l'exploitation de la zone maritime de Benda. Après plusieurs renouvellements, cet accord provisoire a été remplacé en 1975 par un arrangement de répartition des profits entre l'entreprise de pêche de l'Etat indonésien et les associations japonaises de pêche et d'exploitation des thonidés. Les termes des arrangements provisoires et de répartition des profits n'étaient pas réellement avantageux pour l'Indonésie. Ce pays a jugé que les termes contenus dans l'arrangement provisoire et le système de répartition des profits devaient être révisés. Les arrangements conclus dans le passé comportaient de nombreux éléments politiques.

L'application de ces arrangements n'a pas été facile. En premier lieu, certains des navires de pêche étaient peu enclins à se présenter à l'Autorité navale indonésienne à Ambon, après achèvement des activités de pêche. Ensuite, la zone de pêche était trop importante pour que le nombre limité de patrouilles indonésiennes puissent effectivement la superviser, d'où de nombreuses violations passées inaperçues. Troisièmement, les capacités de l'Indonésie en matière d'exécution des lois étaient extrêmement limitées, tant en nombre qu'en matériel, qu'en d'autres facilités. L'accent mis sur l'économie dans le programme de développement de l'Indonésie au cours des deux plans quinquennaux de développement n'a pas réussi à renforcer ou à améliorer les capacités de surveillance indonésienne d'application de la loi en mer. En outre, alors que la capacité et l'efficience des autorités maritimes d'exécution des lois étaient in appropriées, les procédures faisant appel à une solution judiciaire, pour tout contrevenant pris sur le fait, demandaient également à être améliorées, notamment du point de vue des délais. Enfin, la coordination entre organismes d'exécution des lois en mer était médiocre. Il est notoire qu'en Indonésie la marine, la police, les autorités d'immigration, les douanes et les services de communication disposaient de leur propre juridiction répressive et de fonctionnaires en mer. Bien que, du moins en théorie, ces institutions soient placées sous le commandement opérationnel de commandants régionaux de la Défense, en pratique, la coordination de leurs activités en mer s'est révélée malaisée.

L'autre arrangement que l'Indonésie prendra, eu égard à ses activités de pêche dans ses eaux archipélagiques, porte sur la mise en oeuvre des droits de pêche traditionnels des Etats immédiatement adjacents, dans certaines des eaux archipélagiques. Les détails de ces arrangements devront faire l'objet de négociations et être déterminés plus en détail dans des accords bilatéraux.

L'Indonésie connaît aussi des problèmes concernant ses droits de pêche traditionnels dans les eaux situées au large des cotes de certains de ses voisins. Quelques-uns de ces droits, comme le droit de pêcher au large des cotes australiennes, ont fait l'objet d'une réglementation par voie d'arrangements bilatéraux.

Il faudra du temps pour mettre en oeuvre et appliquer effectivement ces arrangements, d'autant plus que les pêcheurs traditionnels en cause doivent être pleinement mis au courant avant de s'habituer aux nouvelles dispositions,

Pour différentes raisons, l'Indonésie n'a pas encore déclaré sa propre zone économique exclusive. Elle le fera certainement dans les meilleurs délais. Lorsqu'elle prendra sa décision en ce sens, elle conclura certainement des accords bilatéraux avec les pays sans littoral et géographiquement désavantagés, dans la sous-région du sud-est asiatique, afin de permettre aux pêcheurs de ces Etats de participer à l'exploitation du reliquat des ressources biologiques qui se trouvent dans cette zone économique exclusive. De même, lorsque l'Indonésie déclarera et mettra en oeuvre sa propre zone exclusive, elle entreprendra certainement des négociations avec les pays voisins en cause, pour délimiter les zones économiques exclusives de ces Etats.


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