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ANNEXE 12: Directives générales applicables au suivi, au contrôle et à la surveillance

Extrait du

Rapport de la Consultation d'experts sur les systèmes de suivi, de contrôle et de surveillance destinés à l'aménagement des pêcheries

Rome, 27-30 avril 1981

Objectifs

Les objectifs généraux du suivi, du contrôle et de la surveillance doivent être définis avec soin et évalués compte tenu de la situation particulière de chaque Etat. Ces derniers doivent déterminer l'importance relative pour eux du suivi, du contrôle et de la surveillance et ce, en vue de: (a) accroître au maximum les bénéfices nets qu'ils peuvent attendre des ressources ichtyologiques de leur zone, du fait de l'exploitation par des pécheurs locaux et/ou étrangers; (b) porter au maximum les avantages nets découlant d'autres ressources et utilisations de ces zones (exemple: exploitation minière); (c) mettre en oeuvre des règlements douaniers et de quarantaine; (d) produire des informations sur la quantité et la valeur des ressources; (e) faire face à l'exigence (réaliste ou non) des pécheurs locaux en matière de protection contre les pécheurs étrangers; (f) exercer leur souveraineté nationale; (g) améliorer les services de navigation, de recherche et de sauvetage; (h) protéger l'environnement marin; (i) divers. Evaluer l'importance de ces objectifs aidera à déterminer les types et niveaux optimums des investissements nécessaires aux fins de suivi, de contrôle et de surveillance.

Avantages et coûts

L'analyse coût/avantages (définie et employée lato sensu) devrait être appliquée à l'évaluation des niveaux d'investissements appropriés au suivi, au contrôle et à la surveillance. Les Etats disposent pour ces investissements de crédits limités et dans la mesure où il est généralement impossible d'obtenir un respect total des conditions, il importe de déterminer dans quelle mesure les investissements produiront leurs effets éventuels optimums. En théorie, cela se produira lorsque les coûts et les avantages marginaux s'équilibreront, c'est-à-dire lorsque le coût de la dernière unité additionnelle d'investissement dans le suivi, le contrôle et la surveillance égale l'avantage qu'il produit.

En pratique, cette quantité est difficile à mesurer, en particulier si l'on prend en compte des effets à long terme. Ainsi, l'analyse devrait viser à estimer l'ampleur de l'exploitation future par des navires étrangers. D'une part, l'accroissement du prix des produits ichtyologiques peut être de nature à justifier la poursuite des opérations de pêche hauturière. D'autre part, les coûts croissants (notamment pour le carburant) peuvent entraîner une diminution considérable de l'exploitation hauturière et, partant, réduire le besoin de suivi, de contrôle et de surveillance à l'égard des étrangers.

Des difficultés, en matière d'analyse des coûts/avantages sont également inhérentes aux problèmes liés a la quantification de certains de ces avantages (faire face à la demande de protection formulée par les pécheurs locaux à l'encontre des pécheurs étrangers par exemple).

En dépit des difficultés, l'effort visant à identifier et à évaluer les coûts et les avantages aidera à déterminer des niveaux d'investissements appropriés alors même que les résultats demeureraient imprécis et que l'analyse serait grossière.

Rapport entre les coûts exposés par l'Etat côtier et la réglementation

Les coûts imputables au suivi, au contrôle et à la surveillance et exposés par les Etats côtiers sont fonction de la nature des accords et des règlements applicables, tant pour les pêcheurs locaux qu'étrangers. Ainsi, les paiements forfaitaires pour l'accès des pécheurs étrangers sont moins coûteux à appliquer que les droits afférents aux captures. Ces derniers produisent toutefois pour les Etats côtiers des revenus supérieurs et renforcent leur contrôle sur l'exploitation de leurs ressources. De même, les saisons de fermeture sont en règle générale d'une application moins coûteuse que la réglementation des maillages et des captures accessoires. En conséquence: (a) le dosage entre coût du suivi et du contrôle et de la surveillance et les avantages de la réglementation ou de l'accord doit être envisagé et (b) les autorités responsables de l'adoption des règlements ou de la négociation des accords doivent oeuvrer en liaison étroite avec les responsables du suivi, du contrôle et de la surveillance.

Relations entre les coûts pour les pécheurs et la réglementation

En règle générale, imposer des mesures de suivi, de contrôle et de surveillance entraîne des coûts pour les pécheurs (exemples: inspections au port, dispositions relatives aux observateurs). Ces coûts diminuent d'autant le montant que les pécheurs étrangers acceptent de payer pour les privilèges de pêche ou réduisent le revenu net des pêcheurs locaux. Il convient de tenir compte de ces faits en choisissant les règlements et accords.

Perception des risques de contravention

Les pêcheurs ne respectent les règlements et les accords que dans la mesure où ils jugent qu'ils en bénéficieront ou s'ils considèrent que leur non-respect sera plus coûteux pour eux que leur application. Leur perception du risque porte sur les éléments suivants: possibilité d'être pris sur le fait, possibilité de saisie, sanctions susceptibles d'être appliquées et chances d'échapper aux sanctions par la corruption. La perception du risque encouru en contrevenant aux règlements et aux accords doit être renforcée à tous égards.

Relations entre phases de l'application

Les systèmes efficaces d'application doivent comporter des mesures de surveillance, d'arrestation, des sanctions et des rapports. Alors que l'on accorde beaucoup d'attention aux deux premiers de ces éléments, les deux derniers ne sont pas toujours suffisamment pris en compte. Si les pénalités imposées sont insuffisantes, les activités de surveillance et de saisie resteront sans objet. Si les sanctions ne sont pas déclarées de façon appropriée, la perception du risque sera faible. Ainsi, les autorités responsables de l'application devraient coordonner leurs activités avec les organes judiciaires et recourir à d'autres institutions (par exemple les ministères des relations extérieures) de sorte que les sanctions et leur déclaration soient appropriées. Imposer des sanctions est parfois plus facile lorsque des pouvoirs discrétionnaires sont confères aux administrateurs des juridictions spéciales qui sont mises en place.

Moyens institutionnels de réduction des coûts

Les fonctionnaires charges de l'application devraient rechercher des méthodes institutionnelles peu coûteuses pour réaliser leurs objectifs ou pour compléter les investissements dans le matériel de suivi, de contrôle et de surveillance. Plusieurs possibilités peuvent être explorées. L'une consiste à se fonder sur la "bonne volonté" et à emprunter la voie diplomatique pour encourager les pêcheurs étrangers à respecter les règlements. Nombre de gouvernements acceptent d'exercer un contrôle sur leurs pécheurs dans l'intérêt du maintien de relations de bon voisinage avec d'autres pays. Une autre méthode consiste à faire dépendre les privilèges des flottilles du respect des règlements par chaque navire. Une troisième méthode consiste à demander aux gouvernements étrangers de maintenir un représentant responsable dans l'Etat côtier, de manière a accélérer la communication de violations. Une quatrième consiste à imposer aux navires étrangers un dépôt de garantie. On peut encore inciter au respect ou aux mesures facilitant le contrôle (réduction des droits applicables au poisson débarqué dans les ports locaux). Dans certains cas, ces méthodes (ainsi que d'autres du même ordre) sont plus efficaces par rapport à leur coût que l'acquisition d'un matériel et elles augmentent souvent sensiblement la rentabilité du matériel.

Simplicité des règles et des accords

II faudrait s'efforcer de maintenir les règlements et accords les plus simples possible. Cela réduit le coût du suivi, du contrôle et de la surveillance, tant pour l'Etat que pour les pêcheurs (locaux et étrangers). Dans certains cas, les règlements sont délibérément énoncés sous une forme compliquée non pas aux fins de la protection des ressources mais dans l'objectif (occulte) de diminuer la rentabilité de l'exploitation étrangère. Cela réduit le revenu potentiel du pays côtier et accroît le coût de l'application. La simplicité des règlements et des accords peut être obtenue en étendant les pouvoirs discrétionnaires dont disposent les fonctionnaires chargés de l'application (encore faut-il trouver des moyens de s'assurer qu'ils n'abusent pas de ces pouvoirs (cf. ci-après "Appui à l'administration du suivi, du contrôle et de la surveillance")).

Coopération régionale et souveraineté nationale

On peut réduire sensiblement le coût du suivi, du contrôle et de la surveillance grâce à la coopération régionale et au partage de l'autorité. Il en est notamment ainsi pour les stocks partagés mais aussi lorsqu'une flottille étrangère exploite les zones de plusieurs Etats voisins. S'il est inutile de s'attarder sur les avantages de la coopération, il importe essentiellement de reconnaître que les Etats hésitent à coopérer lorsque cette coopération se répercute sur leur souveraineté nationale. On procédera donc à une évaluation réaliste des contraintes de la souveraineté nationale et l'on s'efforcera de trouver des moyens d'accroître la coopération compte tenu de ces contraintes.

Corruption et extorsion

II faut bien admettre que la corruption et l'extorsion sont de nature à handicaper sérieusement la réalisation des objets de l'application. Règlements et accords devraient être formulés de manière à réduire les chances de corruption et d'extorsion. Ainsi, le fait de poster à bord des observateurs devrait être complété par des contrôles a l'improviste ou des inspections au port. Les autorités dotées de pouvoirs discrétionnaires doivent être soumises à des vérifications et à des bilans pour éviter tout abus.

Appui à l'administration du suivi, du contrôle et de la surveillance

Les activités de suivi, de contrôle et de surveillance ne bénéficient généralement guère d'un appui gouvernemental ou politique, notamment lorsqu'il s'agit des pêcheurs locaux. Lorsque des mesures d'application visent à protéger les intérêts d'un groupe de pécheurs (par exemple les artisans-pécheurs) contre les activités d'un autre groupe (chalutiers), l'appui politique peut s'en trouver affaibli. En outre, les administrateurs des pêches tendent à mieux reconnaître leurs activités de développement que leurs efforts de gestion. Il faudrait tenter de convaincre les cadres supérieurs de l'administration non halieutique, ainsi que les politiciens, de l'importance du suivi, du contrôle et de la surveillance. Faire ressortir les inconvénients ou les coûts liés à l'absence d'un système de suivi, de contrôle et de surveillance peut se révéler utile dans ce cas.

Incitation à l'auto-prise en charge des mesures d'application

L'application est d'autant plus efficace qu'il est de l'intérêt des pêcheurs eux-mêmes de l'assurer. L'auto-prise en charge est grandement améliorée si les pêcheurs perçoivent que les avantages de la réglementation leur sont acquis. Cela est d'autant plus facile que les pêcheurs disposent d'un droit exclusif aux ressources. (On peut citer par analogie, qu'en matière agricole ces questions d'application sont sans objet, le droit à la propriété privée étant en vigueur). Concéder un droit exclusif, tel qu'une franchise commerciale, aux artisans-pêcheurs ou encore des droits exclusifs à des groupes de pêcheurs, est de nature à réduire de façon notable le coût du suivi, du contrôle et de la surveillance.

En l'absence de droits exclusifs, l'auto-prise en charge de l'application est favorisée par la perception, par les pécheurs eux-mêmes, que les règlements sont indispensables à la réalisation d'un bénéfice dans un avenir proche. Il s'ensuit que la justification scientifique du contrôle doit être très crédible.

Par contre, le coût du suivi, du contrôle et de la surveillance est d'autant plus élevé que les pêcheurs perçoivent qu'ils ne bénéficieront nullement du contrôle. Il en est ainsi lorsque les contrôles visent à distribuer la richesse (comme c'est le cas pour l'interdiction du chalutage à l'intérieur des limites de 3, 7 ou 12 milles). C'est encore le cas lorsque les sacrifices présents sont de nature à produire des avantages que de nouveaux arrivés sont susceptibles de s'approprier.

Mise en place d'un contrôle avant sur-investissement

Le suivi, le contrôle et la surveillance sont d'autant plus efficaces qu'ils sont établis avant sur-investissement et non après. Si les règlements visent a réduire directement ou indirectement un excédent de main-d'oeuvre, le coût de leur application risque d'être particulièrement élevé. Il est extrêmement malaisé d'imposer des règlements avant le moment où le besoin est admis par les pécheurs. Aussi ces programmes de développement devraient-ils s'efforcer d'établir la base de contrôle avant le développement d'une nouvelle pêcherie ou d'une nouvelle méthode.

Effets du suivi, du contrôle et de la surveillance sur la validité des données

Certains types de règlements et d'accords (exemples: taxes sur les captures) constituent une incitation pour les pécheurs à mal déclarer leurs captures et/ou effort. Il faut s'attendre à de tels effets et trouver des moyens de garantir l'exactitude des déclarations ou, si cela risque de ne pas être efficace, d'envisager d'autres règlements.

Technologie appropriée au suivi, au contrôle et à la surveillance

La nécessite d'une technologie appropriée est aussi pertinente aux fins des activités de suivi, de contrôle et de surveillance que pour la pêche et il conviendrait d'en tenir compte lorsqu'on recommande de telles activités pour les pays en développement.

Vérifications et bilans

II faudrait éviter de se fonder sur une méthode unique de suivi, de contrôle et de surveillance. Chaque fois que possible, des options variées devraient être adoptées pour accroître l'efficacité. Les dispositions relatives aux journaux de bord devraient ainsi être complétées par d'autres méthodes visant a vérifier l'exactitude des journaux de bord.

Surveillance en vue de déterminer les impératifs de l'application

Avant d'investir aux fins du suivi et du contrôle, il est souhaitable que les Etats côtiers déterminent le degré, le type et le caractère saisonnier du braconnage par les navires étrangers. A cette fin, on peut procéder à certains investissements, en vue de la surveillance. Une telle surveillance pourrait mettre en évidence que le braconnage est si négligeable qu'aucun investissement ultérieur ne se justifie. D'autre part, si le braconnage est notable, elle permet de déterminer le type (chalutage, pêche a la palangre ou a la senne coulissante, etc.), situation, nationalité et saison de braconnage, de manière à établir en conséquence les capacités de suivi et de contrôle.

Réévaluations périodiques

II importe de remettre en cause périodiquement les systèmes d'application, afin de s'assurer de leur efficacité et de vérifier l'applicabilité d'autres techniques.

Attitudes a l'égard du suivi, du contrôle et de la surveillance

Les activités de suivi, de contrôle et de surveillance sont d'autant plus efficaces qu'elles sont envisagées par les pêcheurs de façon positive plutôt que négative. Ces activités ne devraient donc pas simplement viser à sanctionner les coupables. Le suivi, le contrôle et la surveillance devraient plutôt assurer des services utiles aux pêcheurs (aide à la navigation, services de recherche et de sauvetage, collecte et diffusion de l'information) et respecter leurs intérêts légitimes (attendre le relevage du chalut avant de monter à bord, etc.).


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