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Module 4: La dimension environnementale du développement durable (2 à 3 journées)


Objectifs pédagogiques d'ensemble du module
Les définitions de base de l'approche environnementale
Les outils micro-environnementaux
Les outils macro-environnementaux
Conclusions sur les politiques environnementales


- les définitions de base
- les outils micro-environnementaux
- les outils macro-environnementaux
- conclusion sur les politiques environnementales

Objectifs pédagogiques d'ensemble du module

Rendre le stagiaire capable de:

- maîtriser quelques concepts environnementaux de base
- comprendre l'approche systémique de l'environnement
- comprendre les principaux enjeux des procédures micro- et macro-environnementales

Les définitions de base de l'approche environnementale


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- situer l'étude des ressources naturelles dans le cadre plus vaste de l'analyse systémique de l'environnement,

- comprendre quelques éléments du vocabulaire environnemental de base,

- collaborer avec un environnementaliste pour bien appréhender les enjeux des mécanismes environnementaux observés.

Phase d'apprentissage

Les ressources naturelles sont de plus en plus rares par rapport à la pression qu'elles doivent supporter (notion de capacité de charge humaine) par l'accroissement des demandes individuelles et par l'accroissement démographique.

On exposera ici des principes qui seront valables pour l'ensemble des ressources naturelles:

- air,
- eaux continentales,
- eaux maritimes,
- sols,
- faune,
- flore, y compris la forêt,
- espace,
- santé humaine,.....

Les exemples illustrant les définitions seront pris par rapport à plusieurs de ces ressources naturelles, mais l'important est de bien avoir le raisonnement permettant d'intégrer l'approche de ces ressources dans une analyse systémique du territoire contenant ces ressources naturelles.

Par ailleurs, l'accent sera mis sur les liens entre ces ressources naturelles et l'économie de leur mobilisation. Ecologie et économie ont la même racine Oikos (la maison en Grec). L'économie est, de plus, l'étude des ressources rares, et le présent enseignement se situe dans des environnements où les ressources naturelles de bonne qualité sont effectivement rares, et ce de plus en plus. Par exemple, le recul de la couverture forestière en Afrique est désormais reconnu par tous.

Encore plus que pour le développement durable, il existe une grande quantité de définitions de l'environnement. De plus, ces définitions montrent une évolution convergente vers une prise en compte des êtres humains, de leurs cultures et de leurs cadres de vie dans cette définition. De la définition de l'environnement, dépend évidemment le traitement qui en sera fait dans un projet. Nous proposons ici une définition qui possède à la fois une assez longue existence historique - c'est celle de la première Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement en 1972 à Stockholm - et aussi une bonne base humaine. Elle est également simple et peut se résumer ainsi:

«ensemble des facteurs biologiques, chimiques et physiques inter-agissant avec l'homme et ses activités».

1. LES RESSOURCES NATURELLES

1.1. L'ENVIRONNEMENT VU DU PROJET:

Pour un analyste de projet classique, l'environnement est vu depuis le projet. Cet environnement est à la fois un fournisseur de certains produits et services et c'est aussi un exutoire commode pour les sous-produits indésirés des activités étudiées.

C'est une vision correcte et pratique pour les besoins classiques, mais trop réductionniste pour une bonne approche de l'environnement et surtout pour assurer sa bonne gestion.

Voyons cependant l'environnement par ce bout de la lorgnette.

1.1.1. L'environnement fournisseur de biens et de services

Le cas général

L'environnement de tout projet apporte des biens et services, facteurs de production ou simplement moyens de satisfaire les besoins de base des habitants.

Dans cette conception de l'environnement, on peut citer, par exemple:

- l'eau nécessaire aux activités (irrigation, par exemple) ou aux besoins des habitants,
- les paysages, la faune et la flore comme attraction touristique,
- les sols disponibles pour les constructions du projet,
- les terres requises pour l'extension d'un projet

Pour l'analyste de projet, plusieurs cas peuvent se présenter. Dans le cas le plus simple, la ressource naturelle est considérée comme inépuisable et gratuite. Dans le cas le plus complexe (pour l'analyste du projet en question), cette ressource naturelle peut être un facteur onéreux, voire limitant du projet (ex. trouver de nouvelles terres agricoles au Rwanda). Dans la plupart des cas, cependant, parce que les ressources naturelles sont souvent gratuites, l'analyste de projet ne s'intéressera que rarement à l'environnement-fournisseur.

L'offre durable

Dans l'optique gestion durable, une notion essentielle à ce stade où l'on considère l'environnement simplement comme un fournisseur de biens et de services est cependant, dans tous les cas de figure, la notion d'offre durable.

Il s'agit, pour une ressource biologique donnée de la fraction de cette ressource qui peut être consommée dans le processus de production du projet sans entamer la capacité productive de la ressource.

Par analogie avec la finance, on peut dire que l'offre durable est l'intérêt du capital, fraction que l'on peut consommer sans entamer le capital.

Concrètement, on rencontre plusieurs cas de figure:

- ressources naturelle se renouvelant très lentement: ex. caricatural, le pétrole qui est le résultat d'une dégradation et accumulation de matières organiques. Dans ce cas, on mobilise plusieurs milliers de fois l'offre durable qui est dérisoire,

- ressources animales: la vitesse de reproduction d'une espèce dépend de plusieurs paramètres: le nombre moyen de portées par mère, le nombre moyen de petits par portée, la mortalité infantile, l'espérance de vie moyenne. Plusieurs espèces animales sont connues pour se reproduire très vite (un couple de chats, dans des conditions optimales.... pour eux peut donner 20.000 individus en deux ans), d'autres espèces animales se reproduisent beaucoup plus lentement (ex. gorilles de montagne avec un faible nombre de portées moyen, un ou très exceptionnellement deux petits par portée, une forte mortalité très sensible aux conditions d'environnement).

Pour la chasse (sportive ou non), comme pour la pêche (sportive ou non), il est essentiel de connaître la dynamique des populations à capturer et de rester dans l'exploitation en deçà des offres durables. On trouvera quelques indications dans le carnet «quelques données utiles au planificateur du développement durable».

- ressources végétales: le principal aspect qui nous intéresse ici est la formation arborée qui a une croissance annuelle tant qu'elle n'est pas parvenue à son climax. Cette croissance annuelle, parfois appelée possibilité par les forestiers correspond à l'offre durable. Si l'on retire cette quantité de la formation arborée, son stock de bois reste le même après exploitation. Si l'on exploite moins, le stock croît, si l'on exploite plus, le stock diminue. On peut alors parler de déforestation.

En pratique, cette offre durable dépend, pour un climat et une espèce donnés, de la densité d'arbres à l'hectare et de la pyramide des âges de la formation arborée en question. C'est une notion délicate à estimer, objet d'un long débat entre forestiers et énergéticiens. On dispose d'estimations, qui sont résumées dans le carnet du planificateur durable. On utilise des valeurs vraisemblables dans le modèle Sénégal, utilisé comme exercice.

Les ressources renouvelables et leur mobilisation

D'une manière générale, plusieurs ressources sont considérées comme renouvelables. c'est à dire que leur exploitation devrait se faire sans prélèvement sur le stock de ressources naturelles. C'est le cas des ressources suivantes:

- énergies provenant de l'énergie solaire: solaire direct, photovoltaïque, éolienne, hydraulique potentielle,

- eau souterraine de nappes renouvelables

- travail humain et travail animal,

Plusieurs ressources sont clairement fossiles et ne peuvent jamais être utilisées de manière renouvelable à l'échelle humaine:

- énergies fossiles: charbon, produits pétroliers liquides, solides et gazeux, Uranium,
- eau provenant de nappes fossiles,
- ressources minérales (granité, marbre,.....)

Entre les deux, on trouve des ressources qui peuvent être renouvelables ou non selon le rythme d'exploitation et le mode d'entretien:

- sols agricoles, en fonction des restitutions faites (en particulier nutriments) par rapport aux nutriments prélevés,

- ressources ligneuses,

- eau de nappe souterraines non connues,

- air pur en fonction de ses capacités d'auto-épuration,

Comme on l'a vu plus avant, deux approches de la gestion durable des ressources naturelles s'affrontent actuellement:

- la durabilité forte, dans laquelle on n'admet, dès maintenant, que l'utilisation de ressources renouvelables,

- la durabilité faible, dans laquelle on admet que, dans un premier temps, on utilise des ressources non renouvelables tout en encourageant le développement futur des ressources renouvelables par une recherche-développement qui est financée par un prélèvement sur les ressources non renouvelables (voir exemple de la mine dans le module 7 Economie).

Enfin, il convient d'observer de près les conditions concrètes de mobilisation des ressources. Toute ressource requiert, pour la mise à disposition de produits ou de services aux utilisateurs, de technologies appropriées.

Même l'homme préhistorique avait parfois besoin d'un bâton pour cueillir certains fruits. Dans nos sociétés, la chaîne menant de la ressource au consommateur est nettement plus longue. Pour la mobilisation de toute ressource, il faut:

- du travail humain,
- de la technologie,
- du capital d'investissement et de fonctionnement.

Plusieurs études - en particulier une étude de référence effectuée par la SEMA sur les énergies renouvelables pour le Sahel (1980) - ont montré, sur l'exemple de plusieurs applications comme le pompage, que le coût de la ressource (diesel contre solaire) ne représentait qu'une fraction du coût total de l'application. Dans le cas du pompage, la substitution solaire contre diesel ne permet d'économiser que 20 à 30% des charges variables. Mais le coût de mobilisation (opérateurs qualifiés, entretien, pièces détachées, amortissement des matériels,....) est bien supérieur dans le cas du solaire, annulant pour l'opérateur les avantages de la gratuité de la ressource.

Illustration de cette comparaison des coûts totaux de fonctionnement d'une unité de pompage dans le Sahel (adapté de SEMA).

Cela ne veut évidemment pas dire que les ressources renouvelables sont condamnées, mais qu'il faut prendre en compte l'ensemble de la filière pour juger de l'intérêt de ces ressources.

Le rapprochement offre durable-demande

Dans la pratique, l'analyste de projet durable cherchera à rapprocher l'offre durable de la demande, et déterminera deux cas de figures:

- l'offre durable est supérieure ou égale à la demande: pas de problème,

- l'offre durable est inférieure à la demande: la ressource naturelle s'épuise (il se produit un déstockage), et il faut chercher à compenser cette perte nette, soit par l'accroissement de l'offre durable (ex. meilleure gestion des taillis d'Eucalyptus), soit par la baisse de la demande (ex. suppression des pertes d'eau parasites dans les circuits de distribution), soit de compléter provisoirement l'offre par une offre non durable (ex. énergies fossiles) tout en investissant pour créer une offre durable (par exemple en développant la Recherche-Développement - R&D - sur les énergies renouvelables).

1.1.2. L'environnement récepteur des sous-produits du projet

De plus en plus, cependant, on s'aperçoit que l'environnement d'un projet, le plus souvent pris sous l'angle de la fourniture de biens et de services (notamment l'énergie dans les modèles globaux du Club de Rome dans les années 60), devient prioritairement le récepteur des sous-produits indésirés d'un projet, notamment:

- émissions gazeuses,
- émissions aquatiques,
- production de déchets solides, toxiques ou non,

Dans un premier temps, ces émissions dans le milieu ont été indolores pour les maîtres d'ouvrage des projets: l'étude du projet s'arrêtait aux productions principales, après nous le déluge......

Désormais, pourtant, les décisions d'émission de polluants se heurtent à des difficultés:

- financières (surtaxes de mise en décharge de 400 FF/tonne en RFA et en Suisse),
- juridiques
- sociologiques.

Notons, dans ce dernier aspect, l'apparition du syndrome NIMBY (en américain, Not In My BackYard: pas derrière chez moi), qui traduit l'attitude croissante des habitants d'une région à refuser l'implantation d'activités polluantes à proximité de chez eux. La philosophie de ces mouvements est vous - maître d'ouvrage - pouvez aller générer des nuisances où vous voulez, mais pas derrière chez moi!. C'est ainsi que l'on a vu des péniches pleines de déchets toxiques parcourir, à partir des Etats-Unis, des milliers de kilomètres, aucun site n'en acceptant la décharge terrestre.

Dans ce domaine de l'environnement-récepteur, il convient de prêter attention à deux aspects importants des pollutions générées:

- accumulation:

. pour un projet donné, les impacts sur l'environnement peuvent se cumuler d'une année sur l'autre. C'est en particulier le cas pour des impacts sur les sols, ou sur les nappes d'eau souterraine fossile. On a ainsi l'exemple des Potasses d'Alsace qui polluaient la nappe fossile d'Alsace avec le sel rejeté, la rendant progressivement plus salée,

- réversibilité:

. une notion liée, mais non identique, est le degré de réversibilité des impacts. Dans le cas de la coupe de forêts primaires, on peut parler d'impact irréversible, car il est impossible, à l'échelle humaine, de reconstituer la pyramide des âges, l'agencement, et la flore/faune associées à ces forêts primaires. Par contre, dans le cas de la coupe à blanc d'une plantation d'Eucalyptus, il est tout à fait possible de reconstituer la plantation en quelques années, quelques décennies au pire. La pollution d'une nappe captive comme la nappe d'Alsace est en pratique irréversible, compte tenu des coûts énormes impliqués par une éventuelle restauration.

Les impacts irréversibles sur l'environnement sont particulièrement craints par les naturalistes, comme on peut s'en douter. Pour les aménageurs, c'est sans doute un des pièges majeurs à éviter.

1.1.3. L'évolution du rapport environnement récepteur-environnement fournisseur

Comme il a été dit plus haut, la tendance actuellement est à prendre en compte l'environnement comme milieu récepteur tout autant - sinon plus - que comme fournisseur de biens et de services.

L'environnement comme milieu récepteur des impacts d'un projet sera probablement de plus en plus la priorité des naturalistes et environnementalistes en général.

Exercice pour illustrer la vision projectocentrique du planificateur

Avec les stagiaires, établir la liste des impacts potentiels - positifs et négatifs - sur l'environnement d'un projet de développement des cultures de rente intensives dans le Sahel, en distinguant les étapes suivantes de ces projets:

- Construction des infrastructures,
- Transports des intrants
- Manipulation des intrants
- Travaux d'aménagement
- Autres travaux agricoles
- Récolte et transports des produits
- Transformation éventuelle des produits
- Utilisation des sous-produits

Après l'exercice, basculer sur la suite de l'enseignement - on tirera la leçon de cet exercice dans 2.1..

1.2. LE PROJET VU DE L'ENVIRONNEMENT

Considérons désormais le point de vue inverse: le projet vu depuis l'environnement, en d'autres termes, le projet inséré dans un territoire.

Ce territoire est un éco-système au sens où il est composé d'êtres humains dans un ensemble de ressources naturelles et construites, avec toutes les interactions existant entre ces habitant(e)s et ces ressources.

De ce point de vue, le projet peut être analysé de manière très différente par rapport à la vision centrée sur le projet. Les principales différences avec l'analyse classique de projets peuvent provenir des caractéristiques suivantes:

- le projet peut ne pas être optimal par rapport aux demandes du territoire dans lequel il se place,

- le projet peut entrer en compétition avec d'autres projets existants ou à venir,

- le projet peut générer des impacts négatifs cumulatifs avec ceux d'autres projets existants ou à venir.

Voyons ces trois cas à la suite les uns des autres:

- sous-optimalité (voire nocivité du projet) par rapport à son territoire d'implantation: les exemples ne manquent pas:

. développement des cultures de rente dans des milieux où la production alimentaire de base est insuffisante (beaucoup de pays Sahéliens),

. reboisement ou protection absolue des forêts dans des zones de Défense et Restauration des Sols (Ardèche pour la protection aval contre les crues du Rhône).

- concurrences/compétition (difficulté pour le projet défaire son trou) ici encore, on ne manque pas d'exemples:

. dans l'île de Madère (Portugal), le développement du tourisme a accaparé toute la main d'oeuvre, ne laissant personne pour l'agriculture: résultat, les terres ne sont plus cultivées, retournent en friche (même phénomène observé dans plusieurs îles Françaises), ce qui dénature les paysages et a un effet négatif sur le tourisme,

- impacts cumulatifs sur l'environnement:

. dans une zone où l'eau est déjà polluée, l'addition d'un projet peut faire basculer la qualité du milieu au delà du permissible,

. même chose pour la qualité de l'air,

. en ce qui concerne la qualité des sols, on a l'exemple des Pays Bas et de sa sur-production de lisier de porcs, et des accumulations de Phosphore, Potassium et surtout de métaux comme le Cuivre, créant ainsi des situations parfois difficilement réversibles,

- ces impacts cumulatifs peuvent prendre des formes perverses: pour éviter les problèmes de pollution de l'air par des industries, par exemple dans les zones côtières de Normandie (France), il a été mis en place des hautes cheminées envoyant les polluants en dehors de la proximité de l'installation. Malheureusement, on n'a fait que déplacer les problèmes, et ces émissions sont revenues sous forme de pluies acides ou de polluants atmosphériques dans d'autres zones.

Le seul vrai moyen de savoir ce qui se passe réellement est une comptabilité économique et écologique régionale, instrument qui n'existe pas actuellement.

Dans le concret, on trouve, pour un territoire donné, des habitants qui, aux Etats-Unis, refusent désormais tout aménagement, où qu'il soit. C'est devenu le mot d'ordre Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anything (BANANA). C'est une tendance extrémiste, mais dont il faut tenir compte dans les futurs aménagements du territoire.

1.3. DE L'INTERDICTION D'IMPORTATION DES BOIS TROPICAUX A MAC DONALD

En première synthèse, on se retrouve devant deux extrêmes:

- les environnementalistes purs et durs: on les retrouve par exemple derrière l'interdiction d'importation des bois tropicaux dans les pays riches. La logique superficielle est:
pas d'importation -> pas d'arbres coupés -> pas de déforestation.
Malheureusement, les choses ne se passent pas ainsi et, d'une part, les arbres sont détruits pour d'autres raisons que l'exploitation forestière (défrichement agricole ou pastoral, bois de feu, feux de brousse, en particulier) et, d'autre part, ces arbres sont d'autant plus facilement détruits qu'ils n'ont pas de valeur marchande. De plus, cette pratique pénalise les pays gérant leur ressource forestière de manière durable.

- les aménageurs purs et durs pour qui les projets se conçoivent partout comme dans la Beauce et qui finissent effectivement par créer partout la Beauce (ce que l'auteur appelle le risque de MacDonaldisation de la planète).

Il serait bon, à la sortie de ce cours, d'avoir une approche plus pragmatique et plus spécifique - plus intelligente en résumé - que ces deux positions extrêmes.

2. LE TERRITOIRE ÉTUDIE

L'approche environnementale d'un projet se fera donc obligatoirement dans un contexte défini dans le temps (date du projet) et dans l'espace (le territoire du projet). Pour faire cette approche, il faut encore ingurgiter plusieurs définitions.

2.1. RESSOURCES NATURELLES ET TERRITOIRE

La première chose à faire dans toute approche environnementale est de décider sur quel territoire on va travailler. Ceci pose le problème des limites à adopter. Très souvent l'approche d'un projet est limitée à son environnement immédiat.

Premier exemple, un projet d'extraction de granité aux Seychelles a été fortement critiqué pour ses impacts probables sur l'environnement. Les promoteurs se sont défendus en tentant d'apporter la preuve que leur projet n'était pas nocif sur l'environnement localement. Ceci était de toute façon discutable. Mais un point encore plus fondamental a été occulté: le transport sur plus de 40 km de blocs de granité dans des camions de 40 tonnes sur des routes tout juste faite pour permettre à deux mini-jeeps de se croiser et pour supporter quelques véhicules légers à l'heure (sans parler des ponts et autres ouvrages d'art!).

Deuxième exemple, plus général, les études d'impact sur l'environnement de projets agricoles «négligent» souvent de prendre en compte les effets d'aval, en particulier la pollution des cours d'eau ou des nappes phréatiques par les résidus d'engrais et de pesticides.

Il est donc essentiel de commencer par fixer l'étendue réelle du territoire affecté par quelque projet que ce soit.

Il est ensuite tout aussi important de bien identifier les composantes multiples du territoire. Tout territoire est composé d'une multitude de zones qui ont chacune leur propre logique sociale, économique et écologique. Les ressources naturelles font partie de ces composantes multiples, mais aussi les formations artificielles apportées par l'action humaine. Même parmi les ressources naturelles, il est possible de faire des distinctions. Pour la plupart des analyses courantes, une forêt naturelle et une plantation d'arbres devront être indentifiées et traitées de manière radicalement différente. Bref, il faut une excellente connaissance du terrain et de ses spécificités micro-locales.

En pratique, il faut considérer le territoire comme un éco-système. ou une série d'éco-systèmes. On verra plus loin une définition complète d'un éco-système. Dans un premier temps, il peut suffire de le définir par un biotope et une biocénose ainsi que les interrelations entre eux deux, le biotope étant le support physique (minéral, aquatique, aérolique,....) la biocénose étant la communauté des êtres vivants (humains, faune, flore,...) entretenant des relations avec ce biotope.

2.2. L'ANALYSE SYSTÉMIQUE ET SON VOCABULAIRE

II est nécessaire pour bien comprendre l'approche environnementale d'assimiler plusieurs éléments d'analyse systémique pour bien intégrer les mécanismes complexes qui régissent le fonctionnement des systèmes naturels.

Extrait du cours d'analyse systémique d'Antoine LOOS, avec l'aimable autorisation de l'auteur

L'ENVIRONNEMENT DES SYSTEMES BIOLOGIQUES (ECOSYSTEME)

L. Von Bertalanfy est l'inventeur de la théorie des systèmes ouverts. Il nous fournit de nombreux exemples de l'application de cette théorie à la biologie, parmi lesquels on peut citer:

- le taux de renouvellement des protéines du corps humain qui ne dépassent pas de beaucoup 100 jours,

- le métabolisme, la respiration, la glycolyse,

- les mécanismes de réaction de l'organisme aux agressions de l'environnement,

- la maintien constant, dans le sang, de différents niveaux de concentration,

- la morphogénèse.

Si l'on veut aborder le problème dans toute sa généralité, il convient de parler d'écologie (Ernst Haekel 1866) du grec logos (la science) et oïkos (la maison), qui est l'étude des relations entre les être vivants et le milieu dans lequel ils vivent.

L'écosystème est un système ouvert qui reçoit de l'énergie solaire permettant le fonctionnement de ses différents cycles et rejette dans l'espace intersidéral de la chaleur irrécupérable. Le flux d'énergie qui parvient à l'écosystème est considéré comme irréversible et inépuisable alors que les ressources de l'écosystème sont, quant à elle, limitées et doivent être recyclées.

L'écosystème est composé de 4 éléments en inter-relations:

l'ATMOSPHERE (air) qui reçoit du gaz carbonique et des gaz de combustion de la biosphère, de la vapeur d'eau de l'Hydrosphère, et précipite (pluie) de l'eau chargée de résidus dans l'Hydrosphère. Il reçoit de l'énergie solaire et rejette une chaleur irrécupérable.

l'HYDROSPHERE (eau des océans, des lacs, des rivières) reçoit l'eau de précipitation, des déchets de la biosphère, le produit de l'érosion des rivières et torrents, envoie des matières pour stockage dans la lithosphère (sédiments), retourne de l'eau pure dans l'Atmosphère par évaporation et des éléments minéraux dans la biosphère (exemple: eau minérale).

la LITHOSPHERE assure le stockage des résidus de la Biosphère et de l'Hydrosphère et les retourne, après recyclage, dans l'hydrosphère.

la BIOSPHERE reçoit de l'oxygène de l'Atmosphère, de l'eau et des éléments minéraux de l'Hydrosphère, et rejette du gaz carbonique et du gaz de combustion dans l'Atmosphère, des déchets dans l'hydrosphère et la lithosphère.

La biosphère est composée de 3 catégories d'éléments:

- Les PRODUCTEURS (plantes) qui reçoivent de l'énergie solaire de l'Atmosphère, du CO2 et des sels minéraux des consommateurs, ainsi que des éléments minéraux des décomposeurs. Par photosynthèse, les producteurs fournissent aux consommateurs de l'oxygène et des matières organiques (fruits, légumes, céréales) et produit des déchets pour les décomposeurs.

- Les CONSOMMATEURS (animaux, êtres humains) qui reçoivent de l'oxygène et des matières organiques des producteurs, et, par respiration, renvoient vers ces mêmes producteurs du CO2 et des sels minéraux et produisent des déchets envoyés aux décomposeurs.

- Les DÉCOMPOSEURS (exemple les fumiers) qui reçoivent les déchets des producteurs et consommateurs, les recyclent et produisent des éléments minéraux qui sont retournés aux producteurs (épandage).

E. Morin caractérise la relation entre l'être vivant et son environnement, entre autos et oïkos, par:

1) OPPOSITION/DISTINCTION les 2 concepts (autos et oïkos) demeurent à la fois distincts et inséparables; ils se bouclent l'un l'autre en un macro-concept récursif et complexe qui maintient la distinction/opposition dans l'intégration mutuelle et maintient l'intégration mutuelle dans la distinction/opposition.

2) COMPLEMENTARITE: autos et oïkos sont vitalement nécessaires l'un à l'autre.

3) CONCURRENCE ET ANTAGONISME: autos poursuit des fins égoïstes, oïkos des fins égoïstes et ignore aveuglément les vies individuelles. Autos et oïkos entretiennent des relations d'exploitation, d'aliénation et d'asservissement mutuels.

4) INCERTITUDE marquée par de constantes oscillations entre l'exploitation et la coopération, l'interdépendance et l'asservissement. L'incertitude se rapporte également à la frontière entre autos et oikos.

De manière plus globale et opérationnelle, on pourra retenir les éléments suivants de l'analyse systémique:

. objectifs

Le fonctionnement de tout organisme vivant est déterminé par ses objectifs prioritaires: c'est très souvent sa propre survie.

Dans le cas des études environnementales, il sera fondamental de comprendre en fonction de quels objectifs prioritaires un système socio-environnemental est organisé. Dans beaucoup des pays pauvres, la principale logique sera celle de la satisfaction des besoins de base: nourriture, habitat en toute priorité. Le court terme est systématiquement privilégié.

Dans les pays riches, la logique d'organisation est beaucoup plus complexe à saisir: la plupart des zones (dites du centre - par rapport au marché) sont organisées en fonction de la maximisation du profit des opérateurs économiques et financiers, logique qui, dans son expression actuelle, peut parfaitement coexister avec un fort gaspillage et un mépris des ressources naturelles non rentables.

Toutefois, dans beaucoup de sociétés post-industrielles, on retrouve l'émergence de notions éthiques et esthétiques, qui elles mêmes affectent les systèmes de prix sur le marché, et qui remettent en selle la valorisation du patrimoine naturel. La Suisse, mais aussi le Canada et les pays Scandinaves, sont sans doute des laboratoires privilégiés de ces nouvelles approches qui intègrent le long terme et l'environnement dans pratiquement toutes les décisions d'investissement.

. anatomie et physiologie

Un système naturel peut se définir par ses constituants: biotope avec les sols, l'eau, les minéraux,..,., biocénose avec ses communautés vivantes: êtres humains, mammifères, oiseaux,.... On peut appeler cette approche, en parallèle des sciences médicales, l'approche anatomique.

Mais cette définition est insuffisante et inopérante si on n'intègre pas également les interrelations dynamiques entre les constituants du système naturel étudié: décomposition des excréments animaux qui alimentent la matière organique des sols, croissance des plantes grâce aux sols, à l'eau et au soleil,.... On peut appeler ce mode de description l'approche physiologique.

Ces deux approches sont en pratique indispensables.

. feed-back

Le fonctionnement de tout système naturel est dynamique. Rien, dans les systèmes naturels, n'est figé ni immuable.

Les divers constituants des systèmes naturels opèrent entre eux, à tout moment, au niveau micro comme au niveau macro, des interactions que l'on peut également appeler feed-back.

L'important est que, par rapport à un objectif donné, les feed-backs peuvent être négatifs ou positifs; II est important d'expliciter ces qualificatifs, car ils peuvent être anti-intuitifs dans leur utilisation.

Un feed-back positif va dans le sens d'une amplification des phénomènes. Dans beaucoup de mécanismes environnementaux, cette tendance peut être extrêmement fâcheuse.

Prenons l'exemple de l'érosion des sols, qui conduit à une baisse de la fertilité des sols, puis à une baisse de la productivité des plantes, ce qui conduit souvent à une extension des cultures annuelles pour une même production globale. Ceci conduit souvent à défricher, donc à accroître l'érosion, et ainsi de suite. On a alors une spirale dégradante parce que le feed-back est positif (amplification des phénomènes individuels).

Un feed-back négatif est une réaction à un stimulus qui va dans le sens d'une correction des phénomènes. Dans beaucoup de mécanismes environnementaux, cette tendance peut être extrêmement bienvenue, car elle permet de contrôler les débordements éventuels.

Prenons l'exemple de la pollution industrielle. La taxation de cette pollution génère normalement un feed-back négatif en ceci que, renchérissant la pollution, elle incite l'industriel à moins polluer, jusqu'à un niveau optimal pour l'opérateur, au delà duquel la taxation n'a plus d'effet. Les changements d'assiette des pollutions en fonction de l'évolution de leur nature (des polluants majeurs: composants azotés, par exemple, aux métaux lourds: Cadmium par exemple) est une adaptation du système qui s'apparente également à un feed-back négatif.

. concurrence

Dans les systèmes naturels, on trouve des phénomènes de concurrence dans lesquels ce que gagne un des acteurs est égal à ce que perd un autre acteur. Si les gains de l'un sont égaux aux pertes de l'autre, on parle de jeux à somme nulle.

Prenons l'exemple des attaques d'oiseaux mange-mil sur les cultures vivrières en Afrique de l'Ouest (Kelea kelea). Ce que consomment les oiseaux est pris sur les productions des agriculteurs et les prive d'autant d'aliments.

. synergie

Heureusement, dans les systèmes naturels, on trouve aussi des phénomènes de synergie dans lesquels plusieurs acteurs peuvent an même temps gagner plus par leur coopération que la somme de chacun des gains individuels en absence de coopération.

L'exemple type est évidemment la procréation chez les animaux, phénomène dans lequel on a l'équation 1+1=3.

Mais on a aussi d'autres exemples de synergie: les cultures associées, mode de culture dans lequel la production totale d'un hectare de maïs haricots, par exemple, - exprimée en unités énergétiques comme proténiques - est supérieure à et plus fiable et régulière que la production de chacune de ces cultures effectuées seules sur ce même hectare.

. rôle particulier de l'énergie

Enfin, il convient de se rappeler que la seule chance fondamentale de durabilité des systèmes naturels sur notre planète est l'apport d'énergie solaire. En effet, l'application du second principe de la thermodynamique conduit au résultat suivant:

Dans un système fermé, toute transformation se traduit par une dégradation de la qualité de l'énergie (augmentation de l'entropie). Autrement dit, toute transformation d'énergie se traduit par une production de chaleur parasite au détriment des formes d'énergies sortantes.

Si donc la planète était un système fermé, l'avenir serait inéluctable, et toute évolution irait dans le sens d'un épuisement de nos ressources.

Mais le système Terre n'est pas fermé et il reçoit, à tout moment, un flux externe d'énergie solaire qui nous permettrait, en le gérant bien, un mouvement perpétuel grâce à la subvention solaire gratuite. L'énergie solaire incidente représente en gros 10.000 fois les consommations actuelles d'énergie fossile.

Il est ainsi important de considérer les modes d'utilisation des énergies en comptabilisant les énergies fossiles consommées à tous les stades des processus étudiés.

2.3. POLLUTION GÉNÉRÉE PAR UN PROJET ET QUALITÉ DU MILIEU

Un dernier élément fondamental à prendre en considération dans les analyses environnementales est la différence entre l'approche pollution générée par un projet et l'approche qualité du milieu.

Un exemple (réel) peut permettre de bien préciser cette différence.

Etang de Berre, pollution aquatique et qualité du milieu

L'étang de Berre, système aquatique d'eau saumâtre en communication avec la Méditerranée par un isthme très étroit, situé non loin de Marseille - France - a été le lieu d'un fort développement industriel au cours des années 60.

C'est le Ministère de l'Industrie, par l'intermédiaire de sa Direction Régional Provence Alpes Côte d'Azur (Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement), qui est chargé du suivi environnemental des industries de la zone de l'Etang.

La DRIRE s'enorgueillit de la réduction de pollution obtenue dans les industries qu'elle supervise, réduction d'environ 90% sur la dernière décennie, confirmée par les chiffres suivants:

Evolution de la pollution industrielle dans la zone Fos-Etang de Berre (kg/jour)

Flux moyens

M.O.

M.E.S.

Hydro.

Phénols

1973

180.000

85.000

6.400

228

1983

10.500

4.200

300

9

Abattement 1973-83

95%

95%

96%

96%

M.O.: Matières Oxydables
M.E.S.: Matières En Suspension
Hydro.: Hydrocarbures

Or, dans le même temps, la qualité du milieu se détériore comme le montrent les mesures de qualité d'eau, les accidents successifs sur les populations ychtiologiques, confirmés et renforcés par le mécontentement des pêcheurs et les innombrables manifestations écologistes sur le site.

QUE SE PASSE-T-IL?

Une étude plus approfondie montre que la situation réelle est la suivante:

La pollution de l'étang de Berre est donc le résultat combiné:

- des pollutions des grandes industries (DRIRE, ci-dessus),
- des pollutions des villes,
- des pollutions cumulées des petites industries,
- des pollutions agricoles de la porcherie en amont de l'Arc,
- du changement de salinité du milieu lié à l'apport massif d'eau douce par la centrale hydroélectrique,

Les pollutions urbaine, agricole, des petites industries, ainsi que les déversements d'eau douce n'ayant pas été contrôlées d'aussi près que la pollution des grandes industries et ayant sensiblement crû, il est normal que la qualité du milieu se détériore.

Il ne faut donc pas confondre réduction des pollutions d'une partie des activités et amélioration globale de la qualité d'un milieu.

D'une manière générale, la qualité d'un milieu est la résultante d'un processus qui peut se symboliser comme suit:

Qfinale = Qinitiale + Somme des Pollutions - Pouvoir auto-épurant

Les pollutions sont donc un des facteurs de l'équation, mais pas le seul et, par ailleurs, il convient de faire la somme des pollutions incidentes et de ne pas focaliser uniquement sur une seule source de pollution.

Voici le schéma explicatif d'ensemble:

On comprend bien à l'aide de ce schéma que, même en réduisant les pollutions industrielles (qui plus est, certaines pollutions industrielles, de 90%), on n'améliore pas forcément pour autant l'état du milieu,

Phase de synthèse

La prise en compte de l'environnement est une nouvelle approche dans l'aménagement et le développement. Elle est essentielle pour bien comprendre le fonctionnement d'un territoire, mais elle requiert une approche de la complexité qui, elle-même, implique un travail réellement interdisciplinaire encadré par des généralistes capables de faire la passerelle entre les naturalistes et les aménageurs. Ceci pose des problèmes principalement à deux niveaux:

- la possibilité de passer d'un langage spécialisé (celui du naturaliste) à un autre langage spécialisé (celui de l'aménageur) - dans les deux sens -,

- l'existence et le caractère opérationnel de procédures permettant ce dialogue.

On retrouve le problème de la traduction de langages spécialisés de la dernière question de l'évaluation initiale des connaissances (voir module 1).

Par ailleurs, nous allons voir dans les deux modules suivants deux types de procédures (micro - Etudes d'Impact sur l'Environnement et macro - Planification Environnementale) permettant ce dialogue en pratique.

Les outils micro-environnementaux


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- juger de la qualité d'une Etude d'Impact sur l'Environnement et d'autres outils micro-environnementaux,

- rédiger les termes de référence d'une EIE et la suivre

- connaître plusieurs données de la gestion environnementale de terrain.

Phase d'apprentissage

Plusieurs outils existent pour intégrer les considérations environnementales dans l'aménagement au niveau infra-national, en particulier:

- fiscalité locale de l'environnement,
- éducation-formation-information,
- études d'impact sur l'environnement.

On traitera de la fiscalité locale de l'environnement, particulièrement utile dans un contexte où les pays découvrent la décentralisation administrative, dans le module 7 (approche économique et financière de la gestion durable des ressources naturelles).

On traitera de l'éducation-formation-information dans le module 5 (approche socio-organisationnelle de la gestion durable des ressources naturelles).

L'exemple des Etudes d'Impact sur l'Environnement (EIE)

Les EIE sont des procédures obligatoires dans la plupart des pays de l'OCDE, dans un nombre croissant de pays pauvres (Madagascar, Nigeria, Maurice, par exemple pour l'Afrique) et pour une bonne partie des projets de grands bailleurs de fonds comme la Banque Mondiale et les Banques Régionales (Africaine, Asiatique, InterAméricaine, Européenne pour la Reconstruction et le Développement).

Ces études sont essentiellement défensives, en ce sens qu'elles considèrent les moyens de protéger l'environnement plus que de le gérer. Cependant, plus de 20 ans d'expérience de ces procédures dans plusieurs pays en ont fait des outils de connaissance et de communication particulièrement intéressants et pouvant être utilisés pour la gestion durable des ressources naturelles par des maîtres d'ouvrage intelligents.

1. LES BASES DE LA PROCÉDURE

1.1.. LES BASES RÉGLEMENTAIRES

Le besoin d'Etude d'Impact sur l'Environnement est généralement spécifié dans une loi nationale, par exemple, dans la loi sur la protection de la nature de 1976 en France.

Si la loi nationale ne fait pas référence à ce besoin d'EIE, ce peut être aussi:

- une directive supranationale (ex. la directive communautaire EIE de 1985 au niveau des douze pays de la Communauté Européenne),

- l'exigence posée par un bailleur de fonds pour les interventions qu'il finance (ex. directive opérationnelle EIE de la Banque Mondiale).

Les bases réglementaires des EIE ne font qu'une allusion très vague aux aspects scientifiques et méthodologiques de ces études. Il faut donc, dans chaque cas, aller beaucoup plus loin que les simples considérations réglementaires dans la préparation des EIE.

Malgré des divergences marquantes dans les législations nationales, on trouve plusieurs caractéristiques communes à l'ensemble des règlements définissant les EIE:

- les EIE doivent normalement être effectuées avant le commencement des travaux étudiés,

- les EIE sont de la responsabilité du maître d'ouvrage qui doit en supporter les coûts,

- la qualité de l'EIE est normalement vérifiée par l'administration d'Etat chargée de la gestion de l'environnement, souvent sous forme de Comité de Pilotage intersectoriel,

- la production des résultats de l'EIE (mais non leur application) est le plus souvent une condition d'obtention du permis de construire et d'exploiter, ou de l'accord de financement,

- la règle générale est le recours à l'EIE pour tout investissement, des exemptions étant toutefois consenties sur la base des tailles et natures des projets à mettre à l'étude (voir chapitre 2.1, le contre-exemple de la procédure Banque Mondiale).

1.2. LES BASES SCIENTIFIQUES

Comme on le verra plus lon, une EIE comporte plusieurs parties. Son point de départ est, comme il est naturel, un diagnostic, qui se prolonge par une prédiction d'impacts sur l'environnement des travaux étudiés.

La partie descriptive (diagnostic) fait appel à des techniques de mesures et d'enquêtes de plus en plus précisément définies et dont la principale limite est la quantité de moyens mis en oeuvre et le temps disponible pour réaliser le travail de terrain.

Ces moyens - matériels et temps disponibles - déterminent largement la qualité de l'analyse effectuée et donc la précision et la pertinence du diagnostic. On trouve ici une première contradiction, le naturaliste ayant besoin d'une longue durée d'observation pour son étude (un cycle naturel, c'est à dire une année, est généralement considéré comme un minimum pour les naturalistes), l'aménageur ayant le plus souvent besoin/envie d'aller vite.

Mais la principale difficulté de l'EIE est le caractère prédictif de la partie centrale de cette étude. Il faut en effet à un moment prédire quels seront les impacts sur l'environnement des travaux étudiés. Exceptionnellement, cette prédiction est aisée (coupe à blanc de x ha de forêts). Dans la plupart des cas, cependant, cette prédiction est extrêmement difficile et les naturalistes doivent recourir à leurs connaissances de base, aux principes élémentaires des sciences écologiques et à leur meilleur jugement professionnel (Best professional judgment).

Dans les pays de l'OCDE, l'accumulation des inventaires, EIE et autres études environnementales a permis de disposer d'une immense base de données expérimentales et de bases de connaissances facilitant cette prédiction par raisonnement analogique.

Dans la plupart des pays pauvres, par contre, le manque de données de base centralisées et suffisamment vérifiées empêche les prédictions très pertinentes. Ceci n'est pas un argument en faveur d'un abandon des EIE, mais, au contraire, l'impératif de mise en oeuvre massive de ces procédures pour constituer graduellement la base de connaissances indispensable pour disposer d'études de haute qualité.

1.3. LA VOLONTÉ DE CONSULTER LES INTERESSES

Le législateur, en créant les procédures d'EIE, voulait dans la plupart des cas obliger les maîtres d'ouvrage à une transparence maximale dans leurs projets en imposant des procédures de consultation publique élaborées. Ainsi, tous les groupes qui se sentent partie prenante des impacts d'un projet donné sur l'environnement: habitants riverains, mais aussi groupes militants écologistes, peuvent recevoir une information complète et de première main sur le projet.

Il est au passage surprenant, voire choquant, de voir qu'il a fallu attendre les procédures environnementales pour assurer la transparence des projets, transparence qui aurait sans doute dû être assurée aussi pour les aspects techniques, économiques et sociaux des projets.

Quoi qu'il en soit, les EIE donnent généralement lieu à consultation publique, et cette partie de la procédure a eu une grande importance dans la stratégie des aménageurs par rapport à leur prise en compte de l'environnement dans les projets. Cette nécessité de consultation publique est l'un des obstacles importants mis à l'introduction des EIE dans la législation par beaucoup de pays pauvres.

1.4. LES BASES TECHNIQUES: QUELLES SPÉCIALITÉS DANS L'ÉQUIPE D'EIE

Face à tout projet d'aménagement, le responsable de la réalisation d'une EIE devra faire appel à une quantité de spécialistes dépendant de la complexité et de l'ampleur des problèmes à traiter.

La Banque Mondiale dresse une liste - maximale - des spécialistes à employer pour la réalisation d'une EIE importante. On en trouve une traduction dans le tableau ci-après.

Spécialistes requis pour une EIE

Ressource naturelle

Sous-composante

Spécialiste

Air

Qualité de l'air
Direction/vitesse vent
Précipitations/humidité
Températures
Bruit

Analyste qualité air/pollution
Ingénieur contrôle pollution atmosphérique
Météorologue
Expert bruit

Sols/terres

Capacités des sols
Ressources/structures sols
Ressources minières
Activités tectoniques
Singularités

Agronome
Pédologue
Géologue
Ingénieur Travaux Publics
Ingénieur des Mines
Séismologue

Eau

Eaux de surface
Régime nappe phréatique
Bilan hydrologique
Modes de drainage
Inondations/crues
Sédimentation

Hydrologue
Ingénieur contrôle pollution eau
Analyste qualité/pollution eau
Biologue marin
Chimiste
Ingénieur Travaux Sanitaires
Hydrogéologue

Flore/faune

Zones écologiques sensibles: zones humides, zones sauvages, prairies,..
Inventaires d'espèces
Productivité
Bilan nutritif dans les sols

Ecologiste
Forestier
Biologiste sauvagine
Botaniste
Zoologiste
Naturaliste

Sciences humaines

Institutions et infrastructure sociale
Caractéristiques culturelles
Bien-être physiologique et psychologique
Ressources économiques

Anthropologue social
Sociologue
Archéologue
Architecte
Planificateur social
Géographe
Démographe
Urbaniste
Planificateur des transports
Economiste

Dans la plupart des cas, l'EIE ne dispose pas des moyens lui permettant de mobiliser l'ensemble des spécialistes ci-dessus. Il faudra au moins, sauf pour les toutes petites interventions, prévoir un chef de projet, géographe, écologue ou ingénieur ayant une formation sur la gestion des ressources naturelles, et lui adjoindre, par exemple:

- sociologue ou anthropologue,

- spécialiste(s) de la faune (éventuellement faunes terrestre et aquatique, avifaune, entomo-faune, faune benthique),

- spécialiste(s) de la flore (éventuellement flore forestière et non forestière, flore aquatique et flore terrestre),

- hydraulicien,

- économiste des ressources naturelles (économiste agricole, par exemple),

- spécialistes des paysages (architecte paysagiste),

- archéologue si besoin est,

- architecte ou autre spécialiste de patrimoine,

- tout autre spécialiste requis en fonction d'une problématique locale,

Comme on le voit, il est impératif de mélanger les genres, avec les réserves suivantes:

- pour de petites EIE, la taille de l'équipe sera beaucoup plus réduite, éventuellement à un seul individu, mais qui devra maîtriser plusieurs disciplines en même temps,

- dans une équipe inter-disciplinaire un peu importante (à partir d'une demi-douzaine de membres), il est impératif de disposer d'outils de communication entre les participants pour éviter les problèmes de vocabulaires et homogénéiser les niveaux d'observation et de recommandations.

1.5. LES BASES PROCÉDURALES: INTÉGRATION A LA DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE OU DE FINANCEMENT

Dans le concret, il est impératif de trouver un mode d'intégration des EIE qui en garantissent à la fois la qualité et l'efficacité pour l'aménageur comme pour les environnementalistes.

Dans ce cadre, il est important de:

- intégrer l'EIE dans les études préliminaires: on a l'exemple d'une EIE de routes aux Seychelles qui était partie intégrante de l'étude de faisabilité technique, économique et financière,

- concevoir le cadre procédural dans lequel l'EIE est requise avant l'attribution du permis de construire ou d'exploiter. On trouve dans le carnet «quelques données utiles au planificateur» l'exemple de la procédure recommandée pour l'introduction des EIE aux Seychelles.

2. LA PRATIQUE DES EIE

2.1. LES INVESTISSEMENTS SOUMIS A EIE

La mise en oeuvre des EIE doit évidemment éviter deux écueils extrêmes:

- s'appliquer à tous les investissements, au nom de l'écologie pure et dure,
- ne s'appliquer à aucun investissement, au nom du libéralisme sauvage.

Il faut donc des critères de sélection permettant de faire le tri entre les projets a priori dangereux pour l'environnement et ceux qui n'auront probablement que peu ou pas d'impact.

La détermination de ces critères est évidemment le résultat d'un rapport de forces. On constate à l'évidence que l'on va vers des critères retenant de plus en plus de projets. Par exemple, en France, la taille minimale du projet soumis à EIE était - entre autres - fixée à 6 MF lors de la publication des décrets d'application de la loi de 1976. Ce seuil est resté de 6 MF en Francs courants, ce qui, compte tenu de l'inflation, revient à abaisser graduellement le seuil financier, donc à prendre plus de projets dans la procédure EIE.

Pour la Directive Opérationnelle 1989 de la Banque Mondiale sur les EIE, on a trois listes: l'annexe I énumérant les projets réclamant toujours une EIE, l'annexe II énumérant les projets réclamant parfois une EIE, et l'annexe III énumérant les projets ne réclamant jamais d'EIE.

Voici ces listes de projets:

I. Réclamant toujours une EIE

- Aquaculture/Mariculture (grande échelle)

- Barrages et retenues

- Lignes de transmission électrique (grande échelle)

- Foresterie

- Grosses industries et zones industrielles

- Irrigation et drainage (grande échelle)

- Défrichement, terrassement

- Exploitations minérales (y compris pétrole et gaz)

- Pipelines (pétrole, gaz, eau)

- Ports et installations portuaires

- Remblayage et aménagements fonciers

- Déplacements de populations

- Aménagement/développement de bassins versants

- Routes rurales

- Centrales électriques thermiques et hydrauliques

- Tourisme (grande échelle)

- Infrastructure de transports (air, rail, routes, canaux)

- Développement urbain (grande échelle)

- Adduction d'eau et assainissement (grande échelle)

- Production, transports et utilisation de pesticides et autres substances toxiques ou dangereuses

- Projets entraînant des risques sérieux d'accidents

II. Réclamant parfois une EIE, mais parfois une analyse plus sommaire

- Agro-industries (petite échelle)
- Aquaculture/Mariculture (petite échelle)
- Lignes de transmission électriques (petite échelle)
- Industries (petite échelle)
- Irrigation et drainage (petite échelle)
- Mini-hydroélectricité
- Services publics (hôpitaux, logements, écoles,,....)
- Energies renouvelables
- Electrification rurale
- Télécommunications;
- Tourisme (petite échelle)
- Développement urbain (petite échelle)
- Adduction d'eau et assainissement ruraux

III. Ne réclamant pas d'EIE sauf circonstances exceptionnelles

- Education (sauf construction de bâtiments scolaires)
- Planning familial
- Santé (exception de construction de bâtiments)
- Nutrition
- Développement institutionnel
- Assistance technique

2.2. LES ÉTAPES INDISPENSABLES DE L'EIE

Elles sont résumées et commentées ci-dessous:

a- balayage des impacts probables et des limites de l'étude,

b- analyse de l'état initial de l'environnement du projet,

c- description technique des travaux de l'installation,

d- examen de solutions alternatives au projet proposé et de leurs impacts sur l'environnement,

e- prédiction des impacts de ces travaux sur l'environnement,

f- résultats de la consultation publique,

g- proposition de modifications du projet ou de choix de solutions alternatives pour minimiser les impacts environnementaux les plus graves,

h- proposition de mesures compensatoires pour les impacts ne pouvant être minimisés

2.2.1. balayage des impacts probables et des limites de l'étude,

C'est une étape fondamentale, parfois appelée pré-évaluation. Cette étape est, comme le reste de l'EIE, de la responsabilité du maître d'ouvrage du projet présenté à EIE. Le Département chargé de l'Environnement aura rempli son rôle en validant les termes de référence spécifiques de l'EIE et peut exprimer son avis sur le balayage au cours du premier Comité de Pilotage.

Le balayage (en anglais scoping) vise à arrêter les limites de l'étude dans l'espace et dans le temps, ainsi que celles des travaux étudiés. Enfin, le balayage permet d'arrêter la liste des impacts sur l'environnement qui seront pris en considération.

Le balayage requiert une visite sur le terrain du chef de projet EIE et doit faire l'objet d'une première proposition de fixation des limites de l'étude par l'équipe technique de l'EIE, à valider avec le Comité de Pilotage.

Exemple: Dans le cas de l'EIE de l'adduction d'eau de Ouagadougou, les limites de l'étude dans l'espace et dans le temps ont été déterminées avec les principes suivants:

- dans l'espace, prise en compte de l'ensemble des zones dont l'environnement sera affecté, directement ou indirectement, par le projet étudié, notamment:

. la zone inondée du projet,

. la zone sous le risque de rupture du barrage,

. la zone d'emprise des travaux de station de traitement et de pose des canalisations,

. la(es) zone(s) de réinstallation des populations déplacées,

. toute zone dont l'inclusion se révélerait pertinente par rapport aux impacts avant de sa durée de vie.

- dans le temps, prise en compte de la durée de vie économique de l'aménagement, soit une cinquantaine. d'années avec à l'évidence une précision plus forte sur les dix premières années.

- dans la nature des travaux à étudier, prise en compte de tous les travaux liés directement à l'aménagement étudié, à partir du moment où ces travaux peuvent avoir un impact sur l'environnement étudié.

C'est également dans cette phase que sera réaffirmé le principe selon lequel, en cohérence avec les dernières directives en date de la Banque Mondiale, les effets sociaux, économiques et culturels sur les habitants de la zone concernée sont intégrés dans l'EIE.

2.2.2. analyse de l'état initial de l'environnement du projet,

Cette phase, souvent considérée comme une simple collecte d'informations, s'effectuera selon une grille d'investigation qui sera arrêtée dans la phase précédente. Dès maintenant, il est possible d'avancer que les indicateurs recherchés seront inclus dans la liste générique suivante:.

- données démographiques statiques et dynamiques,
- données climatiques:
- utilisation des sols agricoles,
- utilisation des sols forestiers,
- aires protégées,
- faune sauvage,
- flore,
- hydrogéologie,
- pédologie,
- hydrologie de surface,
- qualité de l'eau,
- inventaire des infrastructures physiques existantes et risquant d'être affectées,
- paysages
- toute autre donnée dont la pertinence aura été identifiée localement.

Dans la mesure des moyens disponibles, on effectuera cette description dans une approche éco-svstémique permettant de mieux rendre compte du fonctionnement réel de l'environnement local en relation avec les activités humaines qui s'y déroulent.

Dans les EIE plus complexes, des mesures et des analyses de terrain seront également conduites, en fonction des spécificités des travaux et de la zone concernée. Ces mesures et analyses devront être définies dans les termes de référence spécifiques de l'EIE.

2.2.3. description technique des travaux de l'installation,

Cette description technique sera aussi fine que possible, dans le cadre global des moyens mis à disposition de l'EIE. Elle devra impérativement se faire en étroite relation avec le maître d'ouvrage et ses ingénieurs.

Il est impératif que, par rapport à l'avancement de l'étude de faisabilité, les options techniques principales aient été prises. Faute de cette précision, l'EIE ne pourra pas être réalisée convenablement.

La description technique des travaux devra se faire en prenant en compte l'ensemble des facteurs intervenant dans l'analyse économique. En particulier, il faudra inclure les trois étapes fondamentales d'un projet:

Investissement,
Maintenance-fonctionnement de l'investissement.
Développement permis par l'investissement,

Exemple: EIE de l'adduction d'eau de la ville de Ouagadougou, types de travaux pris en compte:

- Investissement.

. Travaux préliminaires à la construction du barrage de Ziga
. Construction du barrage
. Construction station de traitement (en phases)
. Construction des canalisations de transport,
. Construction des canalisations de distribution,

- Maintenance-fonctionnement de l'investissement,

. Maintenance/fonctionnement du barrage
. Maintenance/fonctionnement station de traitement
. Maintenance/fonctionnement canalisations.

- Développement permis par l'investissement,

. Réinstallation des populations déplacées,

. Relation à l'eau des populations restantes (projets permis, par exemple petite irrigation, proximité de l'eau comme origine potentielle de maladies hydriques),

. Modifications dans le système utilisateurs (ex. disparition du métier de vendeurs d'eau et moyens de les former et de leur fournir de nouveaux métiers).

2.2.4. examen de solutions alternatives au projet proposé et de leurs impacts sur l'environnement,

Des solutions alternatives devront être élaborées et analysées. Elles devront avoir le même objectif et le même niveau de service que le projet soumis à EIE. Par exemple, dans le cas d'une adduction d'eau, les alternatives devront permettre de satisfaire les demandes des usagers en même quantité et qualité que le projet soumis à EIE. Pour une route, les alternatives devront permettre d'aller du même point de départ au même point d'arrivée en permettant la même circulation.

Dans la mesure du possible, les alternatives devront être élaborées avec les ingénieurs du maître d'ouvrage.

Dans l'EIE adduction d'eau Ouagadougou, ces alternatives comprenaient:

- une forte campagne d'éducation et d'incitation aux économies d'eau sous toutes leurs formes et dans tous les groupes sociaux,

- l'étude de systèmes tarifaires plus dissuasifs de gaspillage que le système actuel, mais restant acceptable socialement,

- un autre mode d'approvisionnement en eau à partir d'une autre retenue à déterminer.

2.2.5. prédiction des impacts des travaux sur l'environnement,

Cette prédiction, qui est une phase particulièrement délicate de l'EIE, se fera en priorité et à chaque fois que ce sera possible, à partir des données quantitatives recueillies précédemment. Le plus souvent, cependant, il faudra utiliser le Meilleur Jugement Professionnel (Best Professional Judgement) des spécialistes de l'équipe technique EIE.

Il importe que ces impacts soient évalués sur la base des critères suivants:

- ampleur,
- réversibilité,
- caractère direct (primaire) ou indirect (secondaire),

A partir d'une échelle à fixer initialement, on jugera de l'ampleur - majeur, mineur, négligeable - de l'impact sur l'environnement. On arrêtera ensuite la réversibilité ou l'irréversibilité de l'impact. Cette notion de réversibilité est parfois absolue (ex. disparition d'une espèce menacée), parfois économique (ex. coût financier inabordable pour remonter de la terre perdue par érosion). Enfin, il faudra décider du caractère direct (ou primaire) ou indirect (secondaire) de l'impact: un impact direct est une destruction directe d'un élément de l'environnement (ex. un arbre est coupé au cours des travaux), un impact indirect est un effet boule de neige (knock on effect) (ex. une espèce animale disparaît parce que son habitat a disparu à cause des travaux).

Les impacts seront évalués pour chaque partie des travaux considérés et pour chaque élément d'environnement retenu.

Dans la plupart des EIE, la synthèse de cette phase centrale de l'EIE est une grande matrice croisant, en lignes, les travaux tels que décrits dans l'étape précédente et en colonnes les éléments de l'environnement affecté s par chaque phase des travaux.

Cette matrice de synthèse fait apparaître, de la manière la plus pédagogique et visuelle possible, la gravité des impacts élémentaires travaux x environnement. Cette présentation facilite le passage ultérieur aux recommandations.

Voici l'allure générale d'une matrice d'impacts sur l'environnement.

Travaux\Milieu

Eau

Flore

Sols

Paysages

Défrichement

XX

XXX

XXX

XXX

Construction barrage

XXX

XXX

XXX

XXX

Pose tuyaux

X


X

XX

X impact significatif
XX impact important
XXX impact très grave

2.2.6. résultats de la consultation publique,

La consultation publique est désormais prévue dans la quasi-totalité des législations d'EIE. Elle permet aux personnes concernées de prendre connaissance du projet et de ses implications avant la réalisation des ouvrages. Cette consultation publique est préparée sur la base des documents disponibles avant la rédaction des recommandations par l'équipe technique de l'EIE. Une publicité préalable doit être organisée de manière à faire connaître les dates et lieux de cette consultation. Un cahier d'expression des observations doit être mis à la disposition du public, et une synthèse des résultats de cette consultation doit être effectuée par l'équipe technique de l'EIE.

2.2.7. proposition de modifications du projet ou de choix de solutions alternatives pour minimiser les impacts environnementaux les plus graves,

Chaque fois que ce sera possible, l'équipe technique chargée de la réalisation de l'EIE conseillera le maître d'ouvrage sur les mesures à mettre en place pour minimiser les impacts les plus néfastes sur l'environnement, en particulier les impacts majeurs, directs et irréversibles.

Ces mesures pourront appartenir à une ou plusieurs des catégories suivantes:

- omission de certains travaux,
- modification des activités prévues,
- mesures complémentaires améliorant la rentabilité et l'acceptabilité du projet,
- localisation alternative totale ou partielle des travaux,
- modification de la conception d'ensemble du projet,
- programme de suivi-monitoring des effets des travaux sur l'environnement,
- études complémentaires et recherches sur les solutions alternatives,

Ces mesures viseront à minimiser les impacts négatifs sur l'environnement autant que faire se peut, ainsi qu'à maximiser les impacts positifs.

Dans le cas de l'EIE de l'adduction en eau potable de Ouagadougou, les mesures complémentaires envisagées comprenaient, entre autres et en cohérence avec les termes de référence:

- la valorisation des arbres de Ziga par:

. l'étude du marché des produits finaux (bois d'oeuvre, bois de servive, bois de feu; charbon de bois, sciures et autres déchets fermentescibles ou combustibles),

. le choix de technologies appropriées pour la transformation de ces arbres,

. la factibilité de l'abattage, de la transformation et du transport des produits de transformation,

- les mesures de conservation des sols et de la végétation, y compris des gestions déformations ligneuses hors zone inondée,

- les mesures de protection de la faune sauvage,

- les actions de gestion du bassin versant du barrage de Ziga permettant de minimiser les apports solides et autres polluants physico-chimiques,

- les actions sur le réseau routier existant et sur le désenclavement,

- l'ensemble des actions d'accompagnement des personnes déplacées, avec un accent particulier sur les conditions sanitaires de leur futur lieu d'accueil, ainsi que sur les opportunités de génération de revenus monétaires et d'intégration socio-culturelle,

- l'ensemble des actions d'accompagnement à mettre en oeuvre pour maximiser les retombées économiques et sociales locales des activités liées à l'existence du futur barrage,

- l'ensemble des actions d'accompagnement permettant de minimiser les risques d'apparition de maladies d'origine hydrique dans les alentours du futur barrage,

- les éventuelles actions de valorisation des vestiges archéologiques.

- les mesures à prendre, tant au niveau des aménagements qu'à celui de l'information des riverains, pour protéger contre les effets d'une rupture du barrage de Ziga,

Le programme de suivi-monitoring de la qualité de l'environnement était proposé en cohérence avec les spécifications du Système d'Information National Sur l'Environnement (partie importante de la mise en oeuvre de la stratégie du Plan d'Action National pour l'Environnement) et comprenait notamment:

- le niveau de satisfaction des personnes déplacées, ainsi que leur intégration dans le nouveau milieu,

- les conditions économiques, sociales et sanitaires des habitants des rives du futur barrage,

- le suivi régulier de la qualité de l'eau brute (physico-chimique, biologique)

- un programme de recherche préventive sur les rejets polluants du bassin versant.

- le suivi régulier des indicateurs phyto-sociologiques et faunistiques principaux.

- le suivi de tout phénomène jugé fondamental suite aux investigations de terrain.

Toutes ces actions, conformément à ce qui a été dit plus haut, étaient présentées sous forme de fiches de projet, permettant aux autorités Burkinabé de présenter à leur propre Gouvernement ainsi qu'aux bailleurs de fonds des actions exécutables et finançables.

2.2.8. proposition de mesures compensatoires pour les impacts ne pouvant être minimisés,

Dans tous les cas où ces impacts sur l'environnement ne peuvent être minimisés, des mesures compensatoires sont réclamées au maître d'ouvrage, sous la forme d'un montant financier versé en compensation des dommages effectués. Le montant en question devra être proposé par l'équipe technique et négocié avec le maître d'ouvrage. On ne proposera cette dernière solution qu'en dernier recours.

C. Conduite de l'EIE

Dans la plupart des cas, l'EIE sera découpée en trois phases, conclue chacune par une réunion du Comité de Pilotage qui statuera sur l'avancement de la procédure et les besoins de correction éventuelle du déroulement de l'intervention.

Un découpage possible est le suivant:

1re phase: Balayage (validation avec le Comité de Pilotage)

2eme phase: Etat initial de l'Environnement,

Solutions alternatives
Description technique des travaux
(validation avec le Comité de Pilotage)

3eme phase: Prédiction des impacts
Propositions de mesures (validation avec le Comité de Pilotage)

3. L'ANALYSE ECO-SYSTÉMIQUE

3.1. LES BASES SCIENTIFIQUES

La tendance des scientifiques purs est de demander des EIE pluri-annuelles permettant de capter toutes les variations liées aux saisons et aux modifications interannuelles. Ceci est rarement possible, et uniquement pour de très grands projets.

Dans la plupart des cas, donc, les chargés d'études d'EIE doivent trouver des raccourcis et passer par des estimations aussi valables que possible, mais sans la collecte d'informations exhaustive théoriquement requise.

Il est donc en pratique impossible de satisfaire pleinement aux impératifs scientifiques. Il est par contre souhaitable de traiter l'environnement comme un système et pas seulement comme une suite analytique d'approches descriptives.

La description de l'environnement d'une région ne peut en effet se résumer par la simple énumération des caractéristiques du milieu: qualité des eaux, de l'air, des sols, etc....

Dans ces conditions, la meilleure solution est de décrire le territoire étudié sous forme d'unités les plus homogènes possibles reproduisant une logique systémique, comme on va le voir ci-après.

Il est parfois impossible de pousser cette logique très loin, mais il est indispensable de la prévoir dès le stade de diagnostic de l'EIE.

3.2. LA PARTITION EN UNITÉS ÉCOLOGIQUES (EX. UNITÉS PAYSAGÈRES)

Cette partition s'effectue par l'application des principes suivants:

- le territoire est découpé en un nombre maniable d'unités écologiques (ce nombre varie en fonction de la complexité et des moyens mis en oeuvre, mais une douzaine d'unités écologiques semble un nombre raisonnable pour une EIE moyenne),

- chacune de ces unités écologiques représente une certaine homogénéité par rapport à ses caractéristiques et potentialités naturelles et humaines,

- le total des unités écologiques représente l'ensemble du territoire étudié,

- les unités écologiques sont disjointes les unes des autres (il n'y a pas de chevauchement).

Mis à part des règles de bon sens, il n'existe pas de règle absolue pour effectuer ce découpage, et chaque responsable d'EIE aura sa propre approche. Il faut cependant qu'elle soit argumentée.

Sur l'exemple d'une autre EIE, celle de l'aménagement hydro-aqua-agricole du Golfe d'Ambrakikos, le découpage en unités écologiques avait donné les résultats suivants:

1. Le Golfe d'Ambrakikos et les lagunes méridionales
2. Lagunes côtières
3. Marais et lagunes du Louros sous la colline de Mavravouni
4. Delta de l'Arachtos
5. Basse vallée de l'Arachtos
6. Basse vallée du Louros
7. Plaine alluviale entre Louros et Arachtos
8. Péninsules de Preveza et Action
9. Collines calcaires des deltas
10. Vallées calcaires du périmètre d'Ambrakikos

3.3. LES FONCTIONS DES UNITÉS ÉCOLOGIQUES

A partir du découpage en unités écologiques, tous les chargés d'études vont travailler avec les mêmes références géographiques et vont produire une première analyse des fonctions de chaque unité écologique.

Une fonction est un service non marchand apporté par l'unité écologique. Ce service non marchand est cependant essentiel pour la bonne marche de l'écologie et de la société locales. Un service non marchand peut être, mais n'est pas toujours, un service prémarchand.

Par exemple, la purification de l'eau apportée par certaines zones humides pourra, dans l'avenir, rester un simple apport gratuit de l'environnement (fonction). Ces zones humides pourront aussi faire l'objet d'un aménagement apportant des recettes (valeur)

La description des fonctions sera effectuée selon la grille suivante:

- habitats de l'unité
- chaîne trophique (alimentaire)
- relation de soutien aux autres unités écologiques
- capacité de stockage pour les crues et inondations
- capacité de purification des eaux
- productivité de la biomasse

3.4. LES VALEURS DES UNITÉS ÉCOLOGIQUES

Une valeur est un service marchand apporté par l'unité écologique. Cette valeur est le plus souvent déjà connue des analystes économiques et financiers dont c'est la tâche principale. Toutefois, cette valeur n'est pas toujours, avant l'EIE, attachée à un territoire. Dans l'EIE, on cherche à identifier cette valeur, non seulement en termes monétaires, mais aussi en termes physiques pour pouvoir dépasser l'effet prix des ressources étudiées.

La description des valeurs sera effectuée selon la grille suivante:

- utilisation pour loisirs commerciaux (chasse,....) présente et potentielle
- extraction commerciale de ressources naturelles (forêts, agriculture)
- valeur scénique (paysages)
- valeur scientifique
- autres considérations (rareté locale, nationale, internationale, variabilité, fragilité globale)

Par exemple, dans l'EIE Ambrakikos. les fonctions et valeurs de l'unité écologique Golfe d'Ambrakikos et lagunes Sud-Ouest étaient décrites comme dans les trois pages qui suivent.

La signification des notations était:

L: Low (faible)
M: Medium (moyenne)
H: High (forte)

On trouve un indice d'abondance traduisant les quantités de ressources concernées (ex. beaucoup de poissons dans le Golfe), et un indice de diversité de ces mêmes ressources (ex. beaucoup d'espèces de poissons). Mark est une note synthétique tenant compte de l'indice d'abondance et de l'indice de diversité.

TABLEAU CARACTERISATION DE CHAQUE ECOSYSTEME

ECOSYSTEME 1: Golfe d'AMBRAKIKOS et Lagons de la Côte Sud

FONCTIONS PRIMAIRES

ABONDANCE

DIVERSITE

MARK

LISTE DES HABITATS:
- Zone littorale
- Zone benthique
- Zone pélagique
- Lagons (MYRTARI, ROUGA, POGONITSA)

H

M

5

CHAÎNE ALIMENTAIRE (VOIR LE SCHÉMA CI-APRÈS)

H

H

5

RELATIONS AVEC LES ECOSYSTEMES VOISINS (SUPPORT):
- Echanges temporaires avec (3) et (2) intrants marins: poissons d'eau salée
- Recevant de (5) et de (6)
- «frontière» physique avec (4), (8) et (10)

H

H

5

CAPACITÉ DE STOCKAGE POUR LES CRUES ET LES INONDATIONS:
Régionale

H

L

4

CAPACITE DE PURIFICATION DE L'EAU:
Régionale

H

L

4

PRODUCTION DE BIOMASSE:
- Golfe: 10 à 20 kg/ha/an pour les poissons, moins pour les autres espèces
- Lagons (zone aquatique): 50 à 80 kg/ha/an pour les poissons, plutôt basse

M

H

4

CARACTERISATION DE CHAQUE ECOSYSTÉME - ECOSYSTÉME 1

(1): - riche

- composition associée à de faibles valeurs de salinité

(2): - qualitativement pauvre

(3): - zone de pâturage pour les sternes

- des pélicans ont été observés

TABLEAU 2: CARACTERISATION DE CHAQUE ECOSYSTEME (suite)

ECOSYSTEME 1

VALEURS

ABONDANCE

DIVERSITE

MARK

VALEUR COMMERCIALE DES PECHES:

- Actuelle: (1981) 484.000 kg/an (63.845.000 Drachmes)

H

H

5

- Potentielle: (1995) 2.000.000 kg/an

H

H

5

UTILISATION RECREATIVE ET FAUNE SAUVAGE (CHASSE, POPULATION LOCALE):

- Actuelle: un peu de pêche et de natation

L

L

1

- Potentielle: élevée pour un type «soft» de loisir (navigation, planche à voile, ornithologie d'amateurs.)

H

M

5

EXTRACTION DE RESSOURCES NATURELLES (FORESTERIE, AGRICULTURE)

- Actuelle: Non

L

L

1

- Potentielle: Non

L

L

1

IMPORTANCE EDUCATIONNELLE ET CULTURELLE:
Pas d'importance culturelle
Valeur éducationnelle limitée

L

L

1

VALEUR PAYSAGÈRE




- diversité

***




- tranquillité

***

H

H

5

- paysage vierge

***




- état sauvage

**




VALEUR SCIENTIFIQUE: toutes les espèces associées à la faible salinité du Golfe

H

1

4

AUTRES CONSIDERATIONS (RARETÉ, VARIABILITE):
- Unique dans l'est de la Méditerranée comme système d'eau saumâtre et la forte influence des rivières et l'isolement partiel de la mer Ionique

H

-

5

RESUME ET CONCLUSIONS:
Partie significative de la totalité de l'aire

FIGURE 5 DELINEATION OF THE THREE ZONES - LIMITES DES TROIS ZONES

3.5. L'UTILISATION DES RÉSULTATS

La compilation des données recueillies selon la forme ci-dessus permet d'obtenir les résultats suivants:

- une description complète des caractéristiques statiques et dynamiques du territoire, selon une classification opérationnelle,

- une description du fonctionnement d'ensemble réel du territoire étudié,

- une identification des unités les plus précieuses sur le plan du fonctionnement écologique et humain,

- une identification des unités les plus menacées par les futurs travaux,

- une identification, à partir des éléments ci-dessus, des unités méritant, soit dès le départ une protection, soit une attention particulière dans la suite de l'EIE.

On peut voir dans la carte de la page précédente l'utilisation faite pour l'EIE du projet Ambrakikos, à l'issue de laquelle on a identifié trois grandes zones:

- zone I, contenant les écosystèmes les plus précieux, ainsi que les écosystèmes apportant une fonction de support indispensable aux écosystèmes les plus précieux. Dans cette zone, tout aménagement de quelque nature qu'il fût devait être interdit,

- zone II, contenant des écosystèmes moins précieux, mais méritant tout de même une protection accrue par rapport à la situation actuelle, dans laquelle seul un petit nombre d'aménagements serait autorisé,

- zone III enfin, dans la plupart des cas déjà aménagée, dans laquelle de nouveaux aménagements seraient autorisés, moyennant une rapide vérification de leur compatibilité d'ensemble avec la gestion de la zone d'étude totale..

4. INTÉRÊTS ET LIMITES DES ÉTUDES D'IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT

Les Etudes d'Impact sur l'Environnement, avec désormais plus de 20 ans de recul, sont les principales procédures environnementales généralisées à pratiquement l'ensemble des pays de la planète depuis leur adoption par la plupart des organismes internationaux. A ce titre, elles ont produit des éléments extrêmement intéressants, mais aussi ont largement montré leurs limites.

4.1. PRODUCTION DE DONNÉES SCIENTIFIQUES

En tant que procédure réclamant une réelle inter-disciplinarité, les EIE ont permis la production de données scientifiques à au moins deux niveaux:

- données primaires de terrain,
- synthèses bio-géographiques sur des territoires donnés.

Sous réserve d'une bonne centralisation des connaissances accumulées, les EIE sont donc d'excellents outils de connaissance des territoires, de leurs contraintes et de leurs opportunités, tant écologiques qu'économiques.

4.2. AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE LA PRÉPARATION DES PROJETS

Une analyse effectuée sur les dix premières années de fonctionnement de la procédure aux USA avait montré que les projets soumis à EIE avaient, moyennant un coût extrêmement modeste, apporté une amélioration globale de la qualité de préparation des projets, sous la forme d'un apport net de matière grise supplémentaire.

Cet apport avait pu se manifester en particulier sous la forme:

- de l'identification de contraintes non perçues initialement (par exemple, mauvaise qualité du substrat à exploiter pour des activités minières, inondabilité de zones d'installation d'activités,.....),

- de l'identification d'opportunités non perçues initialement (par exemple, rendement durable de ressources naturelles plus fort qu'estimé initialement),

- de la réalisation d'un meilleur consensus sur le projet de la part des populations concernées grâce à une bonne explication du projet et de ses objectifs.

4.3. CRÉATION D'UN MARCHÉ POUR LA MATIÈRE GRISE LOCALE

Dernier bénéfice, la création d'un marché pour les prestations intellectuelles locales a été un fait pour beaucoup de pays bien organisés dans ce domaine (Europe, Asie, par exemple). Pour l'Afrique, ceci reste une potentialité dans la mesure où, pour l'instant, ce sont essentiellement les bureaux d'études des pays riches, principalement Europe et Amérique du Nord qui assurent ces prestations, ce qui est tout à fait dommage.

En effet, d'un côté les Universités Africaines cherchent désespérément des moyens pour faire des études de terrain dans le cadre de leurs enseignements, d'un autre côté, elles voient passer un vol de consultants étrangers qui viennent, collectent des données et repartent les exploiter.

Il existe donc ici une opportunité de contribuer - modestement - à employer une matière grise très importante pour les pays pauvres dans le secteur des EIE, et à y créer une accumulation de connaissances qui, autrement, se retrouvent valorisées ou classées dans les Universités et les sociétés de conseil des pays du Nord.

4.4. CARACTERE NON CONTRAIGNANT DE LA PROCEDURE

Les groupes militants écologistes se sont toujours plaints de l'absence de sanction pour le maître d'ouvrage ne suivant pas les prescriptions finales des EIE. Ceci reste un problème, même si quelques procès ont permis à plusieurs groupes militants Nord Américains de faire condamner des maîtres d'ouvrage trop négligents. De plus en plus, cependant, l'engagement du maître d'ouvrage à suivre les recommandations et à effectuer le suivi interactif prescrit dans l'EIE fait partie des négociations au moment des financements de projets.

4.5. FAIBLE EFFICACITÉ CONTRE LES AGGRESSIONS SECONDAIRES ET CUMULATIVES

Les EIE de projets ne permettent pas de traiter, sur un territoire donné, des impacts cumulés de projets opérant en parallèle. Il se peut que deux investissements, initiés et étudiés séparément, produisent, à eux deux, des effets cumulés bien supérieurs à la somme des effets de chaque projet. On a ainsi vu le cas de projets réclamant des quantités d'eau (ex. création de terrains de golf en même temps que développement de l'irrigation ou un grand nombre de puits), compatibles individuellement avec un approvisionnement durable, mais dépassant, en valeur cumulative cette capacité d'approvisionnement.

En d'autres termes, l'approche EIE de projets n'est efficace que si elle est menée dans un cadre d'ensemble d'aménagement du territoire permettant seule de se trouver à la croisée des informations sur les potentialités réelles du milieu naturel et de celles sur les projets en cours ou à venir.

4.6. EXISTENCE ET BESOIN D'EIE DE PROGRAMMES ET DE PLANS

Enfin, il est clairement inutile de dépenser des ressources humaines et financières importantes à étudier l'impact sur l'environnement de projets mal dimensionnés ou mal localisés.

L'exemple schématique est celui des EIE de routes. Il est inutile de chercher à minimiser les impacts sur l'environnement d'une route traversant une réserve naturelle si le contournement de cette réserve était possible et financièrement équivalent. De la même manière, la recherche d'une localisation d'un aménagement (barrage pour eau potable ou décharge d'ordures ménagères) ne se justifie que si toutes les solutions économiques de minimisation des demandes ont été mises en oeuvre.

Il est donc souhaitable de disposer de procédures d'études des effets sur l'environnement des programmes et des plans, à des niveaux décisionnels arrêtant les principaux paramètres des projets ultérieurs.

5. AVENIR DES EIE

Graduellement, les EIE gagnent droit de cité dans la plupart des législations nationales.

En tout état de cause, les bailleurs de fonds internationaux dans leur totalité (Banque Mondiale, Banques Africaine, Asiatique, et InterAméricaine de Développement, Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement) exigent des EIE pour les projets qu'ils co-financent. Certaines grandes sociétés privées (compagnies pétrolières, par exemple) prennent les devants et s'imposent également cette procédure.

Les EIE entrent donc dans les moeurs des prises de décision.

5.1. INTÉGRATION CROISSANTE DES SOUCIS ENVIRONNEMENTAUX DANS L'AMÉNAGEMENT

Cette intégration se retrouve à un double niveau:

- prise en compte de l'environnement dans les décisions d'aménagement,
- prise de conscience de la nécessité de gérer l'environnement par des stratégies d'aménagement.

Dans la première approche, on retrouve l'importance de trouver des compromis entre aménageurs volontaristes et défenseurs de la nature, quitte à préférer le statu quo (voir plus haut le syndrome BANANA).

Dans la seconde approche, moins largement traitée ici, on trouve la reconnaissance, par les groupes les plus avancés de l'école de pensée du développement durable, de la nécessité de gérer la nature et pas seulement la conserver, et, ainsi, de créer des aménagements destinés à améliorer et accroître l'offre durable de ressources naturelles. On retrouve par exemple dans cette catégorie l'aménagement des forêts naturelles.

5.2. INTÉGRATION DANS LES ÉTUDES DE FAISABILITÉ ET, EN PARTICULIER LES ÉVALUATIONS ÉCONOMIQUES

La tendance croissante, observée dans plusieurs cas est de réaliser les EIE en même temps - c'est à dire avec le même calendrier - que les études de faisabilité technico-économiques. Cette approche a de multiples avantages:

- rationalisation des moyens d'études, plusieurs informations étant communes aux deux approches,

- définition progressive du projet final permettant d'intégrer l'ensemble des facteurs en passant, plutôt que d'opérer séquentiellement en définissant d'abord le projet technique, puis à le modifier pour prendre en compte l'environnement, ce qui conduit le plus souvent à des choix hybrides,

- enrichissement réciproque des approches, les rendant réellement interdisciplinaires.

On voit bien ainsi se dessiner l'utilisation, voire l'obligation de mise en oeuvre, de nouveaux outils d'analyse de la gestion durable des ressources.

5.3. RÉFÉRENCES BUREAUCRATIQUES: LES DIRECTIVES BAILLEURS DE FONDS

Compte tenu de l'expérience acquise dans ce domaine, on s'oriente progressivement vers une standardisation des EIE. Plusieurs bailleurs de fonds et en particulier la Banque Mondiale et la BERD ont produit des directives relatives aux EIE dans les différents secteurs concernés.

La Banque Mondiale, par exemple, a publié quatre volumes de directives environnementales couvrant les secteurs suivants:

- Agriculture et développement rural

. Gestion de la production agricole
. Lutte intégrée et utilisation de produits agro-chimiques
. Agro-industries
. Barrages et réservoirs
. Pêches et aquaculture
. Protection contre les crues
. Gestion des forêts naturelles
. Reforestation et plantations
. Aménagement de bassins versants
. Irrigation et drainage
. Elevage et aménagement des pâturages
. Routes rurales

- Population, santé et nutrition, transports, développement urbain, adduction d'eau et assainissement

. Santé et sécurité publiques
. Zones urbaines et environnement
. Routes et autoroutes
. Navigation intérieure
. Ports et infrastructures associées
. Lotissements à grande échelle
. Collecte et traitement des déchets solides
. Développement touristique
. Adduction d'eau
. Collecte, traitement, réutilisation et rejet dans le milieu des eaux usées

Phase de synthèse

II existe donc des outils de gestion de l'environnement à l'échelon local, permettant de filtrer les investissements, ne laissant passer que les investissements acceptables pour l'environnement.

Toutefois, les limites inhérentes de la procédure EIE: manque habituel des moyens requis, caractère non contraignant, intervention a priori, absence de prise en compte des impacts cumulatifs, en font un outil extrêmement imparfait.

Il est nécessaire de prendre en compte des approches nationales et plus seulement locales, ainsi que de se fixer comme objectif la coopération environnement-aménagement plutôt que l'affrontement entre ces deux approches.

On va donc voir dans le prochain sous-module les approches de planification nationale de la gestion de l'environnement.

Les outils macro-environnementaux


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- comprendre les enjeux opérationnels d'une procédure nationale de planification environnementale,

- identifier les compétences et les coopérations requises pour préparer un Plan National d'Action Environnemental,

- participer activement à la préparation d'un Plan National d'Action Environnemental ou à sa mise en oeuvre,

Phase d'apprentissage

A. LA NÉCESSITÉ DE COHÉRENCE

I. LES LIMITES DE L'INTERVENTION SECTORIELLE

L'intervention sectorielle ne suffit pas pour régler les problèmes environnementaux.

Comme on a pu le voir dans la phase d'observation, la lutte contre la déforestation, par exemple, passe en particulier par une série d'actions non forestières (par exemple, intensification agricole) dont plusieurs sont plus pertinentes que des actions forestières (il est peu efficace de planter 100 ha d'arbres pendant que la culture itinérante détruit 1.000 ha de forêts primaires).

L'action environnementale doit donc dépasser le cadre de l'action sectorielle.

II. L'IMPUISSANCE DE LA MAIN INVISIBLE DU MARCHE DANS LES CAS CONCRETS

Les tenants de l'économie libérale ont vite fait de mettre l'environnement en cage en estimant que le marché permet de gérer mieux que tout autre mécanisme les problèmes environnementaux.

Le raisonnement est le suivant:

- lorsqu'une pollution ou une destruction de l'environnement devient particulièrement grave, son coût augmente au point de rendre le traitement de cette pollution/destruction rentable.

Ce raisonnement est inopérant pour beaucoup des destructions des ressources naturelles, car il ignore deux facteurs fondamentaux:

- la nature même de beaucoup de phénomènes biologiques,
- la variable temps.

De par leur nature, beaucoup de phénomènes biologiques ne peuvent se régénérer aussi simplement que des ressources artificielles. Le cas extrême est celui de l'extinction des espèces animales ou végétales. Lorsque le signal prix est fourni par le marché et montre que telle espèce est en danger, il peut être trop tard (nombre trop faible d'individus dans une population animale, par exemple) pour sauver l'espèce en question.

De manière plus douce, la variable temps peut empêcher le bon fonctionnement de la réaction du marché. C'est par exemple le cas de la pénurie de bois liée à la déforestation. Lorsque les mécanismes du marché opèrent, il peut être trop tard pour établir une plantation d'arbres, trop tard physiquement (durée de croissance des arbres), ou trop tard économiquement (trop faible taux de rentabilité interne des investissements correspondants).

Si, donc, la main invisible du marché peut être opérante pour des pollutions industrielles se traitant à coup d'équipements physiques ou chimiques, elle peut être beaucoup moins efficace pour des phénomènes biologiques.

III. LA NÉCESSITÉ DE PLANIFIER

1. En avenir incertain

Plus l'avenir est incertain, plus il est nécessaire de mettre en place les mécanismes permettant de s'adapter aux futures évolutions possibles.

En avenir certain, ce qui n'est pratiquement nulle part le cas actuellement, il est possible de se contenter d'approches habituelles (business as usual), de copier des comportements traditionnels. C'est désormais devenu impossible, car les évolutions sont beaucoup trop rapides.

Cette planification en avenir incertain est extrêmement complexe et fait appel à des techniques qui dépassent le cadre de la présente formation. De toute façon, ces techniques restent dans les cercles d'initiés et ne touchent pas encore les décideurs importants.

Il faut donc adapter la planification en avenir incertain aux capacités d'absorption de celles et ceux qui vont les utiliser.

Il est donc en priorité important de mettre ces décideurs en position de réflexion sur le long et moyen termes de leur territoire, ce qui est le premier pas de la planification.

2. Dans les rythmes biologiques

Dans la gestion des ressources naturelles, ce besoin de planification est encore plus évident à cause des rythmes biologiques de croissance/décroissance de ces ressources. A croissance rapide ou pas, une espèce arbustive donnée aura besoin de 10 à 20 ans avant de devenir exploitable. De la même manière, une population piscicole aura besoin d'un temps minimum et de conditions d'environnement déterminées pour se reconstituer à un niveau d'exploitation convenable si elle a été décimée.

IV. LE BESOIN DE QUALITÉ DE BOUT EN BOUT DE LA FILIÈRE CONCEPTION-FONCTIONNEMENT:

1. Définitions de base

Un bon projet est un projet qui est

- bien conçu,
- localisé au bon endroit,
- bien réalisé,
- bien mis en oeuvre et bien suivi,

Cet ensemble de conditions est impératif. Un projet mal conçu, même s'il est bien réalisé, ne pourra remplir correctement son rôle (voir 2. exemple de la cimenterie d'Ambohibo à Madagascar). De la même manière, un projet bien conçu, mais mal réalisé, ne pourra fonctionner de manière optimale.

Il est très difficile de réussir une chaîne de qualité complète de la conception au fonctionnement. Il est au contraire facile de rater une des étapes. Ceci est d'autant plus vrai que la chaîne conception-fonctionnement:

- met souvent en scène des spécialistes très différents,

- a souvent peu d'articulations et de feed-backs (schématiquement, l'architecte remet ses plans au chef de chantier qui exécute),

- se déroule sur une période de temps qui peut être très longue (la construction du tunnel sous la Manche a duré une bonne dizaine d'années, et un projet d'irrigation peut durer plus longtemps encore).

2. Quelques contre-exemples

Ces exemples abondent, mais on peut en isoler deux particulièrement pédagogiques:

- à Madagascar, la cimenterie Ambohibo, à côté d'Antsirabé, à quelque 150 km au sud d'Antananarivo, la capitale nationale, a été construite sur aide bilatérale. Sa construction a été beaucoup plus longue que prévu, mais surtout, une fois l'usine opérationnelle, fonctionnant à 10-20% de sa capacité par manque de fonds de roulement, il s'est avéré que les matérieux locaux utilisés pour faire le ciment n'étaient pas de la qualité souhaitée, ce qui rendait le ciment produit impropre aux utilisations nobles et réduisait notablement son marché, en particulier à cause des frais de transports. C'est devenu un éléphant blanc de plus, exemple d'une mauvaise conception initiale,

- le Plan National d'Action Environnementale du Rwanda a bénéficié d'une excellente et longue préparation. Sa mise en oeuvre a été totalement annihilée par les guerres civiles qui ont ravagé le pays. Bonne conception, mais mise en oeuvre impossible.

Chaque stagiaire a probablement sa propre liste de petits et grands scandales dans le domaine du développement urbain ou rural. L'important ici est le rôle fondamental de la maîtrise de la qualité d'ensemble de la préparation, de la réalisation et du suivi-fonctionnement d'un projet.....

B. L'URGENCE DES SOLUTIONS, LA PATIENCE DE LA PLANIFICATION

..... ce qui amène à la recherche d'une bonne planification, ici dans le domaine de l'environnement, bonne planification qui n'a cependant de sens que si les mécanismes existent en aval pour maximiser les chances d'une bonne réalisation.

I. LES ALÉAS DE LA VOLONTÉ POLITIQUE DE PLANIFICATION

Cependant, la planification requiert une volonté politique forte dépassant les vues parfois étroites et opportunistes des décideurs.

En effet, gestion publique est souvent confondue avec recherche de maintien au pouvoir. En ce sens, l'horizon de réflexion d'un décideur peut être limité à la durée de son mandat électoral, de 4 à 7 ans selon les pays et les niveaux de représentation,

Ces durées peuvent être cohérentes avec une planification économique, classiquement sur une période quinquennale. Il est par contre, compte tenu des rythmes naturels, incohérent de chercher à faire de la planification environnementale sur une durée aussi courte. Sans aller jusqu'à l'évolution géologique qui se mesure en dizaines, voire centaines de milliers d'années, la durée moyenne de planification pour les forestiers est de 40 à 50 ans,

L'effet des politiques environnementales se situe dans le moyen et long termes classiques (10 à 15 ans au minimum). Par contre, la conception et la mise en oeuvre de ces politiques doivent se faire très rapidement, compte tenu des enjeux et de la vitesse de progression des détériorations actuelles.

II. LA PLACE ACTUELLE DE LA PLANIFICATION DANS PAYS RICHES ET PAUVRES

Malheureusement, cet impératif de planification environnementale est particulièrement ardent à un moment où; justement, la planification a de moins en moins bonne presse dans les pays riches comme dans les pays pauvres.

La France, qui avait été une des grandes pionnières de la planification économique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale (voir, en particulier les travaux de Massé), a oublié la planification.

On peut passer un voile pudique sur le GosPlan de l'ex-Union Soviétique, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas l'outil le plus populaire actuellement chez les décideurs publics.

Dans les pays pauvres, sous la pression du Fonds Monétaire International, les Plans Quinquennaux sont abandonnés les uns après les autres pour laisser la place aux Programmes d'Investissements Publics (P.I.P.), bien souvent une simple shopping list de projets mis bout à bout, mais finançables.

III. LA FILIATION NATURELLE DÉVELOPPEMENT DURABLE-PLANIFICATION

Il semble cependant clair que le développement durable ne peut se concevoir sans un minimum de planification à long terme. En effet, la principale caractéristique du développement durable est de montrer sa pertinence dans le temps (truisme).

Il faut donc bien prévoir et suivre l'évolution des activités et des structures mises en place pour vérifier leur durabilité, ce qui requiert à la fois planification et suivi interactif

Heureusement, malgré l'extinction actuelle de la planification économique, on voit surgir la planification environnementale.

C. LA PLACE INSTITUTIONNELLE DE L'ENVIRONNEMENT

Dans ce cadre, un débat important est celui de la place institutionnelle de l'environnement dans un Etat moderne.

Selon que cette place sera pertinente ou non, l'efficacité de la politique environnementale sera plus ou moins forte.

I. L'ENVIRONNEMENT COMME SECTEUR

Une première tendance a été de considérer l'environnement comme un secteur, au même titre que l'agriculture ou les transports.

C'est la plus souvent la suite logique d'une approche se fondant historiquement sur une conception de l'environnement comme conservation de la nature. Dans cette conception, l'objectif est de conserver, à la limite de manière purement statique et défensive, les éléments de nature de la nation: faune, flore, paysages naturels, en particulier.

Dans cette conception, il est logique de gérer la conservation de la nature de manière sectorielle et, éventuellement, de créer un Ministère de la Conservation (ou de la Protection) de la Nature.

Toutefois, l'approche environnementale, comme on l'a vu plus haut, est beaucoup plus large que l'approche conservation de la nature: l'environnement doit gérer des espaces non naturels et doit s'intégrer dans l'ensemble des activités sectorielles: il y a une manière environnementale de faire une route, ou un barrage, ou un développement agricole....... Il ne faut donc pas confondre un Ministère de la Conservation de la Nature et un Ministère de l'Environnement.

II. L'ENVIRONNEMENT COMME FILTRE

A l'opposé de la conception précédente, plusieurs pays ont considéré que la prise en compte de l'environnement devrait essentiellement se faire en filtrant les investissements nouveaux par rapport à leurs impacts sur le milieu, en cherchant à maximiser les effets positifs et minimiser les effets négatifs.

C'est l'école de pensée Etudes d'Impact sur l'Environnement qui a permis de diffuser cette approche, finalement proche de la conception française, dans laquelle chaque secteur fait sa propre approche environnementale.

On retrouve ainsi des spécialistes environnementaux dans la plupart des secteurs, l'Industrie étant le plus typique, avec les Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement.

III. L'ENVIRONNEMENT COMME OUTIL TRANSVERSAL ET D'ACQUISITION DE CRITÈRES DE PLANIFICATION

Dans la plupart des pays pauvres, cependant, sur lesquels beaucoup de contraintes se posent, en particulier:

- manque d'autonomie financière (le P.I.P. du Bénin, par exemple, est financé à 94% environ sur fonds extérieurs),

- rareté des cadres qualifiés, surtout dans le domaine de l'environnement,

- pressions de toutes sortes pour réduire les dépenses publiques et le contrôle de l'Etat.

Dans ces pays, il est hors de question de disposer, dans chaque secteur, de cadres compétents, bien informés et ayant des moyens de fonctionnement convenables, pour gérer l'environnement.

Il est donc impératif de concentrer les moyens et d'utiliser au mieux les faibles ressources locales disponibles - de facto - pour gérer l'environnement.

La meilleure solution actuellement semble être la création de toutes petites équipes d'observation, de proposition et de communication sur l'environnement, permettant:

- l'établissement des liaisons inter-sectorielles dans le domaine de l'environnement,

- l'établissement des liaisons entre les différents acteurs publics, privés et associatifs (voir module 4),

- l'acquisition progressive d'outils, de normes et de références concrètes dans le domaine de l'environnement, permettant ainsi de progressivement mieux intégrer l'environnement dans la planification nationale.

Compte tenu de tout ce qui précède, et dans la mesure où cette notion a encore un sens, il est bon que cette petite équipe soit placée institutionnellement à un endroit lui permettant une efficacité transversale maximale: Ministère du Plan s'il dispose encore de moyens et de crédibilité politique, ou Ministère des Finances.

D. L'EXEMPLE DES PLANS NATIONAUX D'ACTION ENVIRONNEMENTAUX (P.N.A.E.)

Cette partie est également présentée sous forme de transparents (voir plus loin)

I. LA GENÈSE

La Banque Mondiale, en 1987, dans le cadre de l'arrivée d'un nouveau président (Barber CONABLE) et en grande partie sous la pression du Congrès Américain, a annoncé sa décision de promouvoir auprès des pays emprunteurs des procédures globales d'analyse des contraintes et des opportunités dans le domaine de l'environnement.

Démarrées sans méthodologie précise, ces procédures globales ont été quelques mois plus tard baptisées Plans d'Action Environnementale (P.A.E.). puis vers 1990, Plans Nationaux d'Action Environnementale (P.N.A.E.) pour mieux insister sur l'appropriation nationale de ces procédures.

Les premiers pays dans le monde à se lancer dans la préparation d'un P.A.E. ont été Madagascar et le Népal.

II. LES ACQUIS ACTUELS

Actuellement, plus de vingt pays ont terminé leurs P.N.A.E., et une douzaine d'autres sont en préparation. On n'est donc pas loin de l'objectif initial fixé par Barber CONABLE (40 pays en cinq ans).

Le rôle des PNAE a largement évolué depuis la création de cette procédure. Tout d'abord largement expérimentaux, les PNAE sont devenus de mieux en mieux cernés sur le plan méthodologique, ont intégré de manière croissante les considérations sociales et économiques. Ces Plans sont devenus des conditionnantes de financement: pour leur admission dans la prochaine tranche des prêts concessionnaires IDA (International Development Association du groupe Banque Mondiale) onzième tranche qui démarre au 1er juillet 1994, les pays candidats doivent faire état de l'existence d'un PNAE ou d'une préparation en cours.

III. EXEMPLES DE PROCÉDURES SUIVIES:

1. Madagascar

On trouve en annexe à ce module une description par Viviane RALIMANGA, agronome consultante, de l'histoire de la préparation du PAE Madagascar, description présentés au premier séminaire sur les PAE en Afrique, organisé en décembre 1990 à Dublin.

Par la suite, le Projet Environnement I, auquel le PAE a donné naissance a été mis en oeuvre à partir du début 1991. A mi-parcours (début 1994), beaucoup des nouveaux arrangements institutionnels avaient été mis en place, principalement dans le domaine de la gestion de la biodiversité, et ce domaine en particulier avait bien progressé.

A la fin du Projet Environnement I, l'évaluation a posteriori permettra de mesurer les gains réels et, le cas échéant, de revenir sur le PAE initial et l'adapter aux novelles donnes.

2. Rwanda

Dans ce petit pays (6 Millions d'habitants), avec une pression démographique énorme (jusqu'à 400 hab./km2), enclavé et très montagneux, la gestion de l'environnement est très intimement liée à la gestion de l'économie.

La préparation du PAE Rwanda, démarrée en fin 1987, juste après le démarrage de la préparation du P.A.E. Madagascar, s'est terminée nettement plus tard (1991). Une des principales raisons de ce retard est la guerre qui y a éclaté en 1990, et qui a complètement dégénéré en 1994.

Un apport méthodologique fondamental du PAE Rwanda a été le passage initial par la préparation d'une Stratégie Nationale de l'Environnement du Rwanda (SNER). L'élaboration de cette stratégie et ses relations avec le P.A.E. sont analysées dans le paragraphe IV. plus loin.

3. Seychelles

Les Seychelles, petit archipel de moins de 70.000 habitants, isolé dans l'Océan Indien, a bâti sa richesse (PNB/habitant de près dé 5.000 US$/an) sur deux principales activités: la pêche et le tourisme. Toutes deux réclament une forte qualité de l'environnement terrestre et marin, et les autorités Seychelloises ont depuis longtemps perçu la nécessité de gérer au mieux leur environnement naturel.

Entre 1989 et 1990, un Plan de Gestion de l'Environnement des Seychelles (PGES, en anglais EMPS) fut préparé et publié par le Gouvernement. Ce Plan présente la caractéristique importante d'avoir été préparé en étroite collaboration avec les planificateurs économiques, qui travaillaient dans le Ministère chargé à la fois du Plan et de l'Environnement (ainsi que des Relations Extérieures). Cette préparation conjointe a permis au PGES d'être totalement intégré au Plan de Développement Quinquennal, au point d'être publié dans le même document. Le PGES se situait sur une période de mise en oeuvre de 10 ans.

Brillamment préparé et publié, le PGES a par contre calé sur sa mise en oeuvre, extrêmement lente par rapport aux prévisions initiales. Au début 1994, largement au delà du tiers de la période de mise en oeuvre, on estimait que la moitié des opérations prévues initialement étaient tout juste en démarrage, que les opérations réclamant des interventions de consultants étrangers étaient les principales actions démarrées, alors que les interventions concrètes sur le terrain tardaient à voir le jour, et qu'enfin la réalisation globale du programme étaient - en termes de financements effectués - de l'ordre de 50% du rythme prévu initialement.

L'interprétation personnelle de l'auteur, qui a été impliqué dans plusieurs actions découlant du PGES, est que la préparation aurait dû suivre la procédure d'empaquetage exposée plus loin (voir V.2. enlisement).

IV. STRATEGIES NATIONALES DE L'ENVIRONNEMENT ET P.N.A.E.

Les Plans Nationaux d'Action Environnementale sont en théorie des approches destinées à doter un pays d'un cadre d'intervention cohérent et efficace à long terme dans le domaine de l'environnement.

Dans la pratique, fortement impulsés par les bailleurs de fonds extérieurs, ces PNAE sont aussi parfois des études de marché pour ces mêmes bailleurs de fonds et reflètent partiellement les objectifs nationaux et partiellement les objectifs étrangers.

Un exemple frappant en est l'importance donnée à la gestion de la biodiversité dans le PAE Madagascar. Il était clair dès le départ que, sous l'action de puissants lobbies comme le WorldWide Fund for Nature (WWF), Conservation International (CI), et de plusieurs Universités françaises et nord-américaines, ce thème serait fortement développé. Une stratégie plus nationale aurait peut-être été plus équilibrée en mettant aussi l'accent sur la dégradation des sols et ses conséquences sur l'agriculture et l'élevage.

Au Rwanda, les représentants du Gouvernement, menés par une équipe d'économistes du Ministère du Plan, a accepté l'offre des bailleurs de fonds extérieurs de financer la préparation du PAE et ont ouvertement utilisé ces ressources partiellement pour le PAE et partiellement pour l'élaboration d'une Stratégie Nationale de l'Environnement au Rwanda. Le PAE et la SNER ont d'ailleurs été publiés dans deux volumes séparés.

La philosophie des Rwandais était la suivante: préparons d'abord notre stratégie nationale, et cherchons les moyens nationaux de la mettre en oeuvre. Le PAE sera cette partie de notre stratégie pour la mise en oeuvre de laquelle nous aurons besoin de recourir aux financements extérieurs.

Graphiquement, cela donne:

Sans doute une excellente idée pour d'autres PNAE (voir en VI. plus de détails sur les stratégies nationales d'environnement).

V. LES SUITES DES P.N.A.E.

Le PNAE, par définition, n'est qu'un premier pas dans la mise en oeuvre d'une politique cohérente et efficace d'environnement. On peut aussi dire que le PNAE ne se justifie que par son aval, c'est à dire par les actions concrètes qu'il impulse.

On dispose désormais du minimum de recul permettant de voir comment se passe l'aval des PNAE.

1. Projets environnement

Le plus souvent, les PNAE réussis se prolongent par une mise en oeuvre sous forme de projets - au sens des bailleurs de fonds, c'est à dire un programme d'interventions parfaitement identifiées dans l'espace, dans le temps et par leurs aspects financiers et institutionnels - possédant les grands caractéristiques suivantes:

- sur cinq ans,
- multi-composantes (typiquement quatre à cinq composantes),
- multi-bailleurs de fonds (typiquement un mélange de prêts et de subventions),
- multi-maîtres d'ouvrage (typiquement encore plus que les projets de développement intégré),
- mise en place d'un suivi interactif important.

Si l'on considère qu'un PNAE typique couvre une période de 15 ans environ (exception: les Seychelles), la mise en oeuvre sous forme de projet d'ensemble du type ci-dessus se fait par trois projets successifs de cinq ans chacun.

On ne possède pas le recul nécessaire pour juger de la pertinence des premiers projets Environnement. On peut toutefois noter qu'en l'absence de ces projets, un enlisement se produit souvent.

2. Enlisement

Un exemple malheureusement typique est celui des Seychelles. Dans l'euphorie de la publication de l'excellent PGES, les autorités Seychelloises ont commencé à désosser les 51 actions prévues dans le Plan pour les faire réaliser au coup par coup avec l'aide de divers bailleurs de fonds extérieurs. Par exemple, l'action A1 (rédaction d'un rapport sur l'état de l'environnement) était financée par les Français pendant que la K1 (législation environnementale) était financée par les Britanniques. Le manque de coordination et de suivi de ces procédures (manque d'empaquetage) a conduit à la situation du début 1994 où seule une fraction infime du PGES a été mise en place.

3. Le coût de toute politique environnementale

Une des raisons fondamentales de l'enlisement est le manque de moyens homogènes et cohérents mis en oeuvre. Toute politique environnementale coûte cher. C'est notamment le cas en:

- ressources financières,
- ressources humaines en quantité,
- professionnels hautement qualifiés,
- organisation et procédures,
- parfois même en retard de développement à court terme.

Même si tout bon planificateur tentera de minimiser les dégâts en mettant les interventions en place graduellement, en affectant le personnel de manière planifiée, en jouant habilement avec l'assistance technique, et en obtenant autant de subventions que possible, il reste le besoin d'un minimum de moyens qui ne sont pas toujours mis en oeuvre de bonne grâce par les Gouvernements

C'est en effet uniquement lorsque la volonté politique d'améliorer l'environnement est présente que ces sacrifices sont faits.

VI. LES AUTRES PROCÉDURES

Parmi les autres procédures de planification globale touchant à l'environnement, on peut citer:

- le Plan d'Action Forestier Tropical (P.A.F.T.),
- les stratégies nationales de conservation,

Le Plan d'Action Forestier Tropical a été lancé vers le milieu des années 80, suite à la publication de Tropical Forests, a call for action. Il s'agissait à l'époque de lancer une série de Plans Nationaux ayant comme objectif commun de mieux gérer les forêts tropicales par une stratégie multi-sectorielle. Un bilan résumé des activités du PAFT est discuté dans le module 8, partie sectorielle forestière.

L'Union Mondiale pour la Nature (UICN), présente comme suit les différents types de stratégies nationales.

PLUSIEURS TYPES DE STRATEGIES NATIONALES

Les stratégies nationales se classent en deux grandes catégories: celles qui visent une couverture d'ensemble et les stratégies sectorielles ou thématiques.

STRATEGIES NATIONALES D'ENSEMBLE:

Plans Nationaux de Développement conventionnels: produits par les gouvernements nationaux (souvent par le Ministère des Finances ou du Plan), généralement avec un horizon déterminé (ex. plans quinquenaux glissants) et mettant l'accent sur les objectifs financiers, les développements d'infrastructure importants,....

Stratégies Nationales de Conservation: conçues par l'UICN, le WWF et le PNUE (depuis 1980). Ces stratégies ont été proposées par la World Conservation Strategy en 1980 en tant que moyens de fournir une analyse globale, inter-sectorielle des problèmes de gestion de la conservation et des ressources, afin d'intégrer les considérations environnementales dans les procédures de développement. Ces stratégies ont visé à identifier les besoins environnementaux les plus urgents du pays, stimuler un débat national et élever la conscience environnementale publique, aider les décideurs à mettre au point les priorités et allouer les ressources humaines et financières, construire les capacités institutionnelles à gérer des problèmes environnementaux complexes. Les Stratégies Nationales de Conservation ont été fortement orientées vers la mise en oeuvre ultérieure. Les informations ont été obtenues, et les analyses ont été entreprises de manière intersectorielle. Ces stratégies ont cherché à mettre en place des consensus politiques autour de problèmes identifiés au cours de telles réunions de travail. Ces Stratégies ont permis, entre autres, de produire des documents de politique approuvés à haut niveau, parfois accompagnés de profils de projets.

Plans Nationaux d'Action Environnementale: pour mémoire (voir développements précédents)

Plans Verts:

STRATEGIES NATIONALES SECTORIELLES OU THEMATIQUES:

Plans Directeurs Sectoriels conventionnels: sont souvent préparés comme expression sectorielle du Plan Quinquennal de Développement et comme moyen de coordination la participation des bailleurs de fonds dans un secteur donné. Ces plans ont été préparés à grande échelle en Asie, sous l'égide de la Banque Asiatique de Développement dans des secteurs comme la foresterie, l'agriculture et le tourisme. Malgré l'absence de participation dans la préparation, les plans sectoriels ont, dans le meilleur des cas, permis de rassembler l'information scientifique et économique sur plusieurs années, et ils se sont attaqués aux problèmes inter-sectoriels. Ces plans sont des sources d'information très précieuses, mais ont peu de relations avec les capacités institutionnelles de mise en oeuvre.

Plans Nationaux d'Action Forestiers Tropicaux: voir les développements du module 8 (intégration).

Plans Nationaux pour la Lutte contre la Désertifïcation: (1985-1988) sponsorisés par le Comité Intergouvernemental pour la Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS). Ces documents analysent la situation socio-économique et écologique, examinent les activités en cours et discutent les politiques et les actions requises pour combattre la sécheresse. Ils représentent les plans nationaux anti-désertification pour de nombreux pays Sahéliens.

DOCUMENTS CONTRIBUANT AUX PROCEDURES STRATEGIQUES:

Des Profils Environnementaux et des Rapports sur l'Etat de l'Environnement ont été produits en abondance par des bailleurs de fonds bilatéraux, des Gouvernements et des ONG. Ces rapports diffèrent d'un pays à l'autre, mais ils ont en commun la présentation d'informations sur les conditions et les tendances, l'identification et l'analyse des causes, liens et contraintes et l'indication des problèmes futurs probables.

Les Rapports Nationaux de préparation de l'UNCED (1991-1992) sur l'environnement et le développement durable sont des documents descriptifs/analytiques. Ils ont été préparés par les gouvernements nationaux, parfois avec l'implication des ONG. En pratique, la qualité a varié énormément d'un rapport à l'autre. Le Secrétariat de l'UNCED avait rédigé des directives proposant que chaque rapport traite des sujets suivants: tendances du développement, impacts environnementaux, réponses aux problèmes d'environnement et de développement tels que les principes et les objectifs, politiques, règlements, institutions, programmes et projets et coopération internationale. Plusieurs de ces rapports étaient destinés à servir de base à de futures Stratégies Nationales de Développement Durable.

Les Rapports Post-UNCED commencent à se multiplier. Ce sont souvent des adaptations nationales de l'Agenda 21 (par exemple Agenda 21 pour la Chine). Les Gouvernements se sont de toute façon engagés à faire rapport au CSD (Comité pour le Développement Durable) des progrès effectués en fin 1994.

E. VERS DES PLANS TERRITORIAUX D'ENVIRONNEMENT À GÉOMÉTRIE VARIABLE?

I. LOCAUX

La France a beaucoup investi dans la création de la procédure de Plan d'Environnement aux échelles municipales, intercommunales, voire départementales. Ces Plans sont devenus en 1992 des Chartes, ce qui a marqué un pas de plus dans la direction d'une opérationalisation des conclusions de ces Plans.

A la mi-1993, une centaine de Plans avaient été réalisés et une dizaine de Chartes avaient été signées entre l'Etat et les collectivités territoriales concernées.

La méthodologie des Plans et des Chartes s'est souvent largement inspirée des méthodologies des Plans Nationaux d'Action Environnementale telles que décrites ci-dessus.

On trouve dans le module 8 intégration des approches un développement plus complet sur les méthodes de préparation des plans et chartes locaux d'environnement.

II. MULTI-NATIONAUX

Beaucoup de problèmes environnementaux ne peuvent se raisonner à l'intérieur de frontières administratives étroites, en particulier lorsque ces frontières ne sont que le résultat de découpages entres nations colonisatrices.

On est par exemple frappé, devant le simple ensemble Togo-Bénin-Nigeria, par l'existence de logiques naturelles et ethniques est-ouest alors que le découpage actuel des pays est plutôt nord sud.

Des problèmes environnementaux, générés cette fois directement par l'action humaine, peuvent être transfrontaliers:

- pollution des grands cours d'eau comme le Rhin,
- pollution de zones industrielles très étendues: triangle noir en Europe de l'Est,

Un autre exemple est le transfert de problèmes environnementaux d'un pays l'autre:

- il a beaucoup été question en Europe du traitement des déchets allemands en France,

- en Afrique de l'Ouest, un exemple classique est celui du Sénégal envisageant d'acheter 20.000 tonnes/an de charbon de bois à la Guinée Bissau, se défaussant ainsi partiellement de son problème de déforestation sur un pays voisin.

Il est donc impératif de démarrer des Plans Environnementaux Multi-Nationaux. Ceci a déjà largement commencé dans certaines régions du monde, par exemple pour la recherche d'une bonne gestion d'ensemble du Bassin Méditerranéen.

III. VERS DES P.T.D.D. (PLANS TERRITORIAUX DE DÉVELOPPEMENT DURABLE)?

A l'avenir, la tendance sera probablement de dépasser la dialectique gestion environnementale-gestion économique (comme par exemple dans ce cours) en mettant en place de véritables P.T.D.D. à diverses échelles géographiques.

Selon des informations partielles, une telle procédure aurait commencé à se mettre en place en France (Région Aquitaine).

LES PLANS D'ACTION ENVIRONNEMENTALE (P.A.E.)

Transparents pour l'aide à la présentation du chapitre P.N.A.E.

POURQUOI?

La nouvelle donne de l'environnement dans le développement durable

La base de ressources naturelles comme donnée structurelle du développement économique de la plupart des pays pauvres

La recherche des bailleurs de fonds et l'accord des Etats locaux

La valeur unique et menacée de la biodiversité de certains pays (le G7 écologique)

POUR QUI?

Probablement en grande partie pour les pays riches

Avec des bénéfices possibles pour les pays pauvres

Espoir de redressement de la balance écologique à long terme (enjeu à court terme: freiner la dégradation, agir sur la dérivée seconde)

Emploi des personnes qualifiées

Ré-centralisation des données scientifiques

Position de force dans la négociation

QUAND?

Pression des bailleurs de fonds intéressés
Tentatives de desserrer les contraintes temporelles usuelles des bailleurs de fonds

COMMENT PREPARER?

Le besoin d'une réelle interdisciplinarité
Les leçons des échecs antérieurs (en particulier évaluations énergétiques)
Pas de recette prédéterminée, mais quelques principes de base

- global
- multisectoriel
- impliquant les plus hautes instances nationales
- participatif
- si possible décentralisé
- proactif

Quelques exemples

- Madagascar
- Rwanda
- Seychelles
- Bénin

COMMENT METTRE EN OEUVRE?

Quelques enjeux parfois peu visibles, mais fondamentaux

La gestion institutionnelle de l'environnement
La centralisation du savoir et la décentralisation du pouvoir
L'intégration PAE-Plan de Développement Economique

Les échecs/difficultés de la mise en oeuvre en tranches de saucisson
La mise en oeuvre par tranches de 5 ans sous forme de projets

P.A.E. MADAGASCAR

HISTORIQUE

Printemps 1987: discours de Barber CONABLE, alors président de la Banque Mondiale, sur l'environnement et engagements politiques de réaliser des procédures globales d'environnement dans une quarantaine de pays membres de la Banque Mondiale dans les cinq ans suivants.

Septembre 1987: première mission Banque Mondiale à Madagascar

Octobre 1987 à Mars 1988: mouvement brownien

Avril 1988 à Juin 1988: rédaction du document P.A.E.

1989: préparation du projet Environnement 1/

1er janvier 1991: démarrage du projet Environnement I

Mi 1993: fin (définitive?) de la crise politique globale et espoirs?

PRESENTATION DE L'ENVIRONNEMENT MALGACHE

Séparée de l'Afrique depuis 160 Millions d'années

La quatrième île du monde par la taille (près de 600.000 km2)

Une des championnes de la biodiversité:

- 85% des 12.000 espèces vasculaires recensées sont endémiques
- 100% des 105 espèces de mammifères terrestres non volants recensées sont endémiques
- 53% des 202 espèces d'oiseaux recensées, dont 5 familles entières, sont endémiques
- 95% des 266 espèces de reptiles recensées sont endémiques
- 100% des 145 espèces de batraciens endémiques sont endémiques.

Archaïsme de certaines espèces:

- Dombeya et Foetida obliqua sont de véritables reliques du monde végétal par leur forme et leur constitution (le premier rappelle des pétales d'il y a 130 M années!)

- Daubetonnia madagascariensis, mammifère, est un véritable fossile vivant.

ORGANISATION DE LA PREPARATION DU PAE

Les huit commissions Gouvernementales

- environnement urbain
- biodiversité végétale
- biodiversité animale
- érosion et conservation des sols, gestion du foncier
- gestion de l'eau
- institutions
- formation, sensibilisation, éducation
- outils de gestion de l'environnement (EIE, SISEM)

L'animation des commissions
Les déviations ponctuelles
La rédaction progressive
La validation de la rédaction
La diffusion du document P.A.E.
Le passage au projet Environnement I

UN BILAN OBJECTIF

Difficultés:

- implication des ONG
- implication des collectivités décentralisées
- manque de moyens locaux/nationaux
- relative urgence -> brouillon
- une rédaction très manipulée par l'extérieur
- le rôle sur-déterminant des crises globales
- extra-territorialité des zones les plus riches en biodiversité?

Acquis:

- une réelle participation/
- un respect global des délais
- une mise en oeuvre efficiente
- une interface étrangers-Malgaches
- des moyens logistiques importants (journal WWF)

LES SUITES DU P.A.E. MADAGASCAR

Les changements institutionnels

- RTM (en malgache, quelque chose comme Institut Géographique National) contre Cadastre
- les nouvelles institutions créées

Le projet Environnement I

- ses cinq composantes (biodiversité, conservation des sols, cadastre-télédétection, institutions, outils de gestion de l'environnement)

- son mode de financement

- ses bailleurs de fonds

- sa mise en oeuvre

L'ancêtre des autres P.A.E. dans le monde

Phase de synthèse

Les outils macro-environnementaux sont en pleine évolution. Leur nombre même et leur diversité reflètent les difficultés pour les bailleurs de fonds en particulier de coordonner leurs propres approches.

Un des principaux manques de ces outils est l'intégration réelle économie-environnement, au delà des discours.

Les conclusions qui suivent sur les politiques environnementales permettront sans doute de bien comprendre qu'une bonne politique environnementale est avant tout une bonne politique.

Conclusions sur les politiques environnementales


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- comprendre la nécessité de rigueur dans les politiques environnementales,
- comprendre la relation entre la gestion de l'espace et la gestion du temps,
- utiliser un modèle de simulation population-ressources pour planifier des actions environnementales.

Phase d'apprentissage

Les politiques environnementales doivent se concevoir en fonction des impacts qu'elles auront dans l'avenir. Ce sont en effet, compte tenu des problèmes accumulés depuis plusieurs décennies par laxisme, des investissements lourds qui ne porteront leurs fruits que dans plusieurs années et pour plusieurs années, que ces investissements soient matériels (stations d'épuration, systèmes de traitement des déchets,,......) ou immatériels (éducation de base, formation de spécialistes, sensibilisation,....).

L'approche des investissements requiert de la part de l'analyste une approche de l'avenir, qui ne peut être celle de la boule de cristal, mais qui a été tout de même explorée par des prospectivistes, type particulier de chercheurs. L'école française de prospective a permis de produire des approches pragmatiques dont il a été jugé utile ici d'extraire des enseignements.

A. LE TRIANGLE GREC: COMMENT Y ENTRER?

Le Professeur Michel GODET, spécialiste international de prospective, estime que la maîtrise de l'avenir dépend de la conjonction de trois éléments qu'il a surnommés triangle grec.

Les éléments de ce triangle sont explicités ci-après.

I. LES QUATRE ATTITUDES DEVANT L'AVENIR

Tout d'abord, il existe quatre grands types de comportement par rapport à la maîtrise de l'avenir.

LE PASSIF

La tête dans le sable: archétype, l'autruche

LE REACTIF

Prêt à réparer les dégâts: archétype, le pompier

LE PREACTIF

Sait que, statistiquement, un accident arrivera, met des moyens de côté pour ce jour néfaste: archétype, l'assureur

LE PROACTIF

Cherche à manipuler son avenir pour maximiser sa satisfaction: archétype, le conspirateur.

II. LES TROIS SOMMETS DU TRIANGLE GREC

Pour faire oeuvre de pro-activité, il convient de conjuguer convenablement les trois sommets du triangle grec:

Anticipation (Logos) - couleur primaire bleu -
Appropriation (Epithuma) - couleur primaire jaune -
Action (Erga) - couleur verte -

1. Anticipation

C'est la capacité à se mettre en position d'imaginer, non seulement un, mais plusieurs futurs possibles, et de déduire toutes les conséquences que ce(s) futur(s) pourrai(en)t avoir sur sa propre existence ou sur l'objet de l'étude.

Cette capacité d'anticipation, que plusieurs cultures refusent même d'acquérir, requiert une attitude d'ouverture et d'observation qui relève directement de la méthode scientifique, mais met également enjeu l'intuition.

2. Appropriation

C'est la capacité à faire approprier par le groupe concerné la démarche, les conclusions et les implications pour l'action des résultats de l'anticipation.

Il est essentiel pour cela que le groupe ou ses représentants participent étroitement à l'élaboration même de l'exercice de prospective. Ce peut être également une participation écrite à la rédaction de livres jaunes reflétant les attentes des acteurs locaux par rapport à l'avenir et leur implication probable.

3. Action

Enfin, selon le schéma du Professeur GODET, l'action - de maîtrise du futur - ne peut venir que de la conjonction de l'anticipation et de l'appropriation, comme la couleur verte ne peut venir que de l'addition de la couleur primaire bleu et de la couleur primaire jaune.

III. LES DIFFICULTÉS DANS LA PRATIQUE

Les exercices de prospective les plus célèbres se sont déroulés au niveau de grandes entreprises, de grandes régions (exemple remarquable: Catalogne) et de quelques rares petites collectivités. Pour faire de la planification environnementale, comme pour n'importe quelle planification, il semble souhaitable de situer d'abord sa réflexion dans le long terme, puis de redescendre vers le court terme.

Le manque de bonnes données statistiques est souvent dirimant pour la conduite d'un bon exercice de prospective. Voyons comment manipuler le modèle Sénégal pour faire un peu de prospective et de planification environnementale.

B. PRATIQUE:

Il est difficile de mener un exercice de prospective dans ce cadre, sauf si le temps disponible le permet. Ce qui précède a surtout comme objectif d'ouvrir sur d'autres méthodes que la sempiternelle projection quantitative.

On visera ici à utiliser au moins cette réflexion quantitative, à partir de l'utilisation du modèle Sénégal (exercice par ordinateur).

Les hypothèses faites pour la projection sont au départ le simple prolongement des tendances observées dans le passé Le scénario moyen est donc celui qui conserve les principaux taux observés au cours des quinze dernières années, notamment démographiques, à partir d'une fécondité conservée.

Il est possible, avec ce scénario moyen en toile de fond, de simuler plusieurs types de politiques:/

. agricoles: essentiellement par le biais des augmentations de rendements moyens,

. démographiques: essentiellement par une diminution de la fécondité moyenne,

. énergétiques: essentiellement par un accroissement de l'efficacité de la carbonisation, ainsi que des foyers de cuisson domestiques,

La liste complète des paramètres pouvant être modifiés est fournie en ouverture du modèle, ainsi que les valeurs initiales de ces paramètres.

Les divers scénarios qui peuvent être élaborés à partir de cette combinaison de valeurs des paramètres sont extrêmement nombreux.

Chacun de ces scénarios a des implications d'ordres multiples:

- éducatifs,
- institutionnels,
- logistiques,
- financiers.

Un modèle type Sénégal permet de simuler les impacts de diverses mesures, mais ne permet pas de décrire l'ensemble des implications ci-dessus. Ceci doit se faire par les futurs planificateurs. Il faudra bien cependant se rappeler qu'il ne s'agit que de simulations quantitatives, et qu'elles ignorent beaucoup de facteurs (quantitatifs non quantifiés par manque de moyens et qualitatifs non quantifiables).

C. BILAN DES INFORMATIONS A COLLECTER

I. EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour un planificateur de l'environnement dans un pays ou dans une région donnés, il est d'une grande aide de disposer d'un tel modèle pour situer la réflexion commune dans le long terme.

La première étape sera le choix de l'échelle de découpage du territoire pour pouvoir effectuer des analyses sub-nationales, particulièrement requises dans le domaine de l'environnement. Généralement, c'est au premier niveau de découpage (régions ou départements) que se trouve le niveau pertinent défini comme celui où les problèmes environnementaux sont plus ou moins homogènes et où les données sont récoltables.

II. LES DONNÉES À RÉCOLTER

Les données seront récoltées de manière à être aussi fiables que possible. La méthode la plus facile est de consulter les statistiques officielles, éventuellement de plusieurs Ministères et, en particulier, le Ministère de l'Agriculture ou du Développement Rural. Il sera bon toutefois de vérifier ces données, parfois aberrantes ou incohérentes. Parmi ces données, il faudra absolument récolter:

. agricoles:

- surfaces des principales cultures au cours des 15 années précédentes (environ 80% de la surface agricole totale),

- rendements moyens des différentes cultures sur la période, en distinguant cultures en sec et cultures irriguées,

- pertes après récoltes moyennes par produit agricole,

- teneurs en protéines et calories moyennes des produits agricoles,

- possibilités de deux ou plusieurs cultures par an sur la même parcelle,

- surface globalement occupée par les «autres cultures» au cours des mêmes 15 années,

- surface considérée comme cultivable à divers degrés (facilement, difficilement, par exemple),

- potentiel de terres irrigables.

. pastorales

- tailles des troupeaux de différentes espèces (principalement bovins, caprins, ovins, porcins le cas échéant) sur les 15 dernières années,

- les surfaces de pâturages en classe de productivité au cours des 15 années précédentes,

- les productivités moyennes en viande et en lait sur la période,

. forestières

- surfaces des principales formations forestières au cours des 15 années précédentes (au moins en trois catégories - fermée, ouverte, jachère),

- productivité annuelle des principales formations, en m3 de bois par ha et par an, selon les diverses qualité de bois (bois de feu, bois de service, bois d'oeuvre)

- densité moyenne du bois (kg/m3)

- plantations annuelles moyennes au cours des 15 années précédentes,

- productivité moyenne des plantations, âge par âge (table de production) en m3 de bois par ha et par an, selon les diverses qualité de bois (bois de feu, bois de service, bois d'oeuvre)

. démographiques et associées

- taux de fécondité au cours des 15 années précédentes,

- taux de mortalité au cours des 15 années précédentes,

- taux de migration net au cours des 15 années précédentes,

- pyramide des âges féminine et masculine (au moins en trois classes: < 15 ans, >=15 ans < 60 ans, >=60 ans),

- nombre moyen de personnes par ménage au cours des 15 années précédentes,

- population urbaine au cours des 15 années précédentes,

- population rurale au cours des 15 années précédentes,

- calories totales consommées par habitant et par jour en moyenne sur la période,

- à défaut de ces données calories/protéines, les consommations de produits végétaux et animaux par habitant et par jour,

. d'aménagement du territoire et de commerce extérieur

- surfaces disponibles au moment de la simulation pour les différentes activités sur le territoire étudié,

- transports de produits d'une région à l'autre,

- importations et exportations de produits agricoles.

. énergétiques

- consommation de bois de feu et de charbon de bois par les ménages selon leur statut (urbain ou rural),

- consommation de bois de feu et de charbon de bois par les activités économiques (industrie, artisanat, pêche, commerce,....),

- consommation de bois d'oeuvre par les ménages et les activités économiques.

. technologiques

- rendement de combustion du bois et du charbon de bois dans ces diverses activités,

- rendement de la carbonisation traditionnelle,

- rendement de combustion du bois et du charbon de bois et de carbonisation dans les technologies améliorées,

- potentiel de réduction des pertes après récoltes,

- potentiel de recyclage de matière organique pour élever les rendements,

- rendements maximaux des cultures avec pratiques agricoles améliorées.

- rendements maximaux des pâturages avec pratiques améliorées,

- rendements maximaux des animaux (viande et lait) avec pratiques améliorées.

III. COMMENT AMÉLIORER LE MODÈLE?

Pour chaque utilisateur, ce sera le nombre de simulations et le partenariat qu'il développera autour de ces passages qui détermineront la capacité à améliorer le modèle.

Un tel exercice peut rester parfaitement académique et terminer sur une étagère. Inséré convenablement dans une chaîne décisionnelle par contre, cet exercice peut jouer un rôle fondamental dans l'aide à la décision pour des planificateurs et des décideurs nationaux.

L'association Futures Group aux Etats-Unis a fortement développé cette approche et l'utilise en formation dans de nombreux pays (par exemple, Madagascar). La FAO, division de l'analyse des politiques, avec son nouveau modèle d'analyse du secteur agricole au sens large K2, fera de même en formation et en sensibilisation.

Pour améliorer au mieux le modèle, il est conseillé de suivre chaque utilisation avec une fiche indiquant la date, le motif de l'utilisation, les participants, l'utilisation qui a été faite et les commentaires et critiques des participants. Ces fiches, une fois accumulées et dépouillées, permettent d'améliorer substanciellement et constamment le modèle.

D. CONCLUSION SUR LES BASES SAINES D'UNE POLITIQUE D'ENVIRONNEMENT

Bien que les politiques d'environnement obéissent avant tout aux mêmes principes que toutes les politiques de développement ou d'aménagement, on a pu - et on continue à - assister à de fortes confusions dans ce domaine, probablement en grande partie à cause du caractère émotionnel du sujet.

Il convient de répéter que les politiques d'environnement ne se résument pas à des déclarations médiatiques des uns ou des autres. Pour attester de la mise en place de telles politiques, il faut que toutes les étapes ci-dessous aient été franchies.

Niveau 0 - Pas de perception: stade de plus en plus rare, sauf dans les cas de conflits généralisés (guerres civiles ou guerres tout court).

Niveau 1 - Perception des problèmes environnementaux

* Directe ou indirecte (ce sont souvent les ONG qui tirent la sonnette d'alarme)
* Ce sont les effets qui sont perçus bien avant les causes

Niveau 2 - Caractérisation des problèmes

* La collaboration de scientifiques permet de mettre en place des modèles causes-effets. En pratique, on commence seulement les balbutiements dans ce domaine.

* Les enjeux des problèmes environnementaux sont identifiés en termes économiques ou électoraux

* On commence à placer l'étude des problèmes dans un cadre prospectif et à mesurer les bornes des évolutions auxquelles s'attendre

Niveau 3 - Identification et caractérisation des solutions aux problèmes environnementaux

* Balayage des solutions disponibles à court et moyen terme

* Caractérisation des solutions en termes de complexité technique, de coût/efficacité et de risques politiques

Niveau 4 - Décision de mise en place des solutions

* Recherche de partenaires
* Recherche de moyens
* Mise en oeuvre des procédures et des actions

Niveau 5 - Suivi interactif des résultats sur le milieu

C'est le dernier niveau, mais il est indispensable, car lui seul permet de mesurer l'impact réel sur les indicateurs de qualité des milieux des actions entreprises et ainsi d'en juger de l'efficacité. Ce niveau doit absolument permettre une rétro-action sur le niveau 4.

Passer à la phase d'utilisation des connaissances acquises

Phase de synthèse

Ceci conclut le module dimension environnementale du développement durable. On a pu voir que cette approche est extrêment complexe et requiert absolument le recours à des travaux inter-disciplinaires.

Ces travaux; largement inhabituels dans notre éducation comme dans notre culture, réclameront une assez longue adaptation par des formations adaptées des individus et l'acceptation de l'abandon de beaucoup de mandarinats.

Voyons maintenant comment l'environnement naturel doit être géré par les habitants de cette planète et leurs organisations pour réellement contribuer au développement durable.

Annexe: Structure d'objectifs de la préparation du Plan d'Action Environnementale de Madagascar


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