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Module 5: La dimension socio-organisationnelle du développement durable (2 journées)


Objectifs pédagogiques de l'ensemble du module
Approche locale
Approche nationale


Objectifs pédagogiques de l'ensemble du module

Rendre le stagiaire capable de:

- attacher à tout moment de l'importance au montage institutionnel de ses projets et politiques,

- identifier des modes de coopération inter-sectorielle et multi-acteurs débouchant sur une durabilité minimale,

- organiser des montages institutionnels durables.

Approche locale


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- comprendre le caractère incontournable des aspects organisationnels et politiques du développement durable,

- identifier quelques projets réussis et les causes de cette réussite

- identifier quelques méthodes d'approche socio-organisationnelle permettant d'assurer plus de durabilité aux projets,

- comprendre les avantages et les difficultés du transfert de l'acquis de ces projets réussis dans ses propres conditions de fonctionnement

Passer à la phase d'observation

Phase d'apprentissage

La gestion durable des ressources naturelles passe par le maintien ou la mise en place de structures locales durables. Au delà de l'engouement généré par le travail de tel ou tel pionnier (le syndrome Mère Teresa), il s'agit de pérenniser l'action en ayant, au contact avec la réalité de terrain, des groupes fonctionnant avec une action dans le long terme, c'est à dire, entre autres:

- des objectifs de coopération,

- des moyens techniques,

- des mécanismes de communication (entre personnes des groupes et vis à vis de l'extérieur),

- les qualifications requises pour gérer les moyens techniques,

- des sources de financement aussi pérennes que possible et, en tout cas, une maîtrise de l'ajustement entre besoins et ressources de financement.

Héritière des opérations d'animation villageoise, la gestion des terroirs semble, dans les pays Africains et d'autres pays pauvres, répondre aux exigences ci-dessus.

L'exemple de la gestion des terroirs

A. EMERGENCE DES EXPÉRIENCES DE GESTION DES TERROIRS (GT)

I. LIEN AVEC LES MODULES PRÉCÉDENTS

L'un des slogans favoris des premiers défenseurs de l'environnement a été Penser globalement, agir localement. La maîtrise locale des ressources naturelles est une des conditions fondamentales du développement durable.

Afin de mieux assurer cette maîtrise, une démarche se systématise de plus en plus: la gestion des terroirs villageois. Elle est définie par Christian BARRIER à partir de ses objectifs. C'est une procédure visant à:

- clarifier les conditions de la gestion du foncier (environnement),
- faire apparaître de nouveaux systèmes de production plus reproductibles (économie),
- redonner aux populations rurales la capacité et le pouvoir d'initier les actions de développement (politique),

Dans cette première partie (approche locale), nous nous concentrerons sur la gestion des terroirs in situ, l'articulation avec les approches nationales étant évoquée dans la deuxième partie. Nous considérerons donc dans un premier temps le terroir comme un sorte d'île.

II. GT: RÉPONSE À DES PROBLÈMES DE DIVERSES NATURES

La gestion des terroirs est apparue comme une réponse à une crise qui se manifestait par de nombreux effets pervers:

Détérioration de l'environnement Décadence du droit coutumier et insécurité foncière Inadéquation des stratégies de développement Evolution de la stratégie de lutte contre la déforestation Politiques trop centralisées

1. Dégradation du capital foncier et des ressources naturelles,

Il est sans doute inutile de revenir sur ce point, abondamment présenté depuis le début de l'enseignement.

Dans un ouvrage récent duquel l'environnement est quasi-totalement absent (La France et l'Afrique - ouvrage collectif sous la direction de Serge MICHAILOF - voir fin du module), on trouve au détour d'un paragraphe:..... Par ailleurs, les écosystèmes se dégradent sous l'effet de la pression foncière: diminution de la couverture ligneuse, diminution de la fertilité des sols, érosion et désertification......

François FALLOUX, dans Environnement et développement en Afrique: crise et opportunité, écrit: L'Afrique enflammes, c'est l'expérience de tous ceux qui ont survolé le continent la nuit, à l'époque des feux de brousse et de forêts. Autre expérience, aussi spectaculaire, mais de jour cette fois: la couleur rouge brique des fleuves pour cause d'érosion, qui apparaît clairement sur les images satellitaires. De façon plus insidieuse, c'est la baisse générale de la fertilité des sols telle qu'elle est constatée par les centres de recherche agronomique......

2. Décadence du droit coutumier et insécurité foncière,

On n'a pas attendu les années 90 pour chercher à gérer le foncier de manière pérenne. C'est à partir de droits coutumiers parfaitement définis et assortis de sanctions que le foncier a été géré pendant des décennies,

Toutefois, l'application de ce droit coutumier est en pleine crise, les jeunes, souvent plus instruits des systèmes modernes que les anciens refusant progressivement toute autorité des anciens, et les systèmes traditionnels devenant souvent incompatibles avec les pressions démographiques actuelles.

En pratique, ce déclin de l'autorité traditionnelle n'a pas été remplacée par une autorité moderne, l'Etat, dans les pays pauvres, déjà faible au niveau central, étant souvent inexistant ou dérisoire sur le terrain.

Il en résulte une insécurité foncière importante et un manque global de repères que, en France - qui a ses propres problèmes de mauvaise gestion des espaces ruraux -, nous avions dénommé déstructuralisation.

3. Inadéquation des stratégies de développement

Par ailleurs, les stratégies de développement au niveau national, actuellement décidées de l'extérieur, souvent en conformité pure et simple avec les demandes des grands bailleurs de fonds, prouvent de plus en plus leur inadaptation et leur inefficacité.

Ces stratégies de développement ont été décidées depuis les indépendances des pays Africains du haut vers le bas (top down), n'impliquant les acteurs locaux que pour les convaincre du bien fondé de décisions prises rapidement, très loin du terrain et ne tenant pas compte des spécificités locales.

Les bailleurs de fonds eux-mêmes se sont aperçus et inquiétés du manque d'efficacité des fonds considérables investis dans le développement sans retours proportionnels à ces efforts.

Globalement, selon l'observateur exprimant son point de vue, on peut parler, soit d'un échec total et cuisant, soit d'une sous-optimalité des stratégies de développement mises en oeuvre.

4. Evolution de la stratégie de lutte contre la déforestation

La stratégie de lutte contre la déforestation, partie d'une approche sectorielle empruntant beaucoup de ses principes aux aménagements forestiers, en particulier replantations, a progressivement évolué, d'une part vers des interventions multi-sectorielles, d'autre part vers des actions menées conjointement avec les populations locales dans leur propre intérêt.

5. Politiques trop centralisées

Enfin, plusieurs Gouvernements des pays pauvres ont largement entamé, en réaction aux politiques trop centralisées et éloignées des citoyens, des politiques de décentralisation administrative, technique et financière. Plusieurs pays d'Amérique Latine ont d'authentiques Gouvernements Fédéraux, chaque Etat ayant des pouvoirs considérables (ex. Argentine, Brésil). En Afrique, le Nigeria est un Gouvernement Fédéral, mais connaît un grand nombre de problèmes largement liés à une gestion désastreuse de la période faste du pétrole cher.

Des Gouvernements non Fédéraux mènent des expériences de décentralisation en vraie grandeur qui sont une excellente préfiguration d'une réelle démocratie: Côte d'Ivoire, Guinée, récemment Bénin, par exemple.

Cette décentralisation, à terme, devrait permettre d'institutionnaliser une gestion locale des ressources, en particulier naturelles. C'est probablement la solution durable de cette gestion. Elle suppose cependant des mécanismes de diagnostic et d'animation qui sont communs à l'approche gestion des terroirs.

On traitera plus longuement de cette décentralisation dans la seconde partie approche nationale du présent module.

B. GRANDS AXES ET TRAITS COMMUNS DES EXPÉRIENCES DE GESTION DES TERROIRS

I. DEFINITION DU TERROIR ET DE SA GESTION

La plupart des auteurs sur le sujet s'accordent sur les définitions suivantes, données en synthèse de la consultation d'experts FAO d'octobre 1991, sous la plume de Jean-Luc VIRCHAUX:

- terroir: espace géographique variable, produit du rapport que les communautés rurales entretiennent avec l'espace, fonction des déterminants socio-économiques, politiques et culturels.

- étendue du terroir: les communautés rurales ont de tout temps géré leur terroir (avec plus ou moins de succès NdA). L'organisation traditionnelle du terroir en zones à vocations est l'expression de sa gestion. Dans le Sahel, on dénombre plusieurs zones:

. le finage villageois, qui regroupe les zones d'habitation et agricoles et qui possède une structure foncière bien établie,

. les zones sylvo-pastorales, à vocations multiples, qui sont en général la possession de l'ensemble du village (en anglais: commons, notion qui existait et existe encore parfois dans le reste de l'Europe)

. les zones sacrées et celles qui sont frappées d'interdits,

. les zones non-déterminées, qui peuvent être utilisées ou exploitées aussi par d'autres villages.

II. DISPOSITIF D'INTERVENTION,

La démarche de gestion des terroirs se pratique actuellement de manière interventioniste. Ce sont souvent des Organisations Non Gouvernementales (ONG), locales, nationales ou étrangères, qui déclenchent une intervention, en appui aux structures étatiques existantes (le plus souvent services agricoles, pastoraux ou forestiers).

Il est impératif de mettre en place des équipes de terrain réellement pluridisciplinaires comprenant des représentants des sciences humaines (sociologues, anthropologues, démographes), des sciences d'aménagement (géographes, agronomes, zootechniciens, forestiers) et des économistes. Outre leur fonction d'analyse, les équipes pluridisciplinaires peuvent être en charge de la recherche et de la formation.

Un cadre de concertation local, provincial ou régional, où sont représentés tous les intervenants d'une zone aussi bien les ONG que les services d'appui étatiques, coordonne l'ensemble des interventions dans les villages. C'est un des moyens d'articulation entre le niveau local et le niveau national, articulation dont il sera beaucoup question dans la seconde partie de ce module.

III. LA DÉMARCHE ADOPTEE

Deux grandes familles d'approche ont été identifiées:

- la première fondée sur des diagnostics techniques,
- la seconde fondée sur des actions «portes d'entrée».

La principale différence est le point de démarrage de l'action, dans le premier cas une démarche progressive allant de la planification à la réalisation et à son suivi, dans le second cas une démarche pragmatique commençant par la mise en oeuvre rapide de solutions en attendant les résultats d'une analyse plus complète.

Ce qui suit est essentiellement le reflet de la première approche.

1. Canevas et calendrier de l'approche

. Prise de conscience par la population

Dans l'idéal, on attend que la population locale ait pleinement pris conscience de l'étendue et de la nature de ses problèmes de gestion de terroirs, prise de conscience qui conduit à faire appel à des spécialistes de cette gestion.

En pratique, cette prise de conscience est parfois impulsée de l'extérieur dans la logique projets.

. Diagnostic participatif des potentialités, besoins et contraintes

On y traite:

- de la problématique régionale de développement par rapport aux atouts et contraintes régionaux,

- de la situation actuelle de la zone étudiée (terroir),

- des évolutions des dernières années (15 a 20 ans en fonction de la qualité des données pouvant être récueillies),

- des principales causes de la dégradation observée,

- des relations causes-effets mettant en évidence les dysfonctionnements de la communauté dans la gestion de son terroir,

- des aspects techniques, mais aussi économiques expliquant cette évolution.

Plusieurs méthodes sont disponibles en fonction des moyens mobilisables, en particulier la méthode des transects. En tout état de cause, un préalable est de délimiter et d'effectuer un zonage du terroir, en particulier en identifiant clairement les sols à vocation agricole, pastorale et arboricole.

. Orientation de la communauté et établissement du plan

La communauté villageoise est responsable, sur la base du diagnostic participatif établi, du choix des grandes orientations du développement choisi pour leur terroir.

On retrouve ici la phase d'appropriation du triangle grec (voir Module 3), qui se termine par l'établissement d'un plan d'aménagement et de développement villageois, comprenant:

- la programmation des actions à mettre en oeuvre dans le temps,
- les moyens physiques et humains à mobiliser,
- les ressources financières nécessaires à l'exécution..

. Création de comités de gestion des terroirs

La phase suivante est la constitution du comité villageois de gestion du terroir, qui aura la responsabilité de gérer le capital foncier et de superviser l'exécution du plan d'aménagement et de développement. Ce comité est l'interlocuteur unique qui négociera avec les intervenants le contrat de développement.

. Accord Communauté-Etat et contrat de gestion

Un des atouts décisifs de l'approche gestion des terroirs est d'inclure une signature de contrat entre la communauté de base et l'Etat.

Cette notion de contrat a largement débordé le milieu des affaires pour revêtir une importance croissante dans le domaine de la psychologie et de la psychothérapie. Pour les psychologues, c'est en effet le moyen pour deux individus de traiter:

- en adultes,
- après examen et négociation de projets de contrats,
- avec la possibilité d'effectuer un suivi. dans de nombreux domaines d'intervention, en particulier pour des guérisons.

La notion de contrat est donc tout logiquement utilisée ici à sa juste place, en permettant à l'Etat comme aux collectivités de base de déterminer de manière écrite:

- les droits et obligations de chacune des parties,
- les procédures à suivre en cas de succès et les sanctions prévues en cas d'échec,
- les modes de relation avec les tierces parties (ONG étrangères, bailleurs de fonds extérieurs, par exemple).

. Exécution des contrats

C'est évidemment la phase la plus importante sur le terrain. Si elle est bien préparée par les étapes précédentes, cette réalisation est largement facilitée.

. Suivi des opérations et évaluation rétrospective

II faudra toujours un suivi interactif des opérations du contrat, de manière à, dès que possible et, si possible en temps réel, déterminer les effets réels des actions et, le cas échéant, redresser le tir par rapport à des évolutions indésirées.

En particulier, compte tenu de la complexité des opérations à mettre en oeuvre et de l'accélération généralisée de l'histoire, il conviendra de mettre le contrat à jour périodiquement, par exemple tous les trois à quatre ans, à partir d'une analyse rétrospective, alimentée en grande partie par les données de suivi.

2. Méthodes et outils élaborés pour la gestion des terroirs

Une présentation de ces méthodes et outils a été effectuée par Jean-Luc VIRCHAUX dans l'ouvrage cité plus haut.

Présentation des méthodes et outils utilisés pour la gestion des terroirs

Catégories

Objectifs

Méthodes/outils

Information et analyse de la situation

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recueillir les informations utiles à l'analyse de la situation pour établir un diagnostic technique, conjoint avec les villageois

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analyse villageoise et des systèmes d'exploitation
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analyse de la trame foncière
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analyse des potentialités
- enquêtes
- cartographie
- photos aériennes
- transect
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analyse de l'environnement par les villageois

Communication

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savoir reconnaître les connaissance s paysannes et leur capacité d'analyse
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savoir restituer les connaissance s scientifiques

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identification des personnes ressources
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techniques d'animation
- méthode GRAAP
- lecture du terroir
- moyen audio-visuel
- dessins

Planification

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élaborer des plans ou des programmes d'aménagement et de développement villageois

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fiches d'action
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programmation spatiale villageoise ou inter-villageoise
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tableau planning
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auto-évaluation et auto-planification

Gestion

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établir des modalités pour organiser et gérer le terroir

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délimitation du terroir
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zonification
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mises/en défens
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comités villageois de gestion des terroirs
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contrats villageois-alphabétisation

Analyse régionale»

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savoir reconnaître les spécificités et les orientations régionales

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analyse de la problématique régionale
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identification en grappes de villages Error! Reference source not found.
analyse systématique
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schéma d'aménagement du territoire

IV. MISE EN OEUVRE DES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT,

La gestion des terroirs est une approche qui possède désormais de multiples mises en oeuvre, en particulier dans le Sahel.

On peut citer les projets suivants avec leurs principales spécificités, dont on peut lire une description dans le document FAO «l'approche gestion des terroirs», document de formation pour la planification agricole n° 32, Rome 1993.

Pays

Opération

Principales spécificités

Burkina Faso

PATECORE

Multisectoriel
DRS

Burkina Faso

Vivrier Nord Yatenga

Multisectoriel

Burkina Faso

UP1/Zorgho

Multisectoriel
Colonisation des vallées des Voltas

Burkina Faso

PGTV Hauts Bassins

Multisectoriel

Burkina Faso

Fonds de l'Eau et de l'Equipement Rural

Multisectoriel
Lutte anti-érosive
National

Burkina Faso

Etude de la trame foncière de Banh

Etude trames foncières
Etude systèmes exploitation
Propositions gestion ressources milieu pastoral

Burkina Faso

Etude de mise en défens 1.000 ha zone nord de Djibo

Mise en défens

Mali

Aménagement des terroirs dans le Folona

Multisectoriel
Sécurisation périmètres rizicoles

Mali

Ségou - mise en oeuvre concertée d'un schéma d'aménagement terroir

Multisectoriel

Mali

Projet de lutte anti-érosive

Multisectoriel
Lutte anti-érosive

Sénégal

Fédération des ONG du Sénégal

Auto-évaluation
Auto-planification

C. LA DÉMARCHE EN PRATIQUE

Malgré l'ancienneté des opérations d'animation villageoise, cousines très proches des opérations de gestion des terroirs, on manque encore beaucoup de données quantitatives sur l'efficacité réelle des opérations de gestion des terroirs villageois, tant pour l'élévation des niveaux de revenus des habitants que pour l'amélioration du milieu.

Toutefois, on commence à disposer de résultats pour certains des plus anciens, par exemple deux projets étudiés de particulièrement près au Burkina Faso:

- Projet d'Aménagement des Terroirs et Conservation des Ressources dans le Plateau Central (PATECORE),

- Gestion des terroirs villageois de l'Unité de Développement de Rapadama (UP1 Zorgho)

I. CAS N° 1: PATECORE

Il se caractérise globalement par un milieu naturel très dégradé, et une relative homogénéité du milieu humain.

1. Présentation des habitants et du territoire

Quatre provinces du Plateau Central Mossi ont été directement concernées par ce projet (Bam, Passoré, Oubritenga, Sanmatenga).

Démarré en 1988 pour une période de 10 ans, aidé par des subventions allemandes, le projet a touché, après trois ans, 126 villages pour les activités de Conservation des Eaux et des Sols (C.E.S.), et 30 villages ont réellement amorcé l'approche gestion des terroirs.

2. Déroulement de la démarche: objectifs, méthode, outils, acteurs,

Les principaux résultats recherchés par le projet sont:

- concertation entre les différentes structures techniques,
- capacité d'auto-assistance paysanne en C.E.S. assurée
- effets de l'érosion freinés et terrains améliorés et mis en valeur
- schémas d'aménagement et de développement introduits
- situation socio-économique des femmes améliorée.

L'intervention s'est faite selon le respect de trois principes:

- participation effective des bénéficiaires,
- intégration de tous les secteurs concernés,
- responsabilisation des communautés locales.

Toutes les activités du Projet sont menées en collaboration avec la structure villageoise (Groupement Villageois Mixte) à travers le relais des services techniques et ONG.

Cinq étapes principales ponctuent la mise en oeuvre du projet à tous les stades:

- sensibilisation des agents et des paysans
- formation des paysans
- étude du milieu
- planification des aménagements pour une gestion rationnelle des ressources naturelles:

. proposition des aménagements pertinents par rapport aux problèmes identifiés

. planification spatiale (sur support photos) et programmation (sur tableau planning) de l'exécution des aménagements retenus,

. définition des normes d'entretien et de gestion des ressources concernées.

- exécution, suivi et évaluation

Chacune des quatre dernières étapes ci-dessus est conclue par des séances de sensibilisation-discussion dans les deux sens.

3. Résultats obtenus,

Les principaux résultats mesurés après trois ans de projets sont:

- en matière de formation-vulgarisation:

. toutes les formations identifiées à l'intention des agents d'encadrement (CES/DRS, photo-interprétation, plans d'aménagement,...)

. les 126 villages sont dotés d'une équipe d'agro-formateurs et de paysans forestiers,

- aménagement de sites anti-érosifs et d'agro-foresterie

. plus de 1.400 ha de terres aménagées en sites anti-érosifs
. 350 ha de mise en défens par des méthodes biologiques
. 174 fosses fumières tests, soit 300% de plus que les prévisions initiales

- amélioration du statut socio-économique des femmes

. cinq moulins à grains installés

. dix groupements villageois féminins dotés de crédits divers et ayant démarré sur une série d'activités (embouche bovine, petit commerce, maraîchage, apiculture,....),

- introduction du schéma et plan d'aménagement pour une gestion rationnelle de terroir

- recherche et développement: volet le plus en retard.

II. CAS N° 2 - GESTION DES TERROIRS VILLAGEOIS DE L'UNITÉ DE DÉVELOPPEMENT DE RAPADAMA (UP1 ZORGHO)

Au contraire du PATECORE, ce cas se caractérise par un milieu naturel avantagé à préserver et une forte complexité des groupes humains en cause.

1. Présentation des habitants et du territoire

Ce projet a pris la suite de l'opération A.V.V. (Aménagement des Vallées des Voltas). et a démarré en 1986. Aidé par des subventions Françaises, le projet s'est concentré sur la réorganisation d'environ 400 familles précédemment installées par l'AVV et d'installer près de 700 familles de migrants spontanés.

La zone concernée couvre la Province de Ganzourgou et une partie de la Province d'Oubritenga, soit une population totale de près de 200.000 habitants sur 4.200 km2

2. Déroulement de la démarche: objectifs, méthode, outils, acteurs,

Les principaux objectifs du projet sont:

- la planification des actions de développement sur l'ensemble de la zone,
- l'accroissement de la productivité et des productions agro-sylvo-pastorales,
- la gestion de l'espace et la responsabilisation des communautés villageoises,
- l'auto-gestion paysanne.

Les méthodes d'intervention diffèrent selon les caractéristiques écologiques des aires constituant la zone d'étude, schématiquement:

- vallées: démarche gestion des terroirs villageois,
- plateaux: démarche préliminaire contrat de développement villageois.

Les trois grandes étapes d'intervention sont les suivantes:

- délimitation de la plus petite unité administrative permettant de responsabiliser une collectivité paysanne, identification des ressources du terroir et des besoins de la communauté,

- recherche d'un ajustement entre les besoins et les ressources en valorisant au maximum le savoir faire des paysans

- phase opérationnelle proprement dite:

. gestion des ressources
. valorisation des produits
. suivi et évaluation des systèmes de gestion avec un accent particulier sur leur reproductibilité

Les trois grands groupes de partenaires intervenant dans ce cadre sont:

- les responsables villageois (communautés de gestion),
- les techniciens (praticiens et chercheurs),
- les administrateurs (autorités politiques: Hauts Commissaires, structures populaires, autorités administratives: préfets).

3. Résultats obtenus,

- les Comités de gestion des terroirs ont été créés. Ils regroupent chacun neuf membres (3 migrants AVV, 3 migrants spontanés, 3 membres des structures populaires), et sont opérationnels. Leurs attributions sont:

. application des décisions prises par l'assemblée relatives à l'affectation de l'espace et la protection des ressources naturelles,

. constat de l'occupation initiale de l'espace, recensement de tous les habitants du terroir, autorisation de tout déplacement et création d'exploitation,

. autorisation de toute nouvelle affectation de l'espace à des individus ou à la collectivité,

. mobilisation des ressources humaines et financières pour l'entretien des infrastructures existantes et la réalisation de nouvelles,

. assure la justice par rapport aux décisions prises,

. responsabilité de la gestion de toutes les ressources naturelles,

. représentation de la communauté dans toutes les instances extérieures.

Les réunions régulières des Comités de Gestion se déroulent trimestriellement, mais des urgences peuvent justifier des rencontres plus fréquentes.

- la formation a été dispensée à tous les niveaux,

- l'installation des migrants s'est effectuée sur 6,5 ha, dont 0,5 pour l'habitation,

- un cahier des charges de l'exploitant a été mis au point en commun et a été accepté par toutes les parties prenantes. Il couvre plus particulièrement les points suivants:

. sédentarisation de l'agriculture et de l'élevage,

. amélioration des systèmes d'exploitation,

. protection de l'environnement,

. autogestion communautaire par la mise en place d'unités économiques génératrices de revenu,

. travail en commun pour élever le niveau de vie des populations.

D. DURABILITÉ DES EXPÉRIENCES DE GESTION DES TERROIRS

I. NÉCESSITÉ DE CRITÈRES DE SUIVI ET D'ÉVALUATION

Il est indispensable, par rapport à l'objectif ambitieux des opérations de gestion des terroirs, de disposer de données de suivi et d'évaluation, portant en particulier sur les éléments suivants:

- réalisations techniques quantifiées,

- structures de gestion mises en place

- niveau de qualification des producteurs et de leur encadrement,

- état de l'environnement quantifié, notamment par rapport aux dégradations visées (ex. érosion par hectare après intervention par rapport à avant intervention)

- charges d'investissement par rapport aux réalisations ci-dessus

- charges récurrentes par rapport aux réalisations ci-dessus

- recettes pérennes par rapport aux charges récurrentes.

Si les indicateurs de réalisations techniques sont plus ou moins en place, les indicateurs environnementaux et économiques n'ont pour l'instant fait l'objet que de peu de mise en oeuvre.

De plus, le laps de temps de mise en oeuvre des opérations de gestion des terroirs est trop court pour émettre un jugement valable. Toutefois, cet état de fait devrait être temporaire.

II. EFFORTS EN COURS POUR METTRE AU POINT ET TESTER LES CRITÈRES DE TERRAIN: INTÉRÊT ET LIMITES

De l'aveu même des intéressés, les difficultés actuelles de mise au point et d'utilisation des critères de terrain sont les suivantes:

. besoin de recourir à des méthodes facilement visualisables (chronogramme à afficher dans tous les lieux publics),

. besoin de formation des agents chargés de la réalisation de ce suivi à une approche conceptuelle de ce suivi,

. besoin de passerelles avec les planifications régionale et nationale,

. difficulté d'englober l'ensemble des éléments environnementaux dans un suivi à moyens réduits.

III. CONDITIONS PRÉALABLES À RÉUNIR POUR TENDRE VERS LA PÉRENNITÉ DES STRUCTURES,

1. Echelle locale:

On peut citer les conditions suivantes:

. intérêt tangible des différents types de producteurs pour la démarche,

. capacité pour la collectivité de prendre des décisions qui lient ses membres et qu'elle peut faire mettre en pratique,

. persistence de ressources matérielles et d'appui technique pour continuer les réalisations qui dépassent les moyens de la communauté,

2. Echelle supralocale et régionale:

. décentralisation des décisions et des fonds, si possible jusqu'au niveau de la communauté ou d'un groupe de communautés,

. formation des techniciens pour leur apprendre à connaître et à utiliser le savoir endogène; à fonctionner avec un minimum de sophistication technique, et à travailler en équipes pluridisciplinaires,

. arrêt des mouvements affectations intempestives pour assurer une stabilité des effectifs de terrain,

3. Echelle nationale

. adoption de technologies appropriées:

+ décentralisation,
+ réforme foncière,
+ démographie,
+ commercialisation,
+ méthodes de production agricole,

. mise en place de systèmes d'information et de suivi-évaluation,
. continuité et respect des engagements de l'Etat,

IV. BILAN: ACQUIS ET LACUNES,

Sur le terrain, la méthode de gestion des terroirs a de nombreux acquis qu'il faudrait, encore une fois, comparer aux dépenses unitaires effectuées.

Elle se heurte cependant de plein fouet à des problèmes très difficiles à résoudre dans des sociétés ayant beaucoup de mal à trouver leur voie entre traditions et modernité:

- le problème foncier reste très épineux et les zonages et préparations de contrats se déroulent dans des ambiances conflictuelles,

- l'intégration agriculture-élevage et, d'une manière générale, l'intervention multi-sectorielle, est particulièrement difficile à mettre en oeuvre de la part des techniciens, compte tenu des pesanteurs des formations initiales et des gestions centralisées,

- l'intégration des nomades et des migrants aux populations sédentaires est difficilement réalisée, quel que soit le cadre et les méthodes d'intervention. On cite volontiers l'exemple du village effectuant la cartographie de son terroir et oubliant systématiquement les nouveaux arrivants installés à leurs portes.

- enfin, la réflexion centrée sur le terroir étudié peut occulter les évolutions externes majeures qui, dans certains cas (exemple caricatural, la décision de construire un barrage et d'inonder la zone, exemple moins caricatural, attirance de points d'émigration pour les actifs du village), peuvent être surdéterminantes par rapport aux évolutions internes.

Ceci étant, la méthode de gestion de terroirs présente sans doute un intérêt qui déborde les aspects proprement ruraux. Elle commence à se mettre en place dans les villes, où existe un fort besoin d'une meilleure gestion de l'environnement. Voici au moins un exemple où une gestion type terroirs aurait peut-être pu éviter des catastrophes.

Eaux pluviales et morts d'hommes à Kinshasa

Il s'agit d'une triste mésaventure qui commence de manière très technique: un quartier riche de Kinshasa abritant des villas d'anciens ministres et autres sommités, dans lequel la gestion des eaux pluviales pose des problèmes de plus en plus aigus. La zone, de collines, autrefois boisée, produit de plus en plus d'eaux pluviales au fur et à mesure des déboisements et de l'imperméabilisation des sols par les infrastructures et les constructions.

Les ingénieurs augmentent les diamètres des canalisations d'eaux pluviales, puis, débordés par les débits à gérer, installent un bassin de rétention à mi-pente. Ce bassin évacue son trop plein régulièrement sur une colonie de squatters située en contrebas en zone notoirement inconstructible. Il n'en reste pas moins que l'histoire commence à basculer lorsque les squatters, à la recherche de matériaux gratuits (plaques de béton) et, de plus, persuadés que le bassin de rétention leur cause des problèmes d'inondation, commencent à cannibaliser les ouvrages d'art correspondants. Jusqu'à ce que, une tragique nuit d'orage, tous les ouvrages soient emportés, un gigantesque canyon de quelque dix mètres de profondeur soit créé, et que plusieurs dizaines de personnes meurent dans la catastrophe.

Dans cette tragédie, les facteurs sociologiques et l'inaptitude des techniciens à communiquer avec la population a joué sans doute un aussi grand rôle que les facteurs techniques.

Une véritable gestion locale aurait au moins permis d'alerter les uns et les autres des menaces pesant sur les squatters du fait des détournements des ouvrages de gestion des eaux pluviales.

E. AU DELÀ DE LA GESTION DES TERROIRS

La dimension socio-organisationnelle du développement durable sur le terrain ne se limite pas à la gestion des terroirs.

On peut citer deux types d'approches ayant également une grande importance:

- la foresterie communautaire,
- l'intégration des femmes dans le développement local

I. LA FORESTERIE COMMUNAUTAIRE

La foresterie communautaire, approche de plus en plus favorisée par les Gouvernements centraux et les organismes internationaux au nom de son efficacité, peut présenter le très rapide bilan suivant au début des années 90:

- la définition adoptée par la FAO est la suivante: toute situation impliquant les habitants d'une région dans les activités forestières. Ceci comprend un grand nombre de situations, depuis les plantations dans les zones déficitaires en bois et autres produits forestiers pour les besoins locaux jusqu'à la production d'arbres à la ferme pour la commercialisation, y compris la transformation de produits forestiers dans le foyer, par des artisans ou des petites industries pour la génération de revenus, y compris également les activités des habitants de zones forestières,

- c'est donc une longue liste d'activités qui ont été promues depuis le milieu des années 70, point de départ de l'implication de la FAO dans ce domaine,

- voici un tableau synoptique des trois principaux programmes lancés par cette institution:


Forêts pour le développement communautaire local - 1978

Forêts, arbres et habitants phase I - 1987

Forêts, arbres et habitants - phase II - 1991

PROBLÈMES

· Services forestiers orientés produits et non habitants

· Les forestiers intéressés avaient besoin d'approches et d'outils pour mener à bien les activités de foresterie communautaire
· Egalement besoin d'une compréhension accrue des problèmes complexes

· Les capacités et l'expérience locales étaient trop limitées pour pouvoir adopter et appliquer de nouvelles approches et de nouveaux outils

APPROCHES

· Elever le niveau d'attention professionnel des forestiers sur l'importance de la forêt comme ressource pour le développement rural

· Mettre au point des approches et outils pour la foresterie communautaire sur des problèmes prioritaires sélectionnés:
·. Femmes en foresterie
·. Nutrition et forets.
·. Arbres et foncier
·. Gestion communautaire des ressources forets.
·. Produits forestiers autres que le bois d'oeuvre
·. Développement de la communication
·. Développement de la formation et de la recherche
·. Développement technique indigène
·. Petites entreprises travaillant des produits forestiers

· Priorité à la communication
· Renforcement de la planification décentralisée
· Collaboration continue avec les institutions du pays hôte dans le développement continu et l'adaptation d'approches et d'outils
· Amélioration de la formation et de l'éducation sur la foresterie communautaire

ACTIVITES

· Voyages d'études et consultation s au niveau des politiques forestières
· Petites activités catalytiques dans beaucoup de pays

· Ateliers et rencontres pour consultations aux niveaux décideurs
· Projets pilotes avec études et recherche-action pour approfondir la connaissance de problèmes ciblés dans 8 pays,
· Petit réseau

· Ateliers et sessions de formation
· Etudes et recherche-action dans plusieurs projets
· Réseau largement étendu et renforcé, échanges d'informations

REALISATIONS

· Publication d'un document. faisant le point de la connaissance Faire pousser des arbres par les habitants des zones rurales
· Beaucoup d'intérêt suscité autour de la foresterie communautaire
· Prise de conscience nouvelle de la complexité des problèmes de foresterie communautaire

· Meilleure compréhension des problèmes de foresterie communautaire
· Forestiers et spécialistes de sciences sociales impliqués dans la mise au point de nouvelles approches et de nouveaux outils
· Nouvelles publications sur des sujets sélectionnés

· Disponibilité accrue de documents, en particulier pour les personnels de terrain
· Renforcement de centres d'excellence pour la mise au point de méthodes et l'adaptation d'outils
· Un plus grand nombre de communautés bénéficiant d'une gestion plus sage des forêts et des arbres

II. L'INTEGRATION DES FEMMES DANS LE DÉVELOPPEMENT LOCAL

Le rôle des femmes dans le développement local, dans les pays pauvres comme dans les pays riches, est fondamental.

Ceci est particulièrement vrai pour la gestion des ressources naturelles:

- les femmes sont plus proches que les hommes des besoins de base (alimentation, vêtements, habitat),

- les femmes, travaillant en moyenne deux fois plus de temps dans l'année que les hommes et représentent donc souvent le facteur limitant pour une augmentation de production ou un meilleur service à la famille: une femme passant plusieurs heures par jour à aller chercher de l'eau, du bois de feu ou du fourrage, n'a plus la disponibilité du travail des champs, ce qui décroît d'autant la nourriture disponible pour la famille,

- enfin, les femmes, par leur sensibilité à la responsabilité vis à vis des générations futures, peuvent mener des luttes écologiques importantes (ex. leur rôle dans le mouvement Chipko au Népal, ainsi que dans la lutte contre le barrage de Narmada en Inde).

Par exemple, le rôle fondamental des femmes dans la foresterie communautaire a été largement mis en exergue par la FAO, par exemple dans Women's role in forest resource management (cité dans la bibliographie recommandée du présent module).

Après avoir fait le même constat que ci-dessus, augmenté du commentaire spécifique sur les préférences divergentes hommes-femmes sur les produits forestiers (hommes: plutôt bois d'oeuvre et bois de services, femmes: plutôt bois de feu, fourrages et autres produits secondaires de la forêt), la FAO recommande une approche en huit étapes, décrite dans l'encadré ci dessous.

Huit étapes pour rééquilibrer les relations hommes-femmes dans la gestion des arbres

1. EXPLORER les problèmes inter-sexuels par une communication bi-directionnelle avec les femmes rurales, en reconnaissant que les besoins des hommes et des femmes ne sont pas forcément les mêmes, et que les impacts des projets sur elles et eux peuvent être différents.

2. EFFECTUER des recherches sur les coutumes, les tabous et les contraintes d'emploi du temps, auxquels les femmes sont confrontées, en reconnaissant que la connaissance et le bon sens peuvent largement aider à surmonter ces contraintes.

3. PROMOUVOIR le rôle que les femmes jouent et peuvent jouer dans les activités forestières, à tous les niveaux et analyser les moyens par lesquels les projets les impliquent ou au contraire ne les impliquent pas.

4. ECHANGER des informations avec les individus à tous les niveaux, avec les habitantes sur les activités forestières, avec les techniciens sur la manière d'impliquer les femmes dans la foresterie, avec les formulateurs de politiques et de projets sur les rôles des femmes dans la foresterie.

5. SOUTENIR les efforts des groupements féminins et susciter la formation de nouveaux groupements, dans le sens d'aider les femmes à avoir accès aux prises de décision et à la politique, et renforcer les soutiens réciproques entre femmes.

6. COOPERER pour assurer un accès à la terre et aux arbres, en rendant leur dû aux exploitations agricoles féminines, s'assurant que les privatisations foncières n'oublient pas les femmes et en renforçant le soutien aux femmes sans terre.

7. COLLABORER à l'accès aux crédits et aux revenus pour les femmes, individuellement ou en groupe.

8. SE CONCERTER avec les femmes avant l'introduction de nouvelles technologies ou de nouvelles espèces, en s'assurant que les besoins des femmes ont été pris en compte, et que l'impact des nouvelles techniques ou des nouveaux arbres sur les existences des femmes a été correctement évalué.

Ce qui vient de se dire sur le rôle des femmes dans la dimension socio-organisationnelle locale du développement durable l'est également dans la dimension nationale. Toutefois, le grand retard pris par la plupart des pays pauvres dans ce domaine (ex; proportion de femmes parmi les grands décideurs des secteurs public ou privé, proportion de femmes dans les assemblées nationales ou parlements,...) fait que ce rôle, à quelques très rares exceptions près, est très faible.

Tout en regrettant cet état de fait, extrêmement préjudiciable au développement réel de ces pays, il ne sera pas question explicitement du rôle national de la femme dans le sous-module suivant.

Passer à la phase d'utilisation des connaissances acquises

Phase de synthèse

L'émergence des interventions de gestion des terroirs provient d'une diversité d'origines et présente une grande variété des méthodes et des outils.

Dans un même pays (le Bénin, par exemple), on peut trouver une dizaine d'opérations dites de gestion des terroirs mises en oeuvre de manière disjointe, voire divergente et concurrente.

La gestion des terroirs est actuellement très populaire auprès des bailleurs de fonds, qui ont reconnu l'inanité des méthodes d'approche du développement du haut vers le bas.

La gestion des terroirs est-elle le stade ultime du développement, ou une phase extrême de mécanismes de décision du bas vers le haut? Une échelle raisonnable de terroirs (entre le petit village et le pays tout entier) sera-t-elle trouvée? Peut-on concilier l'approche Gestion des Terroirs et l'efficacité économique du mode de développement?

Autant de questions que génère cette approche, incontournable dans son principe, séduisante dans sa mise en oeuvre, dont il est urgent de faire un bilan objectif et chiffré.

Approche nationale


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- identifier les faiblesses institutionnelles empêchant la mise en oeuvre d'actions de gestion durable des ressources naturelles,

- se référer à des expériences en cours tentant de surmonter ces faiblesses institutionnelles,

- proposer quelques montages institutionnels adéquats dans une situation donnée.

Passer à la phase d'observation

Phase d'apprentissage

Le développement durable ne peut être le fait d'une simple juxtaposition d'opérations type gestion des terroirs. D'une part, de nombreuses fonctions, en particulier de centralisation du savoir, ont une forte économie d'échelle. D'autre part, la division en féodalités ne peut pas permettre de gérer rationnellement des grands problèmes environnementaux comme la gestion de bassins versants ou la désertification.

Il faut donc, malgré la forte désaffection actuelle envers les Gouvernements Nationaux, en particulier, mais pas uniquement, dans les pays pauvres, trouver le bon équilibre entre les pouvoirs locaux, proches des ressources et attentives à leur bonne gestion pour leur propre bénéfice et les pouvoirs centraux.

A. LES PRINCIPES DE BASE: QUELQUES QUESTIONS

Pour répondre à cette question extrêmement complexe de l'équilibre pouvoir central-pouvoir local, il peut être bon de commencer par se poser des questions:

Quels sont les indicateurs de malaise faisant réagir une population?

Fondamentalement, le changement dans une société est essentiellement venu en temps de crise, lorsque la société a dû s'adapter à de nouvelles donnes.

Il est clair que les sociétés des pays pauvres sont actuellement en crise et qu'il leur faut trouver de nouveaux modes d'organisation pour faire face à l'effondrement des structures traditionnelles et à la faible efficacité des Etats modernes.

Les principales manifestations de cette crise sont:

- conflits armés localisés (guerres civiles),
- extension très rapide de la criminalité,
- exode rural continu,
- famines localisées,
- pillage du patrimoine naturel et dégradation des ressources en résultant,

Le changement est donc incontournable.

Est-il pour autant organisable, ou va-t-on d'abord vers encore plus de barbarie?

Quand faut-il envisager une intervention et quand faut-il continuer à préparer le terrain?

Le planificateur durable doit toujours se poser la question de savoir quand son intervention est requise et quand il l'impose. Actuellement, l'interventionnisme occidental est de plus en plus remis en cause. L'exemple caricatural est celui de l'opération Restore Hope des Américains en Somalie. En 1992, arrivée très médiatique. En 1993, recherche d'une retraite honorable.

A un niveau moins anecdotique, des tiers-mondistes se posent sérieusement des problèmes, comme Jean-Pierre COMES, dans «La France et l'Afrique» (voir bibliographie conseillée pour ce module) qui pose la question «Faut-il laisser l'histoire s'accomplir en Afrique?»,

.......D'abord accepter une idée force: en faisant table rase des erreurs passées, et de ses responsabilités en tant qu'ancien colonisateur, la France doit laisser les pays africains se débrouiller, sans fausse honte à l'égard des principes humanitaires, sans encore prétendre trouver des solutions pour résoudre leurs difficultés, et sans pour autant ne plus accorder d'aide, mais en modifier les modalités...

..... à quoi Serge MICHAILOF répond prudemment dans le même ouvrage par «Plaidoyer pour une autre coopération», dans lequel on peut lire:

Le volume global de l'aide compte moins que sa qualité....
(il faut) passer de la politique du cadeau à une logique du contrat....

Interventionisme, donc, mais non plus n'importe comment.

Qui demande l'intervention?

La vraie question qui se pose actuellement dans beaucoup de pays pauvres est celle de la légitimité du pouvoir central en place. Avec une décolonisation récente en termes historiques, sans beaucoup d'expérience de la démocratie, beaucoup de peuples des pays pauvres subissent les Gouvernements Centraux plus qu'ils ne les choisissent.

Il faut donc, et c'est très difficile en pratique, bien identifier les structures de pouvoir réelles, actuellement très floues entre fonctionnaires/du gouvernement central, politiciens, bailleurs de fonds, ONG internationales, voire techniciens étrangers, et bien savoir qui demande une intervention pour juger de sa durabilité.

Quelles sont les demandes locales et quelle est leur pertinence?

Le développement est-il simplement l'établissement de la liste des desiderata des habitants d'une région ou d'un village? On pourrait le croire en observant la manière dont certains projets sont préparés, en Europe comme dans les pays pauvres, par des techniciens tournant résolument le dos à la technocratie et allant de site en site récolter les listes de cadeaux de Noël des habitants.

Pour sympathique que soit cette démarche, elle se heurte à des aberrations facilement décelables:

- tout ce que demandent des habitants d'une région n'est pas réalisable, soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons financières, soit pour des raisons environnementales,

- des demandes recueillies par enquête directe datée peuvent fortement fluctuer d'un moment à l'autre,

- les habitants d'une région donnée peuvent complètement - faute des bons outils d'observation - passer à côté d'actions cruciales pour eux dans les années à venir. D'une manière générale, les demandes immédiates des habitants d'une région portent essentiellement sur des phénomènes hautement visibles, expérimentés dans leur quotidien, et dans un rayon très limité de leurs déplacements habituels.

Il faut donc savoir gérer les demandes locales et ajuster ces demandes avec l'ensemble des personnes concernées, en confrontant avec les habitants leurs propres perceptions et la perception de techniciens extérieurs, et du reste de la population.

Quelles sont ces demandes qui ne peuvent pas être satisfaites localement?

En tout état de cause, une partie des demandes locales peuvent être satisfaites localement, à partir des ressources humaines, techniques et financières disponibles. C'est la mobilisation de la capacité d'autarcie de la communauté.

Il reste cependant, en pratique tout le temps, le besoin de compléments extérieurs, compléments pouvant aller d'apports marginaux à.... 100% des financements pour un bon nombre de projets dans les pays pauvres actuellement.

Les principales demandes qui ne peuvent par nature pas être satisfaites localement de manière efficace sont:

- les grandes infrastructures de transports, de production et de distribution d'énergie, de gestion de l'eau et autres intrants agricoles importants, télécommunications,....

- les systèmes fondamentaux d'éducation, et l'enseignement supérieur,

- les ressources technologiques de pointe (ex, laboratoire d'environnement)

- les ressources humaines très qualifiées,

- la défense nationale et autres grandes institutions nationales (justice,..)

Toutefois, les évolutions technologiques, comme les évolutions sociologiques entraînant des demandes de grande visibilité des services rendus, peuvent entraîner des perturbations importantes dans ce panorama, par exemple dans le domaine de la production énergétique (voir module 6 dimension technologique).

Qui possède les moyens de satisfaire ces demandes?

C'est le plus souvent le Gouvernement Central qui possède ces moyens, au moins formellement. Dans les faits, en effet, plusieurs Gouvernements Centraux, en Afrique en particulier, sont dans un tel état de déliquescence que pratiquement tous les moyens financiers proviennent directement de l'extérieur (perfusion).

Quelle est la demande de relation micro-macro du point de vue micro?

C'est le très intéressant sujet d'une réunion organisée en 1992 par la Fondation pour le Progrès de l'Homme à Saint-Sabin, d'où il ressort en synthèse que:

- les intervenants du niveau micro étant les seuls représentés dans une telle réunion, ces intervenants désirent essentiellement se concentrer sur la reproductibilité de leurs projets (effet tâche d'huile),

- la relation micro-macro est dans un premier temps ressenti comme une relation finalement aussi lâche que possible: que le macro laisse un peu la paix au micro,

- la relation future idéale micro-macro est perçue de manière dynamique, la multiplication des expériences micro - réussies - entraînant des modifications dans le cadre macro.

Il serait encore plus intéressant de confronter les points de vue des macro et des micro sur la relation micro-macro. Il semble cependant que les occasions de rencontre entre ces points de vue manquent notoirement.

Quel est le rôle des techniciens et scientifiques dans le développement?

Le rôle des techniciens et scientifiques, traditionnellement exclusivement au service des Gouvernements Centraux et de leurs objectifs, est largement en train d'évoluer.

Désormais, ces techniciens et scientifiques sont de plus en plus perçus comme des catalyseurs, facilitateurs dit-on aussi en Afrique, des actions de développement local en cohérence avec les politiques nationales. Les techniciens deviennent, en dialogue permanent avec les utilisateurs, des fenêtres sur le monde par la connaissance qu'ils ont de réalisations effectuées ailleurs ou auparavant. Inversement, les techniciens apprennent continuellement au contact des utilisateurs.

Quelles sont les règles du jeu permettant la rencontre entre les fournisseurs de moyens et leurs utilisateurs? A court terme, à moyen terme, à long terme?

Ces règles du jeu sont de plus en plus complexes. D'une relation de seigneur à vassal qu'impliquaient les dictatures et autres régimes mono-partis ou musclés, on est en train de passer progressivement à des relations de partenariat entre un Gouvernement Central et des communautés locales.

Ces relations de partenariat se manifestent sous la forme de contrats négociés entre les parties prenantes, contrats mis en oeuvre en fonction des intérêts réciproques de ces parties.

Une fois ces grands principes posés, il reste à les mettre en pratique dans des situations souvent troubles, avec, dans le meilleur des cas, différents niveaux de gouvernement ayant des objectifs éventuellement contradictoires, des politiques gouvernementales fluctuantes et des changements de personnes entraînant de fait des changements de pratiques. Dans le pire des cas, on a, en face de communautés locales souvent démunies, des fonctionnaires véreux ou des pratiques néo-colonialistes de compagnies publiques ou privées. Le problème de la corruption, par l'importance stratégique qu'il revêt dans le contexte actuel, est posé en conclusion de ce présent module.

Que peut-on déduire de l'observation des fonctionnements sociaux actuels dans les pays concernés? Quels sont les groupes durables et selon quels principes fonctionnent-ils?

On dispose de beaucoup d'exemples de mauvais montages institutionnels, dans lesquels les énergies des parties en présence, au lieu de s'additionner (jeux à somme positive), se sont annihilées (jeux à somme négative ou nulle).

Les exemples de bons montages institutionnels, dans les pays pauvres, conduisant à une forte durabilité ne sont pas nombreux. Si l'on en trouve d'assez probants en Amérique Latine ou en Asie, on en observe très peu en Afrique. Nous avons pourtant extrait pour le présent kit quelques exemples qui nous semblaient prometteurs et significatifs. Quelques exemples sont cependant pris en dehors de l'Afrique.

Conclusion sur la grande difficulté et complexité de la question, fondamentalement contradictoire pour tout gouvernement central:

- donner les conditions de plus grands pouvoirs aux collectivités de base,
- rester en contrôle de la situation centrale, au minimum pour les grandes fonctions (quelles sont-elles?),

B. QUELQUES EXEMPLES

D'une manière générale, les politiques durables observées actuellement possèdent les points communs suivants:

- elles mettent en scène une coopération formalisée entre des détenteurs de moyens (financiers entre autres), de connaissance et des détenteurs de pouvoir politique au sens noble du terme (mobilisation des acteurs locaux),

- elles ne dépendent pas directement des individus qui les animent, puisque ces politiques peuvent survivre à des départs d'individus, mais le rôle - au moins initial - des individus est fondamental. Les procédures mises en oeuvre doivent donc permettre aux talents des individus impliqués de s'exprimer,

- enfin, le marché, au moins après plusieurs années, rend les politiques financièrement auto-suffisantes.

I. LA RÉALISATION DU PROGRAMME «AIRES PROTÉGÉES» DE MADAGASCAR

La genèse de ce programme se situe dans le Plan d'Action Environnemental de Madagascar, dont il a été abondamment question dans le module 4 dimension environnementale.

Exemple de politique nationale de gestion durable des ressources naturelles:
la réalisation du programme «aires protégées malgaches».

Origine de la politique: Plan d'Action Environnementale de Madagascar, démarré en 1987, approuvé en 1990, ayant donné naissance au Projet Environnement 1 à Madagascar.

Principal organe responsable: sous convention avec le Ministère des Eaux et des Forêts, l'Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées (ANGAP).

Constitution de l'ANGAP: Association reconnue d'utilité publique

- Assemblée Générale qui est l'organe suprême, délègue des pouvoirs au Conseil d'Administration pour agir en son nom.

- Direction exécutive, chargée de la gestion courante, constituée de cadres nationaux et internationaux,

Enjeux d'aménagement du territoire et de développement:

Actuellement, 39 aires protégées (A.P.) couvrant 12..000 km2, à terme 50 A.P. couvrant 16.000 km2, près de 3% du territoire national.

Attentes fortes par rapport à l'éco-tourisme, qui est attiré par les ressources uniques de biodiversité.

Politique de classement des aires protégées malgaches

Trois grandes catégories en fonction du niveau d'agression extérieure:

- Niveau 1 (les plus agressées), activités suivantes prescrites:

. Conservation (C)
. Développement rural intégré périphérique (DR)
. Ecotourisme (T)
. Education environnementale des populations riveraines (EE)
. Etudes et recherches sur la biodiversité (E)

- Niveau 2 (dégradation tolérable), activités suivantes prescrites:

. Conservation (C)
. Etudes et recherches (E)
. Education environnementale (EE)
. le cas échéant, Ecotourisme (T) et micro-projets de développement (DR)

- Niveau 3 (naturellement protégées), activités suivantes prescrites:

. Etudes et recherches (E)

Démarche méthodologique pour la gestion opérationnelle des aires protégées:

- Identifier spatialement les formes de pression sur l'A.P. et localiser leur origine

- Identifier et discuter avec les communautés riveraines aux A.P. des alternatives aux formes de pression

- Mettre en oeuvre des actions (alternatives) à faible investissement et niveau technologique accessible avec les populations concernées

- Promouvoir et appuyer des micro-projets et activités tendant à diversifier les ressources monétaires et améliorer les conditions de vie des paysans riverains aux A.P.

- Suivre de façon continue les indicateurs d'impacts et d'effets permettant de déceler un changement de comportement des paysans vis-à-vis des A.P. qui leur sont contiguës.

II. LE PROJET DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES (PGRN) DU BÉNIN

Ce projet a été conçu vers le milieu des années 80 à partir du constat de début de dégradation des ressources naturelles au Bénin, petit pays couloir d'un peu plus de 100.000 km2, peuplé d'environ 5 Millions d'habitants et localisé entre le Togo, le Burkina Faso, le Niger et le géant Nigeria.

Dans le sud du pays en particulier, la capacité de charge agro-démographique des terres avec les méthodes traditionnelles a été largement dépassée. La forêt régresse régulièrement, et les zones septentrionales se désertifient de plus en plus. Dans le même temps, un programme important de développement de la production du coton a été mis en oeuvre pour produire des recettes d'exportation. Comme dans beaucoup de pays Africains, la progression de la production s'est faite par l'extension des surfaces cultivées (dans certaines régions au rythme moyen de 19% par an) plutôt que par augmentation des rendements. C'est donc un facteur supplémentaire de déforestation.

Dans ce contexte, le Projet de Gestion des Ressources Naturelles se présente comme la première phase de six ans d'un programme à long terme visant à amorcer un développement rural équilibré et durable, à partir de 8 composantes:

- aménagement de bassins versants (environ 40.000 ha),
- aménagement des ressources forestières (237.000 ha),
- aménagement foncier dans l'optique gestion des terroirs,
- recherche développement dans le domaine agro-sylvo-pastoral,
- formation à tous les niveaux,
- étude et élaboration d'un plan régional d'aménagement des ressources naturelles,
- création et gestion d'un Fonds National pour la Gestion des Ressources Naturelles,
- renforcement des capacités de conception, planification et suivi-évaluation au Ministère du Développement Rural et au Centre National de Télédétection.

Le projet, d'un coût total de 22 Millions d'US $ est co-financé par la Caisse Française de Développement, la Coopération Allemande et la Banque Mondiale.

Projet hybride, initialement forestier, le PGRN est abrité par un ministère sectoriel, le Ministère du Développement Durable, particulièrement fort dans le Gouvernement Béninois. La décentralisation administrative en cours, dans un des pays cités en première ligne pour la mise en place d'une réelle démocratie, mais avec le handicap de finances exangues, permettra peut-être de faire passer au PGRN sa vitesse supérieure.

Actuellement, aucune stratégie définitive de suivi pour le projet n'a été arrêtée et publiée, et, corrélativement, aucun résultat de terrain n'a été officiellement publié.

III. LE RÉSEAU DES GROUNDWORK TRUSTS AU ROYAUME-UNI

Ceci n'est pas un exemple de pays pauvre - encore que certaines friches urbaines britanniques semblent bien misérables - mais d'un pays Européen traînant le poids de 100,000 ha de friches urbaines et industrielles. Ce handicap a conduit à la création et l'animation d'un réseau particulièrement novateur et efficace sur le plan du développement durable. Ce réseau est décrit dans l'article ci-après.

La reconquête des territoires dégradés: comment organiser la durabilité? L'exemple des Groundwork Trusts au Royaume-Uni

Exposé des motifs

L'aménagement durable, conséquence logique de la mise en oeuvre sur le terrain des stratégies de développement durable (Maastricht et Bruntland sont dans le même bateau).

Cet aménagement durable a différents aspects liés intimement entre eux: technologique, financier, environnemental, organisationnel.

La remise en état de territoires dégradés est un cas particulier de l'aménagement durable, le plus souvent difficile à mettre en oeuvre suite aux contraintes locales ou au manque d'imagination des maîtres d'ouvrage.

Cette remise en état est souvent une activité qui intéresse différents acteurs qui ont des intérêts et des moyens très divers:

- le maître d'ouvrage naturel pour qui cet aménagement est souvent une pilule amère,

- les riverains qui aimeraient pouvoir disposer de terrains réaménagés au moindre coût suivant leurs propres objectifs,

- les protecteurs de la nature, qui ont souvent des objectifs communs avec les riverains, mais qui, de plus, peuvent chercher des aménagements naturels dans une optique géographique plus large (exemple des zones situées non loin de grandes villes)

- enfin, les collectivités locales qui peuvent saisir cette occasion d'embellir leur territoire, de renforcer son attractivité touristique et, éventuellement, d'y attirer des activités.

Chacun de ces partenaires pris isolément a difficilement les moyens et la motivation de mener à bien cette remise en état de manière durable.

Par contre, avec un peu d'efforts mutuels, les objectifs d'aménagement peuvent être rapprochés suffisamment pour qu'une stratégie commune s'élabore pour peu que la structure de concertation et d'intervention ad hoc soit mise sur pied

L'expérience britannique

Ce qui précède est une déduction logique qui pourrait en rester à ce stade, n'était le fait qu'il existe depuis une dizaine d'années des organisations de terrain au Royaume Uni qui, sous la marque commune Groundworks ont démontré la capacité de mobiliser l'ensemble des acteurs ci-dessus autour de projets concrets.

Voici quelques statistiques sur les Groundworks Trusts, extraites d'épais volumes de rapports annuels et de notes de présentation de l'organisation centrale Groundworks Foundation située à Birmingham.

Plus de 3.000 projets environnementaux ont été mis en place au cours des 10 dernières années, avec la coopération de plus de 3.000 organismes (dont 500 industries) et 50 collectivités locales sur plus de 600 ha de territoires dégradés pour le plus grand bénéfice des communautés de base.

Un Groupe Groundwork Group comprend en général un Conseil d'Administration - des personnalités respectées du secteur privé, des élus locaux et des bénévoles représentants des communautés de base et ce groupe est dirigé professionnellement par un Directeur Général et une équipe de spécialistes d'environnement et du paysage.

Le West Cumbria Groundwork Trust (WCGT), par exemple, a été créé comme compagnie en décembre 1987 et a reçu un statut d'intérêt public (charitable trust) en décembre 1988. Le programme du Trust a entraîné une quantité de travaux estimée à 2 Million £, avec des contributions des collectivités locales (29%), du gouvernement central (32%), de l'Union Européenne (16%) et du secteur privé pour les 23% restants. Le palmarès quantitatif de WCGT est impressionnant:

- plantation de plus de 250.000 arbres
- amélioration de 130 km de chemins
- contacts avec plus de 15.000 élèves localement
- contacts avec 14.000 personnes localement au travers des manifestations du Trust
- soutien actif à 56 groupes locaux pour leurs propres projets

Le suivi interactif des impacts des activités du Trust forme une partie intégrale des travaux: au cours du dernier exercice fiscal en date du WCGT environ 3.000 journées de bénévoles ont été mobilisés, et près de 350.000 £ ont été attribués à des entrepreneurs locaux.

Actuellement, le personnel de WCGT représente 32 personnes, une forte augmentation depuis sa création.

On semble disposer avec les Groundworks de l'outil idéal (ultime), qui permet de combiner l'enthousiasme des ONG, les moyens et le réalisme du secteur privé et les contraintes de services publics des collectivités territoriales. La durabilité de l'expérience fait partie intégrante de cet outil.

C'est à la fois la structure d'articulation requise sur le terrain entre collectivités locales, Etat, ONG, et business et, en vraie grandeur, la société mixte dont rêvent à voix haute tous les politiques.

Les perspectives

Elles sont contrastées: la dynamique créée par les premiers succès sur le terrain poussent les fondateurs en avant, et de nouvelles recrues arrivent sans arrêt. De plus, les services se diversifient, et les Groundworks, originellement cantonnées dans la réhabilitation de territoires, s'attaquent désormais à tous les secteurs de l'environnement réclamant une participation locale, recyclage des déchets en particulier. Enfin, le gisement de territoires dégradés est loin d'être épuisé, et connaît même une forte croissance.

Du côté sombre, le désengagement généralisé du Gouvernement Central Britannique, ainsi que la crise globale qui n'épargne pas les finances locales, font que certaines sources de financement vont devenir de plus en plus difficiles à mobiliser. Enfin, après la vague porteuse des pionniers du mouvement, il peut se produire un effet de bureaucratisation de ces structures, même si l'échelon central pousse à plus de rigueur et assure une partie de la formation.

Pour en savoir plus....

STONE Nigel, Groundwork Found., Dev. Advisor, 85-87 Cornwall St., B3 3BY, Birmingham, Royaume Uni, Téléphone (44)212368565, Télécopie (44)212367356

C. LES LEÇONS TIRÉES DE CES EXPÉRIENCES

I. BESOIN D'UNE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE

Aucune structure publique durable dans le domaine de la gestion des ressources naturelles ne pourra s'implanter et fonctionner sans un minimum de coordination interministérielle.

Gestion des ressources naturelles et aménagement du territoire sont deux faces d'une même pièce, et ces activités ne sauraient être purement sectorielles, car elles impliquent l'ensemble des secteurs utilisateurs des ressources naturelles.

II. RÔLE DÉCISIF DE LA DÉCENTRALISATION

La réussite du développement et de l'aménagement d'un pays par simple juxtaposition d'opérations de gestion des terroirs est illusoire. Il faut dans tous les cas une cohérence d'ensemble et une coopération entre communautés locales.

Par ailleurs, l'action locale repose souvent sur des groupes ou des individus qui jouent un rôle moteur pendant quelque temps, puis s'essoufflent naturellement.

La décentralisation administrative, elle, repose sur une vision à long terme de collectivités disposant des moyens réglementaires, humains, techniques et financiers assurant leur pérennité. C'est en tout cas la leçon qu'apporte les régimes politiques extrêmement décentralisés comme la Confédération Helvétique ou la République Fédérale d'Allemagne. Dans ces pays réellement décentralisés, le rôle des ONG est d'ailleurs en général plus important que dans les pays centralisés.

La décentralisation administrative est l'expression la plus élaborée du fameux slogan savoir central, pouvoir local, et est en pratique une condition nécessaire de la gestion durable des ressources naturelles.

III. BESOIN D'UNE OUVERTURE VERS LA SOCIÉTÉ CIVILE

Les Gouvernements Centraux ne peuvent à eux seuls assurer la gestion du développement national. C'est une évidence pour beaucoup de pays, mais encore plus pour les pays pauvres.

De leurs côtés, les entreprises privées ont leur propre logique et l'intégration du long terme et des bénéfices non marchands comme ceux d'une bonne gestion des ressources naturelles ne font pas partie de leurs priorités.

Une société fonctionne un peu à l'image du corps humain, avec une spécialisation des différents secteurs comparable à la spécialisation des différentes parties du corps humain. Un article remarquable de Pierre VENDRYES (L'homme est un être autonome) a montré que les articulations jouaient un rôle fondamental dans la capacité d'autonomie - en particulier des déplacements - de l'être humain.

La plupart des exemples de réussite de développement montrent l'importance de l'articulation entre les différents secteurs économiques et entre le secteur public, les collectivités locales, les associations et le secteur privé marchand.

Malheureusement très peu dans les us et coutumes dans la plupart des pays, cette articulation pourrait se pratiquer avec des organes du type suivant:

- organisations de conception et de réalisations tripartites type Groundworks Trusts avec ONG, business et collectivités locales,

- organisations consultatives type Comité Economique et Social en France ou pour l'Union Européenne apportant ses avis sur tout ce qui concerne la planification (sur saisine des collectivités régionales en général) ou le donnant sans qu'on le lui demande (auto-saisine),

- organisations d'aménagement type EPIDOR en France, organe de concertation et de réalisation, travaillant sur l'ensemble des aménagements de la vallée de la rivière Dordogne.

Maintenant que les mastodontes sociétés et offices d'aménagement sont défunts ou bien malades, il ne reste pratiquement rien en Afrique pour assurer un embryon d'articulation inter-sectorielle au niveau sub-national. Ceci reste donc à inventer.

IV. BESOIN DE TEMPS POUR EXPÉRIMENTER ET TIRER LES BONNES CONCLUSIONS

La question centrale actuelle est évidemment: de combien de temps disposons nous? Si le temps ne nous est pas compté, il est certainement sage d'observer et d'attendre les résultats des travaux en cours. Mais l'observation fine et permettant réellement de tirer des conclusions risque de durer plus de dix ans. Et certaines situations réclament probablement des interventions plus rapidement que cela.

D. LA QUESTION CENTRALE DES INDICATEURS DE PERFORMANCE DES PROGRAMMES ET PROJETS

I. POURQUOI DES INDICATEURS?

Ils sont indispensables pour connaître les effets réels des politiques, programmes et projets mis en oeuvre dans ce domaine.

Comme on l'a vu sur l'exemple des Groundworks Trusts, les indicateurs sont demandés par les observateurs pour juger de la pertinence des approches et de l'efficacité des ressources mobilisées.

II. QUELS INDICATEURS

1. Un exemple simple:

Le reboisement villageois en République de Corée fait partie de ces projets pour lesquels les indicateurs de performance sont simples à construire. Fondamentalement, on a essentiellement besoin des surfaces et des stocks forestiers restants juste après l'opération, éléments dont il faut cependant continuer le suivi pour s'assurer que les plantations sont bien entretenues et ne disparaissent pas, par exemple, sous l'effet du défrichement ou d'une sur-exploitation pour le bois de feu.

Dans ce cas simple, les principaux indicateurs à suivre sont:

- surface forestière par essence et par âge des plantations,
- stock de bois sur pied,
- taille moyenne des arbres.

2. En général, des indicateurs plus complets et plus complexes

Dans le cas très intéressant des Groundwork Trusts, par contre, les indicateurs de performance sont beaucoup plus complexes à élaborer et à suivre. Ceci est le cas général pour des projets de gestion durable des ressources naturelles.

Les raisons en sont essentiellement:

- les projets se jugent non seulement par rapport à leurs réalisations immédiates, mais aussi par la mise en oeuvre de l'entretien et des frais récurrents requis,

- les effets sur le milieu sont divers et ne comprennent pas qu'une seule ressource naturelle,

- la qualification des personnes qui gèrent le projet est un facteur déterminant de son succès,

Les indicateurs à suivre pour ce type de projets sont:

- les indicateurs physiques comme ci-dessus (cas simple), par exemple surfaces remises en état, stock et qualité des ressources naturelles sur ces surfaces,

- les indicateurs financiers: recettes brutes générées par les produits et services de ces surfaces, marges financières dégagées,

- les indicateurs de qualification des groupes gérant ces surfaces: aptitudes à la gestion technique, à la gestion financière, à la gestion des ressources humaines, de ces groupes.

III. QUELLES MÉTHODES POUR SUIVRE CES INDICATEURS?

Les méthodes pour suivre les effets socio-organisationnels d'une opération de gestion durable des ressources naturelles sont dans leur essence les mêmes que pour le suivi des autres opérations. Elles peuvent être trouvées dans plusieurs documents de formation FAO cités en bibliographie, en particulier les Documents du Département Economique et Social n° 12 et 25, suivi des projets de développement agricole.

E. CONCLUSION

Tout ce qui précède était une présentation neutre et quasiment angélique de la réalité. Par delà les dysfonctionnements réglementaires et administratifs de l'ordre de la mauvaise organisation, règne un méga-phénomène à côté duquel il ne faut pas passer: la corruption généralisée. Des groupes s'y attaquent (Transparency International).

Voici un extrait de La deforestation en Afrique, de l'auteur du présent kit.

La corruption cause et effet de la crise

Il est sans doute plus que temps de mettre sur la place publique un débat qui reste actuellement confiné à quelques couloirs. La corruption est une gangrène qui a contaminé les administrations dans la plupart des pays dans le monde, mais particulièrement d'Afrique et ses Gouvernements à quelques heureuses - mais très rares - exceptions près.

Cette corruption se situe à plusieurs niveaux, mais elle est surtout pernicieuse tout en haut, là où des présidents, ministres et autres ambassadeurs utilisent leurs relations, leurs familles et des appuis extérieurs pour se bâtir des fortunes au mépris de la loi.

Même la Banque Mondiale, d'ordinaire très réservée en ce qui concerne la corruption, a consacré un encadré de son Rapport sur le développement dans le Monde 1983 à ce sujet, pour déplorer, en plus des aspects immoraux de ces pratiques, leurs impacts antiéconomiques. Les principales pièces du procès contre la corruption dans cet ouvrage sont

- au fur et à mesure que la corruption s'étend, les gouvernés tendent à perdre confiance dans leurs gouvernants et dans leurs capacités à gérer le pays,

- la recherche d'avantages personnels devient souvent une préoccupation obsessionnelle, dévorant le temps de l'individu concerné,

- la corruption est un phénomène auto-entretenu, enrichissant ceux qui ont déjà le pouvoir et l'argent,

- certaines corruptions se passent à une telle échelle qu'elles ont des effets économiques majeurs: exportation illégale de capitaux, choix biaisé des entrepreneurs, etc..

Il faudra ajouter à cette dernière liste:

- des commandes et contrats surdimensionnés,
- une absence de sanctions à l'envers des responsables d'échecs ou de mauvaises performances,

Les sommes détournées par les fonctionnaires et politiciens locaux corrompus n'ont même pas d'effet diffus sur l'économie nationale, car la plupart du temps les sommes en question sont réinvesties à l'étranger, par exemple sous la forme d'appartements Avenue Foch à Paris.

Ces pratiques sont méprisables, devraient être repérées et punies sévèrement. Elles créent de plus des effets d'entraînement. L'ingénieur malgache, payé officiellement l'équivalent de 500 Francs Français par mois après avoir fait des études à Bac + 4, peut-il raisonnablement résister à l'appel des sirènes quand il sait que son ministre touche?

Mais il n'y a pas de corrompu sans corrupteur, et la répression de la corruption devrait se faire dans le pays d'origine comme dans le pays de destination. Selon des renseignements verbaux, la France et plusieurs autres pays occidentaux n'auraient pas de législation anti-corruption, au contraire des Etats-Unis. Il est plus que temps de remédier à ce manque.

La relation entre la corruption et la deforestation est souvent directe, parfois indirecte:

- les sommes détournées sont inutilisables pour ceux et celles qui en ont réellement besoin,

- certains enrichis veulent souvent faire fructifier leur magot en créant des plantations agricoles, parfois au détriment des forêts avoisinantes,

- des fonctionnaires chargés de la protection de l'environnement sont parfois pris à trafiquer sur les animaux et plantes qu'ils sont censés protéger, ainsi ce fonctionnaire malgache des Eaux et Forêts qui proposait à un fonctionnaire de la Banque Mondiale, dans les couloirs d'un hôtel abritant une conférence sur l'environnement, la vente d'un lémurien protégé!

D'une manière plus générale, l'ambiance créée par la corruption démobilise des énergies qui se concentreraient volontiers sur des tâches socialement utiles comme la lutte contre la deforestation au bénéfice d'activités lucrative? à court terme, mais socialement peu utiles, voire nuisibles.

Passer à la phase d'utilisation des connaissances acquises

Phase de synthèse

Ceci est la fin de la partie approche socio-organisationnelle. Elle a permis de mettre en relief plusieurs conditions incontournables d'efficacité des démarches mises en oeuvre. Si ces conditions socio-institutionnelles ne sont remplies, il est inutile d'aller plus loin. On ne peut pas faire de gestion durable des ressources naturelles dans une organisation sociale inadaptée. Ceci s'est maintes fois vérifié dans le passé, et continue à se vérifier actuellement (cas extrême, situations de guerres et autres conflits armés, cas moyen accaparement de la gestion des ressources naturelles par des organismes sectoriels).

Si l'on connaît bien les caractéristiques de l'environnement et ses fragilités (module 4), ainsi que les conditions socio-institutionnelles à réaliser pour mieux gérer les ressources naturelles, il faut encore faire les bons choix technologiques et à mesurer l'efficacité économique des actions et politiques à mettre en oeuvre. Ceci est l'objet des deux modules suivants.


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