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Module 6: La dimension technologique du développement durable (1 journée)


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- comprendre que le choix technologique existe et qu'il n'y a pas de fatalité
- comprendre que toutes les technologies ne sont pas égales devant la durabilité
- comprendre que les choix technologiques sont le plus souvent multi-critères
- maîtriser certains critères de choix technologiques cohérents avec les objectifs de développement durable.

Passer à la phase d'observation

Phase d'apprentissage


A. La notion de technologie appropriée
B. Les applications des technologies appropriées par secteur: quelques exemples
C. Les modes d'appropriation des technologies par les utilisateurs
D. Les effets macro-socio-économiques des technologies


Les technologies appropriées

A. La notion de technologie appropriée

Une technologie, c'est un moyen de transformer des ressources, naturelles ou non, en un produit ou un service utilisable par un consommateur final ou de manière intermédiaire dans un processus de production.

Par exemple, pour le besoin d'alimentation, on peut envisager divers régimes alimentaires, mais aussi diverses manières de cuire les aliments, l'heure du jour,.....

Il est possible de retenir une bonne ou une mauvaise technologie. On connaît les exemples classiques des chasse-neige livrés par les Soviétiques dans les années 60 en Guinée. En général, les mauvais choix technologiques sont moins visibles, mais peuvent être tout aussi néfastes dans le long terme. Ces choix technologiques influent directement sur la durabilité des projets, comme on va le voir dans la suite.

I. LE CHOIX TECHNOLOGIQUE: ILLUSION OU RÉALITÉ?

Des débats importants ont agité et continuent d'agiter les Tiers Mondistes. En résumé: existe-t-il des technologies adaptées à chaque situation, ou bien les seules bonnes technologies sont elles celles adoptées par les sociétés les plus riches, les sociétés pauvres devant dans ce schéma, imiter les technologies de pointe aussi vite que possible.

La seconde solution est ce que l'on appelle le biais mimétique On cherche simplement à imiter les meilleures technologies disponibles sur le marché.

Nous allons au contraire essayer de montrer que le choix d'une technologie dépend, à tout moment, des objectifs recherchés, de l'état de l'économie et des ressources humaines et naturelles disponibles.

1. Une absence de choix technologique est un choix

Il faut toujours mettre en oeuvre des moyens pour assurer la satisfaction des besoins, fondamentaux ou pas, d'une population. Depuis la disparition de l'économie de cueillette (où, progressivement, des outils avaient d'ailleurs été introduits), les humains ont besoin d'outils, de matériels, d'équipements, pour produire les aliments, vêtements et autres objets et services demandés.

Le choix de ces outils, matériels, équipements,...., donc d'une technologie, a des implications directes sur le mode de fonctionnement d'une société à tous ses niveaux. Ainsi, le choix Français du tout nucléaire pour la production d'électricité, au nom de la sacro-sainte rentabilité financière a une série d'impacts négatifs:

- extrême vulnérabilité du système de production électrique, par rapport à l'approvisionnement en uranium comme par rapport à une agression externe/interne sur une centrale,

- abondance des déchets nucléaires, actuellement, face cachée et honteuse de cette industrie,

- confiscation de la quasi-totalité des crédits de recherche énergétique au profit de cette filière, entraînant ainsi de facto la fin de la recherche sur d'autres formes/sources énergétiques (énergies renouvelables, en particulier), frais de recherche dans le nucléaire qui ne sont d'ailleurs pas comptabilisés dans le prix de revient de l'électricité produite,

- nécessité de détruire des centrales en fin de cycle,

- enfin, risque de faible probabilité, mais intrinsèquement grave pour les populations environnantes. Par exemple, certaines assurances vie (dans les parties des contrats écrites en petites lettres) ne garantissent pas contre ces risques.

Il faut donc à tout moment choisir l'une ou l'autre des manières disponibles pour produire les biens et les services requis pour une société donnée.

Une absence de choix technologique ne reflète en fait qu'un choix subi. Dire, par exemple, qu'il n'existe qu'une manière de produire l'électricité revient à simplement entériner des choix antérieurs, ou encore, à refuser l'éventualité d'un autre choix.

2. Les contraintes des choix technologiques

Dire que toute société, à tout moment, a devant elle une panoplie de choix technologiques parfaitement ouvert serait par contre une supercherie.

Il existe au contraire de nombreuses contraintes dans ce domaine, la moindre n'étant pas la contrainte financière. Pourtant, on trouve, en même temps qu'une grande pauvreté globale, des initiatives qui se prennent dans les choix technologiques.

Un mauvais exemple est celui de Madagascar dans le milieu des années 80, dépensant, dans son Institut Malgache d'Innovations, des sommes considérables pour mettre au point un modèle de voiture malgache! Modèle, comme on le devine, vendu par la suite à quelques exemplaires à des clientèles captives.

De bons exemples d'innovations sous fortes contraintes financières sont, par contre, la mise au point de foyers domestiques améliorés ou de modèles d'agro-foresterie dans plusieurs pays Africains. Nous y reviendrons.

3. La contrainte extérieure dans les choix technologiques

Dans beaucoup de pays occidentaux actuellement, on trouve une autre contrainte dans les choix technologiques: par exemple, l'invasion par les produits électroniques japonais est facilitée par les forts investissements initiaux faits par le Japon dans ce domaine, ainsi que par le matraquage publicitaire fait sur ces produits dans les pays consommateurs. Malgré un fort protectionnisme occidental (plus sensible encore dans le domaine de l'automobile), plusieurs objets électroniques sont devenus, de fait, l'exclusivité de pays Asiatiques, Japon et Corée en particulier.

II. QUELLES SONT LES GRANDES CATÉGORIES DE CHOIX TECHNOLOGIQUES?

On peut en citer deux parmi les plus importantes:

- production décentralisée/production centralisée
- technologies hommes/technologies femmes

1. Production décentralisée/production centralisée

On retrouve cette problématique dans plusieurs secteurs, mais, en particulier:

- l'industrie, y compris agro-alimentaire,
- la production électrique,
- les réseaux d'irrigation.

Serge MICHAILOF s'est penché sur le cas de l'industrie sucrière. D'une longue étude, reprise dans son livre «Les apprentis sorciers du développement» (voir bibliographie conseillée pour le présent module), on peut faire le résumé suivant:

Beaucoup d'autres technologies offrent ainsi des possibilités alternatives entre petite et grande échelles. Très souvent, cependant, on dispose de très peu de données quantifiées sur les unités à petite échelle, ce qui en conséquence interdit les comparaisons sur une base réellement scientifique.

SMALL contre LARGE dans l'industrie sucrière Indienne?

Trois technologies sucrières co-existent en Inde: un artisanat rudimentaire, une technologie semi-industrielle, la technologie conventionnelle.

La fabrication artisanale d'un sucre grossier, le Gur, remonterait à Alexandre le Grand. Elle ne s'est que peu modernisée depuis et reste une activité très importante, mais ne satisfaisant pas les consommateurs urbains aisés.

La fabrication conventionnelle du sucre dans de grandes usines diffère peu des modèles des autres pays producteurs. En Inde, à la fin des années 70, cette production représentait plus de la moitié de la production sucrière du pays, donnait du travail à 20 Millions d'agriculteurs directement ou indirectement, et employait environ 200.000 salariés.

Une activité intermédiaire, la Khandsari, comptait plusieurs milliers d'unités sur l'ensemble du territoire, produisant un sucre dans la même gamme de qualité que les usines conventionnelles, mais avec des unités de production beaucoup plus petites et avec des investissements proportionnellement réduits.

Une rapide comparaison sucreries conventionnelles-Khandsari donnait les comparaisons suivantes:


Usine conventionnelle

Khandsari

Investissement moyen (M Rs)

50

2

Capacité de broyage (t/j)

1.250

150

Taux d'extraction

11%

7,5%

Par ailleurs, les Khandsari emploient, à production égale, beaucoup plus de salariés qu'une usine conventionnelle, et ont également une forte rentabilité financière grâce à une excellente protection tarifaire.

L'auteur conclut de son analyse qu'il serait vain et néfaste d'opposer les deux (en fait, les trois) technologies dans un marché aussi vaste et hétérogène que le marché Indien, et qu'il vaut mieux chercher des stratégies maximisant la coopération entre ces trois technologies pour un développement global harmonieux.

Dans une autre analyse plus générale signée de V.V. BHATT, fonctionnaire de la Banque Mondiale, l'auteur oppose les conceptions technologiques de GANDHI, fondées sur la petite échelle et la répartition des activités dans tout le pays, y compris les zones rurales, aux conceptions de NEHRU, fondées sur les grandes industries intensives en capital. L'auteur montre comment les conceptions de NEHRU, soutenues par la puissance Soviétique à l'époque, ont marqué le mode de développement économique de l'Inde depuis son indépendance (1946). On atteint sans doute actuellement les limites de ce modèle (grande efficacité économique du modèle Indien, mais des limites globales qui sont pratiquement atteintes à la fin du 20ème siècle, un aménagement du territoire très déséquilibré, et une pauvreté - en particulier urbaine - difficilement soutenable).

2. Technologies hommes/femmes

On a vu plus haut (module 4) l'importance de la femme dans le développement durable. Les hommes et les femmes ne font pas les mêmes choix technologiques, puisqu'ils ont des objectifs et des contraintes souvent divergents.

Ceci a été démontré, par exemple, sur le cas du choix des arbres pour des communautés rurales.

Les intérêts divergents des hommes et des femmes pour les arbres et produits associés


Femmes

Hommes

Produits primaires des arbres

Collecte journalière de bois de feu autour de l'habitation. Souci de la disponibilité des espèces favorites. Intérêt pour du bois de service à usage local.

Intérêt pour le bois d'oeuvre et le bois de service comme sources de revenus et pour les usages locaux. Intérêt pour le bois de feu seulement comme source de revenus.

Produits secondaires des arbres

Implication importante dans la collecte d'aliments humains et la disponibilité de fourrages pour les petits animaux dans la proximité du foyer. Dans certaines zones où le bétail est gardé dans la concession, les femmes sont responsables de la collecte de fourrages.

Les gardiens de troupeaux sont aptes à être impliqués dans le pâturage de gros animaux, mais sans se limiter à la proximité du foyer. Peu d'intérêt dans la cueillette d'aliments sauvages à partir de la. végétation naturelle.

Produits tertiaires des arbres

Cueillent de nombreux produits requis pour le foyer, à des fins de troc ou de vente. L'emploi et les revenus monétaires des femmes peuvent dépendre de l'accès aux produits tertiaires des arbres.

Certains hommes fabriquent des médicaments, en particulier les bergers pour leur troupeau. Les hommes peuvent utiliser les produits tertiaires, mais ils en utilisent souvent moins et ce ne sont pas du tout les mêmes que les femmes.

Sols

L'utilisation en est limitée aux abords immédiats de la maison. Un intérêt particulier pour les qualités de sols pour le maraîchage et les cultures vivrières.

Des choix plus étendus pour l'agriculture, les hommes étant plus mobiles et ayant un meilleur accès aux engrais. L'intérêt se concentre généralement sur les meilleurs sols, utilisés pour les cultures de rente.

Eau

Généralement responsables de la localisation et du transport de l'eau domestique. Souvent aussi responsables de la livraison d'eau pour les projets introduits de l'extérieur (aviculture, jeunes arbres,...). Un souci généralisé pour la percolation de l'eau dans les potagers et les cultures vivrières.

Les éleveurs conduisent généralement leurs troupeaux à des sources et peuvent donc avoir un intérêt particulier pour le pompage de l'eau plus que pour la livraison ou pour une disponibilité de l'eau à proximité des maisons. Egalement soucieux de la percolation de l'eau dans les champs.

Traduit par l'auteur de M. Hoskins: Rural women, forest outputs and forestry projects. Draft. FAO 1983

On comprend, à la lecture de ce tableau, que les hommes et les femmes auront des intérêts divergents en matière de technologies dans les domaines couverts ci-dessus.

III. QUI FAIT LES CHOIX ET LES MISES AU POINT TECHNOLOGIQUES?

1. Les responsables administratifs des choix technologiques

Les Etats-Unis ont pris la technologie tellement au sérieux qu'ils ont créé le Bureau des Evaluations Technologiques (Office of Technology Assessment), organisme stratégique qui produit des études exhaustives et extrêmement documentées sur toutes les technologies de quelque importance intéressant le pays.

Dans les autres pays, en particulier les pays pauvres, le choix technologique est plus souvent subi qu'effectué. Dans les pays recevant une assistance technique et financière importante, la technologie est souvent dictée par le partenaire financier ou technique étranger.

En pratique, ce sont souvent les instituts de recherche (recherche agronomique ou recherche forestière) qui font les choix technologiques nationaux, souvent battus en brèche localement, soit par les encadrements administratifs, soit par les utilisateurs.

2. Les choix des consommateurs/utilisateurs

C'est en effet le choix ultime des utilisateurs qui compte. Toute technologie ne vaut que si elle est utilisée. Ce qui devrait être une évidence n'est pas souvent respecté dans le concret.

On peut ainsi mettre en exergue l'échec notoire - jusqu'à présent - des technologies d'énergies renouvelables (solaire, éolien) en France et dans la plupart des pays Africains. Partant dans des conditions difficiles, torpillées par les unes (grosses sociétés exploitant les énergies conventionnelles), boudées par les autres (consommateurs habitués au presse-bouton), les technologies d'utilisation d'énergies renouvelables, complexes (car adaptées à chaque site) et chères à l'investissement (la poule et l'oeuf) ne se sont pas développées jusqu'à présent dans ces pays.

Toutefois, on dispose désormais de moyens de mieux connaître les desiderata des consommateurs grâce à des mécanismes de feed-back social comme les associations de consommateurs, s'exprimant au travers de leurs organes de presse (en France, par exemple, Que Choisir, publié par l'Union Nationale des Consommateurs). Dans les récents changements technologiques fortement induits par les consommateurs et pour des raisons environnementales, on peut citer les lessives sans phosphates et les pulvérisateurs sans aérosols.

3. Des méthodes pour mettre au point des technologies appropriées par les agriculteurs/utilisateurs

On peut aller beaucoup plus, ce que font ou tentent de faire des ONG, en aidant les utilisateurs eux-mêmes à mettre au point leurs technologies.

C'est par exemple la «Recherche-Développement participative» décrite par le Centre d'Investissement de la FAO (voir bibliographie spécifique au présent module). Cette approche a été définie par Ashby et Sperling en 1992 comme étant:

- déterminée par la clientèle (client-driven): ce qui signifie que les futurs clients sont directement impliqués dans la prise de décision,

- une mise au point technologique décentralisée,

- entre les mains de celles et ceux qui mènent la recherche, quels qu'ils soient.

Dans la pratique, cette approche a été utilisée dans plusieurs pays Africains, Asiatiques et Américains. Des modifications ont été apportées par les agriculteurs grâce à cette Recherche-Développement, comme on peut le voir sur les deux exemples suivants:

Cas

Identification et modification de priorités

Modifications de la technologie par les agriculteurs

Rwanda

Intérêt initial de la recherche sur la fertilité et le contrôle sanitaire: les haricots grimpants s'étaient bien comportés dans les essais variétaux et ont attiré l'attention des agriculteurs. Un intérêt particulier a été apporté aux matériaux permettant de surélever les plantes dans une optique d'agro-foresterie.

Les agriculteurs ont choisi les variétés non seulement sur la base des rendements, mais aussi pour les qualités culinaire du grain et la palatabilité des feuilles. Des essais au champ ont été menés sur diverses cultures associées aux haricots grimpants, notamment la patate douce et les bananes. Les agriculteurs ont refusé la culture des haricots grimpants en culture pure.

Ghana

Les meilleures variétés de maïs ont été identifiées rapidement. L'accent a été mis sur la mise au point de recommandations pratiques pour les semis et la fertilisation, la recherche sur le contrôle des adventices a été retardée, les recommandations de fertilisation ont été ajustées en fonction des évolutions de prix.

La mise en place de supports ligneux a été trouvée plus pratique que les cordes pour les semis en ligne. L'efficacité de l'apport de fertilisants de base après la germination, traditionnelle chez les agriculteurs, a été confirmée au cours des essais.

IV. QUELS SONT LES CRITÈRES DE CHOIX TECHNOLOGIQUES?

1. La théorie

Dans la mise en oeuvre d'une technologie, on utilise donc des inputs pour les transformer en outputs avec plus ou moins d'efficacité pour un service rendu donné.

Dans ces conditions, une technologie peut être plus ou moins efficace et pertinente par rapport à un objectif donné. Cette efficacité se mesure à l'aide de plusieurs critères.

Les principaux critères de jugement d'une technologie, jusqu'à une époque récente, étaient essentiellement économiques et financiers: une technologie était intéressante si elle était rentable sur les plans micro- (surtout) et macro-économique. De plus en plus, les prises de conscience dans les pays riches (voire moins riches: accidents types Bhopal) ont fait prendre en compte d'autres critères de choix, en particulier relatifs à la sécurité et aux risques environnementaux.

Ces choix seraient relativement simples si les critères allaient tous dans le même sens, c'est à dire si les projets les plus rentables avaient l'impact sur l'environnement le plus faible. Cela n'est que rarement le cas, ce qui a rendu évidemment les choix technologiques beaucoup plus complexes.,

Les choix technologiques incluent donc désormais des critères environnementaux à deux niveaux au moins:

- consommation de ressources non renouvelable,
- pollution générée sur le milieu.

Des méthodes formalisées de choix multi-critères existent et sont parfois utilisées dans le monde réel. Toutefois, le plus souvent, ces choix sont synthétisés par des groupes humains ayant des intérêts divers, le choix résultant étant la simple expression du rapport de force et de l'état de la négociation entre ces groupes.

Ces choix multi-acteurs font également l'objet de recherches intensives en sciences humaines, et les éléments les plus importants de ces recherches seront repris dans le module 8 sur l'intégration des approches.

Enfin, il faut souligner le rôle fondamental de la formation et de l'éducation dans la maîtrise technologique

Voici deux illustrations (un exemple et un exercice) de ces choix technologiques multi-critères.

2. Exemple: le choix des espèces arboricoles

John B. RAINTREE, dans «Socioeconomic attributes of trees and tree planting practices» (voir bibliographie spécifique au présent module), dresse un panorama des technologies arboricoles à conseiller aux producteurs en fonction de l'état de leurs différentes contraintes sur la terre, le capital et le travail, et des objectifs de leurs interventions.

Contraintes

Utilisateurs

Objectif

Rôles des arbres

Stratégie économique

Technologie

CAP.

TERRE

TRAV



+

Tous agriculteurs avec terres

Production fondée sur le capital

Arbres comme éléments d'actif

Formation de capital, substitution de travail

Cultures d'arbres

+



Tous agriculteurs avec terres

Production soutenue

Substitution pour intrants achetés

Utilisation d'intrants biologiques

Agroforesterie par interplantation



+

Gros agriculteurs

Revenus (surplus)

Production à faible intensité de main d'oeuvre

Production à accroître

Agriculture intensive, plantations individuelles

+


+

Gros agriculteurs

Revenus (surplus)

Peu d'intrants, peu de main d'oeuvre

Production extensive à développer

Plantations, etc...

+

+


Petits agriculteurs

Survie plus revenus

Maintenir, diversifier et accroître la production

Intensification

Divers Agro-foresterie Plantations, etc..

+

++


Agriculteur s marginaux

Survie, sécurité

Accroître et diversifier la production

Intensification

Potagers et jardins diversifies

+

++

+

Agriculteurs marginaux

Revenus de propriétaires absents

Peu d'intrants, peu de main d'oeuvre

Emploi non agricole

Plantations, etc...

+



Sans terre (potagers seulement)

Survie, sécurité

Accroître et diversifier la production

Hyper-intensification

Jardins et potagers intensifies

+

+++


Sans terre (potager)

Revenus (survie)

Matériaux bruts pour artisanat

Artisanat intensif

Potagers et jardins spécialisés

CAP.: Capital, TRAV: Travail. Les + indiquent les facteurs rares et le degré de rareté avec +++ = très grave

3. Exercice

On va montrer ci-après les possibilités de choix de dose d'engrais sur une culture vivrière, en rupture avec la vieille théorie de l'optimisation des facteurs de production.

Choix d'une dose d'engrais en agriculture et impacts sur l'environnement et l'économie d'une exploitation agricole (à l'aide de la feuille de calcul module 60.WK3)

Données: culture de nul en Afrique de l'Ouest courbe de réponse à l'urée déterminée en station de recherche systèmes de prix initiaux:

- Mil 0,60 FF/kg
- Azote (dans l'urée): 1 FF/kg.

La technologie de production du mil peut se définir en particulier par le niveau d'intensification, dans lequel la dose d'engrais joue un rôle important. Traditionnellement, les efforts des agronomes ont porté sur l'accroissement de ces doses d'engrais pour la recherche, à la fois, de la maximisation de la production et du revenu des producteurs. C'est ce que l'on appelle optimum intensif.

Or, il se trouve que, d'une part, les agriculteurs utilisent rarement les fortes doses d'engrais recommandées et que, d'autre part, on peut montrer que ce refus correspond à une attitude rationnelle. L'optimum intensif n'est intéressant que si la terre est le facteur limitant principal dans une exploitation agricole. Dans tous les autres cas, il est plus intéressant de mettre en oeuvre un optimum semi-intensif, correspondant à une utilisation intermédiaire d'engrais.

Cet optimum semi-intensif correspond à la maximisation du revenu du capital, c'est à dire à la maximisation du rapport Produit Brut sur Charges Variables, et non à la maximisation de la Marge Brute (Produit Brut moins Charges Variables), comme c'est le cas pour l'optimum intensif.

Voyons les implications sur l'exemple ci-dessus. Cet exemple est détaillé dans la feuille de calcul.

Simulation de plusieurs optimas sous divers jeux d'objectifs
maximisation de la marge brute/ha:
maximisation du revenu du capital:

Impacts sur l'exploitation agricole:

Revenu: l'optimum semi-intensif peut correspondre à un revenu d'exploitation supérieur, car il permet de mettre en culture de plus grandes surfaces.

Alimentation des sols en éléments fertilisants: l'optimum semi-intensif permet un apport raisonnable d'éléments fertilisants, alors que l'optimum intensif peut correspondre à une dose trop forte dont une partie sera lessivée.

Impacts macro-économiques: ils peuvent être supérieurs par l'optimum semi-intensif aux impacts de l'optimum intensif, plus d'agriculteurs pouvant utiliser l'engrais alors que l'optimum intensif peut ne permettre que l'utilisation par un petit nombre d'agriculteurs, les autres n'en utilisant pas du tout. écologiques: les impacts écologiques doivent être évalués de manière globale. Si l'utilisation de faibles doses d'engrais peuvent conduire à moins de lessivage, elle peut aussi entraîner une extension importante des cultures et contribuer ainsi à la deforestation.

B. Les applications des technologies appropriées par secteur: quelques exemples

Ceci ne constitue qu'une liste, largement améliorable, et destinée à faire réagir les stagiaires, ainsi qu'à être continuellement améliorée au fur et à mesure de la diffusion du présent enseignement.

Dans tous les secteurs, l'éducation et la formation des personnes concernées, à tous les niveaux (de l'observation-conception à l'exécution concrète) sont des préalables absolus à l'introduction de toute technologie améliorée.

Par ailleurs, l'élévation du niveau de vie est également un moyen tout aussi préalable à tout changement technologique. Il faut un minimum de disponibilités de ressources pour pouvoir innover. Par contre, il faut également une nécessité.

I- LES TECHNOLOGIES APPROPRIEES EN DÉMOGRAPHIE

Il serait vain et malhonnête de limiter l'action de contrôle des évolutions démographiques dans les pays pauvres aux seules méthodes hard comme la vasectomie ou autres opérations irréversibles.

L'éducation et la formation des femmes sont sans doute la meilleure technologie appropriée, celle qui permet de déclencher toutes les autres.

Pour la contraception, il existe des techniques d'installation sous-cutanée assurant une stérilité réversible et sans danger pour la femme. Cette technique est en cours de développement.

Des recherches importantes sont menées dans ce domaine avec la volonté de rendre les contraceptifs plus efficaces et plus indolores.

La politique de population, c'est aussi une politique de bien-être, et de nombreuses disciplines y participent, notamment en nutrition. Dans ce domaine, les technologies appropriées incluent:

- une meilleure conservation des récoltes (jusqu'à 20% de pertes actuellement),
- des méthodes de cuisson améliorées, notamment pour les céréales,
- l'introduction de nouveaux aliments,
- la valorisation des déchets d'alimentation par compostage.

II- LES T.A. EN AGRICULTURE

Parmi les technologies ayant connu un développement significatif, on peut citer:

- la traction attelée,
- la petite motoculture,
- les cultures associées
- l'utilisation d'énergies renouvelables pour le pompage et l'exhaure de l'eau
- l'utilisation de haies et brise-vents
- la fertilisation organique par engrais verts ou épandage de fumier ou de compost,
- la lutte intégrée, ou la lutte biologique,

Un travail très important dans ce domaine a été effectué par les diverses divisions agricoles de la FAO, travaux auxquels on se reportera avec profit.

III- LES T.A. EN FORESTERIE

Ce travail peut commencer par un exercice.

Exercice: identifier des technologies appropriées dans la filière bois de feu

Lister et décrire par les stagiaires les diverses technologies disponibles pour économiser le bois dans des régions soumises à la deforestation. Classer ces technologies en fonction de leurs impacts Classer ces technologies par secteur d'intervention: est-on systématiquement dans le secteur forestier?

La production forestière dépasse largement celle du bois de feu, qui n'est normalement, pour les forestiers; qu'un sous-produit de l'exploitation forestière.

- réduction des déchets ultimes d'abattage, soit par le choix de matériel adapté, soit par fabrication de charbon de bois,

- choix des espèces arboricoles en fonction des objectifs réels des futurs bénéficiaires,

- gestion des taillis pour les arbres type eucalyptus

- gestion fine du rythme de plantation, en fonction du couvert à apporter,

- gestion de la forêt naturelle, par exemple éclaircie sélective.

IV- LES T.A. EN PRODUCTION ENERGETIQUE

Dans le domaine de la production électrique en Afrique, la première question à se poser est d'opter pour un réseau centralisé ou une série de productions décentralisées. Dans beaucoup de pays actuellement, les compagnies électriques sont largement dans le rouge, et toute alternative est intéressante à étudier, surtout lorsque les puissances demandées sont faibles (ce qui est le cas pour beaucoup de demandes électriques dans les zones rurales, demandes essentiellement destinées à l'éclairage et aux usages ludiques et de communication - radio, transistors,....).

D'une manière générale, les technologies appropriées en production énergétique concernent:

- les économies d'énergie dans leur ensemble,
- l'utilisation des énergies renouvelables, surtout à petite échelle,
- la cogénération électricité-chaleur partout où cela a un sens.

V- LES T.A. EN TRANSPORTS

Dans le domaine des transports, on a souvent mis en avant les solutions relatives aux carburants alternatifs.

Bien avant les investissements coûteux requis pour mettre au point et développer à grande échelle ces nouvelles sources d'énergie, beaucoup peut être fait pour rationaliser les transports:

- construction des grandes infrastructures de transports ferroviaires,

- promotion des transports en commun,

- promotion des transports à locomotion humaine (marche à pied, vélo),

- promotion des transports adaptés aux besoins (Zemidjan: moto-taxi au Bénin, par exemple),

- contrôle du bon réglage et du bon fonctionnement des véhicules,

- recherche-développement sur les véhicules efficaces (minimisation de la consommation unitaire),

- promotion d'une utilisation en commun des véhicules (systèmes de car pool).

La mise au point de carburants alternatifs peut être ensuite lancée, une fois que tous ces efforts ont été réalisés. Parmi les carburants les plus prometteurs:

- biogaz (mélange comprenant environ 60% de méthane),
- huiles végétales,
- alcool végétal (à partir de céréales ou de plantes spécialisées - betterave, topinambour, canne à sucre),

C. Les modes d'appropriation des technologies par les utilisateurs

I. LA RÉVOLUTION VERTE REVISITÉE

La révolution verte, qui a en particulier permis à l'Inde de nourrir plus ou moins convenablement une population atteignant près de 900 Millions de personnes à la fin du siècle, avait été largement décriée dans les milieux environnementaux par crainte d'intensification trop poussée conduisant à des surconsommations de produits fertilisants de synthèse et de phytosanitaires.

Désormais, un consensus semble cependant s'établir sur:

- l'efficacité technique et micro-économique remarquable de cette révolution verte,
- le plus apporté par cette démarche par rapport aux effets dévastateurs de la culture extensive, mieux adaptée aux moyens des petits agriculteurs, mais qui entraîne une très forte deforestation.

Restent les effets sociaux de la révolution verte, particulièrement l'extension du phénomène de paysans sans terre et la koulakisation (domination par une classe de gros propriétaires terriens), mais il faut les mettre en relation avec les famines évitées jusqu'à présent.

Les études récentes de l'IFPRI (International Food Production Research Institute) ont bien démonté ces mécanismes.

II. L'EXPLOITATION GLOBALE DE L'ÉNERGIE SOLAIRE

On est loin d'exploiter tout le potentiel d'énergie que le soleil déverse généreusement sur la planète pour les 5 Milliards d'années à venir. Un pays riche moyen utilise sous forme d'énergie fossile moins de 2% de l'énergie solaire incidente. Mais, compte tenu du rendement de la photosynthèse (quelques pourcents), l'utilisation directe de l'énergie solaire est également très faible. L'utilisation d'autres techniques d'énergie solaire (rendement des photopiles allant jusqu'à 15, voire 20%, rendement du solaire thermique basse température jusqu'à 60%) permettrait des sauts quantitatifs importants dans ce domaine.

On semble être au bord d'une révolution énergétique qui met beaucoup de temps à se déclencher. Pourtant, on voit apparaître des signes extrêmement encourageants, ainsi une récente étude au Kenya a montré que 20.000 familles environ s'étaient déjà équipées en photopiles sans aucune intervention du Gouvernement ni de bailleurs de fonds extérieurs.

III. LE RÔLE POTENTIEL DES UNIVERSITÉS/CENTRES DE RECHERCHE

Dans les pays pauvres, les grands centres d'innovation technologiques devraient être encouragés à se regrouper et à agir à diverses échelles, du centre local au centre régional (pour plusieurs pays), compte tenu du coût de la recherche tant sur le plan matériel que de matière grise.

Le réseau des universités devrait normalement largement contribuer à jouer ce rôle, comme ce fut le cas dans la plupart des pays riches.

En Afrique, un réseau pour l'enseignement environnemental a été créé (ETNET) avec l'aide du PNUE et de la Banque Mondiale. Il veut accrocher son action sur cinq universités désignées comme centres d'excellence: Egypte, Nigeria (2), Sénégal, Kenya. Il est trop tôt pour connaître les résultats de ces efforts, dans un contexte Africain de toute façon difficile en cette fin de siècle.

IV. LA RELATION INPUT-OUTPUT DANS LA RECHERCHE TECHNOLOGIQUE

En toute circonstance, il faudra se souvenir du lien étroit entre moyens mis à disposition et résultats de recherche. Le temps de la découverte livrée aux inspirations subites et géniales de savants fous est bien révolu et, plus encore que dans beaucoup de secteurs d'activités, la production de la recherche est strictement fonction de (sinon proportionnelle à) la quantité de moyens matériels mis à disposition des chercheurs. Ceci explique à quel point les pays pauvres peuvent accumuler du retard dans ce domaine.

D. Les effets macro-socio-économiques des technologies

I. OBSERVATION PAR LES STAGIAIRES:

Quelles sont les limites (effets pervers) d'une technologie prise isolément? Chercher un exemple de technologies propres produisant des effets sales par leur développement. Expliquer et commenter les mécanismes de cette contradiction.

II. VOICI UNE GRILLE DE CLASSEMENT POSSIBLE DE CES INTERRELATIONS.

Echelles/effets

Macro-négatif

Macro-positif

Micro-négatif

I

II

Micro-positif

III

IV

Exemples de:

I (-/-): toutes technologies destructives (armes chimiques)

II (-/+) intensification agricole, qui, comparativement, peut causer des dégâts locaux (pollution des eaux), mais limiter les risques de deforestation que crée l'agriculture itinérante (slash and burn).

III (+/-): foyers améliorés à charbon de bois, s'ils poussent les utilisateurs à passer du bois au charbon de bois; voitures économes en énergie, mais dont la prolifération génère des problèmes globaux (embouteillages, émissions globales plus fortes à cause de plus de véhicules, malgré consommations/émissions unitaires plus faibles),

IV (+/+): foyers améliorés à bois

III. COMMENT FACILITER AU NIVEAU CENTRAL L'ÉCLOSION ET LE DÉVELOPPEMENT DE TECHNOLOGIES APPROPRIÉES?

Au niveau d'un Gouvernement Central, l'éclosion et le développement de technologies appropriées ne peut se faire par le seul secteur public. Les facteurs fondamentaux pour cette éclosion sont:

- la maîtrise de l'information nationale et internationale,
- la formation à tous les niveaux,
- la coordination du travail des ONG, du secteur privé et du secteur public,
- la veille technologique sur les nouvelles tendances des marchés,
- la relation permanente avec les bailleurs de fonds.

Des structures permettant l'éclosion et le développement de technologies appropriées sont typiquement des organismes tri-partites du type de ceux décrits dans le module 4 précédent (au Royaume Uni, les Groundwork Trusts).

Passer à la phase d'utilisation des connaissances acquises

Phase de synthèse

La prise en compte de la dimension technologique requiert une excellente vision du fonctionnement réel de la prise de décision et de l'état d'une société à un moment donné.

Encore une fois, certaines sociétés, à un moment donné, pour une application donnée, ne sont pas en mesure d'innover technologiquement, et des contraintes doivent être levées afin de permettre cette innovation.

Par contre, dans beaucoup de sociétés, il est possible de trouver des modèles technologiques adaptés. Ce sera souvent, comme dans le cas de l'industrie sucrière en Inde, une combinaison de solutions complémentaires plutôt qu'une solution unique, très vulnérable en pratique.

L'évaluation économique était présente en filigranne dans ce module. Prenons le problème économique à bras le corps dans le module suivant.


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