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L'expérience malienne en matière de radio rurale

Par Moussa Keita - Secrétaire Général de l'Union des Radios et Télés Libres (URTEL) du Mali

Résumé de la communication

Le paysage médiatique malien a été, au cours des dix dernières années, le laboratoire privilégié du pluralisme radiophonique et des avancées les plus audacieuses en matière de libertés de presse.

Ce riche paysage audiovisuel est néanmoins atypique puisque la mise en ondes des radios a précédé les textes législatifs et réglementaires. En effet, la première radio indépendante de la chaîne publique - la Radio Rurale de Kayes - a été créée le 1er août 1988 sur dérogation présidentielle et les premières radios libres d'après révolution de mars 1991 sont opérationnelles depuis fin 1991, alors que l'Ordonnance de libéralisation de l'espace audiovisuel date seulement de janvier 1992.

Cette libéralisation a permis, en moins de dix ans, l'installation de plus de cent stations de radios locales privées de proximité. Aujourd'hui encore au moins deux nouvelles stations naissent chaque mois au Mali.

L'enjeu de la démocratie à la base, la DECENTRALISATION ouvre de nouvelles perpectives. Le paysage radiophonique évolue vers un nouvel accroissement significatif du nombre de radios locales de proximité.

L'implantation massive des stations de proximité et l'utilisation abondante des langues nationales sur les antennes dans une culture de l'oralité comme celle du Mali donnent à la radio un rôle de tout premier plan en terme de mobilisation sociale, et engendrent une impressionnante adhésion des populations rurales analphabètes à plus de 75%.

L'article de Moussa Keita se poursuit avec la description du paysage radiophonique au Mali, soulignant les particularités de la radio rurale, mais aussi ses perspectives d'avenir.

Il y est notamment question de l'Union des Radios et Télés Libres (URTEL), organe fondamental dans ce paysage radiophonique, puisque cent quatre radios y étaient affiliées au 31 décembre 2000, dont cinquante radios rurales. Les efforts de l'URTEL en matière de formation ainsi que les contraintes rencontrées sont décrites.

L'expérience malienne en matière de radio rurale

La première radio indépendante de la chaîne publique a été la Radio Rurale de Kayes, créée le 1er août 1988 pour maintenir le contact avec la région. Elaborée avec les Italiens, cette première radio rurale fut créée par autorisation présidentielle. Mais la libéralisation de l'espace audiovisuel n'intervint que le 18 janvier 1992, par Ordonnance. Les premières radios libres d'après la révolution de mars 1991 étaient opérationnelles depuis octobre et décembre 1991. Cette libéralisation a permis en moins de dix ans, l'installation de plus de cent stations de radios locales privées de proximité. Aujourd'hui encore, au moins deux nouvelles stations naissent chaque mois au Mali.

L'implantation massive des stations de proximité, l'utilisation abondante des langues nationales sur les antennes dans une culture de l'oralité comme celle du Mali ont installé la radio dans un rôle de premier plan dans la mobilisation sociale et ont engendré une impressionnante adhésion des populations rurales analphabètes à plus de 75%. Au Mali, les radios rurales peuvent s'appeler ainsi seulement quand les populations les reconnaissent comme telles et investissent des fonds locaux pour assurer la mise en œuvre de la radio et des infrastructures nécessaires à son bon fonctionnement. Le partenaire technique fournit les équipements tandis que l'Etat prend en charge les besoins de formation. Ce sont tous ces éléments qui en font une radio rurale. L'Assemblée représente tout le village. Sont élus par la communauté un Comité de gestion et un Comité de programmes. Enfin, un directeur est désigné. Tous ces éléments en font une radio locale dans un environnement rural.

Le président de séance a parlé tout à l'heure de DÉCENTRALISATION. L'enjeu de la démocratie à la base ouvre de nouvelles perspectives, et nous voyons une évolution dans le grand nombre de radios locales qui est passé de 18 à plus de 100 aujourd'hui.

Les radios rurales prennent une part de plus en plus importante du faible marché publicitaire malien et posent de sérieux problèmes de survie aux stations commerciales implantées en milieu rural.

Sur les cent quatre radios affiliées à 1'URTEL au 31 décembre 2000, quarante huit pour cent sont des radios rurales dont quatre financées par 1'ACCT, et quatre financées par la FAO. Toutes les autres ont été entièrement financées par les communautés elles-mêmes et généralement sur les fonds de la Taxe de Développement Local et/ou avec l'appui de certaines ONG.

Les campagnes d'éducation, d'informations sanitaires et agricoles des ONG, des projets de développement, des institutions et autres associations passent prioritairement par les radios de proximité où le don des animateurs et animatrices joue un rôle prépondérant surtout, dans la mobilisation sociale.

La majorité des demandes d'installation de nouvelles stations provient des zones rurales pour lesquelles la radio constitue un véritable instrument de désenclavement dans la vaste entité territoriale malienne. Malgré le très fort développement des radios rurales au Mali ces dernières années, il y a encore beaucoup de travail à faire, étant donné la taille du pays.

Il existe aussi des limites et ses carences.

Mentionnons notamment le manque évident de professionnalisme des animateurs recrutés sur le tas car, jusqu'à la fin des années 1990, le Mali ne disposait ni d'université ni d'institut de formation en communication. Ces animateurs de radio rurale, de niveau d'instruction générale faible dans l'ensemble, n'en sont pas moins de remarquables communicateurs qui deviennent de véritables vedettes parce qu'ils incarnent et reflètent bien les préoccupations de leur milieu social.

La vétusté et obsolescence de l'équipement technique constituent un second obstacle pour bon nombre de ces radios qui n'ont pas les moyens financiers de remplacer des appareils, voire même une réelle menace à leur existence.

En outre, de graves problèmes de rentabilité apparaissent dans la gestion des radios qui touchent leur pérennité. La concentration du marché des annonceurs, le manque de professionnalisme des animateurs de radios et la médiocrité des émissions produites sont les principales causes de la précarité économique dans laquelle vivent la plupart des radios rurales maliennes.

Le besoin de formation des agents des radios rurales a été identifié et planifié par l'Union des Radios et Télés Libres (U.R.TE.L) du Mali qui, de 1995 à ce jour, a initié plus d'une centaine d'ateliers et de séminaires ayant touché plus de deux cents agents à travers tout le pays. L'URTEL a formé sans jamais atteindre le but final : professionnaliser.

Au sein de la masse du personnel à former, on relève une trop grande disparité des niveaux qui constitue une difficulté supplémentaire à la constitution de groupes homogènes pour les formations.

Le débauchage des animateurs formés que mènent les ONG a décimé le groupe formé dans la période 1995-1999. 78% ont quitté les radios dont 88,7% de femmes. Ce qui signifie que la plupart des animatrices ayant été formées sont parties.

La majorité des formations se concentrait sur les objectifs stratégiques définis par les partenaires techniques et financiers qui les ont financées. Du coup, aucune solution spécifique adaptée à la formation professionnelle des nombreux agents s'exprimant exclusivement en langues nationales n'a été élaborée. Les parlers locaux sont très importants au Mali et dominent les grilles des programmes. Nous avons soulevé la question de la formation du personnel local lors de la Conférence Pan Africaine de Dakar.

Ce tableau sombre ouvre néanmoins des perspectives pour la survie et la pérennité de la radio rurale au Mali.

Grâce à l'aide de nos partenaires, de nombreuses radios locales situées dans la région de Tombouctou ou au Sud du Mali sont maintenant reliées à l'Internet. Si nous sommes en mesure de leur offrir des contenus et des ressources, une question se pose : qui fournira les services maintenance nécessaires à ces radios ? Je pense que notre Atelier devrait se pencher sur cette question.

Les masses rurales se reconnaissent dans ces radios et se les ont appropriées. L'URTEL a créé avec au moins une vingtaine de partenaires techniques et financiers un cadre de concertation et d'appui, dont est membre la FAO.

La radio locale de proximité a relevé le défi linguistique et lever des barrières culturelles et religieuses, sur les droits du couple, les relations femme-enfant, l'excision, la scolarisation des filles, le paludisme, les MST, le SIDA, la sexualité, etc.

Nous aimons à dire dans un slogan que l'Office de Radiodiffusion Télévision du Mal (ORTM) est la Voix du Mali et les radios de proximité la Voix des Maliens.

 

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