Page PrécédenteTable des matièresPage Suivante


L'UNESCO et les centres communautaires multimédia - Intégrer les technologies modernes et traditionnelles de l'information et de la communication, pour renforcer la communauté

Un programme pour combler le fossé numérique parmi les communautés les plus démunies du monde en développement

Par Stella Hughes - Spécialiste principale de programme à l'UNESCO, Paris

Biographie

Stella Hughes a été journaliste à Radio France International de 1981 à 1997. En tant que consultante, elle a participé à la création des premières stations de radio communautaire à Soweto et dans d'autres villes d'Afrique du Sud. Pendant plusieurs années, Stella Hughes a également été correspondante à Paris de la revue «New Scientist » et du supplément du « Times Higher Education ». Stella Hughes a travaillé aux côtés du Directeur général de l'UNESCO à partir de 1997. Depuis peu, elle a rejoint le service Communication où elle coordonne le nouveau programme qui vise à intégrer les technologies de l'information et de la communication nouvelles et traditionnelles.

Résumé de la communication

Le nouveau programme de l'UNESCO sur les centres communautaires multimédia  entend résorber le problème du fossé numérique, qui existe dans les communautés les plus pauvres des pays en développement.

Les centres communautaires multimédia offrent un portail d'accès, pour permettre à ces communautés de rejoindre la société internationale du savoir. En combinant la radio locale (ou télévision), tenue par les populations locales en langues locales, aux applications des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) dans de vastes zones sociales, économiques et culturelles, ces centres mettent vraiment les NTIC à la portée de tous les membres de la communauté.

Au niveau le plus élémentaire, le centre comprend un poste de radio basique, un ordinateur équipé pour naviguer sur Internet, utiliser courrier électronique, Bureautique, applications documentaires et d'enseignement à distance.

Au niveau le plus sophistiqué, le centre est une infrastructure importante offrant une vaste gamme d'équipements multimédia, comme par exemple la connexion à l'hôpital local pour des applications médicales/pharmaceutiques à distance.

Dans les pays où les lois relatives à la radiodiffusion n'autorisent pas encore le lancement de la radio communautaire, des initiatives telles que la radio Internet et les centres audio peuvent fournir une alternative. Dans les villages sans électricité ni téléphone, où l'on n'a pas accès à Internet, l'énergie solaire et les liens par satellite peuvent permettre d'accéder aux données multimédia.

Ce programme entre dans le cadre du Plan d'action de partenariat pour un savoir international (Global Knowledge Partnership Action Plan ou GKP). L'UNESCO joue un rôle pilote en ce qui concerne le point d'action 1.3 de ce Plan.

L'approche GKP valorise les accords pour le développement. Par la solidarité et la collaboration, ce programme invite les autorités et la communauté internationale à conjuguer leurs efforts pour combler le fossé numérique au niveau de la communauté et à apporter leur soutien pour :

-------------------------------

Le fossé numérique

A l'ère de la société du savoir et de l'économie du savoir, le développement social et économique présuppose l'accès aux infrastructures qui permettent de partager informations et savoir. Il est évident que les formes traditionnelles d'acquisition du savoir sont insuffisantes pour encourager une société universelle du savoir. Les populations et les communautés du monde en développement ont besoin d'accéder aux systèmes fournissant des sources multiples d'information rapide - et d'échange d'informations - que les moyens traditionnels d'accumulation et d'échange des connaissances ne peuvent offrir. Internet et les technologies associées jouent un rôle central parmi les nouveaux moyens d'acquisition de connaissances. Cependant, les disparités d'accès, les barrières de la langue, les faibles niveaux d'alphabétisation, le coût des technologies et des connexions créent, pour de nombreux pays en développement, un fossé numérique grandissant qui freine l'accès vital au savoir. En conséquence, la révolution du savoir se traduit en réalité par de faibles connaissances pour la grande majorité de la population mondiale.

Pourquoi faut-il combler le fossé numérique dans les communautés des pays en développement ?

Les efforts tendant à éradiquer la pauvreté par un développement endogène, du bas vers le haut et pour le bien de la communauté, dépendent de plus en plus de l'utilisation de l'information et de la communication, considérées par beaucoup comme « l'anneau manquant » du processus de développement. En d'autres termes, l'information et la communication ne sont plus vues comme la prérogative de gouvernements nationaux et de spécialistes internationaux du développement, mais plutôt comme des outils de base servant aux plus démunis à améliorer leurs propres conditions de vie. Les participants au Sommet

« Global Knowledge Partnership Action », qui s'est tenu à Kuala Lumpur en mars 2000, ont souligné avec force que les personnes faisant partie des communautés les plus marginalisées du monde en développement doivent être reconnues comme des acteurs à part entière du processus de développement des connaissances. Ceci confirme les résultats de nombreuses études effectuées sur les besoins des populations : les communautés les plus démunies identifient souvent le manque de communication et d'information comme l'un des problèmes majeurs.

Alors que ce nouveau paradigme s'affirme au niveau communautaire, des efforts internationaux visant à combler le fossé numérique - comme le Partenariat pour un savoir international (Global Knowledge Partnership ou GKP) et l'initiative du G-8 DOT - conduisent au développement de stratégies aux niveaux international et national. Il est essentiel que les efforts effectués de bas en le haut au niveau communautaire soient liés aux politiques nationales, que ces efforts et ces politiques se complètent et se renforcent mutuellement, parce que:

Les nouvelles technologies d'information et de communication (NTIC) ne représentent ni une solution ni un objectif en soi : elles offrent aux communautés les moyens d'identifier et de mettre en _uvre leurs propres solutions afin d'atteindre les objectifs qui leur sont propres dans le domaine du développement humain, social, culturel et économique. C'est la raison pour laquelle il est essentiel d'étendre le concept du droit d'accès à l'information pour y inclure la notion d'accès aux moyens de production de contenu. Les gouvernements et les partenaires du développement peuvent et doivent soutenir un tel processus, mais l'initiative doit provenir des communautés elles-mêmes.

Pourquoi est-il nécessaire d'intégrer les technologies nouvelles et traditionnelles dans le développement de la Communauté ?

La raison pour laquelle l'attention est focalisée sur l'intégration des technologies est simple : ce n'est que lorsque Internet et les autres « nouvelles » technologies sont combinées à la radio communautaire « traditionnelle » que chaque membre d'une communauté - indépendamment des langues parlées ou du niveau d'apprentissage - devient entièrement partie prenante du processus d'accès, d'identification, de production et d'échange d'informations adaptées à leurs besoins. La radio n'est pas seulement un moyen pour atteindre des audiences avec des informations glanées sur Internet, c'est également un moyen permettant de créer du contenu, de rassembler et de donner forme à des informations pouvant être ensuite diffusées par le biais des nouvelles technologies. Le modèle d'accès individuel aux NTIC utilisé dans les sociétés de consommation occidentales est évidemment inadapté aux communautés les plus pauvres du monde en développement. Même lorsqu'il s'agit de propriété collective communautaire, le maniement et l'utilisation de ces technologies coûtent cher. Leur intégration à la radio engendre un meilleur retour sur investissement, dans la mesure où ces technologies sont au service de la communauté tout entière, et non de quelques individus qui en feraient un usage individuel. Cela donne une perspective nouvelle aux problèmes soulevés par la durabilité et les subventions publiques.

Un programme international pour créer des centres communautaires multimédia 

Les centres communautaires multimédia  offrent à l'homme du commun un portail d'accès à la société internationale du savoir. Ils combinent la radio (ou télévision) locale, tenue par les populations locales en langues locales, aux applications des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) dans de vastes zones sociales, économiques et culturelles. Ainsi, ces centres mettent vraiment les NTIC à la portée de tous les membres de la communauté. Au niveau le plus élémentaire, le centre offre un poste de radio basique, un ordinateur équipé pour naviguer sur Internet, utiliser courrier électronique, bureautique, applications documentaires et de télé-enseignement. Au niveau le plus sophistiqué, le centre est une infrastructure importante offrant une vaste gamme d'équipements multimédia, comme par exemple la connexion à l'hôpital local pour des applications médicales/pharmaceutiques à distance, le téléchargement et l'impression de journaux nationaux à diffuser localement, etc. Dans les pays où les lois relatives à la radiodiffusion n'autorisent pas encore le lancement de radios communautaires, des initiatives telles que la radio Internet et les centres audio peuvent fournir une alternative. Dans les villages sans électricité ni téléphone, où l'on n'a pas accès à Internet, l'énergie solaire et les liens par satellite permettent d'accéder aux données multimédia et au matériel d'enseignement à distance, tout en favorisant l'échange de données asynchrones à moindre coût par courrier électronique. Pour assurer une solution économique viable à long terme, l'énergie solaire ou toute autre forme d'énergie renouvelable devra être utilisée dans la mesure du possible afin de réduire les coûts récurrents.

Comme indiqué ci-dessus, il est clair que les centres varient grandement, de par leur taille et de par leur nature, en fonction du contexte local. Cependant, dans tous les cas, les centres communautaires multimédia  entendent orienter les NTIC vers une utilisation collective communautaire, ce qui n'exclut pas un accès individuel. En outre, pour favoriser viabilité et polyvalence (vaste panoplie de services offerts), les centres peuvent offrir les services d'opérateurs publics et privés, téléphonie, télécopie et courrier électronique faisant l'objet de contrats commerciaux, alors que d'autres équipement sont fournis dans un but non lucratif. La création de cette infrastructure n'est qu'un premier pas. Le succès de ces centres réside dans leur aptitude à rassembler, interpréter, produire, échanger et diffuser des informations adaptées aux besoins de développement des individus, des groupes cibles tels que les femmes et les jeunes, et de la communauté prise dans son ensemble.

En s'appuyant sur les centres communautaires multimédia, l'UNESCO propose d'initier et de prendre fait et cause pour un programme international visant à promouvoir la Communauté, en collaboration étroite avec les partenaires internationaux, les autorités nationales et les communautés locales. Ce programme sera basé sur des efforts concertés dans le but de :

Les composantes d'un programme aussi varié et complexe que celui-ci devraient être développées progressivement selon les besoins particuliers des communautés. Cependant, deux éléments indiqués ci-dessous sont essentiels : intégrer la radiodiffusion communautaire (appelée plus communément radio) dans ces centres multimédia et impliquer systématiquement les femmes, les minorités et les populations marginalisées, à chaque niveau.

Pourquoi combiner radio communautaire et télécentres ?

La radio communautaire est bon marché et facile à utiliser ; elle atteint toutes les catégories de la communauté grâce aux langues locales et peut informer, éduquer, divertir, tout en offrant une plate-forme pour débats et programmes culturels. Comme moyen de communication de base, elle optimise les chances de développement, en favorisant l'échange d'informations, de connaissances et de compétences existants au sein de la communauté. Elle peut donc être un catalyseur pour renforcer les droits de la communauté et de l'individu. Cependant, la radio communautaire opère généralement dans un monde restreint, avec un rayon de diffusion limité. Pour développer accès et échange d'informations avec le reste du monde, il est nécessaire d'avoir des liens par téléphone, Internet, courrier électronique, télécopie, satellite, télévision et presse.

En réalité, un télécentre communautaire polyvalent (TCP) surmonte les barrières technologiques de la communication, de l'accès et de l'échange d'informations avec le reste du monde. Par des projets éducatifs et la présence de "facilitateurs", il peut offrir à un grand nombre de personnes, et pas uniquement à celles ayant reçu une bonne éducation, la possibilité d'utiliser leurs ressources individuellement ou par petits groupes. De plus, certaines catégories de la communauté - comme les étudiants, les patients, etc. - peuvent grandement bénéficier de l'utilisation que font des TCP d'autres membres de la communauté tels les enseignants, le personnel soignant, etc. Cependant, un TCP ne peut servir un vaste public, de plusieurs milliers d'individus, dans le cadre de programmes de développement communautaire. En outre, il ne peut que surmonter les obstacles de l'analphabétisme ou de l'absence de connaissance des langues nationales ou internationales en introduisant des logiciels spécialement conçus dans ce but. Pour atteindre le plus rapidement possible un vaste public, en langues locales et par la parole, il est indispensable de créer des liens entre le TCP et la radio communautaire.

La radio communautaire et les TCP sont vraiment complémentaires et peuvent fonctionner parallèlement au sein de la même communauté, offrant une vaste panoplie de services distincts. Cependant, lorsque leurs technologies traditionnelles et novatrices sont combinées de façon active, elles peuvent offrir des possibilités encore plus grandes pour engager une communauté dans son propre développement. Les possibilités de combiner les deux ne sont restreintes ni par la quantité ni par la gamme des services offerts ; et la nature qualitative de ces possibilités change également. Ceci est dû à la relation particulièrement dynamique existant entre communication et information, entre interaction et message. Combiner une plate-forme publique de base avec les autoroutes de l'information, c'est promouvoir le débat public et la responsabilité publique qui sont essentiels au renforcement de la démocratie et d'un bon gouvernement. En reliant la radio locale aux bases de données développées par la communauté locale, en créant un ensemble de données adaptées aux besoins des populations en éducation, information et développement, on fournit de solides connaissances aux illettrés comme aux lettrés. C'est un transfert de technologie qui ne diminue pas mais au contraire stimule la confiance en soi de l'utilisateur.

La « valeur ajoutée » spécifique au centre communautaire multimédia  est due aux liens ininterrompus qu'il établit entre les différents types d'informations, entre les gens de différents savoirs et entre les différents niveaux de communication, tant au sein de la communauté qu'entre la communauté et le reste du monde. Le centre communautaire multimédia, parce qu'il représente une force de développement « riche en informations », qui sait inclure et associer les différentes populations, satisfait non seulement tous les besoins identifiés dans le domaine de l'éducation et de l'information, mais crée également de nouvelles exigences en matière d'apprentissage, d'information et de savoir.

La parité des sexes et la participation des minorités

Alors que les NTIC ont une influence croissante sur un plan social et économique, le fait que les populations les plus pauvres et les plus marginalisées (parmi lesquelles les minorités ethniques et linguistiques) ne peuvent ni y contribuer ni en bénéficier est une privation encore plus grande. Celles qui sont le plus exclues de la révolution NTIC sont les femmes. Le courant de la parité des sexes devient alors une composante essentielle de tout projet communautaire multimédia.

Depuis les stades préliminaires de discussion et de conception du projet, suivis des stades ultérieurs de mise en _uvre et d'évaluation, la perspective d'une parité des sexes doit être construite en suivant des plans, des politiques et des pratiques précises. La radio communautaire peut devenir un portail d'entrée remarquablement efficace pour les femmes des communautés les plus pauvres, permettant d'accéder aux nouvelles technologies de l'information. La confiance en soi et les compétences acquises dans le domaine de la simple radio (basse technologie) offre aux femmes une passerelle vers les NTIC (haute technologie). Avant l'introduction de la radio communautaire, les femmes étaient celles qui souffraient le plus du manque de communication. Leur motivation et leur engagement sont particulièrement forts quand elles savent utiliser la radiodiffusion locale. L'approche participative de la radio communautaire (propriété collective, groupes d'écoutes, etc.) fournit un cadre, une aide pour les femmes qui s'intéressent aux défis posés par l'utilisation efficace des NTIC. Cette approche participative optimise l'alphabétisation et les aptitudes au langage au sein du groupe, encore plus nécessaire en informatique qu'en radiodiffusion. Ces compétences peuvent être groupées pour sélectionner, traduire et diffuser les informations au sein du groupe tout entier, afin que même les femmes analphabètes du groupe s'impliquent de façon déterminante pour : définir les besoins en informations, bénéficier des informations recueillies, interpréter et communiquer les informations à d'autres.

Parmi les étapes nécessaires pour faire passer les femmes, les minorités et autres groupes marginalisés de la radio communautaire vers l'écran d'ordinateur, il convient de :

 

Page PrécédenteDébut de PagePage Suivante