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LA STRUCTURE DES REGIMES FISCAUX FORESTIERS EN AFRIQUE

Il existe plusieurs manières de collecter des recettes dans le secteur forestier. On peut prélever des redevances, basées sur le volume de la production, la superficie de forêt utilisée, le revenu ou les profits retirés d’opérations sylvicoles ou d’activités spécifiques liées aux forêts. Les redevances peuvent varier en fonction du type de forêt, du type de produit ou du type de producteur. Dans les pays qui ont des fonds servant spécifiquement à financer différents aspects de la gestion des forêts, des taxes peuvent aussi être collectées à d’autres fins.

Si de nombreuses études sur la fiscalité forestière se concentrent sur le niveau des taxes, le type de taxes adopté, ou la structure du régime fiscal forestier, peut aussi avoir un impact majeur sur l’efficacité du régime fiscal et sur la gestion des forêts. Cette section décrit les différents types de taxes forestières en vigueur dans le secteur forestier en Afrique.

 

Taxes forestières, par type de forêt

La majorité des pays africains possèdent de nombreux types de forêts. A part la distinction entre forêts naturelles et plantées, la principale différence dont tiennent compte la plupart des régimes fiscaux forestiers est celle entre les divers types de propriété ou de gestion des forêts. En termes très généraux, la majorité des régimes fiscaux forestiers reconnaissent trois régimes de propriété forestière, à savoir: la propriété publique, la propriété communautaire et la propriété privée.

Propriété publique. Les forêts appartenant au gouvernement sont désignées sous de nombreuses appellations diverses, pouvant varier suivant les pays, notamment: réserves forestières, forêts classées, forêts domaniales, forêts nationales, forêts-parcs et forêts publiques. Dans la plupart des pays, seul un niveau du gouvernement possède des forêts; il s’agit ordinairement du gouvernement central, ou national, sauf dans les pays très décentralisés, où les gouvernements des états (niveau régional) peuvent aussi en avoir (Nigeria et Ethiopie). Dans une minorité de pays, plusieurs échelons du gouvernement (national, régional ou local) peuvent posséder des forêts (Kenya, Ouganda et Zimbabwe). Tous les pays perçoivent des taxes sur la production des forêts de propriété publique, mais il arrive qu’elles ne s’appliquent qu’à certains types de produits.

Propriété communautaire. Les forêts de propriété communautaire prennent aussi plusieurs noms, dont: forêts communautaires; réserves forestières communautaires; forêts villageoises; coopératives forestière et zones forestières sous aménagement communautaire. La propriété, ou tout au moins la gestion, communautaire des forêts connaît une expansion considérable dans les pays, depuis quelques années. Dans la majorité des pays, le gouvernement perçoit des recettes sur la production des forêts communautaires. Le plus souvent, les forêts communautaires ont été créées par transfert aux communautés locales de la propriété ou de la gestion de forêts appartenant à l’Etat, et les communautés sont associées avec le gouvernement, tant pour le recouvrement que pour le partage des recettes.

Propriété privée. La propriété privée des forêts est peu répandue en Afrique et peu de pays ont signalé des superficies significatives de forêts de propriété privée. Les plantations appartiennent plus souvent à des privés que les forêts naturelles et très peu de pays ont signalé qu’ils avaient des forêts naturelles privées. D’une manière générale, les gouvernements ne perçoivent aucune recette sur la production des plantations forestières privées, mais ils le font parfois dans les forêts naturelles.

L’analyse qui précède portait sur la propriété des forêts, mais on notera que la propriété est un sujet complexe, qui touche souvent à d’autres questions comme les droits d’accès et d’exploitation des produits forestiers, et les droits de décider de l’utilisation et de la gestion de la forêt. Par exemple, il est assez courant que l’on découvre qu’un individu est propriétaire d’une forêt, sans pour autant avoir tous les droits normalement attachés à la propriété. En outre, d’autres personnes peuvent avoir le droit de prélever certains produits d’une forêt (ex: produits forestiers non ligneux - PFNL), même s’ils n’en sont pas propriétaires.

En outre, dans certains pays la propriété de la terre (qui est en soi une question complexe) peut être séparée de la propriété des arbres ou des forêts qu’elle porte. Par exemple, il est relativement courant que des lois sur les forêts stipulent que le gouvernement est propriétaire de tous les arbres, du moins indigènes, d’un pays, quelle que soit la personne qui possède la terre. Ainsi, il arrive qu’un terrain appartienne à un particulier ou à une communauté, sans que ceux-ci soient propriétaires des arbres qui s’y trouvent.

Enfin, on notera aussi que les surfaces de terres classées dans les différentes catégories de forêts ne correspondent pas toujours aux surfaces de terres qui portent des arbres dans un pays. Par exemple, dans de nombreux pays les superficies classées comme réserves forestières ne sont que partiellement couvertes d’arbres. De plus, lorsque l’on calcule la superficie totale de forêts rentrant dans les différents régimes de propriété légalement reconnus, on obtient souvent un chiffre très inférieur à la superficie forestière totale d’un pays. La plupart des rapports de pays sur les régimes fiscaux forestiers ne précisent pas si des taxes sont perçues sur la production des superficies qui ne sont pas officiellement classées comme «forêts», ou sur la coupe des arbres hors forêts.

D’une manière générale, les rapports de pays sur les régimes fiscaux forestiers n’expliquent pas clairement le type de taxe applicable à chaque catégorie de forêt. Ils ne donnent pas non plus de détails sur les superficies de forêts rentrant dans les différentes catégories de propriété. Par exemple, le Tableau 1 compare les informations sur la propriété fournies dans les rapports de pays (pour les 25 pays examinés ici) avec la superficie forestière totale de ces pays, telle qu’elle a été estimée par l’Evaluation mondiale des ressources forestières (FAO, 2001). Il semble que 10 pour cent seulement de la superficie forestière totale soient officiellement classés comme forêts de propriété (ou sous gestion) publique, communautaire ou privée.

Si l’on ne sait pas au juste quels sont les types de forêts qui seront soumis à des taxes dans les pays, les particuliers et les communautés hésiteront à investir dans l’aménagement des forêts sur leurs terres, ce pourrait bien compromettre l’amélioration de l’aménagement forestier.

 

Taxes forestières, par activité

La production des produits forestiers se déroule le plus souvent en plusieurs étapes, le processus commençant avec la récolte des matières premières dans la forêt et s’achevant avec la vente du produit fini. Des recettes peuvent être collectées à un ou plusieurs de ces stades. C’est là le deuxième facteur qui explique les variations considérables entre les régimes fiscaux forestiers en vigueur dans les différents pays africains.

Durant le processus de production, les quatre principaux stades, ou activités, auxquels des taxes sont ordinairement prélevées sont les suivants:

Production ou récolte de matières premières. Le premier stade du processus est la production ou la récolte des matières premières (ex: bois rond ou PFNL à l’état brut). Tous les pays perçoivent des taxes sur la production, sous forme de redevances basées sur le volume ou la valeur de la production, de taxes sur les surfaces de forêt utilisées, ou de droits fixes, dans le cas de permis autorisant la récolte des produits pendant une période déterminée.

Figure 2 Le nombre de pays qui collectent des charges en fonction des activités


Transport. Le stade suivant est celui du transport ou de l’acheminement des produits forestiers jusqu’aux usines ou jusqu’au marché. Les redevances de transport sont ordinairement prélevées sur les produits non transformés (ex: bois de feu et bois rond industriel), mais parfois aussi sur des produits transformés, comme le charbon de bois et les sciages. Les redevances peuvent être basées sur le volume (ou le poids) des produits transportés ou sur le type de moyen de transport.

Figure 3 Les différentes charges collectées dans des pays


Transformation. Un certain nombre de pays réglementent l’industrie de transformation des produits forestiers en délivrant des licences pour la production de certains articles ou l’utilisation de certains types de machines. Des droits sont parfois prélevés au moment de l’attribution de ces licences. En général, il s’agit de droits fixes à échéance mensuelle ou annuelle, et ils sont parfois basés sur la capacité de l’usine.

Commerce. Le dernier stade où des taxes forestières sont parfois recouvrées est celui de la vente des produits finis sur le marché intérieur ou extérieur. De nombreux pays africains perçoivent des taxes sur le commerce des produits forestiers. Là encore, ces taxes sont le plus souvent recouvrées dans le cadre d’un système de licences, mais le commerce national et le commerce international sont en général soumis à des types de taxes différents. Les taxes sur le commerce intérieur sont généralement des taxes forfaitaires payables à la semaine, au mois ou à l’année, alors que les taxes sur les exportations sont généralement basées sur le volume ou la valeur des produits concernés.

La Figure 2 montre le nombre de pays qui perçoivent des taxes, à chacun de ces stades. Comme on le voit, tous les pays taxent la production, sauf les Seychelles (qui n’a pas à proprement parler de régime fiscal forestier). Au second rang, viennent les taxes sur le commerce, puis celles sur la transformation et le transport. La Figure 3 montre les taxes (ventilées par activité) dans les pays. On note que la majorité des pays perçoivent des taxes à deux ou trois stades du processus de production. Un petit nombre de pays ont des régimes très simples et perçoivent uniquement des taxes sur la production (Lesotho), alors que trois pays (Tanzanie, Burundi et Ouganda) en prélèvent aux quatre stades du processus de production.

Il est important de souligner que les charges ici montrées sont exclusivement celles du secteur forestier. A part celles montrées ci-dessus, les producteurs doivent aussi payer d'autres taxes plus générales qui en s'additionnant, font souvent un total de dix taxes différentes à payer.

 

Taxes forestières, par type de produit

D’une manière générale, les taxes forestières s’appliquent à cinq types de produits:

Figure 4 Le nombre de pays qui collectent des charges en fonction du type de produit


Bois de feu. La plupart des pays perçoivent des taxes sur la production et/ou le transport du bois de feu (bois de feu et charbon de bois). Ces taxes sont ordinairement basées sur le volume ou le poids du bois de feu (les redevances de transport sont parfois basées sur le type de moyen de transport). Dans de rares pays, certaines superficies de forêt sont réservées à la production de bois de feu et les gouvernements font payer des taxes basées sur la surface.

Figure 5 Le nombre de produits qui sont sujets à des charges dans certains pays


Bois rond industriel. Tous les pays taxent la production de bois rond industriel. Ces taxes sont ordinairement basées sur le volume produit ou le nombre d’arbres coupés, et leur taux varie en fonction de l’espèce et / ou de la qualité du bois rond. De nombreux pays ayant des systèmes d’exploitation par concessions forestières plus élaborés (ex: en Afrique occidentale et centrale) perçoivent aussi des taxes basées sur la superficie des concessions.

Produits transformés. Dans la majorité des pays où le commerce des produits forestiers est taxé, les taxes sont appliquées aux produits transformés (ex: sciages et panneaux dérivés du bois) aussi bien qu’au bois rond. Ces taxes sont ordinairement basées sur le volume du commerce, à raison de taux variant en fonction de l’espèce et de la qualité du produit.

Produits forestiers non ligneux. De nombreux pays perçoivent des taxes sur la production des produits forestiers non ligneux (PFNL). Le plus souvent, ces taxes ne s’appliquent qu’à un ou deux produits (souvent le bambou et le rotin) mais un petit nombre de pays prélèvent des taxes sur une vaste gamme de PFNL (ex: certains états du Nigeria). Les pays où la chasse est une activité importante prélèvent souvent des taxes, par animal (c’est le cas de beaucoup de pays sahéliens).

Autres produits et services. De nombreux pays perçoivent aussi des taxes sur un certain nombre d’autres produits et services divers. Par exemple, droits attachés aux permis de chasse, ou d’écotourisme, et droits de prélever de la terre, des pierres et des minéraux dans les forêts.

En général, la majorité des pays africains collectent des taxes sur toute la gamme de produits et de services procurés par les forêts (voir Figures 4 et 5), mais il est encore possible d’introduire de nouvelles taxes, en particulier pour de nouveaux types de services ou des innovations.

 

Taxes forestières, par type de producteur

La dernière différence majeure dans la structure des régimes fiscaux forestiers des pays est le traitement réservé aux différents types de producteurs. En gros, on peut dire que presque toutes les politiques forestières nationales semblent faire une distinction explicite (ou parfois implicite) entre la production commerciale et la production axée sur la subsistance (ou réservée à l’usage des producteurs), en particulier en ce qui concerne les PFNL. Ces différences transparaissent généralement dans les régimes fiscaux forestiers des pays. Quelques pays opèrent aussi une distinction entre les différentes échelles de production (grosses concessions forestières, par rapport aux scieurs de long et aux petits producteurs). Ces différences peuvent être résumées comme suit:

Taxes afférentes à la production commerciale de bois ronds. Dans tous les pays, la production commerciale de bois rond est taxée. Le niveau des taxes est le même presque partout sauf dans les cas suivants:

RD Congo, Malawi, Ouganda, Tanzanie et Zambie: tous ces pays reconnaissent le sciage de long comme une activité de production à part, bénéficiant parfois de taxes plus basses.

le Sénégal a une série de taxes sur la production distinctes pour les artisans, qui sont autorisés à récolter certains types de bois pour leurs activités.

Certaines taxes forestières collectées dans certains Etats du Nigeria sont modulées en fonction de l’échelle de la production.

Taxes afférentes à la production de bois rond axée sur la subsistance. La plupart des pays ne spécifient pas clairement si des taxes forestières doivent être prélevées sur la production de bois rond axée s ur la subsistance. La République centrafricaine et la RD du Congo précisent que de petites quantités de bois rond peuvent être réservées à l’usage personnel, et exemptées de toutes taxes. Quelques autres pays (ex: Burundi, Ethiopie, Kenya et Lesotho) déclarent aussi sans ambages que des taxes doivent être payées sur toute la production de bois rond sans exception. Dans la plupart des autres pays, il semble que la production de subsistance puisse être exemptée, mais ce n’est pas clairement spécifié dans les lois et les règlements sur la fiscalité forestière.

Taxes sur la production de PFNL. Environ la moitié des pays africains disent de manière assez explicite que seule la production commerciale de PFNL est assujettie à des taxes. En outre, la plupart de ces pays taxent uniquement les PFNL les plus fréquemment utilisés à des fins commerciales (bambou et rotin, contrairement aux fruits, noix et baies). Les autres pays ne disent pas clairement si une distinction doit être faite entre les PFNL produits à des fins commerciales ou de subsistance, mais il est probable que les utilisations de subsistance ne sont pas taxées.

 

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