Dans la première partie du présent chapitre, on a essayé d'une manière générale d'appeler l'attention sur toute une gamme de problèmes concernant l'aménagement des pêcheries lagunaires et de présenter, à titre de solutions possibles à ces problèmes, un certain nombre d'options d'aménagement, avec et sans recours à la réglementation.
En ce qui concerne les diverses formes d'aménagement par voie de réglementation, on a vu que, pour un certain nombre de raisons d'ordre socio-économique et politique et de contraintes techniques et financières, il n'est pas possible pour le moment de réglementer de façon “exhaustive” et rigoureuse les pêcheries de lagunes côtières et d'estuaires de la plupart des pays en développement. Il n'en demeure pas moins que l'aménagement par voie de réglementation ou par suppression des pratiques de pêche les plus destructrices est financièrement, administrativement et techniquement à la portée de beaucoup de pays. La remise en honneur et le renforcement des pratiques traditionnelles d'aménagement des pêcheries semblent constituer un moyen attrayant de compléter la réglementation des pêcheries par intervention des pouvoirs centraux.
On a voulu aussi appeler l'attention sur les techniques d'aménagement qui ne font pas intervenir de réglementations et qui visent, directement ou indirectement, à accroître la production biologique et le rendement halieutique en recourant à divers types de manipulations biologiques - lutte contre les prédateurs, frayères artificielles, aménagements hydrauliques et pêcheries en branchages. La plus efficace de ces techniques semblerait être celle de l'aménagement hydraulique des pêcheries; toutefois, l'acceptation et l'utilisation à grande échelle des techniques disponibles dépendront des contextes économiques locaux/ nationaux, ainsi que de la mesure dans laquelle il sera possible de démontrer que l'aménagement hydraulique des pêcheries comporte des avantages pour d'autres utilisateurs des lagunes et des environnements terrestres voisins. La méthode des pêcheries en branchages offre aussi de bonnes possibilités de renforcer l'aménagement des pêcheries de lagunes et d'estuaires. Outre qu'elles ont l'avantage de produire un rendement élevé comparé aux pêcheries de capture en eaux libres, les pêcheries en branchages supposent un fort coefficient de main-d'oeuvre et ne comportent aucun risque de chômage ou de sous-emploi, ce qui pourrait être le cas avec l'adoption de techniques d'aquaculture plus perfectionnées. En outre, les enceintes de branchages ne constituent pas, de par leurs modes de construction et d'exploitation, une rupture technologique radicale par rapport à la pêche de capture, comme c'est le cas avec certaines formes d'aquaculture. Un passage progressif de certaines parties des lagunes et des estuaires aux pêcheries en branchages serait donc plus proche de la méthode du changement technologique par étapes préconisé par Lawson (1977) que ne le serait l'introduction d'autres techniques de pisciculture nécessitant une formation technologique plus poussée et le soutien technologique de services de vulgarisation et de laboratoires de recherches appliquées, ce qui risque d'imposer un effort financier aux pays en développement.
L'idée contenue dans la seconde partie du chapitre - conflits et interactions - était de mettre en lumière deux idées fondamentales. La première est que l'aménagement des pêcheries, tel qu'il se pratique dans les lagunes et les estuaires de nombreux pays en développement, repose autant, sinon plus, sur une bonne compréhension des ramifications socioéconomiques de la pêcherie que sur une connaissance de la biologie des ressources et des caractéristiques des captures de la pêcherie. Bref, trop souvent, le spécialiste chargé d'aménager une pêcherie, fort de ses connaissances de biologiste, observe et traite les symptômes (surexploitation, pratiques de pêche destructrices) alors que les racines du “mal” se trouvent en réalité dans l'organisation socio-économique de la collectivité locale de pêche ou dans l'économie nationale.
La seconde idée fondamentale est que les pêcheries de capture en lagunes et en estuaires ne peuvent pas être aménagées comme des entités isolées ou autonomes mais qu'elles s'intègrent plutôt, biologiquement et économiquement, avec les pêcheries maritimes du littoral et du large, avec une aquaculture qui se développe rapidement et, dans une certaine mesure, avec les pêcheries des eaux douces. Dans ce contexte également, l'aménagement n'est pas seulement une question de biologie et de dynamique des populations mais relève aussi des objectifs et des priorités nationales en matière de développement économique et sociologique.
Pays/lagune | Superficie (ha) | Chenaux de la lagune à la mer | Canaux de dérivation de cours d'eau vers la lagune | Canaux intérieurs | Dérivation d'eau douce hors de la lagune | Références | ||||
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Entrée/ sortie de poissons/ crustaés | Combattre l'hypersalinité | Réduire la charge en polluants | Combattre l'hypersalinité | Maintenir ou accroître la superficie de la lagune pour enrichissement | Améliorer la circulation | Accès des poissons/ crustacés à des lagunes ou secteurs isolés | Réduire ou éliminer la pollution ménagère, agricole ou industrielle | |||
VENEZUELA | ||||||||||
Unare | 4 400 à | X | X | X | Okuda, 1965 | |||||
6 400 | ||||||||||
Piritu | 700 à | X | X | Posewitz, 1968 | ||||||
3 700 | ||||||||||
EGYPTE | ||||||||||
Bardawil | 65 000 | X | X | Ben-Tuvia, 1979; Pisanty, 1980 | ||||||
Manzalah | 117 000 | X | X | Wahby et Bishara, 1977 | ||||||
TUNISIE | ||||||||||
El-Biban | 30 000 | X | X | Medhioub et Perthuisut, 1977 | ||||||
Lac Tunis | 4 200 | X | Stirn, 1966 | |||||||
MAROC | ||||||||||
Sebkha Bou Areg | 11 500 | X | X | X | Aloncle, 1961; Brethes et | |||||
(lagune de Nador) | Tesson, 1978 | |||||||||
GHANA | ||||||||||
Keta | 2 150 | X | Mensah, 1979 | |||||||
MOZAMBIQUE | ||||||||||
Pangalanes Est | 18 000 | X | Collart et Randriamanalina, 1978 | |||||||
INDE | ||||||||||
Pulicat | 39 200 | X | X | X | Menon et Raman, 1969 | |||||
Chilka | 90 600 à | Jhingran et Natarajan, 1969 | ||||||||
116 500 | ||||||||||
SRI LANKA | ||||||||||
(Lagunes) | - | X | X | FAO/UN, 1962 | ||||||
MEXIQUE | ||||||||||
Huizache-Caimanero | 7 100 à | X | X | X | X | - | Edwards, 1978a | |||
14 800 | ||||||||||
Lagune Madre de Taumalipas | 215 600 | X | X | X | Sánchez, 1980; Martinez Mata, 1980 | |||||
Menchaca, Camarón, Playa Cerrito | 16 700 | X | Juarez Reyes, 1980 | |||||||
(Lagunes) | - | X | X | X | X | X | X | X | X | Cervantes Castro, 1980 |