INTRODUCTION
La malnutrition a de multiples causes: économiques, sociales, culturelles, politiques, sanitaires, etc. Elle ne peut être combattue que par des actions qui s'attaquent tant aux causes structurelles qu'aux causes conjoncturelles.
Cette lutte ne pourra être efficace qu'à travers une action concertée de tous les secteurs impliqués.
La convergence des efforts se fera sentir, par exemple, lors d'une intervention qui exige la modification des habitudes liées à la nutrition. Cette modification aura des effets sur la production, la culture, l'économie, l'éducation, l'environnement, la santé, etc. C'est à ce tire que l'agronome, l'économiste, le sociologue, l'enseignant, l'agent de santé, et l'agent de communication, etc. seront appelés à unir leurs efforts pour la conception, la formulation, la mise en oeuvre et l'évaluation de cette intervention. La nécessité de la collaboration s'impose.
L'intersectorialité se justifie encore pour une autre raison: l'application d'une série d'interventions dans la communication sociale requiert l'utilisation de multiples canaux de communication devant agir en complémentarité. Il est dès lors nécessaire de s'assurer d'emblée la collaboration de ceux qui maîtrisent les moyens de communication.
L'intersectorialité répond à une exigence de globalité dans l'approche d'un problème nutritionnel. Elle appelle l'intervention de tous les agents de développement opérant dans la même zone, mais généralement séparés par le cloisonnement interministériel. Ce cloisonnement institutionnel ne doit en aucun cas constituer un frein à la collaboration des agents entre eux et avec la participation des populations bénéficiaires.
La collaboration permet d'éviter que les agents ne se contredisent ou ne se nuisent, ce qui risquerait de leur faire perdre la confiance de la population locale et de faire échouer le projet;
Développer un tel esprit d'équipe implique entre autres:
de travailler ensemble chaque fois que l'occasion se présente;
d'agir professionnellement à chaque instant;
d'accomplir un travail chacun dans son domaine d'intervention.
Certains agents de terrain développent des activités en rapport avec la nutrition. Il s'agit notamment des agents de santé, des animateurs ruraux, des élus locaux et représentants du gouvernement.
Ces activités sont:
Pour les élus locaux et les représentants du gouvernement
La responsabilisation des communautés dans l'approche des problèmes nutritionnels.
Le développement des coopératives et des groupements.
L'aménagement des sources et points d'eau.
Pour les agents de santé
Les campagnes de vaccination.
L'assainissement.
La surveillance nutritionnelle.
L'éducation nutritionnelle.
La réhabilitation nutritionnelle.
Pour les agents de la promotion féminine
Les activités d'économie domestique.
L'amélioration de l'hygiène publique.
L'amélioration de l'habitat.
Pour les agents de développement agricole
L'amélioration des techniques agricoles.
Les aménagements hydro-agricoles.
L'amélioration des techniques d'entreposage;
L'augmentation des variétés de cultures vivrières.
Pour les agents de la radio rurale
La communication sur tous les projets précités.
Pour les enseignants
L'intégration de la participation des enfants dans les processus de développement
La formation des générations futures sur les sujets précités;
Il doit exister, entre les agents travaillant dans la même localité, en plus du circuit officiel, un circuit parallèle d'information par lesquels tous seraient informés des programmes et projets en cours de réalisation dans la localité.
Les agents de terrain doivent travailler ensemble.
Ensemble, ils doivent aider la communauté à identifier, à analyser et à affronter les problèmes nutritionnels auxquels elle est confrontée.
Pour être efficace, les agents de terrain respecteront un schéma de planification de leurs interventions identifié sous l'appellation de cycle des «3A».
Figure 14- Le cycle des «3A»: Appréciation- Analyse-Action
La communauté, avec l'aide des agents de terrain, commence par une appréciation de la situation nutritionnelle locale. Nous verrons comment dans le cadre du moudule 5.
La communauté procède ensuite à l'analyse des causes du problème nutritionnel identifié (module 6)
Elle peut alors entreprendre une action visant à résoudre ce problème nutritionnel (module 7). Cette action-ou ces actions - est (sont) menée (s) dans un cadre intersectoriel et communautaire.
Enfin, au moment opportun, les agents de terrain et la communauté évalueront les résultats de l'action entreprise, ce qui conduit à une nouvelle appréciation de la situation nutritionnelle, début d'un nouveau cycle des «3A» (module 8).
OBJECTIFS
Au terme de l'étude de ce module, vous devriez être capable de:
Décrire les composantes et les acteurs de la situation nutritionnelle au niveau local.
Préparer et exécuter une enquête nutritionnelle.
Interpréter les résultats de l'enquête nutritionnelle en groupe intersectoriel, avec la participation de la communauté.
En tirer une photographie de la situation locale sur le plan nutritionnel.
5.1. MODALITÉS DE L'APPRÉCIATION DE LA SITUATION NUTRITIONNELLE
L'appréciation de la situation, première étape du processus de planification, se réalise en équipe intersectorielle, avec des représentants de la communauté.
Plusieurs indicateurs peuvent être utilisés, tels que, en ce qui concerne les enfants de moins de cinq ans, groupe vulnérable:
le rapport poids/âge (P/A);
le rapport taille/âge (T/A);
le rapport poids/taille (P/T);
le tour du bras (entre un et trois ans).
Si l'on ne peut récolter qu'un seul indicateur au niveau de la communauté ; c'est le rapport poids/âge des enfants de 0 à 3 ans qui sera retenu.
Pour recueillir cet indicateur, il est nécessaire de procéder à une enquête nutritionnelle. Nous allons voir comment faire.
5.2. GÉNÉRALITÉS SUR L'ENQUÊTE
Le succès d'une enquête dépend pour beaucoup de l'établissement de bons rapports entre l'enquêteur et les membres de la communauté, aussi les premières rencontres doivent-elles être soigneusement préparées.
Il faut contacter le père et la mère de famille; il faut donc choisir un moment de la journée où l'on a de grandes chances de les rencontrer (en général en fin de journée). Si le père de famille n'est pas présent, il faut prendre rendez-vous. Il est nécessaire de rappeler brièvement qui sont les enquêteurs, le but de l'enquête et la raison du choix de cette famille.
Les données à recueillir doivent être consignées avec soin sur une fiche, soit au moment de la visite, soit juste après la visite. Il peut être utile de consigner sur un cahier les observations et remarques qui sont pertinentes pour l'enquête mais qui n'entrent pas dans le cadre du questionnaire.
L'enquêteur doit adopter l'attitude suivante:
Il doit mettre les gens à l'aise: l'habillement, le langage, les manières doivent être discrets; par exemple; il faut éviter de visiter en costume et cravate les familles rurales.
Il doit inspirer confiance : pour cela il doit être résolu, mais non agressif.
Il doit être amical et sympathique, mais non familier.
Il doit être disponible pour écouter ce que les gens ont envie de lui confier et pour donner les conseils que l'on attend de lui (procédures administratives, conseils d'hygiène, conseils nutritionnels, etc.); il doit cependant éviter de se mêler de ce qui ne le regarde pas.
il doit être sérieux: il doit parler aux gens simplement sans pour autant déformer la vérité; il vaut mieux éviter les mots qui peuvent effrayer, mais plutôt présenter les organismes dont on relève et le but du travail entrepris.
L'enquêteur doit faire preuve de respect à l'égard des personnes auxquelles il rend visite, quel que soit leur rang social ou leur situation économique, mais il doit éviter la flatterie souvent suspecte.
Lorsque se pose un problème de langue, il faut recourir autant que possible à un interprète qui soit un membre de la famille ou à une personne de la communauté désignée par la famille.
Lorsque la confiance de la famille est acquise, la prise de notes au cours de l'enquête ne devrait ni gêner, ni intimider l'interlocuteur.
L'idée de cadeaux doit être exclue des relations entre l'enquêteur et la famille. L'enquêteur doit éviter d'accepter des cadeaux ou de la nourriture de la part de la famille qu'il visite: cela risque à la longue de donner l'impression qu'il recherche un profit personnel. Cependant, lorsqu'une famille insiste, il peut accepter le verre ou le repas de l'amitié. Il n'est pas souhaitable non plus que l'organisme qui réalise l'enquête distribue des cadeaux. Cette pratique crée un précédent avec des conséquences fâcheuses pour l'avenir car, si des cadeaux sont nécessaires pour assurer la réussite d'une enquête, les incidences budgétaires peuvent être lourdes et des biais peuvent être intróduits dans les réponses aux questions.
Lorsqu'il est dans la famille, l'enquêteur peut aider à de menues besognes (porter le bébé quand la mère est occupée, aider à écraser les arachides, etc.).
En cas de maladie, l'enquêteur peut dispenser des petits soins tels que donner des conseils diététiques aux mères des enfants malnutris.
Au cours des entretiens ou des mesures anthropométriques, il faut prendre le temps de parler et d'écouter la communauté. L'observation attentive de la vie de la famille et des conversations libres renforcent les connaissances sur la nutrition, le niveau socio-économique, l'hygiène, les habitudes et les coutumes dans la communauté.
5.3. L'ENQUÊTE NUTRITIONNELLE
L'enquête nutritionnelle permet d'apprécier la situation nutritionnelle d'une communauté, en établissant un taux de malnutrition, en référence aux normes internationales pour l'indicateur considéré.
Comme nous l'avons écrit plus haut l'indicateur le plus utilisé est l'indicateur poids/âge.
Quelles sont les étapes d'une enquête nutritionnelle?
Première étape: définir la population-cible sur laquelle vont être prises les mesures : les enfants de 0 à 3 ans.
Deuxième étape: faire le recensement de tous les enfants de cette tranche d'âge.
Troisième étape: peser tous les enfants à domicile selon la technique qui sera étudiée dans le module 7.
Quatrième étape: reporter les données concernant le poids et l'âge de ces enfants sur une fiche de croissance communautaire, comme nous le montrerons également dans le module 7.
Cinquième étape: identifier et compter le nombre d'enfants qui sont en état de malnutrition grave ou modérée.
La communauté dispose alors d'une photographie de la situation nutritionnelle locale.
OBJECTIFS
Au terme de l'étude de ce module, vos devriez être capable de:
Proposer une approche causale et participative de l'analyse des problèmes nutritionnels.
Utiliser les données disponibles localement pour identifier les facteurs liés aux problèmes nutritionnels.
Réaliser une analyse causale.
Réaliser des enquêtes visant à renforcer l'analyse des problèmes nutritionnels:
enquête de consommation alimentaire;
enquête CAP.
enquête par groupes focalisés;
enquête par entretiens individuels approfondis;
enquête par observations.
Proposer des solutions possibles au (x) problème (s) nutritionnel (s) local (aux).
6.1. POUR UNE ANALYSE CAUSALE ET PARTICIPATIVE
Pour lutter efficacement contre la malnutrition dans une situation donnée, il faut en connaître les causes et en comprendre les mécanismes. En outre, la problématique nutritionnelle dans les pays en développement doit être appréhendée de façon globale. Ces deux prémisses ont servi de point de départ à une recherche qui visait à élaborer une méthode simple et pratique d'analyse causale1.
Cette méthode consiste à construire un «modèle causal» de la malnutrition spécifique au groupe, à la région ou à la zone de projet considérée, c'est à dire à proposer un jeu d'hypothèses, ordonnées et hiérarchisées, qui relient entre eux les facteurs présumés de la malnutrition. Le modèle différent pour chaque situation est construit par un groupe multidisciplinaire de personnes connaissant bien la situation locale.
Le modèle, une fois construit, permet de choisir les types d'enquêtes à mener dans la communauté; de guider l'analyse de ces données; et d'identifier les interventions pertinentes. Ses principaux avantages sont: (1) l'économie de temps et d'argent qu'entraîne la rationalisation du choix, de la collecte, de l'analyse et de l'interprétation des données, (2) la mise en pratique, par une sélection plus judicieuse d'interventions, de la vision globale du problème, (3) l'expérience éducative et la motivation des constructeurs du modèle.
L'expérience récente suggère que le champ d'application de cette méthode déborde largement le domaine de la nutrition.
L'analyse causale doit être réalisée de façon participative: au niveau local, l'agent de santé, l'instituteur, le vulgarisateur agricole, les représentants des groupements féminins, les autorités administratives et traditionnelles locales, etc. seront invités à y participer.
Le modèle explicatif de la malnutrition pour une localité donnée peut toujours être enrichi par l'enquête. Plusieurs types d'enquêtes peuvent être réalisées auprès de la population en vue d'une meilleure compréhension du problème nutritionnel:
6.2. LA MÉTHODE D'ANALYSE CAUSALE
6.2.1. Utilité de la méthode2
Confrontés aux graves problèmes de malnutrition par carence les nutritionnistes travaillant dans les pays en développement ont élaboré des modèles d'intervention qui leur permettaient d'être efficaces à moindre coût.
Ivan Beghin, professeur de nutrition à l'Institut de Médecine Tropicale3 d'Anvers, a mis au point avec son équipe une méthode d'analyse des problèmes nutritionnels qui a fait l'objet d'applications en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Cette méthode consiste à élaborer en équipe un modèle explicatif du problème nutritionnel. Elle présente beaucoup d'intérêt pour la planification des interventions éducatives.
1 BEGHIN I., CAP M., DUJARDIN B., Guide pour le diagnostic nutritionnel, Genève, OMS, 1988.
2 ANDRIEN M., BONTEMPS R., GUILAUME M., LAMBRECHT B., Éducation nutritionnelle et analyse causale, in Éducation
santé, no 72, novembre 92, p.4–7.
3 BEGHIN I., et al., op cit.
Chaque modèle n'est en fait qu'un modèle hypothétique. Il sert de cadre conceptuel commun à l'équipe de mise en oeuvre d'une intervention nutrionnelle. Ce modèle évolue, tant il est vrai que la compréhension d'un problème nutritionnel s'affine au cours de la réalisation d'un projet. Il évolue notamment à la faveur des enquêtes qui sont menées dans la population.
Un tel modèle aide à la décision : il permet de choisir les facteurs sur lesquels l'intervention va concentrer ses efforts. Il aide l'éducateur à relativiser la portée de son action. A côté des facteurs sur lesquels il peut espérer exercer une influence, il existe une multitude de facteurs qui échapperont à son contrôle. L'analyse causale rend l'éducateur plus modeste dans ses ambitions de changement. Elle lui fait percevoir la nécessité d'une collaboration intersectorielle.
Au moment de l'évaluation, l'analyse causale conduit les responsables à nuancer les résultats en tenant compte de plusieurs types de facteurs : ceux que l'on voulait modifier et que l'on a effectivement réussi à modifier, ceux que l'on voulait modifier et qui ne l'ont pas été (ou alors dans le mauvais sens) et ceux qui ont échappé à notre action (les plus nombreux).
L'analyse causale se réalise en équipe, car un intérêt de la méthode est d'unir l'équipe autour d'une vision commune du problème nutritionnel. Elle aboutit à la construction d'un arbre où les facteurs s'ordonnent de haut en bas, des causes les plus proches aux causes les plus éloignées. Cette représentation graphique devient un outil de communication au sein de l'équipe.
6.2.2. Comment procéder?
Il faut réunir un groupe intersectoriel comprenant des représentants de la communauté et agents de développement impliqués dans la résolution des problèmes nutritionnels locaux, le groupe doit inclure au moins une personne formée en nutrition.
Les participants commencent par énumérer tous les facteurs du problème nutritionnel à traiter,
les plus proches comme les plus distants.
L'animateur aide ensuite les participants à mettre en évidence des relations causales entre deux
facteurs, puis des chaînes causales entre plusieurs facteurs.
Exemple:
Le modèle peut ensuite être construit sur un tableau assez large. Comme certains facteurs vont changer de place au cours de la construction du modèle, il vaut mieux utiliser la craie ou alors des cartons mobiles à fixer sur de grandes feuilles «kraft».
La construction du modèle (l'arbre des causes) progresse de haut en bas, de l'effet vers sa cause la plus immédiate.
Exemple :
Toute case est décomposée en deux cases au moins, situées au même niveau en dessous.
Exemple :
En ce qui concerne le dessin de l'arbre des causes, trois règles doivent être respectées par souci de simplification:
On n'indique pas les boucles de rétroaction (par exemple, si l'état de santé est un facteur de l'état nutritionnel, l'inverse est vrai aussi; l'état nutritionnel est un facteur de l'état de santé; on ne l'indique pas sur le modèle).
Lorsqu'un facteur intervient à plusieurs endroits du modèle, on répète ce facteur plutôt que de dessiner des liaisons latérales.
Lorsque deux facteurs situés sur la même ligne sont en interaction, cette interaction n'est pas représentée (par exemple, l'état de santé influence la consommation alimentaire, mais on n'indique pas cette relation causale).
6.2.3. Le résultat: l'arbre des causes (ou modèle causal)
Le résultat d'une analyse causale est un arbre des causes de la malnutrition, ou mieux, puisque tous les facteurs sont exprimés de façon neutre, un arbre des facteurs de l'état nutritionnel.
C'est un modèle causal, mais ce modèle est hypothétique. Les relations causales qui sont montrées ne sont pas nécessairement prouvées. Elles résultent de l'expérience des participants. Elles peuvent être confirmées par les enquêtes dans la communauté.
Le modèle causal présenté plus loin est proposé à titre d'exemple. Il n'a pas été réalisé en Guinée, mais s'inspire d'un modèle causal réalisé au Zaïre. Rappelons qu'un modèle causal ne vaut que pour le lieu où il a été réalisé.
Figure 15 - Exemple de modèle causal (arbre des causes) - tableau 1
Figure 16 - Exemple de modèle causal (arbre des causes) - tableau 2
6.3. LES ENQUÊTES
Pour mieux comprendre le problème nutritionnel qui se pose à la communauté, il est souvent utile de réaliser des enquêtes complémentaires à l'enquête nutritionnelle, qui a été présentée plus haut.
Les résultats de ces enquêtes permettront d' améliorer le modèle causal, de renforcer la compréhension du problème et de mieux conduire les actions qui seront entreprises à l'étape suivante.
Les passages ci-dessous sont inspirés de parties du Guide méthodologique des interventions dans la communication sociale en nutrition (Rome, FAO, 1993).
6.3.1. L'enquête de consommation alimentaire
Elle permet d'établir le taux de couverture des besoins nutritionnels d'une communauté. L'enquête de consommation se fait auprès des familles:
Soit par pesée des quantités d'aliments préparés et consommés au cours des repas et en dehors des repas; l'enquête se fait habituellement sur cinq jours consécutifs. Elle donne ainsi des résultats précis, mais elle est longue, astreignante et coûteuse; elle est très difficile à mener et n'est pas du tout indiquée au niveau villageois.
Soit par interview sur les types et les quantités d'aliments consommés; les questions portent sur la consommation de la veille, ou lorsque l'enquête se fait le soir, sur la consommation de la journée; l'enquête sur plusieurs jours et à plusieurs périodes de l'année permet d'améliorer les résultats. L'interview peut se limiter à la fréquence de consommation hebdomadaire des principaux groupes d'aliments.
L'enquête par interview donne une estimation de la ration alimentaire tant qualitative que quantitative, à différentes périodes de l'année. Elle permet d'avoir une bonne idée des problèmes de consommation.
En raison de son caractère pratique, de sa rapidité et de son moindre coût, nous retiendrons la méthode par interview comme technique d'enquête de consommation alimentaire.
Notons que:
l'enquête sur plusieurs jours et à plusieurs périodes de l'année permet d'améliorer les résultats.
l'enquête effectuée dans les cuisines lors de la préparation du repas du soir est préférable, car elle permet d'évaluer avec précision la quantité et la qualité des aliments préparés.
6.3.2. L'enquête CAP
A quoi sert-elle?
L'enquête CAP est une enquête menée par questionnaire sur un échantillon représentatif de la population étudiée. Elle vise à mieux connaître les connaissances (C), les attitudes (A) et les pratiques (P) de cette population d'où son nom.
Exemples :
Sur le sevrage, une enquête CAP permettra d'identifier les connaissances des mères au sujet de la valeur de tel ou tel aliment de telle ou telle préparation pour tel âge leurs attitudes par apport au fait de donner telle ou telle bouillie à leurs enfants et enfin leurs pratiques réelles en la matière.
L'enquête CAP peut aussi être utilisée pour évaluer les résultats d'un programme : elle est alors réalisée avant et après une intervention, ce qui permet de mesurer l'écart entre ces deux situations.
Pour pouvoir considérer les modifications observées comme les effets de l'intervention, il est cependant souvent nécessaire de réaliser la même enquête dans un groupe témoin, c'est-à-dire, un groupe de personnes qui ne bénéficient pas de l'intervention.
Comment faire ?
Les éléments essentiels d'une enquête CAP sont:
Un questionnaire bien construit. Ce questionnaire, généralement composé de questions fermées (pour faciliter le traitement des données), est le résultat d'un long travail préparatoire. Il s' agit en effet d' identifier les questions pertinentes (la recherche qualitative, à l'aide des méthodes présentées plus loin, y aidera), puis de les formuler, les traduire, les prétester, pour enfin leur donner une forme définitive. La longueur du questionnaire doit être adaptée au public auquel il est destiné à sa disponibilité pour l'enquête. Le questionnaire doit répondre aux objectifs de l'enquête et uniquement à ceux- là. On voit trop de questionnaires qui comportent des questions inutiles au regard des objectifs poursuivis. La formulation correcte des questions s' apprend.
Un échantillonnage représentatif de la population étudiée. Pour pourvoir tirer des conclusions généralisables à toute la population étudiée, moyennant une marge d'erreur qui soit la plus étroite possible, l'échantillon doit être représentatif de cette population. Deux conditions doivent être respectées: le nombre de personnes à interroger doit être suffisamment élevé et l'échantillon doit être constitué au hasard.
Le respect de cette condition implique une formation spécifique en ce domaine.
Une organisation rigoureuse du travail d'enquête. Cette organisation implique notamment une bonne formation des enquêteurs, qui vont poser les questions exactemment de la même manière, sans quoi les résultats seraient faussés.
Un traitement efficace et suffisamment rapide des données recueillies. Quand on ne dispose pas d'un ordinateur, il faut limiter le nombre de questions à poser et le nombre de personnes à interroger. Un exemple clair: quand on pose 40 questions à 500 personnes, on obtient 20 000 données qu'il va falloir croiser pour en tirer toute l'information. Pour produire des analyses aussi complètes que le traitement informatique, le traitement manuel coûterait des mois de travail harassant.
Critiques de l'enquête CAP
Première critique: les informations récoltées de cette façon ne sont pas toujours fiables, dans la mesure où la sincérité des personnes questionnées peut être mise en doute.
Deuxième critique: les informations recueillies sont généralement superficielles, car la méthode de l'entretien par questionnaire ne permet pas d'approfondir les sujets traités.
Troisième critique: l'analyse et le traitement d'un nombre important de données chiffrées se révèlent souvent problématique pour des services qui ne disposent pas d'outil informatique.
6.3.3. Les groupes focalisés
A quoi servent-ils?
Les groupes focalisés sont utilisés pour obtenir des données qualitatives sur les opinions, les croyances, les représentations, les attitudes profondes d'une communauté à propos d'un sujet donné.
Comment faire?
Sous la conduite d'un animateur bien formé, des groupes de 6 à 12 personnes s'entretiennent sur un thème précis: la consommation d'un aliment, l'alimention de l'enfant de 6 à 12 mois, l'allaitement maternel, etc.
Ces groupes sont homogènes, ce qui libère la parole.
L'homogénéité est recherchée par rapport aux caractéristiques en relation avec le problème posé. D'une manière générale, on n'inclut pas dans le même groupe des personnes de statut social, de niveau d'instruction ou d'âge trop différents. S'il s'agit de questions relatives à la production agricole, on distinguera les petits exploitants des plus importants.
L'animateur constitue ses groupes de façon à refléter la diversité de la société qu'il étudie. L'objectif n'est cependant pas d'obtenir un échantillon représentatif. On peut considérer que l'on réalise des groupes focalisés tant qu'ils apportent de nouvelles informations sur le thème traité.
Exemple
Pour étudier la résistance des femmes à l'utilisation de méthodes contraceptives dans une localité rurale, on pourrait constituer les groupes selon le tableau suivant:
Utilisatrices | Non-utilisatrices | ||
---|---|---|---|
Sans enfants | Alphabétisées | ||
Non alphabétisées | |||
Ayant des entants | Alphabétisées | ||
Non alphabétisées |
Nous avons considéré comme critères pertinents l'utilisation préalable des méthodes contraceptives, le fait d'avoir des enfants ou non et l'alphabétisation de la femme. Sur cette base, on peut constituer huit types de groupes focalisés.
On ne constituera pas nécessairement tous les groupes possibles. S'il y a très peu de femmes sans enfants non alphabétisées, on ne constituera pas de groupe de ce type. En cours d'enquête, on pourra décider de réaliser deux ou trois groupes du même type, compte tenu de la richesse de la discussion. De même, on pourra décider de créer un groupe non prévu par le tableau initial: un groupe d'hommes, un groupe de filles-mères.
Pour conduire ces entretiens, l'animateur utilise un guide d'entretien semi-directif.
Comment élaborer ce guide?
On peut procéder en trois étapes.
D'abord, définir précisément les objectifs de ce recueil de données;
ensuite, établir une liste de sujets à traiter pour se donner le maximum de chance de recueillir les données souhaitées;
enfin, rédiger le guide en ordonnant les sujets à traiter.
Avant d'être utilité dans le cadre de la conception de l'intervention, le guide doit être prétesté et aménagé en fonction des résultats de ce prétest.
Comment mener l'entretien?
Il s'agit d'un entretien semi-directif, d'une durée approximative d'une heure à une heure trente. L'animateur doit savoir utiliser le guide d'une façon souple en suivant le groupe si celui-ci aborde les sujets dans un ordre différent de l'ordre initialement prévu. Il doit cependant éviter de laisser le groupe s'engager dans des débats qui sortent du thème à traiter.
L'animateur doit amener le groupe à approfondir sans cesse les sujets. La question «Pourquoi?» et ses corollaires reviendront souvent dans son vocabulaire.
L'animateur doit sans cesse être à l'écoute du groupe pour saisir les occasions d'approfondir une opinion émise. Il doit laisser à son secrétaire le soin de noter.
Comment exploiter les résultats des groupes focalisés?
Il faut insister sur l'aspect qualitatif de ce recueil des données. L'erreur la plus courante lors de l'exploitation des résultats consiste à écrire: «La majorité des personnes pensent que…» ou encore «Tel pourcentage de la population estime que…». Ce que l'on retire des groupes focalisés, c'est un lot d'avis qui vont être utiles pour comprendre en profondeur les conduites de la population ou pour élaborer des messages efficaces et non un tableau statistiquement représentatif des opinions de la population étudiée.
Parfois, c'est l'opinion émise par une seule personne au cours d'une séance qui se révélera la plus utile dans l'élaboration de l'intervention de communication. Dans d'autres cas, ce sont les commentaires verbaux ou non verbaux, au sujet d'une opinion émise par un membre du groupe qui se révéleront les plus féconds.
Le rapport d'une étude réalisée à l'aide des groupes focalisés n'est donc pas forcément très long. Il doit aider les planificateurs à comprendre pourquoi les gens se comportent d'une certaine manière, quelles en sont leurs raisons profondes. Il doit apporter du «nouveau» dans la compréhension des phénomènes.
6.3.4. Les entretiens individuels approfondis
A quoi servent-ils?
Certaines personnes que l'on qualifie de personnes ressources possèdent une connaissance particulière des sujets traités grâce à leurs activités professionnelles ou à leur insertion dans le milieu. Ces personnes feront l'objet d'entretiens approfondis d'une à deux heures.
Comment faire?
Les entretiens individuels doivent être menés par des personnes bien entraînées, si possible membres de l'équipe de planification du projet, afin d'éviter les pertes d'informations entre leur recueil et leur exploitation.
L'enquêteur doit être capable d'établir une relation de confiance avec la personne interviewée, de façon que celle-ci réponde librement aux questions posées. Le lieu de l'entretien est très important. Il doit être confortable et, autant que possible, permettre un dialogue franc et discret. Ce dialogue ne devrait pas être interrompu de façon intempestive. Les entretiens peuvent éventuellement être enregistrés si cela ne dérange pas les personnes interviewées. Cette procédure permettra à l'enquêteur de se concentrer sur son interview et d'oublier la prise de notes.
Comment élaborer le guide d'entretien?
Ce guide est très ouvert. Il doit être élaboré en fonction des questions que se pose le comité de planification du programme mais aussi en fonction des compétences perçues des personnes qui vont être interviewées.
Exemples de questions:
Quelle est votre expérience de la lutte contre la malnutrition dans cette localité?
Quels sont les facteurs les plus importants de la malnutrition protéino-énergétique chez l'enfant de moins de cinq ans (le problème traité dans le cadre du programme)?
Certaines des habitudes de la communauté peuvent-elles expliquer cette malnutrition?
Parmi ces habitudes, lesquelles vous apparaissent modifiables? Lesquelles ne le sont pas? Pourquoi?
Généralement, l'intervieweur utilise un guide d'entretien semi-directif, ce qui lui laisse beaucoup de liberté dans la façon d'ordonner et de formuler les questions, voire d'en formuler d'autres, non prévues initialement, durant l'entretien proprement dit.
Comment traiter les résultats?
Les résultats se présentent sous forme qualitative. Les opinions émises par les personnes interviewées sont généralement des opinions subjectives. Elles n'ont de valeur que par le crédit que l'on peut accorder aux personnes interrogées.
6.3.5. L'observation
A quoi sert-elle?
On a souvent dit, avec raison, que les personnes interrogées à l'occasion d'une enquête par questionnaire donnaient des réponses qu'elles pensaient attendues par les enquêteurs. Ce phénomène de désidérabilité sociale est certainement beaucoup moins important chez les personnes faisant l'objet d'une enquête par entretiens individuels approfondis ou par groupes focalisés.
Néanmoins, dans tous les cas où l'homme communique sur ses pratiques, ses croyances ou ses valeurs avec un autre homme, il «habille» la vérité pour donner à son interlocuteur une certaine image de lui-même. Cela est et reste inévitable.
L'observation des activités humaines dans leur contexte a pour objet de remédier au moins partiellement aux carences des méthodes fondées sur l'entretien. Elle aspire à une plus grande objectivité dans la description des pratiques humaines et dans leur compréhension.
Comment faire?
Deux méthodes d'observation doivent être clairement distinguées: l'observation participative et l'observation systématique de certaines pratiques.
L'observation participative est un outil anthropologique, dont la première présentation a été faite par Malinowski en 1922.
L'enquêteur s'immerge dans la communauté dont il veut étudier les pratiques. En même temps qu'il vit dans cette communauté, il observe ce qui s'y passe. Le soir à l'abri des regards, il note ce qu'il a observé. Progressivement, il donne un sens aux résultats de ses observations, ce qui va guider ses observations ultérieures.
L'aboutissement de la démarche anthropologique se situe dans le profil ethnographique, c'est-à-dire une description complète d'une communauté, de son système social, de ses croyances, de ses modes de vie. Pour construire ce profil, l'anthropologue s'appuiera non seulement sur ses observations, mais aussi sur des entretiens approfondis avec ses «informateurs», appartenant à la communauté étudiée.
L'observation systématique de certaines pratiques se réfère davantage à l'ethnologie qu'à l'anthropologie. Il s'agit alors de rendre compte de la façon très détaillée de certaines conduites particulières. Par exemple, la conduite de réhydratation orale a fait l'objet de descriptions minutieuses situant les uns par rapport aux autres, les comportements qui composent cette conduite. Cette observation est très objective: il s'agit de compter la fréquence d'apparition des comportements, d'établir l'ordre dans lequel ils apparaissent, le temps consacré à chacun, etc.
Dans les deux cas, les enquêteurs doivent être conscients que leur présence peut affecter la conduite des personnes qu'ils observent.
Cependant, à condition de respecter un minimum de discrétion, les enquêteurs pourront sans doute donner une description plus proche de la réalité quotidienne que celle qui leur est fournie au travers des questionnaires.
Comment exploiter les résultats?
Lorsqu'on prépare une intervention éducative en nutrition, les deux modes d'observation peuvent apporter d'importantes informations. L'obervation participative permettra de situer les pratiques dans leur contexte culturel et ainsi de mieux en comprendre le fondement. Elle permettra d'anticiper les effets des changements éventuels dans ces pratiques. L'observation systématique facilitera l'élaboration d'une vision détaillée des conduites en cause. Elle mettra en évidence les avantages et les inconvénients de chacune d'elles. La décomposition de chaque conduite en ses comportements les plus intimes facilitera la formulation ultérieure de messages destinés à promouvoir cette conduite.
6.4 LA RECHERCHE DE SOLUTIONS
Bien identifier un problème est déjà le résultat d'une bonne compréhension de la situation du milieu. Un problème bien posé est un problème à moitié résolu.
Résoudre un problème c'est savoir quoi faire pour satisfaire un besoin.
La première étape dans la recherche de solutions est de poser correctement le problème, de le reformuler correctement;
la deuxième étape est celle de la recherche des hypothèse de solutions. L'analyse causale aide à rechercher les solutions possibles. A propos de chaque facteur du modèle causal, on peut se poser la question:
Peut-on intervenir sur ce facteur?
Quels seraient les actions possibles pour modifier ce facteur?
Il s'agit de trouver toutes les alternatives possibles et d'analyser leurs critères de possibilités de réalisation (faisabilité). L'analyse des possibilités de réalisation consiste à passer en revue de manière critique chacune des hypothèses de solutions en vue d'apprécier les possibilités de réalisation et surtout ses chances de succès… Cette analyse devra faire ressortir pour chaque hypothèse envisagée, ses avantages par rapport à ses inconvénients et surtout ses retombées directes dans le milieu. Ces retombées peuvent s'apprécier:
en termes techniques, de rendement, d'efficacité;
en termes économiques, de coûts, d'avantages;
en termes de changements sociaux.
Cette méthode d'analyse de chaque hypothèse de solutions permet de limiter les oppositions au moment du choix de la solution retenue et de sa réalisation. Quand la solution retenue est le résultat d'un accord général, les participants se sentent plus concernés et mieux motivés pour sa mise en oeuvre.
Il s'agit de rechercher si un tel problème s'est posé dans le passé dans un autre village et d'analyser les causes
de réussite ou d'échec. Cette démarche a pour objet d'éviter de retomber dans les erreurs du passé (échecs)
et de s'inspirer des solutions qui ont prouvé leur efficacité.
Pour cela, il convient de répondre à une question importante:
Quelles sont les causes de succès ou d'échec des solutions passées?
À partir de là, plusieurs solutions (en nombre limité toutefois) peuvent être proposées à la décision du groupe.
EXERCICE No 9: RÉALISATION D'UN ARBRE DES CAUSES
Réalisez en groupe intersectoriel de votre région ou de votre localité une analyse causale de la malnutrition protéino-énergétique des enfants de 0 à 3 ans.
Faites une liste des facteurs de l'état nutritionnel des enfants de 0 à 3 ans.
Organisez ces facteurs en un arbre des causes comme cela vous a été expliqué dans ce module.
OBJECTIFS
Au terme de l'étude de ce module, vous devriez être capable de:
Choisir les interventions appropriées à partir de l'analyse de la situation existante.
Définir les objectifs de ces interventions.
Identifier les étapes de la surveillance nutritionnelle dans ses modalités individuelle et collective.
Conduire des activités de surveillance nutritionnelle.
Définir l'éducation nutritionnelle.
Identifier les étapes de la planification d'une intervention d'éducation nutritionnelle.
7.1. CHOIX DES INTERVENTIONS
Le choix des interventions à mener pour assurer une réponse adéquate aux problèmes nutritionnels appartient à la communauté concernée.
Celle-ci doit cependant être aidée par les agents de développement pour faire un bon choix, c'est-à-dire un choix qui tienne compte des résultats de l'analyse de la situation et des ressources disponibles.
Ce choix obéit à certains critères. Une bonne solution:
doit provenir de la communauté.
doit s'attaquer aux causes du problème et non à ses manifestations.
doit se fonder sur les ressources dont on dispose ou qu'on peut facilement mobiliser.
doit être maîtrisable, c'est-à-dire être exécutée jusqu'au bout.
ne doit pas créer d'effets négatifs (d'autres problèmes).
doit s'adapter aux contraintes sur lesquelles on ne peut pas agir, par exemple, l'enclavement d'un pays, la pluviosité d'une région.
doit présenter un bon rapport coût/efficacité.
doit se conformer à la politique de développement des secteurs concernés.
Dans ce chapitre consacré aux actions à mener pour affronter les problèmes nutritionnels, nous accorderons une attention particulière à la surveillance nutritionnelle et à l'éducation nutritionnelle. Ceci ne doit pas nous faire oublier que les actions en matière de nutrition peuvent revêtir des formes très diverses, en relation avec les facteurs de l'éducation nutritionnelle, eux aussi très divers, comme on l'a vu plus haut.
7.2. DÉFINITION DES OBJECTIFS
L'action ne peut être efficacement cernée que si les objectifs ont été clairement définis:
un objectif clair est indispensable à un programme d'action précis
un objectif bien défini permet d'évaluer les résultats de notre action
Un objectif doit répondre aux caractéristiques suivantes:
Pertinent: l'objectif doit s'attaquer au problème que l'on traite.
Réalisable: l'objectif est réalisable lorsqu'il est possible de l'atteindre parce que l'on dispose des ressources nécessaires et parce qu'il n'existe pas d'obstacles insurmontables.
Précis: l'objectif doit décrire nettement le résultat attendu en précisant la nature, la quantité, la localisation de ce résultat.
Délimité dans le temps: il faut toujours indiquer des échéances, cela constitue simultanément un engagement et un bon moyen de contrôle.
Mesurable: un objectif est mesurable lorsque le résultat peut être chiffré.
Retenons que tous ces critères permettent aux agents de développement de suivre de très près le progrès d'une activité, et de l'évaluer à partir d'indicateurs mesurables.
Inspirons-nous d'un exemple précis:
Maassa Camara est confrontée dès son arrivée à Foumbadou à un grave problème de malnutrition chez les enfants de 0 à 5 ans. Toutes les actions qu'elle aura à entreprendre auront pour objectif de faire disparaître la malnutrition. Elle a pris conscience que lutter contre la malnutrition consiste à éliminer chacune des causes qui y concourent. Elle doit aider la communauté à mettre en oeuvre plusieurs actions. Pour tous ces objectifs, il est utile de distinguer l'objectif principal et les objectifs secondaires.
L'objectif principal est de réduire le taux de malnutrtition des enfants de moins de 5 ans de 10% à 3% dans la sous-préfecture de Foumbadou d'ici 5 ans.
Les objectifs secondaires: toutes les enquêtes effectuées ont permis de réfléchir sur les moyens d'atteindre cet objectif principal. Pour cela, il faudra mettre en place des opérations appelées aussi objectifs. Dans ce cas précis, citons quelques objectifs secondaires.
améliorer la couverture vaccinale des enfants de 0 à 5 ans d'ici un an;
développer un élevage de poules avec 50% des femmes d'ici un an;
assurer un approvisionnement en eau potable;
mettre en place un programme d'éducation nutritionnelle des mères, etc.
Les activités (ou sous-objectifs): les operations ou objectifs que l'on envisage d'entreprendre peuvent se décomposer en activités. Prenons par exemple l'objectif; développer un élevage de poules avec 50% des femmes d'ici un an.
Les activités correspondantes sont décrites dans la liste suivante:
organiser les femmes volontaires;
construire les poulaillers;
commander les poussins;
assurer l'alimentation et l'hygiène des poussins;
se grouper en coopérative pour vendre les oeufs.
Les activités élémentaires: pour chaque activité, il faut définir une liste d'activités élémentaires. Par exemple, pour construire les poulaillers, il faut mener à bien les activités élémentaires suivantes:
choisir les emplacements;
recueillir les cotisations;
réunir les matériaux.
identifier les ouvriers pour la construction, etc.
En procédant ainsi, étape par étape, on débouche sur ce que l'on appelle un arbre des objectifs qui comporte quatre niveaux. Dans le cas du programme de Maassa Camara, l'arbre des objectifs se présente ainsi:
Il ne faut pas induire d'effets négatifs : un effet négatif qui peut être induit est la vente totale des oeufs. Il est donc impératif de mener simultanément l'éducation nutritionnelle sur l'importance des oeufs en tant que source de protéines nécessaires à l'enrichissement de l'alimentation de l'enfant.
En plus de l'amélioration de la ration par la consommation des oeufs et de la viande, les sources de revenu des femmes augmenteront.
Un des aspects les plus importants auxquels Maassa Camara doit s'intéresser au départ, c'est la collaboration intersectorielle. Dans ce cas précis, la participation effective de l'agent de l'élevage est indispensable.
7.3. LA SURVEILLANCE NUTRITIONNELLE
7.3.1. Définition
La surveillance nutritionnelle est un ensemble d'activités qui consiste à “surveiller” la nutrition en vue de prendre à temps opportun des décisions permettant d'améliorer la nutrition des communautés.
Dans les pays en voie de développement, l'équilibre entre nutrition et malnutrion grave est précaire.
7.3.2. Objectifs
Logiquement, la définition des mesures propres à réduire la malnutrition suppose non seulement une analyse du problème, mais aussi la fixation d'objectifs.
L'objectif général de la surveillance nutritionnelle est donc de promouvoir des mesures propres à soulager ou à prévenir la malnutrition en fournissant de meilleures informations sur lesquelles sont basées les décisions de planification.
Les justifications de la surveillance nutritionnelle sont nombreuses :
Absence ou déficience d'un système de collecte d'informations, de transmission et de traitement de données qui entraîne un manque de prévision des nécessités d'intervention.
Prévalence élevée de la malnutrition (exemple de la Guinée).
Menace de variations inhabituelles des facteurs environnementaux pouvant entraîner une catastrophe.
D'autres objectifs non moins importants sont :
«Output» (objectif opérationnel) - L'output de la surveillance nutritionnelle est que les données recueillies relatives aux conditions nutritionnelles des communautés et les facteurs les influençant soient traités et analysés.
«Outcome» (effet attendu) - C'est l'amélioration de l'état nutritionnel des communautés en général, et des groupes vulnérables en particulier. C'est également une réaction efficace en cas de catastrophe et même à prévenir ces catastrophes.
La surveillance nutritionnelle peut s'exercer :
Sur un plan individuel : on parle alors de surveillance de la croissance ;
Sur un plan collectif : on parle alors de surveillance nutritionnelle à assise communautaire.
7.3.3. La surveillance de la croissance
La surveillance de la croissance a pour objectifs :
de suivre la croissance de l'enfant selon la technique de la courbe de poids, de dépister les enfants malnutris,
d'éduquer les parents par des conseils et des démonstrations nutritionnelles et sanitaires
contrôler les vaccinations contre la tuberculose, le tétanos, la diphtérie, la coqueluche, la poliomyélite, la rougeole.
7.3.3.1. Organisation de la consultation
L'équipe
En Guinée, la surveillance de la croissance est organisée par l'équipe du programme élargie de vaccination, mais aussi par d'autres équipes impliquées dans les programmes de nutrition.
Le lieu
Cette surveillance peut avoir lieu dans le centre de santé ou lors de la stratégie avancée d'une campagne de vaccination, ou encore dans les lieux d'activités où travaillent les autres équipes, voire même à domicile.
Le matériel
La fiche de croissance individuelle
Le registre des enfants
Le carnet de santé
Un peson ou une balance pèse-bébé
Des affiches, des boîtes à images, des diapositives, des livrets traduits en langue nationale,
Le matériel de démonstration culinaire (si une telle activité est organisée).
7.3.3.2. La pesée
La façon de faire
Il faut respecter les règles suivantes :
protéger la balance pendant les transports,
règler la balance au début de chaque consultation, voire en cours de consultation,
inscrire le poids sur le registre et sur la fiche individuelle de courbe de poids ;
Outils et techniques de la pesée
une balance à ressort munie d'une culotte (balance SALTER)
une balance plate-forme (pèse-bébé) ou un pèse-personne pour les grands enfants et les adultes.
L'enfant doit être pesé nu. Dans certaines populations rurales, les jeunes enfants portent des clochettes ou de lourdes amulettes qu'il est préférable d'enlever si aucun obstacle physique ou rituel ne s'y oppose; sinon, il est nécessaire d'estimer le poids de ces objets et de le retrancher du poids enregistré.
Dans le cas de très jeunes enfants particulièrement agités, on doit les peser dans les bras de leur mère sur un pèse-personne, le poids de la mère étant ensuite retranché.
La précision des pesées doit être de deux chiffres après la virgule pour les nourrissons, d'un chiffre après la virgule après deux ans. Le poids est donné en kilogrammes.
Au cours de pesées successives, il est recommandé de toujours se servir du même outil de mesure.
Les adultes et les adolescents peuvent être pesés avec une moins grande précision, habillés légèrement et déchaussés.
La périodicité
Il faut s'efforcer de peser les enfants à intervalles réguliers et rapprochés et de porter les résultats sur les fiches de courbe de poids.
Le rythme des pesées à conseiller est de:
une fois par mois de la naissance à trois ans,
une fois par trimestre après trois ans,
Cependant, si le poids reste stationnaire ou s'infléchit, l'enfant doit être examiné et pesé au moins tous les quinzes jours.
7.3.3.3. L'utilisation de la fiche de croissance1
La fiche de croissance constitue un moyen simple et peu onéreux de suivre l'état de santé et l'état nutritionnel de l'enfant et elle peut être utilisée par des agents de santé communautaires moyennant très peu d'instructions et d'encadrement.
Elle aide l'agent de terrain à évaluer la progression du poids en fonction de l'âge.
Elle constitue un instrument commode pour présenter des données sanitaires de base et elle permet de déterminer aussi bien la situation actuelle que les tendances qui se dégagent en matière de croissance.
En raison de son caractère essentiellement visuel, la fiche facilite la tâche d'éducation de la mère et de la famille. Elle permet de mieux comprendre la nature de la croissance et du développement et fait nettement apparaître les conséquences d'un régime alimentaire inadéquat et des maladies infectieuses.
Aussi, elle contribue à faire mieux accepter la responsabilité qui incombe à la mère dans les soins donnés à l'enfant et elle concrétise la notion d'auto-responsabilité familiale en matière de santé.
Sur toutes les fiches de croissance, les lignes verticales représentent l'âge de l'enfant en mois. Les lignes horizontales représentent le poids en kilogrammes et les poids sont indiqués dans la colonne de gauche de la fiche. Il y a douze colonnes verticales correspondant au douze mois de chaque année de vie de l'enfant. Le nom de chaque mois peut être inscrit dans les cases situées en bas des douzes colonnes. Dans la première case de gauche on inscrit le mois de la naissance de l'enfant. Cette case est entourée d'un trait gras sur la fiche de croissance prototype mise au point par l'OMS. Sous la première colonne de chaque année, il y a aussi une case entourée d'un trait gras, qui correspond à l'anniversaire de l'enfant, c'est-à-dire au début de chaque année d'âge de l'enfant.
La fiche de croissance se compose essentiellement d'un graphique sur lequel on inscrit le poids de l'enfant à différents âges. Il y a de nombreux modèles de fiches de croissance couramment utilisés dans différents pays, mais ils présentent tous les mêmes caractéristiques de base.
Il faut enregistrer le poids sur le graphique en faisant un gros point sur la ligne horizontale correspondant à ce poids en kilogramme. Par exemple, si le poids de l'enfant est de 6 kg un certain mois, trouver la ligne horizontale correspondant à 6 kg, la suivre jusqu'à son intersection avec la colonne verticale correspondant au mois en question et faire un gros point à cet endroit.
1 Source : La fiche de croissance, OMS, Genève, 1986.
Pour interpréter le résultat, il faut comparer le poids enregistré aux normes de poids en fonction de l'âge. On utilise le plus souvent les normes internationales.
Lorsque l'âge précis des enfants n'est pas connu, on doit le définir indirectement en établissant des repères dans l'année, liés au climat, aux travaux agricoles, aux fêtes traditionnelles.
Les normes sont indiquées par des courbes tracées sur la fiche de croissance.
Ces courbes délimitent trois zones: une zone normale (verte), une zone (jaune) correspondant à la malnutrition protéino-énergétique modérée et une zone (rouge) correspondant à la malnutrition protéino-énergétique grave.
On peut considérer que la quatrième zone, la zone supérieure est une zone de surnutrition, mais elle concerne très peu d'enfants en Guinée et ne pose pas un véritable problème de santé publique dans ce pays.
Ainsi que nous allons le voir sur les deux figures suivantes, on considère surtout l'évolution de l'enfant d'une pesée à l'autre plutôt que son état à un moment particulier de son existence. Un enfant qui s'écarte trop de sa courbe de croissance attire l'attention de l'agent de terrain sur son cas.
Figure 18 - Courbe de croissance de l'enfant A
Figure 19 - Courbe de croissance de l'enfant B
La figure 18 nous montre l'évolution d'un enfant qui, depuis sa naissance, se situe dans la zone de malnutrition modérée. II y est encore aujourd'hui, á l'âge de 15 mois. Pourtant, malgré les apparences, cet enfant ne doit pas être considéré comme malnutri: en effet, sa courbe de croissance est régulière. Cet enfant doit cependant faire l'objet d'un suivi régulier, car une chute de poids l'entrainerait rapidement dans la zone de malnutrition grave.
La figure 19 nous montre, à l'inverse la courbe de croissance d'un enfant qui évolue de façon positive dans la zone normale de la naissance au onzième mois. A partir de là, la situation se dégrade. Le poids stagne et connaît même une légère régression durant cinq mois consécutifs. Alors que l'enfant A pèse 8 kg à 15 mois, l'enfant B nous inquiète, de par la forme de la courbe (courbe en plateau) qui dénote sans doute une difficulté dans la conduite du sevrage.
On voit que la mesure régulière du poids permet d'établir la courbe de croissance, qui constitue un instrument précieux de la surveillance nutritionnelle.
7.3.4. La surveillance nutritionnelle à assise communautaire
7.3.4.1. Définition et objectif
La surveillance nutritionnelle à assise communautaire est un ensemble d'activités permettant aux communautés de se fixer comme but l'amélioration de l'état nutritionnel des populations.
Cette surveillance s'adresse particulièrement aux enfants de 0 à 3 ans à travers les mesures anthropométriques particulièrement le poids qui est la mesure la plus simple du niveau de croissance atteint à un âge donné.
Elle permettra aussi d'identifier les enfants ayant une faible croissance nécessitant des soins. A travers l'analyse causale, elle fera ressortir d'autres problèmes nutritionnels existant au niveau de la communauté.
L'objectif final de ces activités sera une reformulation ou un renforcement des programmes communautaires existants à travers une sensibilisation.
La surveillance nutritionnelle est une partie intégrante de la méthodologie de la participation communautaire, couplée avec la programmation villageoise.
Pendant la phase de programmation-sensibilisation; pour mieux cerner et analyser les problèmes avec l'optique de proposer des solutions pertinentes à inclure dans un programme villageois.
Au fur et à mesure de l'application du programme, comme instrument d'autoéval uation pour apprécier l'évolution de la situation nutritionnelle au niveau des communautés.
Comme outil d'évaluation des effets des activités du programme communautaire sur l'état nutritionnel des enfants, donc du degré d'achèvement de l'objectif principal de départ qui est l'amélioration de la situation nutritionnelle.
Toutes les activités seront menées au niveau du village par un animateur communautaire formé muni d'une balance pèse-bébé de type SALTER et de fiches de croissance communautaires.
7.3.4.2. Activités à maîtriser par l'animateur
Expliquer l'importance des informations produites par le suivi: comment leur utilisation peut améliorer
la situation des enfants malnutris
la situation alimentaire de l'ensemble de la communauté en faisant référence à l'approche communautaire.
Comprendre et pouvoir expliquer au comité villageois son rôle et celui de l'animateur villageois dans le suivi nutritionnel, et dans la prise en charge intégrale des activités du suivi par le village.
Décrire simplement les différentes étapes et le calendrier du suivi nutritionnel.
7.3.4.3. Notions de base
Le suivi nutritionnel, manié par les villageois eux-mêmes, fournit les données nécessaires pour suivre l'amélioration ou la détérioration de l'état nutritionnel des enfants de leur communauté.
Suivre de façon périodique l'état nutritionnel des enfants renforce l'importance de l'amélioration de la nutrition comme finalité des actions de développement.
L'amélioration de l'état nutritionnel signifie:
Le renforcement des connaissances et l'amélioration des pratiques nutritionnelles.
La réduction du nombre de cas de malnutrition grave et des décès dûs à la malnutrition.
L'augmentation du nombre des enfants qui prennent régulièrement du poids.
La réduction de la cécité nocturne due au manque de vitamine A.
La réduction de la prévalence de la carence en fer, de la carence en iode et de la carence en vitamine A.
7.3.4.4. Étapes du suivi nutritionnel
Sensibilisation des autorités locales et des villageois sur l'utilité du suivi nutritionnel.
Recensement de tous les enfants du village ayant entre 0 et 3 ans.
Inscription sur les fiches de croissance communautaires du poids des enfants, ce qui permet d' évaluer les proportions des enfants malnutris.
Inscription du poids de chaque enfant dans un registre nominatif afin de pouvoir évaluer les gains, et/ou pertes de poids d'une pesée à l'autre.
Identification des enfants malnutris et dialogue avec les mères pour connaître leurs problèmes.
Présentation des résultats au comité villageois.
Un entretien avec les mères des enfants malnutris pour déterminer quelles actions elles peuvent entreprendre pour améliorer les conditions des enfants.
L'animation d'une discussion avec le comité sur les actions à entreprendre pour résoudre les problèmes de malnutrition y compris l'appui à une mère d'enfant malnutri.
7.3.4.5. Indicateurs
L'indicateur utilisé en Guinée pour la surveillance nutritionnelle à assise communautaire est le rapport poids/âge des enfants de 0 à 3 ans.
Le bilan de la situation nutritionnelle peut être dressé à partir de deux nombres.
Bilan de la situation nutritionnelle:
nombre d'enfants dont le poids est stationnaire ou diminué depuis la dernière séance (en référence au nombre total d'enfants pesé).
nombre d'enfants malnutris par rapport au nombre total des enfants du village (en référence au nombre total d'enfants pesés).
La recherche des causes et facteurs liés à la malnutrition permettra de dégager les actions correctrices (voir l'analyse causale).
Ces données seront recueillies à partir d'enquêtes nutritionnelles sur les ménages pour le niveau national et à partir d'enquêtes anthropométriques portant sur les enfants de 0 à 3 ans pour le niveau communautaire. Dans les deux cas, les informations sont obtenues par interviews, observations et/ou mesures anthropométriques.
7.4. L'ÉDUCATION NUTRITIONNELLE
L'éducation nutritionnelle s'est longtemps illustrée par des causeries dans des centres de santé ou dans des services sociaux.
Cette façon de faire est aujourd'hui considérée comme inefficace lorsqu'elle ne s'intègre pas dans un projet plus vaste, dans une stratégie de communication rigoureusement élaborée.
Disons d'emblée qu'il existe deux façons de faire de l'éducation nutritionnelle:
l'éducation du patient, individualisée, interpersonnelle se déroule en face-à-face entre l'agent de terrain et une personne confrontée à un problème nutritionnel; nous en avons parlé plus haut en présentant les modalités de suivi de la croissance de l'enfant;
l'éducation de la collectivité, qui est une intervention dans la communication sociale, visant à modifier sur le long terme et sur une large échelle des pratiques liées à la nutrition.
C'est de l'éducation nutritionnelle collective qu'il sera question ci-dessous.
L'éducation nutritionnelle dite conventionnelle souffre en particulier d'une absence d'analyse des causes de la malnutrition, du recours à un canal de communication isolé (le face-à-face entre l'agent de santé et son public) et d'une référencec à ces méthodes pédagogiques inefficaces.
Ces observations ont conduit les spécialistes de l'éducation nutritionnelle à proposer d'autres stratégies et d'autres méthodes1.
7.4.1. La conception des interventions éducatives
En nutrition comme pour les autres activités de terrain dans le domaine de la nutrition, l'éducation nutritionnelle doit être rigoureusement planifiée.
L'éducation nutritionnelle se justifie lorsque:
L'analyse causale a fait apparaître l'existence de pratiques défavorables à la nutrition;
ces pratiques peuvent être améliorées compte tenu des ressources disponibles localement.
L'éducation nutritionnelle a alors pour but de modifier des pratiques liées à la nutrition en vue d'une amélioration de l'état nutritionnel des populations concernées et, en particulier, des groupes vulnérables.
Lorsque la décision est prise de poursuivre un objectif de modification de certaines pratiques liées à la nutrition, un important effort de recherche s'impose.
Les méthodes de la recherche préliminaire à une intervention dans la communication sociale sont aujourd' hui bien connues. Elles visent à obtenir un maximum d'informations sur les pratiques d' un groupe en un minimum de temps. Ces approches rapides de la réalité devraient toutefois s'appuyer sur des études anthropologiques classiques, plus coûteuses en temps et en argent, pour fonder leurs conclusions.
Parmi les méthodes qui ont prouvé leur efficacité dans l'appréhension de la réalité des pratiques liées à la nutrition, relevons:
au rayon des méthodes qualitatives: les entretiens individuels approfondis, les groupes focalisés ou “focus groups” et l'observation participative;
au rayon des méthodes quantitatives: les enquêtes par questionnaires auprès d'échantillons représentatifs (enquêtes CAP) et les observations systématiques de ces pratiques.
Ces méthodes ont été présentées plus haut, dans le cadre du module 5, consacré à l'analyse de problèmes nutritionnels. Leur utilisation nous permet de comprendre les raisons profondes de pratiques que nous jugeons défavorables à la nutrition et les mobiles possibles d'un changement positif en ce domaine.
Au terme de la phase de conception d'une intervention dans la communication sociale en nutrition:
des choix auront été opérés quant aux pratiques qui feront l'objet de la communication;
les facteurs individuels, sociaux et environnementaux qui influencent ces pratiques dans le contexte considéré auront été clairement identifiés.
7.4.2. La formulation d'une stratégie de communication
Ce travail est l'affaire de la communauté, ou de ses représentants, associés aux agents de développement des différents secteurs concernés.
En éducation nutritionnelle, les objectifs sont définis à trois niveaux:
Des objectifs d'amélioration de l'état nutritionnel, qui sont en fait les objectifs de l'intervention globale de promotion de la nutrition (exemple: améliorer le statut en fer des femmes enceintes et allaitantes);
des objectifs d'amélioration des pratiques liées à la nutrition, qui résultent de l'analyse causale décrite plus haut (exemple: augmenter la consommation d'aliments riches en fer et disponibles localement);
des objectifs de modification des représentations, des attitudes, du savoir-faire ou de l'image de soi (exemple: accroître l'intérêt porté à certains types d'aliments, tels que les feuilles vertes ; améliorer les modes de cuisson ; augmenter la confiance des ménagères dans leur capacité personnelle de préparer ces aliments).
Des objectifs clairs conduisent, après essais systématiques dans les familles, à des messages bien adaptés.
Le message doit être techniquement correct et adapté aux conditions locales. «Un message est techniquement correct quand il est conçu de façon à s'attaquer à un problème nutritionnel qui existe réellement dans la population-cible et qu'il propose une solution qui a toutes les chances d'être efficace». Il est utile de faire vérifier le contenu du message retenu par des spécialistes de la nutrition, qui peuvent éviter bien des erreurs à ce stade. Un message est adapté aux conditions locales quand il recommande la consommation d'aliments disponibles, bon marché et non-sujets à des tabous alimentaires. Il faut, avant de les choisir, calculer leur prix réel en tenant compte de leur valeur nutritionnelle3.
Les canaux de communication qui serviront à transmettre ces messages sont choisis, eux aussi, sur base des résultats de la recherche préliminaire.
Ainsi se construit une stratégie de communication multimédia visant le court et le long terme, mobilisant les ressources des médias de masse, en particulier la radio et de la communication interpersonnelle, grâce, notamment, aux agents de santé, aux vulgarisateurs agricoles et aux instituteurs, ceux-ci formant les générations futures.
7.4.3. La mise en oeuvre
La mise en oeuvre d'une telle stratégie implique la production, sur une large échelle, des supports de communication (microprogrammes, affiches, brochures, etc.). Elle implique également la formation préalable des agents-relais des messages nutritionnels, leaders d'opinion, journalistes, agents de santé, enseignants etc… afin de dépasser le cadre de campagnes ponctuelles, aux effets trop vite estompés par le retour à la tradition.
Lorsqu'on met en oeuvre une stratégie de communication favorable à la nutrition, il faut s'assurer que tous les intervenants transmettront le même message.
Reprenons l'exemple de la promotion de la consommation de feuilles vertes riches en fer. Le même message va être transmis:
sur les ondes de la radio rurale, qui l'associera éventuellement à une émission publique de variétés ou qui en fera un microprogramme (message dont la durée n'excède pas trois minutes);
dans les écoles, par des instituteurs qui intégreront cet enseignement dans leurs cours habituels;
dans les centres de santé, à l'occasion des consultations prénatales et de la surveillance de la croissance;
par les vulgarisateurs agricoles s'adressant aux maris des femmes constituant notre public-cible;
etc.
7.4.4. l'évaluation
L'évaluation des interventions fait l'objet du module 8.
Disons simplement ici que, en éducation nutritionnelle comme dans d'autres domaines,
les critères d'évaluation sont définis par rapport aux objectifs de l'intervention:
réception du message
rétention du message
modification des attitudes, des valeurs, de l'image de soi, des savoirs ou du savoir-faire
essai de nouvelles pratiques
adoption de ces pratiques.
Le critère final de réussite de l'éducation nutritionnelle, c'est l'adoption de pratiques favorables à la nutrition par le public-cible de la communication. (Par exemple : la préparation régulière de bouillies de sevrage équilibrées par la maman).
7.5. CONCLUSION
La mise en oeuvre des actions visant à résoudre ou à atténuer un problème nutritionnel peut s'orienter dans des directions très variées. Nous y avons fait écho dans le module 4, consacré à la promotion de la nutrition.
Dans le cadre de ce module 7, nous avons mis l'accent sur deux types d'action qui se situent au premier plan de la promotion d'une meilleure nutrition : la surveillance nutritionnelle (orientée vers l'individu ou vers la communauté) et l'éducation nutritionnelle (orientée, elle aussi, vers l'individu ou vers la communauté).
Quel que soit le type d'action entreprise, elle devrait toujours résulter d'une analyse des causes du problème nutritionnel identifié par la communauté et d'une étude des ressources et contraintes locales.
L'action sera mise en oeuvre par la communauté avec l'aide des agents de terrain oeuvrant de façon <intersectorielle.
Pendant l'action (et au terme de l'action, si celle-ci à un terme) il faut procéder à son évaluation. Nous verrons comment dans le dernier module de ce manuel.
EXERCICE No 10: SURVEILLANCE DE LA CROISSANCE D'UN ENFANT.
Voici quatre enfants.
Pour chacun d'eux, nous vous donnons les résultats des pesées successives.
Veuillez tracer la courbe de croissance de chaque enfant sur une fiche individuelle de croissance.
Veuillez ensuite interpréter la courbe obtenue.
Odia CAMARA, enfant né le ler Avril 1992.
ler Avril | 1992 | |
ler Juin | 1992 | 4,500 kg |
Août | 1992 | 5,000 kg |
Septembre | 1992 | 5,500 kg |
Décembre | 1992 | 6,750 kg |
Mars | 1993 | 7,000 kg |
Juin | 1993 | 8,000 kg |
Novembre | 1993 | 8,500 kg |
Janvier | 1994 | 8,000 kg |
Février | 1994 | 8,300 kg |
Mars | 1994 | 8,750 kg |
Mohamed DONZO, enfant né en novembre 1991.
Novembre | 1991 | 2,500 kg |
Décembre | 1991 | 3,000 kg |
Janvier | 1992 | 3,700 kg |
Février | 1992 | 4,000 kg |
Mars | 1992 | 4,800 kg |
Avril | 1992 | 5,100 kg |
Mai | 1992 | 5,700 kg |
Juin | 1992 | 6,000 kg |
Juillet | 1992 | 6,400 kg |
Août | 1992 | 7,000 kg |
Septembre | 1992 | 7,500 kg |
Octobre | 1992 | 8,000 kg |
Novembre | 1992 | 8,500 kg |
Décembre | 1992 | 8,900 kg |
Janvier | 1993 | 9,300 kg |
Février | 1993 | 9,000 kg |
Mars | 1993 | 8,500 kg |
Avril | 1993 | 8,800 kg |
Mai | 1993 | 8,500 kg |
Juin | 1993 | 8,000 kg |
Michel CAMARA, enfant né en Août 1992
Août | 1992 | 4,000 kg |
Septembre | 1992 | 4,600 kg |
Octobre | 1992 | 5,000 kg |
Novembre | 1992 | 5,400 kg |
Décembre | 1992 | 5,850 kg |
Janvier | 1993 | 6,300 kg |
Février | 1993 | 6,650 kg |
Mars | 1993 | 6,300 kg |
Avril | 1993 | 6,300 kg |
Mai | 1993 | 6,700 kg |
Juin | 1993 | 7,100 kg |
Juillet | 1993 | 6,800 kg |
Août | 1993 | 7,200 kg |
Aliou BAH, enfant né en Juin 1993
Juin | 1993 | 3,250 kg |
Juillet | 1993 | 4,000 kg |
Août | 1993 | 4,400 kg |
Septembre | 1993 | 5,000 kg |
Octobre | 1993 | 5,500 kg |
Novembre | 1993 | 5,500 kg |
Décembre | 1993 | 5,300 kg |
Janvier | 1994 | 5,000 kg |
Février | 1994 | 5,250 kg |
Mars | 1994 | 5,350 kg |
Avril | 1994 | 5,700 kg |
Mai | 1994 | 6,000 kg |
EXERCICE No 11: SURVEILLANCE NUTRITIONNELLE
Vous venez de réaliser une enquête nutritionnelle dans votre quartier. Vous avez pesé 20 enfants de 0 à 5 ans.
No de l'enfant | Âge | Poids |
---|---|---|
1. | 16 mois | 6,500 kg |
2. | 3 mois | 4,000 kg |
3. | 24 mois | 8,200 kg |
4. | 18 mois | 9,000 kg |
5. | 6 mois | 5,000 kg |
6. | 10 mois | 5,200 kg |
7. | 42 mois | 11,000 kg |
8. | 28 mois | 8,200 kg |
9. | 33 mois | 12,000 kg |
10. | 25 mois | 7,000 kg |
11. | 8 mois | 5,200 kg |
12. | 9 mois | 7,000 kg |
13. | 12 mois | 6,900 kg |
14. | 19 mois | 7,800 kg |
15. | 54 mois | 15,000 kg |
16. | 35 mois | 8,500 kg |
17. | 20 mois | 8,000 kg |
18. | 15 mois | 8,800 kg |
19. | 5 mois | 8,000 kg |
20. | 9 mois | 7,500 kg |
Veuillez reporter ces résultats sur une fiche de croissance (qui sera alors appelée fiche de croissance communautaire).
Ensuite, veuillez porter les résultats de votre enquête dans le tableau ci-dessous:
Nombre d'enfants | |
---|---|
Nutrition normale | |
(ou surnutrition) | |
Malnutrition modérée | |
Malnutrition grave | |
Total | 20 |
OBJECTIFS
Au terme de l'étude de ce module, vous devriez être capable de:
Définir l'évaluation, dans ses composantes d'évaluation de l'impact et d'évaluation des processus.
Élaborer des indicateurs d'évaluation d'une intervention donnée.
Préciser quand évaluer, ce qu'il faut évaluer, avec qui évaluer et comment évaluer.
Décrire les méthodes utilisées pour évaluer une intervention nutritionnelle.
Réaliser une évaluation dynamique et participative.
L'évaluation consiste à recueillir des informations quantitatives et qualitatives, à faire des observations directes, à extraire des conclusions et à fournir des explications relatives aux activités qui sont ou ont été entreprises.
L'évaluation n'a de sens que si elle est utile, si l'on est en mesure de tenir compte de ses conclusions et d'apporter les modifications nécessaires et que si elle est utilisée.
Quand évaluer ?
En cours d'action, l'évaluation permet de surveiller la progression et au besoin d'ajuster, de redresser les dysfonctionnements.
Enfin d'action, elle permet de comparer les résultats obtenus par rapport à l'objectif initial.
Il faut ajouter que l'appréciation d'une situation, réalisée au début d'un processus de planification peut déjà être considérée comme une forme d'évaluation. Cette appréciation de la situation deviendra d'ailleurs au terme de l'action et elle contribuera alors à l'évaluation de cette action.
Évaluer quoi ?
Ensemble, les acteurs de l'évaluation sont appelés à distinguer :
les “inputs” ou entrées : ce qui est (ou a été) investi dans le programme (ressources humaines et matérielles);
les processus ou activités : ce qui est (ou a été) réalisé ;
les “outputs” ou sorties : les résultats immédiats du programme ;
les “outcomes” ou effets : ce qui est ( ou a été ) observé à la suite de l'exécution du programme.
L'évaluation de type participatif vise non seulement à vérifier si les objectifs éducatifs ont été atteints (ou sont en voie de l'être), mais aussi (et peut être surtout) à s'assurer que les processus respectent les orientations fondamentales du groupe porteur du programme.
Au terme de l'action, il s'agit d'évaluer les résultats obtenus et de comprendre par quels processus ces résultats ont été obtenus. Si des effets pervers ont été observés, il s'agit aussi de comprendre comment ils ont pu se produire.
Avec qui évaluer ?
Quatre acteurs peuvent intervenir dans l'évaluation.
La communauté concernée c'est-à-dire le groupe cible. Elle doit être invitée à participer au processus d'évaluation car les actions à évaluer la concernent directement. Elle est donc intéressée au premier chef par la réussite ou l'échec de ces activités.
Les animateurs tant de la phase préparatoire que de la mise en oeuvre. Ils y seront d'autant plus impliqués que cette évaluation va les aider à améliorer leurs prestations.
Les évaluateurs, spécialistes de la question ou réputés tels, internes ou externes à l'équipe de planification, vont apporter leur concours technique à la réalisation de cette évaluation.
Les commanditaires : généralement les bailleurs de fonds ou les pouvoirs publics souhaitent obtenir les résultats de l'évaluation des actions qu'ils ont promues. Ils sont donc, eux aussi, des partenaires à part entière.
La méthode d'analyse causale, évoquee plus haut, facilite les échanges entre les acteurs d'une évaluation. Elle leur donne une référence commune quant à l'explication du problème nutritionnel qui fait l'objet de l'intervention. Elle les aide à identifier les facteurs explicatifs de la réussite ou de l'échec de l'intervention, que ces facteurs soient ou non placés sous contrôle.
Comment évaluer ?
Lorsque nous évaluons une action, il convient de comparer les résultats obtenus à ceux prévus par les objectifs. Pour cela, quatre étapes sont nécessaires :
Choisir des indicateurs rendant compte de façon mesurable les résultats.
Procéder au recueil des informations nécessaires.
Comparer les résultats aux objectifs.
Juger si l'on doit poursuivre le programme, le modifier ou l'interrompre.
Il faut être clair avec les objectifs que l 'on poursuit dans le cadre des actions entreprises. L 'évaluation de l'éducation nutritionnelle, par exemple, doit porter sur la modification des pratiques (objectif opérationnel ou «output»).
l'amélioration de l'état nutritionnel n'est qu' un effet attendu «outcome» dépendant d'autres réalisations
Il convient enfin, et ceci concerne tout spécialement l'adoption d'une méthode adéquate et globale d'évaluation, d'identifier les “facteurs de confusion externes”. Ces facteurs sont tous les déterminants du comportement visé qui échappent à l'action de l'intervention, mais n'en jouent pas moins un rôle significatif sur l'effet.
Par exemple, la même intervention peut avoir un effet très différent sur les groupes de personnes ayant des niveaux d'instruction différents. On ne peut modifier la scolarité des groupes-cibles, mais on peut en tenir compte lors de l'interprétation des résultats.
L'évaluation ne peut pas être concernée par la seule atteinte des objectifs, mais elle doit aussi s'intéresser aux processus, ainsi que nous l'avons écrit plus haut.
La procédure d'évaluation pourrait être la suivante :
Première étape:
faire un tableau récapitulatif des «inputs», des processus, des «outputs» et des «outcomes».
Deuxième étape:
inscrire ces éléments dans un modèle dynamique de l'intervention, comme dans l'exemple suivant, très simplifié.
Figure 20 - Modèle dynamique simplifié d'une action d'éducation nutritionnelle
Troisième étape :
Observer à chaque niveau du modèle à la fois les résultats obtenus et la qualité des processus.
Cette observation peut se faire de façon directe, par les différents acteurs, ou via l'administration de questionnaire.
L'enquête nutritionnelle peut être reprise à l'occasion d'une nouvelle appréciation de la situation, prélude à une nouvelle analyse et à une nouvelle action.
Il est important qu'à toutes les étapes du processus d'évaluation, les différents acteurs soient impliqués. L'évaluation comme l'ensemble du processus est participative et intersectorielle.