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Introduction

Les citations, ci-dessus, de l’historien français Fernand Braudel se réfèrent au rôle des colporteurs, une catégorie de commerçants généralement informelle, durant le processus de l’urbanisation européenne. Elles sont à la base de l’étude de l’interaction entre le commerce formel et informel dans une perspective dynamique, notamment le développement économique d’un pays. On démontrera que l’urbanisation rapide en Afrique subsaharienne, avec la création des filières de commercialisation des vivres, est une copie de ce qui s’est passé en Europe durant des siècles. La thèse principale de cet ouvrage est la structure des filières de commercialisation des vivres en Afrique subsaharienne qui en fait ne dépend que de deux facteurs, à savoir les caractéristiques de l’aliment et le niveau de développement du pays.

Dans les pays africains, comme partout dans le monde, un système de commercialisation des produits vivriers comprend un circuit informel et un circuit formel. L’importance de chacun de ces deux circuits diffère généralement selon le niveau de développement économique du pays. Dans les pays industrialisés, il n’y a que le système formel qui subsiste. Ainsi, dans des circonstances d’instabilité économique ou sociale, ou dans un pays dont le niveau de développement est très bas, le secteur informel domine largement le commerce et le secteur formel se concentre sur quelques segments bien spécifiques. La croissance économique se reflète dans un glissement du commerce des vivres du secteur informel vers le secteur formel. Cette étude analyse cette évolution.

On peut constater empiriquement que les céréales (riz, maïs) sont généralement commercialisées par le secteur formel; les produits périssables, par contre, (fruits et légumes), se situent dans le secteur informel. Ces constatations permettent de formuler deux hypothèses de travail qui sont utilisées à travers cette étude:

a) le rôle du secteur informel devient plus important à mesure que les produits vivriers diffèrent du produit optimal (c’est-à-dire homogène, divisible, non périssable) et que la technologie de commercialisation est absente; cette hypothèse implique que le secteur informel est complémentaire du secteur formel, et que le rôle du secteur informel diffère selon le produit et selon le pays;

b) le secteur informel, avec son surplus de main-d’oeuvre et son contrôle personnel des transactions, est plus efficace que le secteur formel dans certaines situations à haut risque, en l’absence d’infrastructures, de systèmes de crédits, de technologie de commercialisation.

L’objectif de ce document est triple. Premièrement, il s’agit de démontrer que le cadre macroéconomique et la structure de la demande en nourriture et du système agricole imposent des contraintes sévères à un système de commercialisation des vivres et à toute intervention dans ces systèmes. Deuxièmement, il faut identifier la relation entre les caractéristiques d’un produit d’une part et, d’autre part, la structure d’un circuit de commercialisation, le type de commerçant (formel-informel, grossiste, semi-grossiste, colporteur, détaillant), les systèmes de commercialisation (circuit court: agriculteur, colporteur, consommateur; circuit long: agriculteur, collecteur, grossiste, semi-grossiste, détaillant), et le comportement des participants dans le secteur et les caractéristiques du produit. Troisièmement, il s’agit d’identifier, à partir de ces relations, les contraintes aux interventions possibles des décideurs, des responsables de municipalités, d’organisations professionnelles, etc.

La recherche des systèmes est utilisée afin d’analyser les systèmes de commercialisation (voir chapitre 1). Cette approche met l’accent sur les interactions entre les niveaux de la chaîne de commercialisation. Elle permet d’analyser les interactions entre la production, la collecte, la transformation, la distribution et la consommation, en prenant en considération les interactions avec le cadre macroéconomique, physique et institutionnel. Au chapitre 2, l’approche est appliquée à la chaîne type de commercialisation des vivres en Afrique subsaharienne. Les contraintes qui déterminent la structure et l’évolution dynamique d’un système de commercialisation sont analysées au chapitre 3. Le chapitre 4 contient les conclusions et quelques recommandations.


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