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Chapitre 4: LE PLAN RÉGULATEUR D'UN MARCHÉ


4.1 - La préparation du plan régulateur d'un marche
4.2 - Les principes généraux des plans de masse de marchés
4.3 - Les plans de masse de marchés: études de cas
4.4 - Les aspects compares des différentes possibilités d'organiser physiquement un marche

Ce chapitre présente la manière d'utiliser les informations obtenues à la suite des enquêtes et des projections effectuées, comme préconisé au chapitre 3, afin de les utiliser pour l'établissement du plan régulateur de chaque marché. L'organisation interne et les différents éléments qui déterminent le plan de masse usuel des marchés y sont examinés dans le cadre de la fonction principale assurée par le marché considéré, de même que la répartition des activités en catégories semblables, les cheminements prévus, les relations entre utilisations adjacentes, et les éventuels conflits avec la circulation du quartier. Le chapitre se termine par l'examen d'un certain nombre de cas qui permettent de comparer les problèmes les plus usuels que l'on rencontre lors du développement d'un programme général d'implantation de marchés et de la préparation des différents plans de masse.

4.1 - La préparation du plan régulateur d'un marche

Une fois les enquêtes terminées, l'étape suivante consiste à préparer le plan régulateur du marché considéré. Ce plan se subdivise en deux volets: un plan de masse général (pouvant s'accompagner de plans de détail des infrastructures et des structures) et une pièce écrite expliquant les intentions générales du plan, sa programmation dans le temps et les coûts estimés. Pourquoi faut-il préparer un plan régulateur? Parce qu'un plan régulateur représente une synthèse de tous les facteurs qui influencent la gestion et le fonctionnement du marché considéré. Un bon plan régulateur donne une bonne image de ces facteurs et permet d'obtenir le maximum d'avantages pour un minimum d'investissements. Un mauvais plan régulateur ne permet rien de tout cela et, au contraire, gêne le bon fonctionnement du marché.

Les aspects à considérer dans cette synthèse d'évaluation sont résumés dans l'encadré 8. Ces aspects portent à des résultats qui sont le reflet d'interactions complexes entre facteurs économiques, sociaux, physiques et administratifs.

Figure 30 Développement d'un marché de village à l'ombre d'un bouquet d'arbres, Ghana

Source: Alcock, A.E.S. & Richards, H.M. 1953. How to plan your village. Longmans Green and Co., éds. Collection How to build, Londres.
Pour faciliter les choses, on peut regrouper ces aspects du développement d'un marché sous quatre principes fondamentaux:

Encadré 8
ÉVALUATIONS D'UN PLAN RÉGULATEUR DE MARCHÉ

1. Le plan régulateur permet-il de créer un marché qui soit plaisant et intéressant pour les clients, donc susceptible d'affronter la concurrence des autres magasins de détail?

2. Le plan régulateur tient-il bien compte des besoins des différents utilisateurs du marché?

3. Le standing du marché est-il bien en rapport avec les revenus et les habitudes de dépenses de ses clients usuels et potentiels?

4. Le plan régulateur exprime-t-il correctement le système global de gestion du marché?

5. Considère-t-il les contraintes financières qui gêneront son fonctionnement?

6. Les normes élémentaires de développement sont-elles prises en compte (par exemple, les normes d'hygiène)?

7. Le plan régulateur observe-t-il les règles d'un plan de masse correct (par exemple: aspects climatiques, géométrie du site, taille des stands, cheminements internes)?

8. Prévoit-il suffisamment d'espace pour le stationnement des véhicules, y compris les bicyclettes et les motos?


Ces principes généraux ne figurent pas en tant que tels dans un plan régulateur, mais ils y produisent une série de conditions à respecter, permettant d'établir un "cadre d'étude". Les concepteurs et les ingénieurs se basent ensuite sur ce cadre pour étudier le plan de masse et les structures du marché, et doivent en plus tenir compte d'un certain nombre de facteurs additionnels:

La façon dont les conditions du site influent sur la conception des structures et des infrastructures est expliquée plus en détail au chapitre 5. Il est bon de faire examiner l'étude d'un marché par ses utilisateurs permanents (municipalité locale, marchands, etc.) afin qu'ils puissent en faire la critique sur la base des questions reportées dans l'encadré 8 et en vérifier la concordance avec les requêtes formulées. Etant donné qu'il existe toujours différentes manières de résoudre les problèmes, il faut présenter différentes solutions en alternative pour leur permettre de choisir celle qui leur paraît la plus appropriée.

4.2 - Les principes généraux des plans de masse de marchés


4.2.1 - Le processus de développement d'un marché
4.2.2 - L'accès des véhicules et la circulation
4.2.3 - Le marché vu comme un espace public
4.2.4 - L'organisation de l'aire des marchés

Les principes généraux qui régissent la préparation d'un plan régulateur de marché sont les suivants:

4.2.1 - Le processus de développement d'un marché

La première chose à affronter quand on veut développer un plan régulateur est d'établir ce que l'on attend de lui. Le chapitre 3 a traité des projections à faire pour évaluer les besoins, mais ce n'était qu'en termes généraux. Au niveau du plan, il va falloir les réexaminer d'un point de vue plus strictement économique, c'est-à-dire qu'il va falloir déterminer si les coûts des infrastructures prévues peuvent ou non être compatibles avec les revenus escomptés. Cela va dépendre de deux facteurs: la croissance du volume d'affaires du marché et la valeur de ce même volume. Un petit volume d'affaires et une croissance lente ne pourront pas faire face à des investissements importants; toutefois, si l'on prévoit une croissance du volume d'affaires plus rapide à la suite d'un changement dans la population résidente, il peut être raisonnable de faire certains investissements qui pourront s'avérer viables.

La meilleure manière de considérer ce problème est de regarder le développement d'un marché comme étant un processus qui répond à un besoin. On peut donc envisager un premier stade où le marché sera un marché de plein air avec des éventaires mobiles, et prévoir dans le temps la construction de simples auvents pour protéger les marchands. Si on dispose de suffisamment d'espace, on peut également prévoir de doter progressivement le marché de commodités supplémentaires, ce qui peut justifier la construction d'une structure couverte.

Figure 31 Halle au poisson semi-couverte à Bruges, Belgique

Source: Auteur.
Le processus de développement d'un marché doit donc commencer par les équipements de base. La figure 30 montre un petit marché rural qui a commencé par la construction d'un mur d'enceinte, une esplanade pavée et un système de rassemblement des ordures. Par la suite, dès que cela a été possible, des stands de vente couverts ont été construits. Il serait bon de suivre ce modèle d'évolution pour les nouveaux marchés à développer dans les banlieues.

Le problème de l'espace dont on dispose est un point fondamental à étudier quand on prépare un plan régulateur. Comme on l'a dit plus haut, ceci dépend en partie de la quantité de fonds dont on dispose, et en partie du stade de développement atteint. Cela dépend également, toutefois, de la commodité que représente le marché pour ses utilisateurs ce qui, dans certains cas, veut dire qu'une simple structure peut être la solution la meilleure, même à long terme. Le marché de vente au détail du poisson à Bruges, que montre la figure 31, est un exemple de marché en plein air dûment planifié, les stands de vente étant protégés de façon permanente par un simple auvent. On trouve de nombreux marchés de fruits et de légumes de ce genre en Italie et en Espagne. Ce qu'il faut absolument retenir est que plus un marché est vaste, plus il coûte cher en structures et en équipements internes. Le problème de l'organisation interne des marchés fait l'objet du chapitre 5.

Un autre facteur influençant le processus de développement d'un marché consiste à décider s'il convient de conserver sa ou ses spécialisations (voir plus loin dans ce chapitre) dans le cadre du marché général, ou bien s'il vaut mieux en déplacer quelques-unes ailleurs. Il peut être opportun, par exemple, de déplacer le marché de viande près de l'abattoir ou près du carreau d'abattage plutôt que de le laisser à côté d'autres denrées alimentaires. Ce serait un avantage certain pour les abats et les produits de boucherie à base de sang, comme le boudin par exemple, car cela permet un contrôle plus vigilant de la part des officiers des services de santé.

Le problème qui consiste à séparer les fonctions de groupage des fonctions de vente en gros est plus difficile à résoudre. Rares sont les marchés ruraux de groupage qui ne font que cela, et beaucoup d'agents de groupage sont également des vendeurs au détail et des bailleurs de fonds. Les agriculteurs qui apportent leurs produits au marché de groupage en profitent pour faire leurs achats de détail. Dans les marchés urbains, l'amalgame des fonctions de détail et de gros posent également des problèmes. Pour les villes de plus d'un demi-million d'habitants (et certainement pour celles de plus d'un million d'habitants), il est essentiel de séparer ces fonctions du fait que les problèmes de circulation deviennent vite insurmontables. Par contre, dans les petites villes et dans les gros bourgs, les fonctions de gros et de détail peuvent se cumuler sans risques, en particulier si l'on a soin d'en séparer les horaires: la vente de gros au petit matin, la vente de détail à l'ouverture des boutiques de détaillants. Dans ce cas là, les mêmes personnes peuvent également assumer les deux fonctions.

4.2.2 - L'accès des véhicules et la circulation

Permettre aux véhicules un accès facile aux marchés est indispensable si l'on veut obtenir un échange efficace entre les personnes qui approvisionnement les stands et les personnes qui achètent les marchandises. Quand il s'agit d'un petit marché urbain ou rural, une rue traversant le marché (comme par exemple dans le cas d'un marché installé dans une rue) ou une route faisant le tour de l'aire réservée au marché peut suffire. Quand il s'agit de marchés de plus grande taille, il faut voir plus grand et envisager un système de bretelles routières, en évitant de faire de ces bretelles un raccourci pour une autre destination ou une voie qui ne mène nulle part ailleurs (genre cul-de-sac). Pour éviter les embarras de circulation, les croisements entre les bretelles et les routes principales devraient être en "T", c'est-à-dire n'avoir que trois possibilités de collision potentielle et non les 16 possibilités que présente un croisement usuel. Le croisement en "T" doit être le plus possible à angle droit afin d'assurer le maximum de visibilité aux conducteurs.

Figure 32 Cheminements des piétons et des véhicules dans un marché

Source: Gibberd, F. 1953. Town design. The Architectural Press, Londres.
Lors de la préparation des plans concernant les centres-villes, on a souvent tendance à vouloir séparer les cheminements des véhicules de ceux des piétons, en particulier aux endroits où le trafic est particulièrement dense. Toutefois, un système totalement piétonnier fonctionne rarement bien et les activités urbaines se développent mieux et plus intensément dans un environnement où l'accès aux véhicules et l'accès aux piétons sont tous deux possibles. Une autre solution à considérer peut être de faire en sorte que les allées piétonnières coupent à angle droit les routes. Dans les pays arabes, par exemple, il est fréquent de voir cette intersection marquée par une enceinte ou par une passerelle qui sert de frontière entre les deux systèmes (comme c'est le cas des souks de Shibam dans le Sud Yémen, de ceux de Sana'a, ou encore de ceux de Rabat au Maroc). Au Moyen Age, l'intersection de ces deux systèmes était souvent marquée, en Europe, par une croix. Le problème des trottoirs pour piétons est étudié plus à fond au chapitre 5.

La figure 32 montre que la circulation automobile côtoie la circulation piétonnière dans une aire de marché. Les clients du marché stationnent leurs véhicules dans un parking séparé. Les véhicules d'approvisionnement du marché arrivent par contre directement jusqu'aux stands. Toutefois pour éviter un excès de circulation dans la zone du marché, il est usuellement préférable de limiter les approvisionnements à un horaire particulier, hors des heures d'ouverture au public (en général au petit matin) et de faire les opérations de nettoyage et d'évacuation des ordures en fin d'horaire d'ouverture. Les marchands ont quelque fois des parkings qui leur sont réservés, et auxquels les clients n'ont pas accès. Il est fréquent que, dans le cadre d'un programme de développement d'un marché, il faille prévoir une signalisation routière appropriée pour indiquer aux différents types d'usagers les parkings susceptibles de les accueillir et l'horaire durant lequel ils peuvent en profiter.

Figure 33 Intégration d'un parc de stationnement pour camions et d'un marché dans des villages de petite et grande envergure au Ghana

Source: Alcock, A.E.S. & Richards, H.M. 1953. How to plan your village. Longmans Green and Co., éds. Collection How to build, Londres.
Le problème des accès aux marchés est tout aussi important en zone rurale. La figure 33 montre deux exemples de marchés ruraux. Dans les deux cas, le stationnement des camions d'approvisionnement est assuré à proximité de l'aire de vente. Prévoir des arrêts de car et des distributeurs d'essence à proximité est également important.

4.2.3 - Le marché vu comme un espace public

Les marchés, et tout particulièrement les marchés installés dans les rues ou sur les places de marché, ont de tout temps fait partie de l'organisation générale des espaces publics dans les villes et dans les bourgs. Quand on a affaire au développement de nouveaux quartiers, l'idéal serait de prévoir les marchés comme des espaces publics entrant dans le cadre général de la planification. Il faut toutefois se souvenir que, tout comme leurs ancêtres, il faut que ces espaces soient bien définis. Il faut éviter que les usagers potentiels se trouvent désorientés par l'organisation générale du système de vente. Il faut donc organiser la circulation de façon à créer une hiérarchie des espaces disponibles: un espace majeur, représenté par la place du marché ou par une rue occupée par un marché, est entouré d'espaces mineurs qui assurent d'autres fonctions.

La création d'une sorte d'enceinte, qui peut être représentée par des arcades, par des plantations ou par des constructions, rend ces espaces plus faciles à utiliser. Une erreur fréquente est celle de prévoir un espace trop vaste en oubliant que les espaces vides n'attirent pas le client. Pour que les clients se sentent attirés, il faut leur créer un environnement gai. Parmi les standards les plus simples à suivre, il faut considérer que la plus grande dimension ou le diamètre d'un espace ne devraient pas excéder 20 à 25 m et que la densité d'utilisation d'un espace public ne devrait jamais descendre au-dessous de 15 ou 30 m2 par personne. La largeur des rues piétonnières de moindre importance ne devrait pas, comme le démontre l'expérience, excéder la hauteur des bâtiments environnants.

Un autre aspect important pour faire en sorte qu'un espace public soit attrayant est de s'assurer que les activités qui l'entourent donnent un air de gaîté (par exemple par le biais d'éventaires qui s'ouvrent directement sur la rue) et qu'il ait une sorte de point focal, comme par exemple une fontaine, une tour d'horloge, une colonne d'affichage. D'une manière générale, les marchés de détail doivent toujours être entourés de boutiques, même s'il ne s'agit que de simples échoppes, ne couvrant pas plus de 5 m2 et délimitées par une enceinte permanente. L'idée devrait être d'en faire des échoppes louables à bas prix afin de les rendre abordables aux commerçants locaux, dans le but de fixer l'enrichissement au sein de la communauté.

Un aspect commun à beaucoup de marchés consiste à offrir des bancs pour permettre aux gens de se reposer pendant qu'ils font leurs courses. Il est bon également de prévoir des espaces permettant d'accueillir les fêtes de carnaval, des musiciens ambulants, des représentations de danseurs itinérants, ou tout autre spectacle susceptible d'être représenté à l'air libre. Citons, en exemple, les foires à l'occasion des haats des tribus indiennes, les sérénades de mariachis au Mexique ou les choeurs de chansons dans les pays chrétiens. Ce genre de représentations provoquent souvent des conflits avec la police car elles sont en contraste avec les règlements (du fait qu'elles encombrent la voie publique et encouragent les flâneurs suspects). Le plus souvent, la meilleure chose à faire est de prévoir un endroit spécifique, comprenant plate-forme ou estrade.

Les éléments essentiels de tout marché sont les endroits tels que les cafés et petits restaurants où marchands et clients peuvent s'asseoir et se reposer. Ces endroits ne doivent pas être chers et représenter toutefois une source d'emplois non négligeable pour ceux qui ont du mal à trouver du travail. Les débits de boissons et de nourriture doivent de préférence être installés aux croisements des routes et des allées, afin d'en augmenter la fréquentation. Il peut indifféremment s'agir d'éventaires mobiles, de petits cabanons individuels ou d'échoppes intégrées dans la façade des immeubles. Ils peuvent être gérés directement par leurs propriétaires ou bien être franchisés.

Comme on l'a dit plus haut, il faut faire en sorte que les marchés attirent le client. Un marché animé donne toujours une meilleure impression qu'un marché en demi-teinte. En Europe, si les marchés installés dans les rues continuent à attirer les clients, c'est essentiellement parce qu'ils offrent l'image d'un endroit plein d'intérêts et vibrant. Le marché de la grand'place de Brno (voir figure 34) est un bon exemple de la façon d'utiliser un grand espace public comme marché en utilisant des éventaires et des équipements mobiles et non permanents. Les investissements à prévoir pour améliorer ce genre d'espaces se limitent en général à réhabiliter la chaussée et les infrastructures de base (approvisionnement en eau, toilettes publiques, évacuation des ordures). Ces aspects sont traités plus en détail au chapitre 5.

4.2.4 - L'organisation de l'aire des marchés

Tout plan régulateur doit offrir une méthode permettant d'organiser différents services sur le site d'un marché, comme par exemple: la vente au détail de produits frais; l'assemblage de produits locaux; la vente de gros organisée, soit directement par les producteurs, soit par des intermédiaires; la vente de viande et/ou de poisson; la vente de détail d'autres articles, comme l'habillement ou la quincaillerie. Outre la délimitation des zones de vente, il faut également tenir compte de toute une série d'autres facteurs, et notamment:

Figure 34 Marché de vente au détail installé sur la grand'place de Brno, République Tchèque

Source: Auteur.
Comment grouper les stands de vente: l'un des aspects de base dont un plan doit s'occuper est de décider si les marchands de détail qui vendent le même genre de produits doivent être regroupés ou non. Quand les stands sont en ordre mélangé, l'envie d'acheter est flattée chez les clients mais il devient plus ardu de créer une concurrence entre les marchands, ce qui rend plus difficile pour les clients d'apprécier le rapport qualité/prix. Par contre, si les marchands sont groupés par genre d'articles, la concurrence est plus grande, ce qui joue en faveur des clients. En fin de compte, grouper les marchands par genre d'articles est en général ce qui convient le mieux, du fait que certains articles ne peuvent clairement pas voisiner avec d'autres (un atelier de réparations peut difficilement être adjacent à un étal de boucherie ou de poissonnerie), et il est bon qu'ils soient placés dans des portions distinctes du marché, ou du moins séparés les uns les autres par une allée principale ou un couloir latéral.

Le cheminement des clients: l'entrée principale du marché conditionne toujours la disposition et l'agencement des stands. Dans le cas de marchés de plein air, les clients proviennent le plus souvent de l'arrêt de car ou d'autobus, ou du quartier ayant la plus forte densité de population. Dans le cas de marchés couverts, il s'agit en général de l'entrée s'ouvrant sur la rue principale. D'une manière générale, il convient de placer les stands qui vendent des articles de première nécessité loin des entrées, afin d'obliger les clients à s'introduire profondément dans le marché. Dans le cas de marchés de rue, il est fréquent que les étalages de fruits et de légumes se trouvent au centre du marché.

Les emplacements pour marchands occasionnels: dans de nombreux marchés, on constate l'existence de marchands occasionnels qui s'ajoutent aux marchands permanents. Il s'agit le plus souvent de producteurs qui viennent vendre leurs marchandises certains jours de la semaine ou à certaines saisons. Pour faciliter la vie des clients usuels, il est bon de grouper ensemble tous les marchands permanents (c'est-à-dire ceux qui ont des locations de stand de longue durée) et de leur donner des emplacements fixes. Une autre portion du marché peut être réservée aux marchands occasionnels. Dans ce cas, s'il s'agit de petits marchands, il faut prévoir un système de gestion pour emplacements habituels mais non permanents.

L'encadrement des marchands ambulants: il existe souvent aux alentours des marchés toute une série de petits marchands ambulants qui, d'une part, causent des embarras à la circulation et, d'autre part, représentent une concurrence déloyale pour les marchands permanents. Il n'est pourtant pas conseillable de les chasser, car c'est souvent leur seule source de revenus. Il faudrait toutefois les obliger à payer une redevance journalière ou hebdomadaire et le mieux est de leur réserver un espace dans l'enceinte même du marché pour les empêcher de gêner le va-et-vient des clients et, en même temps, garantir un minimum d'hygiène.

Figure 35 Plan de masse usuel des petits marchés ruraux en Afrique occidentale

Source: Drew, J.R., Maxwell Fry, E.& Ford, H.L. 1947. Habitat villageois sous les tropiques. Lund Humphries, Londres.
Le commerce des animaux vivants: du fait que les animaux vivants peuvent provoquer des dommages ou des accidents et/ou transmettre des maladies, ils sont absolument à bannir de tout marché au détail de denrées alimentaires, qu'il s'agisse d'un marché couvert ou en plein air. Quand on est dans l'obligation d'associer la vente d'animaux vivants à un marché, il faut alors prévoir un enclos externe spécial, muni de facilités d'abreuvage séparées. Les volailles seules peuvent être admises dans un marché couvert quand il n'existe aucune autre possibilité de les mettre dans un enclos à part, mais il faut alors les grouper dans un endroit bien ventilé, près des issues. Elles doivent de toute façon toujours rester en cage. Pour éviter la transmission de maladies, leurs enclos doivent être en maçonnerie et l'hygiène doit y être scrupuleuse.

L'organisation d'un marché simple: même pour les marchés les plus simples, il convient de faire quelques considérations sur la manière de les organiser. La figure 35 montre une façon d'organiser des marchés ruraux de petite ou de moyenne taille. Tous les équipements associés à l'activité de vente (toilettes publiques, boîtes à ordures, affichages des cours) doivent être le plus possible mis en position centrale afin que tous y aient accès. Dans les marchés particulièrement étendus, il faut prévoir d'installer ces équipements en différents endroits du marché. L'encadré 10 du chapitre 5 fournit les standards de distance usuels à appliquer.

Figure 36 Halle de 0,8 ha, avec 50 kiosques et esplanade pavée de 0,275 ha, Abidjan, Côte d'Ivoire

Source: Aloi, R. 1959, Mercati e Negozi, Ulrico Hoepli, éd., Milan.
La division par zones et l'utilisation mixte: De nombreux marchés font une utilisation mixte des espaces couverts et de plein air. D'une manière générale, les marchands permanents utilisent des équipements couverts alors que les marchands occasionnels ou de passage utilisent les espaces en plein air. La figure 36 illustre trois types de stand possibles: boutiques, stands permanents à l'air libre sous auvent, esplanade pavée pour accueillir les commerçants occasionnels. Cet exemple de marché montre également le principe du groupement par genre d'articles, le poisson et la viande étant séparés du reste. La figure 37 montre un exemple encore plus extrême puisqu'il n'y a aucun espace en plein air et que tous les fruits et légumes sont vendus dans un marché couvert circulaire, séparé du marché au poisson (voir également la figure 57). Dans ce cas, les seuls autres aména-gements de l'aire de vente sont la rue de desserte et les stationnements. Même dans ce cas extrême, les espaces réservés à la circulation représentent au moins 60% de l'ensemble de l'aire. Cette considération est également valable pour le marché montré à la figure 36, si l'on tient compte des rues qui l'entourent.

Figure 37 Marché couvert sur 0,65 ha de fruits, légumes et poisson, Sidi-bel-Abbès, Algérie

Source: Aloi, R. 1959, Mercati e Negozi, Ulrico Hoepli, éd, Milan.

4.3 - Les plans de masse de marchés: études de cas


4.3.1 - Le redéveloppement
4.3.2 - La conservation et la réhabilitation
4.3.3 - Le développement d'un marché neuf
4.3.4 - La décision: améliorer un marché ou en créer un neuf

On retrouve, dans tout développement de marché, trois types de cas différents: le redéveloppement ou le déplacement d'un marché existant, la conservation ou la réhabilitation d'un marché existant (l'aspect physique du marché reste sensiblement le même), et le développement d'un nouveau marché. Le fait qu'il s'agisse de marchés urbains ou ruraux est indifférent, bien que le second cas soit plus rare en zone rurale. Les trois exemples donnés ci-dessous font la comparaison entre les problèmes auxquels on se heurte le plus souvent et montrent comment incorporer les principes généraux exposés ci-dessus dans les plans de masse à prévoir.

4.3.1 - Le redéveloppement

Il peut s'avérer nécessaire de redévelopper un marché pour différents motifs, dont le plus fréquent est la récupération de l'endroit où le marché est installé pour qu'il serve à autre chose. Ce qui distingue un redéveloppement de marché de la création d'un marché neuf est le fait que le marché redéveloppé doit tenir compte des desiderata de ses utilisateurs actuels et doit s'accommoder des contraintes imposées par les caractéristiques de la rue. La figure 38 montre le résultat du redéveloppement d'un marché qui avait subi des dommages de guerre. Plutôt que de réinstaller le marché tel qu'il était dans la rue, l'occasion a été saisie pour mieux rationaliser l'ensemble du commerce dans le quartier. Une place de marché en plein air a donc été créée, accompagnée d'un marché couvert et entourée de boutiques avec arrière-boutiques s'ouvrant sur l'arrière. L'ensemble formé par les boutiques et par le marché a été formulé comme un unique système bien délimité et desservi par des allées piétonnières.

Il arrive souvent, toutefois, qu'il soit difficile de procéder à des changements aussi radicaux, en particulier si le marché s'est développé sous l'impulsion non contrôlée d'un développement spontané. Par ailleurs, la cherté du mètre carré peut freiner la possibilité d'acheter des terrains supplémentaires pour permettre l'expansion correcte du marché. Dans ces circonstances, il peut devenir nécessaire de déplacer le marché vers un site vierge, avec tous les problèmes que cela comporte en termes de résistance de la part des marchands.

Figure 38 Le Lansbury Market, marché partiellement couvert, déplacé lors de son redéveloppement, Poplar, Londres

Source: Gibberd, F. 1953, Town Design, The Architectural Press, Londres.

4.3.2 - La conservation et la réhabilitation

Au lieu de complètement redévelopper un site, on peut également le réhabiliter et l'améliorer, comme le montre la figure 39 dans le cas d'un marché couvert des Caraïbes. Là, il n'était pas nécessaire de créer des boutiques et la réhabilitation du marché s'est attachée à développer des structures séparées pour la vente de la viande, du poisson ainsi que des articles d'artisanat et à prévoir des stands supplémentaires temporaires pour la vente occasionnelle de fruits et de légumes. Les accès en ont été améliorés et un arrêt d'autobus prévu. Une solution semblable a été adoptée pour la rénovation du Old Stone Town Market de Zanzibar montrée à la figure 23.

Figure 39 Plan de développement de halles en partant de l'extension d'un marché couvert existant, Castries, Sainte-Lucie

Source: FAO (PFL/RLA/001). Ian Marshall, architecte.
Figure 40 Place de marché de 49 x 36,5 m à Harlow New Town, Essex
Source: Gibberd, F. 1953, Town Design, The Architectural Press, Londres.

4.3.3 - Le développement d'un marché neuf

Les motifs qui portent à la création d'un nouveau marché sont, soit le besoin de desservir de nouveaux quartiers, comme par exemple les banlieues des grandes villes où les marchés sont développés sur un site vierge réservé à cet effet, soit celui de créer un marché au centre de nouvelles urbanisations. La figure 40 montre un exemple de ce second cas. La place du marché y est vue comme le point focal du développement de l'agglomération du fait que les habitants attendus provenaient de Londres où il est connu que les marchés de rue sont de tradition pour l'approvisionnement en produits frais. Là aussi, le marché en lui-même s'intègre dans un système général de commerces en plein air au service de la ville. L'accès des véhicules se fait par l'arrière des boutiques, par l'intermédiaire de cours de service et de zones de stationnement.

4.3.4 - La décision: améliorer un marché ou en créer un neuf

Toute intervention influant sur le système de commercialisation doit tenir compte en premier lieu de l'existence de clients acquis et futurs, de leurs lieux de provenance et de la catégorie de prix pratiqués dans le marché. Les zones d'influence des marchés ne sont pas toutes semblables, et leur attraction diminue en fonction de la distance. Quand on compare les marchés neufs aux marchés déjà implantés, on y constate les différences suivantes:

a) les marchés existants ou redéveloppés implantés dans des zones urbaines ont moins besoin de places de stationnement que les marchés de nouvelle création car ils bénéficient déjà de transports publics: la zone d'attraction des marchés locaux concerne les clients dont les revenus sont bas et n'a usuellement qu'un rayon assez limité, de l'ordre de cinq à quinze minutes à pied;

b) les marchés ruraux ont des zones d'attraction qui dépendent des itinéraires des cars, des éventuelles possibilités de transports fluviaux sur courte distance, et de la possibilité de les atteindre à pied (ce qui peut aller jusqu'à une heure de marche, soit 5 ou 6 km);

c) les marchés des nouveaux quartiers périphériques ont souvent des clients ayant un revenu supérieur (ils possèdent donc souvent leur propre voiture) mais ces marchés sont concurrencés par les centres commerciaux décentralisés et les grandes surfaces: ils doivent donc faire très attention aux prix qu'ils pratiquent, ce qui veut dire qu'il est très important d'y prévoir des redevances faibles en se limitant aux seuls investissements nécessaires, exactement comme s'il s'agissait de marchés plus centraux.

Une autre considération à faire est qu'un marché neuf ou amélioré n'intéresse les utilisateurs que dans la mesure où ceux-ci ont été invités à participer à sa conception de façon à leur faire percevoir clairement les avantages que cela comporte. Cette participation doit se faire à deux niveaux: au niveau de la planification générale, les responsables doivent s'assurer que les besoins des consommateurs résidents ont bien été évalués, et au niveau du marché, ils doivent rechercher la participation des marchands.

Pourtant, même quand on arrive à instaurer ce dialogue, les conflits sont toujours possibles et le fait que les nouveaux équipements représentent une amélioration ne suffit pas toujours à convaincre les marchands. Il peut arriver qu'ils refusent de transférer leurs activités dans le nouveau marché si, par exemple, les stands qui leur sont offerts sont plus petits que ceux dont ils disposaient dans l'ancien marché.

Des sessions de formation s'avèrent alors utiles pour leur démontrer que les nouveaux stands qui leur sont proposés leur permettent au contraire de mieux stocker leurs marchandises et de mieux en faire l'étalage, ce qui ne peut qu'accroître le niveau des ventes.

4.4 - Les aspects compares des différentes possibilités d'organiser physiquement un marche

Le tableau 12 récapitule les avantages et les désavantages de quatre plans de masse types de marché, fondés sur les principes exposés au début du présent chapitre. A l'exception de nouvelles halles de gros ou de marchés couverts créés dans les centres-villes, il n'existe pas vraiment de plans de masse courants pour les marchés, et la plupart sont en fait un mélange des plans types de base (voir figures 38, 39 et 40). Ils prévoient à peu près tous une esplanade en plein air avec des stands et un certain nombre de structures couvertes.

Tableau 12 COMPARAISON ENTRE LES PLANS DE MASSE DE MARCHÉS LES PLUS COURANTS

Catégorie

Caractéristiques

Marché de rue


1. Développement

· type de marché le plus simple à développer, aussi bien en ville qu'en zone rurale, du fait qu'il s'appuie sur des infrastructures déjà existantes; demande peu d'investissements;

2. Accès et circulation

· problèmes de circulation probables; plus facile à gérer quand on prévoit une rue réservée aux piétons et des stands rangés d'un seul côté de la rue; très gênant quand il s'installe aux croisements; dispose en général d'une bonne desserte de la part des transports publics;

3. Espace public

· profonde intégration dans le tissu et dans la vie de la ville ou du village;

4. Organisation du site

· peut difficilement être géré comme une entité indépendante; le stockage des marchandises et la sécurité des lieux sont souvent problématiques ne peut servir de marché de groupage en zone rurale ni de halle de gros dans les villes; le zonage des utilisations doit se faire par délivrance de concessions;

5. Autres aspects

· permet une intégration facile des marchands de passage (points de vente mobiles); gros inconvénients en cas de mauvais temps; facile à déplacer ailleurs.

Place de marché


1. Développement

· il faut disposer d'une place appropriée plus facile à trouver dans une ville ou dans un gros bourg; transition facile vers des équipements permanents;

2. Accès et circulation

· les opérations d'approvisionnement se font aisément à partir des rues qui entourent la place; il faut prévoir des stationnements au sortir de la place ou dans les environs immédiats;

3. Espace public

· forme un point focal naturel dans les villes; des fonctions de parc ou de square pour enfants peuvent être intégrées aux fonctions de marché; la place peut être utilisée de différentes manières après la fermeture du marché;

4. Organisation du site

· quand la place est petite, les clients doivent circuler sur son pourtour; quand la place est grande, les clients doivent circuler au centre; plus facile à gérer qu'un marché de rue, mais le stockage des marchandises et la sécurité sont toujours problématiques;

5. Autres aspects

· facile à organiser pour accueillir les marchands de passage et pour l'installation de stands semi-permanents.

Marché de plein air


1. Développement

· il faut prévoir un site spécial; les investissements sont modestes; la fourniture d'auvents peut se faire par étapes; les marchands de passage peuvent s'intégrer facilement;

2. Accès et circulation

· possibilité d'organiser les opérations d'approvisionnement et un stationnement ordonné;

3. Espace public

· ne fonctionne pas comme un espace véritable- ment intégré dans le tissu urbain;

4. Organisation du site

· plein contrôle de la gestion (en général); la gestion peut être partiellement décentralisée; il est facile d'y prévoir des équipements spécialisés; peut servir de marché de groupage en zones rurales ou de halle de gros en zones urbaines;

5. Autres aspects

· peut accueillir commodément des marchands occasionnels et prévoir des stands semi-permanents; les problèmes climatiques dépendent de l'existence éventuelle d'auvents.

Marché couvert


1. Développement

· il faut prévoir un site spécial; les investissements sont lourds et demandent un fort chiffre d'affaires; ne convient qu'aux zones fortement urbanisées; difficile à modifier ou à agrandir par la suite;

2. Accès et circulation

· il faut créer des parkings spécialisés séparés; l'approvisionnement des marchandises jusqu'aux stands internes peut requérir la disponibilité d'équipements spéciaux;

3. Espace public

· fonctionne rarement en tant qu'espace intégré dans le tissu urbain;

4. Organisation du site

· gestion entièrement centralisée; zonage des utilisations intégré dans la conception même des structures; difficultés pour accueillir les marchands de passage;

5. Autres aspects

· aucun problème en cas de mauvais temps; coûts d'exploitation élevés, en particulier sur le poste "entretien des structures".


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