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Module 7 - La mise en œuvre de l’Article 27.3(b): Formuler et faire appliquer une législation nationale (les systèmes sui generis)


Objectif
Points clés
7.1 Introduction
7.2 La protection des variétés végétales par des brevets
7.3 La protection des variétés végétales par un système sui generis
7.4 Les éléments possibles d’un système sui generis
7.5 La protection de variétés végétales par toute combinaison de brevets et d’un système sui generis
7.6 Conclusions
Bibliographie


R. Silva Repetto et M. Cavalcanti
Bureau juridique

Objectif

Ce module présente les différentes options offertes aux Membres de l’OMC pour mettre en œuvre l’Article 27.3(b) de l’Accord ADPIC, celui-ci les engageant à protéger la propriété intellectuelle des variétés végétales. Il expose, en outre, les aspects positifs et négatifs de ces options et décrit les éléments dont pourrait être constitué un système sui generis de protection des nouvelles variétés végétales.

Points clés

· L’Accord ADPIC traite de la protection des variétés végétales dans la section sur les brevets, bien qu’au vu des difficultés techniques d’application de la loi sur les brevets concernant les variétés végétales, et des difficultés éthiques et politiques qui entourent cette question, la clause d’exclusion sous l’Article 27.3(b) autorise les Etats à opter pour un système de protection sui generis alternatif.

· Bien qu’aucune exigence particulière concernant les systèmes sui generis ne figure dans l’Accord ADPIC, des conditions minimales, qui pourraient être inférées, incluent qu’un tel système doit conférer un droit de propriété susceptible d’être protégé, applicable à tous les cas, obligatoire et non discriminatoire à l’égard du pays d’origine du requérant.

· La mise en place d’un système sui generis de protection des variétés végétales suppose de prendre en compte des questions importantes, notamment la nature des objets protégés, les conditions à satisfaire pour se voir accorder une protection et la durée de cette protection.

· La Convention UPOV pourrait être adoptée comme base de référence d’un système sui generis mais l’adoption de ses principes doit être assortie d’un examen de questions telles l’extension du privilège des agriculteurs, le partage équitable des avantages, les droits des agriculteurs, un plan de compensation monétaire, le transfert de technologie, la commercialisation, l’accès aux ressources et la formation.

7.1 Introduction

L’Accord ne consacre pas une section spéciale à la protection des variétés végétales. En revanche, il traite indirectement de la question lorsqu’il examine le thème des brevets. En fait, la Partie II de l’Accord traite de chacun des droits de la propriété intellectuelle l’un après l’autre et dans des sections séparées (droit d’auteur, marques de fabrique ou de commerce, indications géographiques, dessins industriels, brevets, schémas de configuration de circuits intégrés, informations non divulguées ou secrets commerciaux, et contrôle de pratiques anticoncurrentielles pour les autorisations contractuelles) sans aborder directement la protection des variétés végétales. Ce n’est que dans la partie consacrée aux brevets (Section 5: Articles 27-34) que l’Accord ADPIC envisage la possibilité d’exclure les végétaux et les animaux de la brevetabilité, et l’obligation de protéger les variétés végétales par un système sui generis si elles ne le sont pas par des brevets. Les choix possibles sont au nombre de trois: des brevets, un système sui generis efficace ou une combinaison de ces deux moyens.

Le calendrier

L’Accord ADPIC, en tant qu’élément de l’Accord instituant l’OMC, est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Les périodes de transition assignées aux Membres pour se conformer aux accords de l’OMC ont été passées en revue dans le module IV.2.

Le fait que les dispositions spécifiques de l’Article 27.3(b) seront réexaminées en 1999, c’est-à-dire quatre ans après la date d’entrée en vigueur de l’Accord de l’OMC mais un an avant l’obligation pour la plupart des pays en développement de mettre en œuvre l’Accord ADPIC (1er janvier 2000), n’autorise en rien à différer la mise en œuvre ou à justifier des retards.

Options de base

En ce qui concerne la mise en œuvre, l’Article 27.3(b) de l’Accord ADPIC donne la première indication de base des options disponibles pour le réaliser: «Les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens». Trois solutions sont donc proposées pour protéger les variétés végétales:

i) les brevets;
ii) un système sui generis efficace; ou
iii) toute combinaison de ces deux moyens.

Une simple analyse de ces trois solutions met en évidence la complexité de la matière. En premier lieu, elles devront être interprétées dans le cadre de l’Accord ADPIC. En outre, l’expression sui generis, qui signifie un système de droits de propriété intellectuelle (DPI) concernant la protection des variétés végétales, n’est pas bien définie, et le nombre de combinaisons possibles de brevets et de systèmes sui generis peut s’avérer illimité. Et, finalement, le système doit être «efficace». Toutefois, ces trois solutions, telles qu’elles figurent dans le texte de l’Accord, sont les options de base et doivent représenter notre point de départ.

Ce module traite des aspects suivants:

· les avantages et les inconvénients d’une protection des variétés végétales par un système de brevets;

· les caractéristiques d’une protection des variétés végétales par un système sui generis;

· et les éléments pouvant être pris en compte dans un système sui generis.

7.2 La protection des variétés végétales par des brevets

Historique des négociations

Au cours des négociations de l’Accord ADPIC, trois propositions principales ont été soumises sur la question de la brevetabilité des végétaux et des animaux. La première proposition, avancée par quelques pays industrialisés (Etats-Unis d’Amérique, notamment) consistait à éviter toute exception dans ce domaine à la règle générale concernant la brevetabilité. La deuxième proposition, qui a fait suite aux dispositions de la Convention sur les brevets européens et qui est largement appliquée en Europe, suggérait d’exclure les variétés végétales et animales et les procédés essentiellement biologiques, autres que les procédés micro-biologiques, de la règle générale sur la brevetabilité. La troisième proposition laissait aux Membres une liberté bien plus grande d’exclure la biotechnologie de la règle générale de la brevetabilité.

Le résultat final des négociations, tel que repris dans l’Accord, est une combinaison des deuxième et troisième propositions et propose l’inclusion d’une clause de révision. Les pays avaient une marge de liberté plus grande pour décider de cas d’exclusions de la brevetabilité que celle proposée initialement par la deuxième proposition; en effet, non seulement les variétés végétales et animales mais aussi les plantes et les animaux en général pouvaient être exclus.1

1 Otten, A. (1996).

Longtemps, les obtenteurs ont essayé d’obtenir une protection au titre de systèmes industriels de brevets. Mais un certain nombre de difficultés techniques les ont empêchés d’appliquer aux variétés végétales des règles conçues pour les inventions techniques2. Comme il a été dit plus haut, la brevetabilité du vivant soulève des questions politiques très complexes telles que les approvisionnements alimentaires intérieurs, ainsi que des considérations éthiques, et peut avoir des effets préjudiciables sur d’importants besoins de plusieurs pays.

2 Heitz, A. (1994).

Traduisant ces différences, la clause d’exclusion de l’Article 27.3(b) laisse les Membres libres de choisir le système de DPI qu’ils souhaitent appliquer. Cette clause d’exclusion n’élimine pas la brevetabilité; les Membres sont libres d’assujettir n’importe quel matériel végétal à des droits de propriété intellectuelle. Toutefois, ils ne sont pas obligés de le faire vis-à-vis de tout matériel végétal qui n’est pas considéré comme un micro-organisme ou le produit direct d’un procédé micro-biologique ou non biologique.

Bien que certains pays industrialisés tendent à octroyer des brevets à un nombre croissant de matériels vivants, la plupart des pays adoptent une approche plutôt négative dans le cas spécifique des brevets pour les variétés végétales. Les questions politiques et les aspects éthiques en jeu, ainsi que l’expérience positive et constructive du système sui generis de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), paraissent renforcer cette approche négative. Le régime des brevets ne serait pas, semble-t-il, suffisamment souple pour incorporer tous les aspects pertinents et finit par être trop coûteux pour les obtenteurs non industriels.

Si les brevets ont bien été créés pour protéger les inventions techniques, ils n’assurent pas toujours une large distribution des avantages découlant d’une recherche donnée. Ce fait est dû à divers facteurs:

i) La loi sur les brevets fait une distinction nette entre découverte et invention. En revanche, les «inventions biologiques» n’ont pas toujours un aspect créatif car elles ne concernent que des formes de recombinaison d’un matériel génétique existant. Or, comme on l’a vu, les conditions de brevetabilité sont la nouveauté (non appartenance à un art précédent), créativité (originalité pour une personne du métier) et application industrielle (utilité).

ii) Les brevets sont des contrats conclus entre l’Etat et l’inventeur, en vertu desquels des droits exclusifs d’exploitation de son invention pendant une période donnée sont reconnus à l’inventeur en échange de la pleine diffusion de l’innovation. La loi sur les brevets est censée rendre publiques les connaissances sur la réalisation d’une invention. Dans le domaine de la biotechnologie, les brevets ne sont d’aucune utilité pour ceux qui n’ont pas accès au matériel génétique qu’ils décrivent.

iii) Les brevets interdisent l’emploi des connaissances protégées par le brevet. Les matériels brevetés ne peuvent être utilisés dans la recherche. Cette interdiction entrave la mise au point de variétés nouvelles et améliorées.

iv) Au titre du régime des brevets, les agriculteurs ne peuvent utiliser dans leur exploitation le produit de la récolte de leurs propres variétés protégées. La plupart des agriculteurs des pays en développement utilisent ou échangent des semences conservées sur l’exploitation.

7.3 La protection des variétés végétales par un système sui generis

7.3.1 Le sens de l’expression «système sui generis»

La première question qui se pose est de savoir ce que l’on entend par «système sui generis» ou, pour reprendre le texte de l’Article 27.3(b) de l’Accord, «un système sui generis efficace» de protection des variétés végétales. Son sens n’est pas uniforme. D’une manière générale, l’expression indique une forme spéciale de protection qui est particulièrement adaptée à un sujet ou à des circonstances spécifiques, ou qui est conçue pour satisfaire à des besoins, des priorités et une réalité spécifiques.

Du moment que c’est l’expression utilisée dans l’Accord, il faudrait essayer de la comprendre dans l’histoire et le cadre de ce dernier. Malheureusement, l’expression n’est pas définie dans le texte et n’a pas fait l’objet d’un véritable débat spécifique lors des négociations concernant l’Accord ADPIC. De fait, on ne connaît guère les étapes de son élaboration, ce qui nous aurait aidés à comprendre son sens exact.3

3 Otten, A. op. cit.

Le système de l’UPOV peut inspirer un système sui generis mais ce n’est pas obligatoire

Le «système sui generis efficace» dont il est question à l’Article 27.3(b) de l’Accord se veut clairement une solution de rechange au système des brevets. A cet égard, il conviendrait de rappeler que le système de l’UPOV avait également été établi en 1961 comme une forme spéciale de protection, autre que le système des brevets, qui ne couvrait que les variétés végétales et était adapté spécifiquement à ces dernières. Dans ce sens, le système de l’UPOV avait déjà été conçu en 1961 comme une forme sui generis de protection, en tant que solution de rechange au système des brevets.

Toutefois, comme mentionné dans le module IV.2, l’Accord ADPIC utilise le concept de protection sui generis des variétés végétales d’une manière générale, sans le limiter aux définitions de la Convention de l’UPOV et laissant ouverte la possibilité d’appliquer d’autres systèmes sui generis en vertu d’autres dispositions.

7.3.2 Exigences d’un système sui generis

L’Accord ADPIC ne fournit aucune indication directe quant aux éléments ou aux composantes d’un système sui generis efficace. Néanmoins, on pourrait dégager du cadre général et du contexte de l’Article 27.3(b) certaines caractéristiques fondamentales qu’un tel système devrait avoir4, notamment:

4 Leskien, D. et Flitner, M. (1997); p.26 et sqq.

(i) Le système sui generis doit être un système de DPI

L’Accord embrasse, en principe, toutes les formes de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. En effet, l’Annexe 1C de l’«Accord de Marrakech instituant l’Organisation internationale du commerce» est intitulé «Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce».

Comme on l’a vu plus haut, la Partie II de l’Accord ADPIC traite chaque droit de propriété intellectuelle séparément. Il importe de noter que, dans l’énumération de ces droits, deux formes particulières de protection font défaut: les droits des obtenteurs et les modèles d’utilité5. Cela ne veut pas dire que les droits des obtenteurs et les modèles d’utilité ne puissent être considérés comme des types spécifiques de droits de propriété intellectuelle (ou, plus précisément, de propriété industrielle) puisque tant les droits des obtenteurs que les modèles d’utilité ont toutes les caractéristiques de ces droits6. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’exclusion des droits des obtenteurs est due uniquement au fait que les principaux acteurs dans la négociation de l’Accord ont préféré l’approche axée sur les brevets pour les questions liées aux innovations dans le domaine des végétaux, alors que d’autres ont privilégié l’approche basée sur les droits des obtenteurs. Ce serait la raison pour laquelle, au lieu de mentionner les droits des obtenteurs, l’Accord fait référence d’une manière générale à un système sui generis de protection sans entrer dans le détail de cette question controversée.

5 Les modèles d’utilité sont des inventions d’un niveau moins perfectionné qui prévoient la modification, avec des effets techniques, d’un objet, d’un dispositif, d’un instrument ou d’un mécanisme. Dans le cas d’inventions, les brevets accordés pour des modèles d’utilité confèrent des droits exclusifs à leurs détenteurs.

6 Correa, C. (1994); p.25. Les modèles d’utilité protègent les petites innovations dans le domaine mécanique principalement, et sont estimées revêtir une très grande importance pour les pays en développement.

Le système sui generis doit assurer un droit de propriété

Il ressort clairement du contexte de l’Article 68 de l’Accord que le système sui generis est une forme de droit de propriété intellectuelle. D’après cet article, d’une part le Conseil des ADPIC est tenu de surveiller le fonctionnement de l’Accord et de vérifier que les Membres s’acquittent des obligations qui en résultent. D’autre part, les Membres devront notifier, aux termes de l’Article 63.2, seulement les lois et réglementations intéressant l’Accord. Le fait que le Conseil demande aux Membres de notifier leurs lois et réglementations sui generis indique que les systèmes sui generis sont considérés comme des DPI.

Lorsque, à l’Article 27.3(b), l’Accord évoque un système sui generis, il laisse entendre qu’il doit constituer une forme de protection de la propriété intellectuelle, un droit de propriété intellectuelle différent (des brevets) s’appliquant spécifiquement aux variétés végétales. La notion de droit de propriété intellectuelle doit être interprétée au sens large, c’est-à-dire comme un droit juridiquement applicable d’exclure des tiers de certains actes à l’égard du matériel protégé. Ce fait est à la base de tout droit de propriété intellectuelle traité dans l’Accord et, partant, du système sui generis.

(ii) Le système sui generis doit être applicable, en principe, à toutes les variétés végétales commerciales (objet de la protection)

L’Accord crée une obligation générale de fournir une protection aux variétés végétales, sans exception, au cours de périodes de transition mentionnées dans la Partie VI (Articles 65 et 66).

L’Accord ne définit pas l’expression variété végétale et ne spécifie pas combien d’espèces ou de genres devront être protégés. Il en ressort clairement que la protection doit s’appliquer à tous les genres et espèces. Deux caractéristiques apparaissent dans toutes les définitions: la variété est un groupe de plantes ayant un niveau défini de similarité qui permet de les distinguer d’autres groupes. L’Accord laisse aux Membres la possibilité de protéger d’autres matériels. Ils ne sont pas limités par l’Accord aux définitions de l’UPOV7, et peuvent fournir une protection dans le cadre d’un système sui generis à du matériel autre que les variétés végétales.

7 L’Acte de 1978 de la Convention de l’UPOV impose aux Etats Membres de protéger au moins cinq genres ou espèces au moment d’adhérer à la Convention et, par la suite, d’étendre progressivement leur protection à d’autres genres ou espèces pour atteindre au moins 24 genres ou espèces dans un délai de huit ans. L’Acte de 1991 de la Convention modifie cette approche et exige que les Etats Membres existants de l’UPOV protègent tous les genres et espèces végétaux cinq ans après leur adhésion à l’Acte de 1991, et impose aux nouveaux Membres de protéger tous les genres et espèces dix ans après cette adhésion si bien que, dans un avenir prévisible, le système de protection des variétés végétales de l’UPOV exigera que tous les Membres protègent tous les genres et espèces.

(iii) Le système sui generis doit être efficace, c’est-à-dire applicable

L’Accord ne définit pas le concept d’efficacité et ne précise pas les critères qui peuvent lui être appliqués. Dans le cadre de l’Accord, le terme est souvent interprété comme indiquant un nombre minimum de droits essentiels conférés par le système sui generis. Bien que raisonnable à première vue, cette interprétation soulève de nombreuses questions dès que l’on tente de définir ces droits minimaux. La Convention de l’UPOV ne peut servir de point de repère puisqu’elle n’est même pas mentionnée dans l’Accord.

Dans un système efficace, les droits sont exécutoires

Cependant, l’Accord suggère une interprétation différente. Il emploie le terme efficace dans le cadre de la mise en application au niveau national de droits et de procédures visant la prévention et le règlement de différends entre gouvernements (voir préambule et Article 41.1). Cela signifie que le terme efficace se rapporte à la possibilité de recourir à l’action légale ou administrative pour mettre en vigueur un droit spécifique ou pour interdire la violation de ce droit. Un système sui generis devrait garantir une telle action, indépendamment du contenu (caractéristiques ou nombre d’exigences, ou niveau de protection) du droit. Les droits de propriété intellectuelle sont fondamentalement des droits privés dont la mise en application imposera aux Membres de prévoir des procédures juridiques et administratives. Un système sui generis efficace est donc un système qui comprend ces procédures.

(iv) Le système sui generis doit être non discriminatoire vis-à-vis du pays d’origine du requérant

Le principe du traitement national

Conformément au principes généraux de l’Accord, tout système sui generis doit être non discriminatoire vis-à-vis du pays d’origine du déposant d’une demande (principe du traitement national): les Membres doivent accorder aux ressortissants de tous les autres pays membres un traitement qui n’est pas moins favorable que celui accordé à leurs propres ressortissants vis-à-vis de la protection des variétés végétales. Ce principe s’applique à toutes les catégories de propriété intellectuelle, y compris les systèmes sui generis (Article 3.1).

Une conséquence de ce principe est que, par exemple, en mettant simplement en œuvre la Convention UPOV, les Membres ne seraient plus en totale conformité avec l’Accord sur ce point. En effet, au titre des Conventions de l’UPOV, les Etats Membres de cette dernière ne sont tenus d’appliquer ce principe qu’aux autres membres. Une réciprocité si limitée va à l’encontre du principe général de l’Accord ADPIC8.

8 Leskien, D. et Flitner, M., op.cit.; p. 31.

(v) Le système sui generis doit accorder le traitement de la nation la plus favorisée

Le principe de la nation la plus favorisée

Le principe de la nation la plus favorisée doit aussi être satisfait. Il signifie que tous les avantages accordés par un Membre aux ressortissants de tout autre pays concernant la protection des variétés végétales doivent être étendus aux ressortissants de tous les autres Membres.

(vi) Autres principes régissant la loi internationale sur les systèmes sui generis

Comme on l’a vu plus haut, plusieurs accords internationaux relatifs aux ressources phytogénétiques et aux droits de propriété intellectuelle interviennent dans la mise en œuvre de l’Accord ADPIC. Ils représentent un cadre important dont il faudra tenir compte, au moins comme référence, dans l’élaboration d’un système sui generis.

Il conviendra d’analyser, dans certains cas spécifiques, l’incidence exacte que ces différents accords exerceront sur les Parties contractantes, dans la mesure où la mise en œuvre pourrait dépendre des accords qu’elles ont souscrit.

Certains principes et obligations liés à ces accords et conventions internationaux ont été largement acceptés dans des cas particuliers et ils jouent un rôle dans l’élaboration des systèmes sui generis. On ne peut cependant pas en conclure que ce type de système, tel que défini dans l’Accord, est l’instrument le plus apte à couvrir tous les aspects de ces principes ou obligations. Ce qui est certain c’est qu’il faudra en tenir compte lorsqu’on déterminera la portée et les objectifs du système sui generis, de manière que ni le système lui-même ni ses éléments n’aillent à l’encontre de ces principes ou obligations.

Les gouvernements qui mettent au point un système sui generis devront donc élaborer un cadre juridique qui puisse fournir des alternatives aux principes et objectifs reconnus par la communauté internationale dans le cadre des différents accords. Les principes les plus importants sont les suivants:

Rapport entre deux accords internationaux

Les conflits possibles avec la Convention sur la diversité biologique

La comparaison entre l’Accord ADPIC et la Convention sur la diversité biologique met en évidence certaines ambiguïtés. L’Accord ADPIC, bien qu’il soit le plus récent des deux traités, n’aborde pas la question de la conservation des ressources génétiques. En revanche, la Convention sur la diversité biologique traite de certains aspects des droits de propriété intellectuelle, impose explicitement aux Parties contractantes de faire en sorte que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle s’exercent à l’appui et non à l’encontre des objectifs (Article 16.5)9, et établit que l’accès à la technologie et le transfert de cette dernière devront être assurés selon des modalités «qui reconnaissent les droits de propriété intellectuelle et sont compatibles avec leur protection adéquate et effective» (Article 16.2)10.

9 L’Article 16.5 recommande que les Parties contractantes, «reconnaissant que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle peuvent avoir une influence sur l’application de la Convention, coopèrent à cet égard sans préjudice des législations nationales et du droit international pour assurer que ces droits s’exercent à l’appui et non à l’encontre de ces objectifs»

10 CDB (1996).

Ni l’Accord ADPIC ni la Convention sur la diversité biologique ne fournissent de normes pour le règlement d’éventuels conflits juridiques entre les deux instruments.11

11 Suivant les principes généraux de la loi sur les traités, ces conflits juridiques sont normalement réglés en donnant la priorité au dernier accord par rapport à celui adopté précédemment, dans le cas où les deux accords traitent spécifiquement de la même question de différentes façons, ce qui ne paraît pas être le cas. L’autre principe juridique applicable à de tels cas établit que le traité le plus spécifique a la priorité sur le plus général.

Souveraineté nationale sur les ressources génétiques

Le principe de souveraineté nationale ...

La Convention sur la diversité biologique se fonde sur le principe de la souveraineté nationale sur les ressources génétiques. Les droits souverains des Etats sur leurs ressources naturelles sont reconnus et mentionnés dans le préambule et le texte (Articles 3 et 15.1). L’Article 15.1 précise: «étant donné que les Etats ont droit de souveraineté sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de déterminer l’accès aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est régi par la législation nationale».

Suivant la Convention sur la diversité biologique, l’autorité de déterminer l’accès aux ressources génétiques est du domaine des droits souverains des Etats. Le principe de la souveraineté nationale sur les ressources génétiques ne peut plus être mis en cause. La question qui se pose est de savoir si l’exercice de ce droit peut se heurter à des problèmes spéciaux (notamment en ce qui concerne la non-exclusivité éventuelle des droits souverains et la difficulté de contrôler l’accès aux ressources génétiques).

Accès aux ressources phytogénétiques

... modéré par le principe d’accès aux ressources phytogénétiques

Il convient de noter aussi que la Convention sur la diversité biologique impose des limites juridiques aux droits souverains. En effet, l’accent sur la souveraineté nationale est atténué par la reconnaissance du fait que la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune de l’humanité (préambule) et par l’obligation qu’a chaque Partie contractante «de s’efforce[r] de créer les conditions propres à faciliter l’accès aux ressources génétiques ...et de ne pas imposer de restrictions qui [aillent] à l’encontre des objectifs de la Convention» (Article 15.2).

La Convention sur la diversité biologique ajoute que «l’accès, lorsqu’il est accordé, est régi par des conditions convenues d’un commun accord...» (Article 15.4). L’expression convenues d’un commun accord n’a pas été définie de manière explicite, mais elle est sans aucun doute liée à l’information et au consentement préalables (Article 15.5) et à la notion de partage des avantages (Article 15.7).

Partage des avantages

Etendre le principe de partage des bénéfices ...

D’après l’Article 15.7 de la Convention sur la diversité biologique, les Parties contractantes prendront des mesures législatives, administratives ou de politique générale «pour assurer un partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant de l’utilisation commerciale et autre des ressources génétiques avec la Partie contractante qui fournit ces ressources. Ce partage s’effectue selon des modalités mutuellement convenues».

En outre, la Convention sur la diversité biologique demande instamment aux Parties contractantes d’encourager, au niveau national aussi, le partage équitable des avantages écoulant de l’utilisation des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles [Article 8(j)]12.

12 L’Article 8(j) demande que chaque Partie, dans la mesure du possible et sous réserve des dispositions de sa législation nationale, «respecte, préserve et maintienne les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l’application sur une plus grande échelle, avec l’accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques».

Droits traditionnels

... aux savoirs autochtones

L’expression «droits traditionnels» comprend différents types de droits liés à l’usage coutumier ou traditionnel des ressources par les populations autochtones et les collectivités rurales locales.

La Convention sur la diversité biologique souligne les obligations des Parties à respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales13.

13 Voir la note précédente.

Du fait que les connaissances des populations autochtones et locales sont détenues collectivement, ont évolué dans le temps et manquent souvent des caractéristiques requises de nouveauté, il est difficile d’appliquer à leur égard les systèmes de propriété intellectuelle existants. Tel est aussi le cas des détenteurs de droits des agriculteurs qui ont des intérêts analogues relativement à la protection de leurs connaissances, innovations et pratiques dans le domaine des ressources phytogénétiques. Comme on l’a vu précédemment, les droits des agriculteurs et les droits des populations autochtones et locales ne peuvent être considérés comme une catégorie des droits de propriété intellectuelle existants (semblables aux droits des obtenteurs et aux brevets) puisqu’ils ne peuvent être revendiqués par des agriculteurs individuels et ne visent pas un objet ou un domaine spécifiques (une variété végétale, par exemple) comme défini par les accords internationaux actuels sur les droits de propriété intellectuelle.

7.4 Les éléments possibles d’un système sui generis

Tout système sui generis visant la protection des variétés végétales peut comprendre une gamme étendue d’éléments. Ces éléments peuvent émaner de la notion même de protection des variétés végétales, de l’analyse des composantes des systèmes de protection existants (brevets et droits des obtenteurs), du surcroît d’obligations imposées par la loi internationale, ainsi que du lien existant, dans les législations nationales, avec les autres formes de protection de la propriété intellectuelle

Dans les paragraphes qui suivent, on trouvera une brève énumération des principaux éléments dont pourrait être formé un système sui generis, l’accent étant mis sur la gamme des possibilités ouvertes dans chaque élément aux Parties contractantes de l’Accord ADPIC14. Il convient d’observer que les Parties disposent de plusieurs options pour se conformer au système sui generis et pour l’adapter à leurs propres politiques et priorités. Il est, en outre, à remarquer que la plupart de ces éléments sont interdépendants de sorte qu’ils représentent une enveloppe de décisions plutôt que des décisions isolées sur des éléments différents.

14 Dans cet exposé, on reprend de près l’approche de: Leskien, D. et Flitner, M. op.cit.; p. 48 et sqq.

7.4.1 La matière à protéger

Définition d’une variété végétale

L’Article 27.3(b) de l’Accord ADPIC prévoit que les Parties fourniront une protection aux variétés végétales mais ne donne aucune définition de ces variétés végétales. Il en existe plusieurs définitions possibles.

Alors que l’Acte de 1978 de l’UPOV ne proposait pas de définition pour les variétés végétales, celui de 1991 en fournit une15. Cette définition reconnaît explicitement l’existence d’ensembles végétaux moins uniformes que nécessaire pour répondre à l’exigence d’uniformité de l’UPOV mais qui peuvent néanmoins être définis comme variétés végétales même s’ils ne peuvent bénéficier des droits des obtenteurs. Tel pourrait être le cas de nombreuses variétés traditionnelles ou locales. La décision 345 de la «Junta del Acuerdo de Cartagena»16 exclut les ensembles de plantes non cultivées (c’est-à-dire les espèces ou sous-espèces sauvages) de sa définition du matériel ayant droit à la protection.

15 Suivant la définition donnée à l’article 1, «on entend par «variété» un ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu qui, qu’il réponde ou non pleinement aux conditions pour l’octroi d’un droit d’obtenteur, peut être i) défini par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes, ii) distingué de tout autre ensemble végétal par l’expression d’au moins un desdits caractères, et iii) considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit conforme».

16 Voir Decisión 345: Régimen Común de Protección de los Derechos de los Obtentores de Variedades Vegetales, Gaceta Oficial del Acuerdo de Cartagena, 29 de Octubre de 1993. En juillet 1996, la Commission de l’Accord de Carthagène (Comisión del Acuerdo de Cartagena) a introduit une mesure régionale sur l’accès et le partage des avantages, mise en vigueur dans les cinq pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela). La Décision 391 institue le système commun d’accès aux ressources génétiques. Voir Decisión 391: Régimen Común sobre Acceso a los Recursos Genéticos, Gaceta Oficial del Acuerdo de Cartagena, 17 de Julio de 1996.

Deux éléments apparaissent dans toutes les définitions: la variété est un ensemble végétal ayant un niveau convenu de similarité qui permet de le distinguer d’autres ensembles.

En outre, l’Accord ADPIC laisse les Membres libres de protéger d’autres matières. Il ne les contraint pas à respecter les définitions de l’UPOV ni ne les empêche d’accorder une protection additionnelle dans le cadre d’un système sui generis à un objet autre que les variétés végétales.

7.4.2 Les Critères donnant droit à la protection dans le cadre d’un système sui generis

Les critères requis pour la protection

A l’heure actuelle, les systèmes sui generis existants, notamment l’UPOV, exigent qu’une variété végétale, outre le fait qu’elle doit être nouvelle, obéisse aux critères de distinction, d’homogénéité (uniformité) et de stabilité pour avoir droit à la protection. Ces critères ont attiré des critiques, notamment celui d’homogénéité qui, d’après certains auteurs, renforce la tendance à l’uniformité génétique et à un niveau plus élevé de fragilité génétique.

Les critères de distinction, uniformité et stabilité (dits «DUS») sont étroitement liés et leur objectif est de définir la matière à protéger. Toutefois, l’Accord ADPIC ne fait pas de ces critères la condition essentielle d’un système sui generis, si bien qu’il serait intéressant de voir s’ils pourraient être adaptés au besoins d’un pays ou d’un système sui generis spécifiques, soit d’une manière générale soit pour des espèces déterminées.

A cet égard, il a été observé que les niveaux d’uniformité exigés actuellement par les autorités nationales et les directives internationales sont bien plus élevés que ne le justifient les besoins de la production agricole ou des industries de traitement. Un grand nombre des limites extrêmement restreintes acceptées aujourd’hui pour l’hétérogénéité n’ont pas été imposées par la Convention de l’UPOV ou les lois nationales, mais par des directives mises au point pour les essais techniques par l’UPOV ou des pratiques connexes adoptées par les autorités nationales compétentes17.

17 Leskien, D. et Flitner, M. op.cit.; pp.54-55.

Il a également été suggéré qu’un système sui generis pourrait interpréter les critères de distinction et d’uniformité beaucoup moins strictement au plan technique que ne le fait le système actuel, afin d’inclure dans la protection les cultivars primitifs et les variétés locales ou traditionnelles. Il serait même envisageable de remplacer entièrement les critères d’uniformité et de stabilité par celui d’«identificabilité», et de substituer les critères précédents par distinction et «identificabilité», en conséquence Distinction et Identificabilité (DI) au lieu de Distinction, Uniformité et Stabilité (DUS)18.

18 Ibidem.

Tels qu’ils se présentent et sont interprétés actuellement, les critères de l’UPOV ne prévoient pas une protection pour les cultivars primitifs ou variétés locales. Cependant, un système sui generis pourrait fournir une forme ou même davantage de protection, telle qu’une protection pour les variétés végétales hétérogènes et une autre pour celles qui le sont moins. Bien que le critère de distinction soit nécessaire, il peut être assuré par un petit nombre de traits agricoles et commerciaux alors que, pour le reste du génome (y compris les gènes responsables des autres traits), le polymorphisme génétique devrait être consenti, voire imposé.

En outre, rien dans l’Accord ADPIC n’empêche un système sui generis d’exiger des déposants de demandes un «droit sui generis» pour identifier le fournisseur de matériel génétique duquel la variété à protéger a été dérivée (déclaration d’origine géographique). Cette pratique ne pourrait être exigée au titre de la Convention de l’UPOV car les Actes de 1978 et 1991 stipulent que «le droit de l’obtenteur ne peut dépendre d’autres conditions» que celles mentionnées dans la Convention.

7.4.3 L’étendue de la protection: actes exigeant l’autorisation préalable de l’obtenteur

L’étendue de la protection accordée...

En ce qui concerne le matériel protégé, les pays bénéficient de deux options. Ils peuvent choisir d’accorder la protection pour des actes concernant:

· le matériel de reproduction ou de multiplication seulement; ou
· le matériel de reproduction et le produit de la récolte.

Au titre de la Convention de l’UPOV de 1978, les Parties peuvent étendre la protection au produit commercialisé. Au titre de la Convention de 1991, les actes relatifs au produit de la récolte ne seront assujettis à l’autorisation de l’obtenteur que si le produit de la récolte est obtenu par l’utilisation non autorisée de matériel protégé.

· le matériel de reproduction ou de multiplication végétative ou les deux.

La Convention de l’UPOV couvre les actes à l’égard du matériel de reproduction et de multiplication végétative. L’Acte de 1930 des Etats-Unis relatif aux brevets couvre les actes à l’égard du matériel de multiplication végétative. Compte tenu du fait que seul un nombre limité de variétés végétales sont multipliées par voie végétative, le système sui generis devrait couvrir aussi bien le matériel de multiplication végétative que de reproduction.

En mettant au point un système de protection sui generis des variétés végétales qui convient à ses besoins, un pays peut envisager de varier l’étendue de la protection octroyée à l’obtenteur (concrètement, en déterminant les actes qui exigent l’autorisation de l’obtenteur) d’une manière très ample. En fait, il peut envisager une étendue élargie, comme dans le cas de la loi sur les brevets; il peut aussi accepter l’étendue établie par la Convention de l’UPOV; il peut enfin prévoir un minimum de protection et ne conférer un droit exclusif de commercialisation que pour du matériel d’une variété protégée par l’application d’un «sceau», par exemple19.

19 Ibidem, p. 63-64. Le principe du sceau de protection des variétés végétales remonte à l’origine des lois sur la protection des variétés végétales et des plans de certification. Le détenteur du sceau aurait le droit exclusif de l’utiliser pour du matériel d’une variété spécifiée et enregistrée en combinaison avec sa dénomination enregistrée. C’est un principe qui mérite d’être approfondi: il pourrait ouvrir de nouvelles perspectives.

... et l’étendue des exceptions

Il convient de noter à cet égard que l’Acte de 1978 de la Convention de l’UPOV permet implicitement la production de matériel de reproduction ou de multiplication d’une variété protégée à des fins non commerciales (privilège de l’agriculteur).

L’étendue du privilège de l’agriculteur varie en fonction des pays: certains pays ne permettent que la replantation des semences et l’échange de quantités limitées de ces dernières de manière non officielle sur une base strictement non commerciale, alors que d’autres (les Etats-Unis d’Amérique, notamment) interprètent ce privilège comme une permission accordée aux agriculteurs non seulement de replanter les semences mais aussi d’en vendre des quantités limitées à des fins de reproduction.

Il est à observer toutefois que le privilège de l’agriculteur, tel qu’envisagé dans l’Acte de 1991 de la Convention de l’UPOV, ne permet aux agriculteurs d’échanger leurs semences avec d’autres à des fins de reproduction ou de multiplication qu’en des circonstances particulières. C’est ainsi que «chaque Partie contractante peut, dans des limites raisonnables et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur, restreindre le droit d’obtenteur à l’égard de toute variété afin de permettre aux agriculteurs d’utiliser à des fins de reproduction ou de multiplication, sur leur propre exploitation, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture, sur leur propre exploitation, de la variété protégée»20. Les agriculteurs ne peuvent reproduire ou multiplier que «sur leur propre exploitation» le produit de la récolte qu’ils ont obtenu «sur leur propre exploitation». Etant donné que de nombreux agriculteurs des pays en développement et industrialisés échangent des semences à des fins de reproduction ou de multiplication, et que cette pratique facilite la rotation des variétés, le privilège des agriculteurs tel que visé à l’article cité de l’Acte de la Convention de 1991 de l’UPOV ne semble pas satisfaire certains pays. Il faudra sans doute envisager la création d’un nouveau système dans plusieurs pays.

20 Convention internationale pour la protection des obtentions végétales du 2 décembre, 1961, telle que révisée à Genève le 10 novembre 1972, le 23 octobre 1978 et le 19 mars 1991, Article 15.2.

7.4.4 Durée de la protection

La période de protection

L’Accord ADPIC ne spécifie pas la durée des droits dans le cadre d’un système sui generis. Ce type de système, comme tout autre système de droits de propriété intellectuelle, devrait octroyer une protection pour une période de temps limitée.

7.4.5 Correspondance avec d’autres formes de protection dans les législations nationales

Correspondance avec le système des brevets

Les pays qui établissent un système sui generis devraient étudier avec attention le rapport existant entre un tel système et d’autres formes de protection, notamment dans le cas de brevets. En fait, alors qu’au titre de l’Accord ADPIC les gènes des végétaux pourraient normalement être exclus de la brevetabilité, les gènes isolés de micro-organismes ne le peuvent pas.

7.4.6 Les autres éléments tirés de la loi internationale

Un pays peut introduire dans son système sui generis tout principe tiré de la loi internationale mentionnée plus haut, conformément à ses priorités.

7.5 La protection de variétés végétales par toute combinaison de brevets et d’un système sui generis

La troisième option proposée par l’Accord pour la protection des variétés végétales, à savoir une combinaison de brevets et d’un système sui generis, indique clairement que les pays qui élaborent une législation bénéficient d’une gamme très étendue d’options. Le nombre d’éléments pouvant faire partie du système est pratiquement illimité et va d’un régime de brevets très strict à toutes les possibilités examinées au paragraphe précédent.

7.6 Conclusions

Le présent module de formation ne se propose pas d’examiner toutes les combinaisons possibles d’éléments d’un système sui generis applicables à différents pays. Ce serait une tâche irréalisable en raison de leur multiplicité et du nombre incalculable de combinaisons. Ce qui est plus important c’est que les avantages et les inconvénients de beaucoup de ces éléments et de leurs combinaisons sont difficilement mesurables de manière objective du fait qu’il s’agit d’un domaine encore inexploré et que l’on manque d’expérience quant aux effets de chaque combinaison. En outre, ces effets dépendent d’un grand nombre de variables telles que la situation économique du pays, ses politiques agricoles et industrielles, le rôle de la recherche et de la sélection publiques, les besoins spécifiques des petits exploitants et des communautés autochtones, et la stratégie générale de développement.

On ne peut fournir pour chaque pays que des propositions fondées sur des considérations générales telles que celles qui figurent dans le présent matériel de formation, et des opinions recueillies auprès d’institutions publiques et d’entreprises privées du pays concerné ou encore sur les demandes spécifiques formulées par le gouvernement qui met en œuvre l’Accord.

Les éléments que les autorités nationales devront prendre en compte lorsqu’elles établissent un système de protection des variétés végétales sont identifiés dans les paragraphes qui suivent.

7.6.1 L’obligation d’adopter un système pour la protection des variétés végétales

Les objectifs d’un système de protection des variétés végétales

Le système de protection devrait prévoir des incitations au développement technologique nécessaire pour assurer la croissance économique, faciliter le transfert de technologie et accéder aux variétés étrangères, stimuler l’investissement, y compris celui des entreprises étrangères, et encourager les obtenteurs locaux.

Dans le même temps, ce système devrait éviter, dans la mesure du possible, les inconvénients souvent inhérents aux systèmes actuels de protection des variétés végétales, tels que la restriction des mouvements des variétés dans le système semencier local (à savoir, l’interdiction pour les petits exploitants d’utiliser et d’échanger des semences conservées sur l’exploitation), la perte directe et indirecte de diversité biologique par la dissémination croissante qui se fait de nos jours de variétés uniformes, la perte des cultivars primitifs locaux et des variétés des agriculteurs, et la protection limitée accordée aux efforts et aux investissements des obtenteurs modernes tandis que ceux des générations passés sont négligés.

7.6.2 Un acte global ou différents actes complémentaires

La forme juridique

La plupart des pays membres de l’OMC sont aussi Parties à la Convention sur la diversité biologique. Dans ce cas il faudra légiférer non seulement en matière de protection des variétés végétales mais aussi d’accès aux ressources génétiques, en considérant que tout système de protection des droits de propriété intellectuelle doit s’aligner sur les principes de la CDB. Une telle législation devra aborder les questions de l’accès aux avantages et de leur partage équitable (transfert de technologie, renforcement des capacités, formation) conformément aux dispositions de la CDB, et de la protection des obtenteurs de nouvelles variétés végétales, sans négliger des thèmes tels que les droits des agriculteurs et la participation des collectivités autochtones et locales aux bénéfices.

Il s’agit de déterminer si ces éléments devront faire l’objet d’un seul acte global ou s’ils peuvent être traités dans des actes séparés. Cela dépendra de la structure juridique du pays et d’autres facteurs.

Il n’est pas nécessaire que la législation sur la protection des variétés végétales traite des thèmes comme l’accès aux ressources phytogénétiques, le partage des bénéfices, les droits des agriculteurs et les droits relatifs au savoir traditionnel. Cependant, de telles questions sont étroitement liées à la protection des variétés végétales et il faudra en tenir compte au moment de mettre sur pied un système sui generis. Même si elles font partie d’actes séparés, ces questions devront être traitées dans la même perspective logique et en même temps que la protection variétale.

7.6.3 La solution de l’UPOV

Rôle de l’UPOV - y adhérer...

Les éléments d’un système sui generis dépendront, en outre, de l’intention d’un pays d’adhérer à l’UPOV. Le principal avantage d’une telle adhésion réside dans la possibilité de tirer parti des riches expériences réalisées dans le cadre de la Convention de l’UPOV, notamment en ce qui concerne les directives techniques adoptées et l’assistance technique que l’UPOV est en mesure de dispenser21. Le système de l’UPOV a des avantages indéniables, notamment par rapport au système des brevets.

21 L’avantage du traitement national appliqué parmi les Membres de l’UPOV pourrait avoir perdu de son importance après l’entrée en vigueur de l’Accord ADPIC. En fait, le principe du traitement national, tel qu’il est établi dans l’Accord, est applicable à tous les droits de propriété intellectuelle que couvre l’Accord, y compris le système sui generis.

Il faudrait considérer le système de l’UPOV comme une base pour la mise au point d’un système sui generis. Dans un tel cas, il faudra prendre en considération certains éléments afin d’adapter efficacement le système aux besoins nationaux.

... ou s’en servir de base pour l’élaboration d’un système sui generis

L’un de ces éléments est l’utilisation des semences conservées sur l’exploitation et le mouvement non commercial de semences au sein de la communauté. Dans certains cas, ce mouvement devra être libre ou, éventuellement, moins restreint. Il est estimé que dans de nombreux pays en développement certaines dispositions du système de l’UPOV à cet égard (Acte de 1991, en particulier) ne conviennent qu’aux pays où les familles rurales sont remplacées de manière croissante par de grandes entreprises agro-industrielles, ce qui constitue une menace pour les pays où l’agriculture est à la fois un mode de vie et un moyen de subsistance pour des millions de familles. L’échange régulier de semences à des fins de reproduction ou de multiplication, qui facilite aussi la rotation des variétés, est l’objet de limitations car les agriculteurs ne peuvent reproduire ou multiplier que sur leur propre exploitation le produit de la récolte qu’ils ont obtenu en plantant sur leur propre exploitation la variété protégée. Le système ne répond donc pas à l’exigence d’échanger des semences qui est une pratique courante dans la plupart des pays en développement.

Une autre question dont il faut tenir compte est celle de l’uniformité. Des normes d’uniformité pour la protection des variétés végétales ne devraient pas avoir pour effet de neutraliser l’hétérogénéité intra-variétale si importante au plan agronomique. Il faudra aussi considérer la possibilité: i) de remplacer les critères d’uniformité et de stabilité par celui d’«identificabilité»; ii) d’établir deux formes de protection (variétés végétales hétérogènes et moins hétérogènes); et iii) d’imposer l’obligation de déclarer l’origine géographique.

En outre, l’adoption des principes de l’UPOV devrait être complétée par la prise en compte de questions comme l’extension du privilège de l’agriculteur, le partage des avantages, les droits des agriculteurs, un plan de compensation monétaire, le transfert de technologie, la commercialisation, l’accès et la formation.

7.6.4 Les critères d’uniformité

Modérer les exigences d’uniformité

La possibilité de modérer ou d’éliminer entièrement les exigences d’uniformité, autres que celles strictement nécessaires à identifier une variété, devrait être évaluée avec prudence. Dans certains cas, un certain niveau d’uniformité pourrait représenter un avantage dans la production agricole, et améliorer la qualité des produits finaux. Cependant, les limites établies par de nombreux systèmes de protection des variétés végétales ne sont pas toujours justifiées par les besoins pratiques. L’introduction d’un certain niveau d’hétérogénéité dans les ensembles végétaux ayant droit à la protection pourrait atténuer l’uniformité génétique et, par là, la fragilité que provoque l’uniformité.

Si l’exigence d’uniformité est atténuée, du moins dans certains cas, les cultivars primitifs ou les variétés locales pourraient être introduits dans le système sui generis, ce qui permettrait de conserver le niveau élevé de diversité propre à nombre de ces cultivars primitifs. Il en résulterait des récompenses pour le secteur de l’innovation non officielle (agriculteurs ou collectivités locales) comme prime pour sa contribution au secteur formel.

7.6.5 Le privilège de l’agriculteur - les exceptions au droit d’obtenteur

Les exceptions

Les aspects importants à incorporer dans un système sui generis de protection sont les exceptions au droit d’obtenteur et le privilège de l’agriculteur. Il faudrait aussi introduire dans un système adapté aux situations et besoins spécifiques des pays des dispositions visant à promouvoir la diversité génétique et à atténuer les effets négatifs potentiels.

7.6.6 Le partage équitable des avantages

Le partage des bénéfices est l’un des principes les plus importants et les plus difficiles à mettre en œuvre. C’est un thème qui fait l’objet de débats périodiques dans les réunions et les publications, et différentes méthodes ont été proposées pour le concrétiser. Cependant, on n’a guère d’expérience sur la possibilité de réaliser cet objectif et sur l’impact politique et économique qu’il pourrait avoir aux niveaux national et international.

Le partage des avantages se fonde normalement sur le principe selon lequel les utilisateurs de ressources génétiques (bénéficiaires) devraient partager les avantages (gains commerciaux ou fonds, habituellement) avec les fournisseurs de ces ressources. Selon que les bénéficiaires sont des obtenteurs de végétaux, des agriculteurs ou des consommateurs, on pourra envisager différentes méthodes pour réunir les fonds à partager. Dans le cas des obtenteurs, on pourrait établir le versement une fois pour toutes d’une somme au moment de l’enregistrement de la variété ou une taxe sur le gain commercial dégagé de la variété protégée; dans le cas des agriculteurs, une taxe sur l’utilisation des semences de la variété cultivée ou d’autres semences; dans le cas des consommateurs, une taxation générale ou une taxation sur la vente de certains produits agricoles.

Les mécanismes compensatoires pour les fournisseurs de ressources génétiques

Naturellement, le partage des avantages pourrait se faire non seulement par des transferts monétaires (y compris l’établissement de fonds nationaux ou internationaux) mais aussi par d’autres moyens de compensation tels que le transfert de technologie, l’accès aux ressources génétiques, des activités de formation et, enfin, l’appui direct à la conservation et à l’utilisation des ressources génétiques.

A cet égard, il faut faire la distinction entre les ressources génétiques, sources de produits pharmaceutiques, où pourrait prévaloir une approche bilatérale, et les ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, où l’interdépendance des pays et régions et la question fondamentale de la sécurité alimentaire paraissent encourager, du moins dans le cas de certaines cultures de base, une approche plus complexe, à caractère international22. Dans le cas des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le partage des avantages pourrait consister en l’accès à un matériel génétique amélioré, un appui général au développement et la promotion de la conservation in situ et ex situ.

22 Un important exemple de partage bilatéral des avantages dans le cas des produits pharmaceutiques est l’accord de partenariat conclu entre Merck & Co. (la compagnie pharmaceutique la plus importante du monde) et le National Biodiversity Institute du Costa Rica (InBio, une organisation privée à but non lucratif) signé en 1991. Merck a donné à InBio 1 million de dollars pour l’aider à se transformer en une entreprise de prospection biochimique. InBio de son côté doit réaliser des analyses systématiques de plantes et d’insectes dans les parcs et les réserves du Costa Rica, étudiant les espèces à des fins médicales et envoyant à la Merck des échantillons de toutes les substances prometteuses extraites du matériel biologique. La Merck a le droit exclusif de transformer en produits pharmaceutiques toutes les substances extraites par InBio et a accepté de payer des redevances sur la vente future de médicaments. InBio, mais également le Gouvernement du Costa Rica, recevront une part des redevances qui seront affectées au programme de conservation du pays.

Le savoir indigène ne fait pas partie de ce type d’accord. InBio ne compte pas sur les connaissances locales pour sélectionner les plantes et insectes à analyser. Son approche est écologique, ce qui veut dire qu’elle repose sur l’observation du comportement des végétaux et des animaux pour en tirer des conclusions à utiliser dans les industries chimiques.

L’Accord prévoit le risque que des personnes non autorisées collectent les mêmes matériels et la possibilité que les mêmes espèces existent aussi dans d’autres pays, et peuvent donc être trouvées par des concurrents: la recherche effectuée en vue d’une invention peut dès lors rester sans récompense si un concurrent réalise la même invention et obtient un brevet en premier pour cette invention.

Les gouvernements devraient chercher à faire participer autant le secteur public que le secteur privé au système sui generis et fournir des incitations financières pour promouvoir le développement des petits exploitants et préserver la diversité biologique.

L’exemple de la Malaisie

On trouve en Malaisie, dans le domaine agricole, un intéressant exemple de mécanisme qui pourrait servir de modèle pour la recherche et le partage des avantages: le Fonds de l’Institut de recherches sur l’huile de palmier de Malaisie connu sous le nom de Porim Fund. En vertu de l’Acte 218 (Palm Oil Research and Development Act 1979), l’Institut de recherches sur l’huile de palmier et sa Commission ont établi un fonds pour financer la recherche et d’autres activités connexes. Au titre de la section 10 de l’Acte, le fonds servira à couvrir les dépenses relatives à la recherche sur la production, l’extraction, le traitement, l’emmagasinage, le transport, la commercialisation, la consommation et les utilisations de l’huile de palme et de ses produits dérivés, ainsi que pour la diffusion de l’information et pour la publicité visant à promouvoir la production, la commercialisation et la consommation de l’huile de palme et de ses produits dérivés.

Le fonds consiste en crédits provenant d’un impôt indirect en faveur de la recherche qui est imposé sur l’huile de palme brute et l’huile de palmiste de sorte que le principal donateur est, en définitive, l’industrie de ces produits. Ce modèle a obtenu beaucoup de succès, notamment si l’on considère que les exportations d’huile de palme et de ses produits représentent 6 pour cent des recettes d’exportation totales du pays. Le taux actuel de l’impôt équivaut à 2 pour cent de la valeur des produits exportés.

Les plans de compensation monétaire ou les fonds affectés à la réalisation du partage des avantages ou, plus précisément, des droits des agriculteurs, pourraient prendre pour exemple le Porim Fund. Ils serviraient en outre à encourager la recherche et la conservation.

7.6.7 Les droits des agriculteurs

Promouvoir la reconnaissance des droits des agriculteurs

Les systèmes sui generis nationaux de protection des variétés végétales devraient être élaborés de façon à faciliter la concrétisation des droits des agriculteurs.

La notion de droits des agriculteurs compense en quelque sorte celle de droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales (c’est-à-dire les droits de l’obtenteur). Ces derniers ont été conçus pour primer les innovations les plus récentes, mais n’accordent pas suffisamment d’importance au fait que, dans de nombreux cas, ces innovations ne sont que la dernière étape de connaissances accumulées et d’inventions réalisées au cours de millénaires par des générations d’être humains dans le monde entier.

Reconnaître les droits de l’obtenteur sans une reconnaissance réciproque des droits des agriculteurs et des avantages et indemnisations relatifs dus aux pays qui fournissent la diversité génétique pourrait constituer des obstacles importants à l’accès aux ressources génétiques23.

23 Le projet d’acte élaboré par l’Inde au cours du Dialogue de Madras en 1994 prévoyait un mécanisme visant à donner un contenu opérationnel à la notion de droits des agriculteurs au niveau national. Il proposait la création d’un Fonds communautaire de gènes auquel pouvait être affecté le montant des redevances à verser aux agriculteurs-conservateurs et qui aurait servi à renforcer les pratiques de conservation in situ et ex situ des familles tribales et rurales. Les redevances ne seraient pas versées aux agriculteurs eux-mêmes mais au fonds qui représente leurs intérêts (ou iraient au gouvernement). L’argent serait mis à la disposition des agriculteurs indiens pour la collecte, l’évaluation, l’amélioration, la conservation et l’utilisation de la variabilité génétique.

Le projet d’acte proposait une redevance de 15 pour cent du prix de la tonne de semences certifiées. Sur les 15 pour cent, 10 pour cent auraient été à l’obtenteur et 5 pour cent à l’agriculteur conservateur par le biais du Fonds communautaire de gènes. Il se serait agi d’un système de partage des avantages de l’innovation scientifique qui aurait stimulé simultanément l’investissement et l’initiative dans la recherche sur la sélection génétique, et la conservation in situ des ressources génétiques.

Voir: Swaminathan, M.S. 1995. Farmers’ Rights and Plant Genetic Resources, Dr. B.P. Pal Memorial Lecture. Indian Agricultural Research Institute, New Delhi.

7.6.8 Conservation

Intégrer des objectifs de conservation

En encourageant les mécanismes de récompense en faveur des innovateurs de nouvelles biotechnologies, on n’a guère tenu compte jusqu’à présent de l’impact sur la conservation et l’échange futurs de ressources biologiques. Dans la mesure où les droits de propriété intellectuelle sont conçus comme une incitation à créer des variétés améliorées, normalement homogènes, ils contribuent au déplacement et à la perte de la diversité génétique des cultivars primitifs. Par voie de conséquence, l’accès aux ressources génétiques est dès lors restreint.

Les gouvernements engagés dans la mise en œuvre devraient donner plus d’importance à la promotion de la conservation des ressources phytogénétiques in situ et ex situ en tant que complément de la protection des variétés végétales.

Certains éléments du système sui generis (tel que le relâchement des exigences de distinction, d’uniformité et de stabilité), la reconnaissance des droits des agriculteurs et du savoir traditionnel) pourraient contribuer à améliorer la conservation, ou, du moins, à diminuer l’érosion de la diversité génétique.

7.6.9 Information et consentement préalables aux fins de l’accès

Un régime d’accès pourrait prévoir un mécanisme d’information et de consentement préalables pour l’utilisation des ressources génétiques, comme il est prévu par la Convention sur la diversité biologique. Ce mécanisme pourrait être introduit dans un système sui generis afin de faciliter, dans la mesure du possible, le partage des avantages.

7.6.10 Origine géographique

Un autre instrument servant à faciliter le partage des avantages entre utilisateurs et fournisseurs de matériel génétique pourrait consister en l’obligation de déclarer l’origine géographique du matériel génétique de la nouvelle variété utilisé comme matière première, au moment de déposer une demande de droits de propriété intellectuelle.

Cette exigence supplémentaire renforcerait la conformité avec la législation nationale sur l’accès, et accélérerait le partage des avantages avec les collectivités du lieu d’origine du matériel génétique contenu dans les variétés protégées. Encore que difficile, coûteux et long à réaliser, le système de l’indication d’origine des matériels génétiques faciliterait le suivi de la mise en conformité avec les régimes d’accès nationaux et du partage des avantages aux niveaux national et international.

7.6.11 L’approche intégrée

Les Etats devraient éviter de considérer la protection des variétés végétales uniquement en termes juridiques mais analyser, dans leur planification générale, les effets probables d’un système sui generis sur leur développement agricole global.

Les éléments d’un système sui generis devraient donc être conçus en fonction des objectifs de développement de chaque pays. Avant de procéder à la mise au point d’un système de protection des variétés végétales, les Etats devraient déterminer ce qu’ils entendent obtenir grâce au système.

7.6.12 La mise en application

La mise au point d’un système sui generis doit faire appel à des mécanismes de mise en application, de conservation in situ et ex situ, de certification des semences, etc. Les Etats devront également évaluer toute la gamme des coûts envisagés et prendre des mesures appropriées pour les couvrir.

7.6.13 Les aspects institutionnels connexes

Tout pays qui élabore un système de protection des variétés végétales devra affronter, à un moment donné, la question du cadre institutionnel nécessaire pour assurer sa mise en exécution. La principale tâche à accomplir sera la répartition des pouvoirs parmi les institutions gouvernementales. Là aussi, on ne pourra avancer de propositions détaillées qu’après une analyse de chaque cas spécifique en tenant compte des besoins et demandes. Ci-dessous sont décrits les aspects généraux à prendre en compte lorsque l’on établit ce cadre institutionnel.

Les choix institutionnels doivent faciliter le recours à une expertise ad hoc

Dans la plupart des pays les questions relatives aux droits de protection intellectuelle sont gérées par un Bureau des DPI (normalement appelé bureau des brevets) qui relève du ministère de l’industrie ou du ministère du commerce. Or, la protection des variétés végétales comporte des aspects qui transcendent les connaissances existantes dans les seuls domaines de l’industrie et du commerce. On ne pourra traiter cette question de manière satisfaisante qu’en établissant une structure administrative qui englobe différents domaines techniques et scientifiques.

Bien que conseillé, dans la plupart des cas l’établissement de structures administratives spécifiques s’occupant exclusivement de la protection des variétés végétales et des questions connexes se heurtera à des difficultés techniques, de politique générale et, inévitablement, financières. Une solution efficace pourrait consister à créer un bureau des DPI indépendant relevant du ministère de l’agriculture et chargé de la question spécifique des DPI sur les variétés végétales pour lesquelles s’imposent des connaissances scientifiques et des compétences spéciales. Du moment que les questions agricoles sont du ressort du ministère de l’agriculture, c’est lui qui sera doté de l’expérience, des spécialisations et de la compétence nécessaires en matière de sélection végétale, d’essais variétaux et de questions connexes.

Une autre solution, encore que moins recommandée, serait de mettre en place un système combiné. Dans un tel système, le bureau des brevets serait chargé des tâches administratives (examen officiel des demandes, enregistrement des variétés protégées et mise à jour du registre relatif, publication des demandes d’enregistrement, maintien et diffusion de l’information, délivrance de certificats de protection des variétés végétales, coopération avec les organismes nationaux et internationaux pertinents, etc.) alors qu’un bureau du ministère de l’agriculture serait chargé de mener des essais sur la distinction, l’uniformité et la stabilité, et de déterminer la conformité d’une variété avec les critères donnant droit à la protection. Ce n’est qu’après l’approbation technique de cet organisme que le bureau des brevets serait autorisé à délivrer un certificat de protection de la variété en question. Pour réaliser cet objectif, ce deuxième organisme devra formuler et appliquer des procédures et critères pour l’analyse, l’approbation, l’enregistrement, l’examen, la mise en circulation ou le retrait des variétés dans un pays.

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Swaminathan, M.S. 1995. Farmers’ Rights and Plant Genetic Resources, Dr. B.P. Pal Memorial Lecture. Indian Agricultural Research Institute, New Delhi.


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