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Module 6 - L’Article 27.3(b): Accords internationaux connexes (2e partie)


Objectif
Points clés
6.1 Introduction
6.2 Le système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques de la FAO
6.3 L’engagement international sur les ressources phytogénétiques de la FAO
Bibliographie


R. Silva Repetto et M. Cavalcanti
Bureau juridique

Objectif

Le présent module propose de se familiariser avec le Système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques de la FAO et avec ses composantes, notamment la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (CGRAA) et l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques. Ces connaissances renforceront la position des Etats dans la mise en œuvre de l’Accord ADPIC ainsi que dans les futures négociations sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, y compris le réexamen de l’Accord.

Points clés

· Le Système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques de la FAO comporte un certain nombre d’éléments, parmi lesquels l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques dont il est question dans ce module.

· Il y a actuellement un mandat pour réviser l’Engagement, notamment en ce qui concerne les droits des agriculteurs.

· Etant donné la portée internationale de la valeur du matériel génétique fourni par les agriculteurs, la reconnaissance de leurs droits dans le monde nécessite également une action internationale de compensation.

· L’établissement de mécanismes compensatoires efficaces à même d’encourager les agriculteurs qui veillent sur des cultivars et accroissent la valeur commerciale des connaissances autochtones, représente un considérable enjeu.

6.1 Introduction

Le Système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques et les accords et instruments multilatéraux qui en font partie ont été conçus dans le cadre de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture de la FAO. Le consensus auquel est parvenu la Commission a été entériné par le Conseil et la Conférence de la FAO et ses résultats font partie des éléments du Système mondial.

6.2 Le système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques de la FAO

6.2.1 Historique du Système mondial

En 1983, la Conférence de la FAO a institué la Commission des ressources phytogénétiques en tant qu’instance intergouvernementale permanente chargée des questions concernant les ressources phytogénétiques. Elle a également adopté comme cadre officiel l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques. La Commission a depuis lors coordonné, surveillé et orienté la mise au point du Système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture de la FAO.

Evolution entre 1983 et 1995

L’Article 7 de l’Engagement international prévoit que les arrangements établis au titre de cet Engagement «seront encore développés et, le cas échéant, complétés pour mettre au point un Système mondial». Au titre de son mandat, la Commission des ressources phytogénétiques devra «recommander des mesures nécessaires ou souhaitables pour assurer la globalité du système mondial et l’efficacité de ses opérations conformément aux dispositions de l’Engagement». La résolution 4/89 de la Conférence de la FAO approuve l’interprétation concertée de l’Engagement qui «a pour but de jeter les bases d’un système mondial équitable et, par conséquent, solide et durable»

La Conférence de la FAO est convenue à l’unanimité à sa 28e session (octobre 1995) d’«élargir le mandat de la Commission des ressources phytogénétiques à tous les aspects des ressources génétiques intéressant l’alimentation et l’agriculture» et a décidé que, de ce fait, la Commission prendrait officiellement le nom de «Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture». La Conférence a «souligné l’importance d’une approche intégrée et d’une pleine coopération avec la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique et avec la Commission du développement durable, et elle a reconnu que l’élargissement de la Commission faciliterait une telle coopération».1

1 FAO (1995a); paragraphes 65-66. La Conférence a adopté la résolution 3/95: «Elargissement de la Commission FAO des ressources phytogénétiques à l’ensemble des ressources génétiques intéressant l’alimentation et l’agriculture», voir paragraphe 69. Cette résolution considère qu’un mandat élargi «permettrait une coopération efficace avec la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, la Commission du développement durable, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les centres du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGRAI) et, en particulier, l’Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI), l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), ainsi qu’avec d’autres organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales intéressées».

A sa 110e session (novembre 1995) le Conseil de la FAO a adopté les statuts de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture.2

2 FAO (1995b); paragraphes 13-14. Le Conseil a adopté la résolution 1/110: «Adoption des statuts de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture» dont les statuts sont joints en annexe.

6.2.2 Objectifs du Système mondial

Le Système mondial a pour objectifs de veiller à la bonne conservation des ressources phytogénétiques, de promouvoir leur entière disponibilité et leur utilisation durable dans l’intérêt des générations présentes et futures, et d’offrir un cadre souple pour le partage des avantages et des charges. Le Système mondial couvre aussi bien la conservation (ex situ et in situ, y compris sur l’exploitation) que l’utilisation des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

A ce jour, 171 pays et la Communauté européenne participent au Système mondial, soit parce qu’ils sont devenus membres de la Commission (161 pays et la Communauté européenne), soit parce qu’ils ont adhéré à l’Engagement international (113 pays), soit encore parce qu’ils ont contribué à la mise au point du Plan d’action mondial que les gouvernements ont adopté officiellement à la Conférence technique internationale sur les ressources phytogénétiques tenue à Leipzig en 1996 (159 pays).

6.2.3 Eléments du Système mondial

Le Système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques de la FAO comprend les éléments suivants:

i) Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture;

ii) Engagement international sur les ressources phytogénétiques;

iii) Fonds international pour les ressources phytogénétiques;

iv) Plan d’action mondial pour la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture;

v) Rapport sur l’état des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde;

vi) Système mondial d’information et d’alerte rapide sur les ressources phytogénétiques

vii) Le réseau international de collections ex situ sous les auspices de la FAO;

viii) Le réseau des zones de conservation in situ sous les auspices de la FAO;

ix) Le Code international de conduite pour la collecte et le transfert de matériel phytogénétique;

x) Le projet de Code de conduite sur la biotechnologie;

xi) Les réseaux sur les cultures.

6.2.4 La Conférence de Leipzig

En juin 1996, la quatrième Conférence technique internationale sur les ressources phytogénétiques s’est tenue à Leipzig, Allemagne, dans le but principalement d’examiner le premier Rapport sur l’état des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde et d’adopter le premier Plan d’action mondial pour la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, en tant qu’élément du Système mondial de la FAO.

Les conclusions de la Conférence de Leipzig

Le Rapport sur l’état des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde décrit l’état actuel de ces ressources au niveau mondial et identifie les facteurs nécessaires pour assurer leur conservation et leur utilisation durable, établissant ainsi la base du Plan d’action mondial.

Le Plan d’action mondial, adopté par 150 pays lors de la Conférence technique internationale, comprend vingt domaines d’activité prioritaires qui s’articulent en quatre grands groupes: i) conservation et mise en valeur in situ; ii) conservation ex situ; iii) utilisation des ressources phytogénétiques; et iv) renforcement des institutions et des compétences.

La mise en œuvre du Plan d’action mondial sera guidée et surveillée par les pays par l’entremise de la Commission FAO des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture. A la suite de l’adoption du Plan à la Conférence de Leipzig, tant les pays que les institutions et organisations s’occupant de ressources phytogénétiques ont commencé à utiliser leurs propres ressources et compétences pour mettre en œuvre le Plan.

Le Plan d’action mondial a été souscrit par la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique et par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Sommet mondial de l’alimentation.

A la Conférence de Leipzig, les pays ont aussi adopté la Déclaration de Leipzig sur la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. La Déclaration décrit brièvement les principales attentes et engagements dans ce domaine. De fait, les représentants de 150 Etats et 54 organisations se sont réunis à Leipzig pour proclamer et renouveler leur engagement en faveur de la conservation et de l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et le partage juste et équitable des avantages découlant de ces ressources.

6.2.5 Le Code international de conduite concernant la collecte et le transfert de matériel phytogénétique

Le Code de conduite a été adopté par la Conférence de la FAO à sa 27e session en novembre 1993 en tant qu’élément du Système mondial de la FAO. Il a pour objet de promouvoir la collecte et l’utilisation des ressources phytogénétiques, d’éviter l’érosion génétique et de protéger les droits des populations locales. Le Code a été mis au point par la FAO et négocié par ses pays membres au travers de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Il se fonde sur le principe des droits souverains des Etats sur leurs ressources phytogénétiques. Il établit les procédures à suivre pour les demandes de permis en faveur des missions de terrain que les gouvernements s’engagent à accorder sans restrictions injustifiées à l’accès à ces ressources.

Le Code de conduite n’est pas un instrument juridiquement contraignant et il ne prévoit ni mécanismes pour assurer sa mise en application ni procédure de règlement des différends. Il établit des normes de comportement que les Etats pourront accepter d’appliquer dans leurs rapports mutuels; c’est pourquoi le Code devrait être considéré avant tout comme un moyen de renforcer le Système mondial FAO sur les ressources phytogénétiques. Il est entièrement compatible avec la Convention sur la diversité biologique et l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques. Dans le cadre de ce dernier, il vise à promouvoir la collecte, la conservation à long terme et l’utilisation des ressources phytogénétiques dans le respect de l’environnement; à promouvoir une meilleure répartition des avantages économiques entre les utilisateurs et les donateurs de matériel génétique et ceux qui prennent soin des ressources végétales sauvages; et à promouvoir l’échange sans danger de ressources phytogénétiques, et des informations scientifiques et techniques correspondantes.

Dispositions du Code de conduite

Le Code de conduite contribue à mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur la diversité biologique sur l’accès et le transfert des ressources génétiques, notamment les Articles 15.1, 15.2, 15.4 et 15.5; et sur le partage juste et équitable des avantages dégagés de l’utilisation des ressources génétiques, à savoir les Articles 15.7, 16.3, 19.1 et 19.2. En outre, il facilite la mise en application du chapitre 14 sur L’agriculture et le développement rural durables du programme Action 21.

Le Code fournit des directives pour les collecteurs; il décrit les responsabilités des promoteurs de missions, des conservateurs de banques de gènes et des utilisateurs de matériel génétique. Il encourage la participation des agriculteurs et des institutions locales aux missions de collecte et invite les utilisateurs de matériel génétique à fournir un appui et d’autres formes de compensation au pays hôte et à ses agriculteurs.

L’Article 7 reconnaît le droit de l’autorité compétente d’accorder ou de refuser un permis et le devoir des collecteurs et des promoteurs de respecter les lois nationales pertinentes.

6.3 L’engagement international sur les ressources phytogénétiques de la FAO

6.3.1 Remarques générales et nature juridique

L’Engagement international sur les ressources phytogénétiques a été adopté en 1983 par la résolution 8/83 de la Conférence de la FAO. C’était le premier accord international global régissant la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique agricole. Etabli initialement comme un instrument de reconnaissance des principes fondamentaux à appliquer pour l’utilisation et l’exploitation durables des ressources phytogénétiques, cet instrument volontaire fait à l’heure actuelle l’objet d’une renégociation.

En 1983, la Conférence de la FAO a institué par sa résolution 9/83 la Commission des ressources phytogénétiques en tant qu’organisme intergouvernemental permanent grâce auquel les pays pouvaient, entre autres, surveiller la mise en œuvre de l’Engagement international et fournir à la FAO des avis sur ses activités et programmes dans le domaine des ressources phytogénétiques.

6.3.2 Objectifs

Objectifs de l’Engagement

Comme l’énonce l’Engagement, son objectif est de faire en sorte que les ressources phytogénétiques présentant un intérêt économique et/ou social, notamment pour l’agriculture, soient prospectées, préservées, évaluées et mises à la disposition des sélectionneurs et des chercheurs.

6.3.3 Etats Membres

A ce jour, 160 pays et la Communauté européenne sont membres de la Commission et 113 pays ont adhéré à l’Engagement international.

Les Membres de l’Engagement sont les suivants: Afrique du sud, Algérie, Allemagne, Angola, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Australie, Autriche, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Belgique, Belize, Bénin, Bolivie, Bulgarie, Burkina Faso, Cameroun, Cap Vert, Chili, Chypre, Colombie, Comores, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Danemark, Dominique, Egypte, El Salvador, Equateur, Espagne, Ethiopie, Fidji, Finlande, France, Gabon, Ghana, Grèce, Grenade, Guinée, Guinée équatoriale, Haïti, Honduras, Hongrie, Iles Salomon, Inde, Iran, Iraq, Irlande, Islande, Israël, Italie, Jamaïque, Kenya, Koweït, Liban, Libéria, Libye, Liechtenstein, Madagascar, Malawi, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mexique, Mozambique, Népal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle-Zélande, Oman, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, République centrafricaine, République de Corée, République dominicaine, République du Congo, République populaire démocratique de Corée, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Rwanda, Samoa, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Sri Lanka, Suède, Suisse, Syrie, Tanzanie, Tchad, Togo, Tonga, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Turquie, Yémen, Yougoslavie, Zambie, Zimbabwe.

6.3.4 Interprétation de l’Engagement international

Tel que négocié initialement, l’Engagement se fondait sur le principe universellement accepté selon lequel «les ressources phytogénétiques sont le patrimoine commun de l’humanité et devront être accessibles sans restrictions». Conformément à sa définition, donnée à l’Article 2, l’expression «ressources phytogénétiques» désigne aussi bien les nouveaux produits de la biotechnologie (variétés présentant un intérêt économique et lignées de sélection avancée) que les variétés cultivées et les espèces sauvages. Toutefois, la notion d’accès sans restrictions est précisée. L’Engagement fournit un certain nombre de moyens grâce auxquels des échantillons de ressources génétiques peuvent être obtenus à titre gratuit, sur la base d’un échange réciproque ou de conditions convenues d’un commun accord.

Les annexes de l’Engagement

Afin de surmonter d’éventuelles réserves vis-à-vis de l’Engagement, il a été ultérieurement précisé et interprété par trois résolutions complémentaires négociées par les pays par l’entremise de la Commission et adoptées à l’unanimité par la Conférence de la FAO. Ces résolutions sont jointes en annexe à l’Engagement.

La première résolution (4/89) fournissait une interprétation concertée de l’Engagement international qui reconnaissait que les droits des obtenteurs tels que prévus par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (Convention UPOV) de 1978 ne sont pas incompatibles avec l’Engagement. Elle reconnaissait en même temps les droits des agriculteurs qui ont été définis dans la deuxième résolution (5/89).

La troisième résolution (3/91) réitérait que la notion de «patrimoine de l’humanité» est subordonnée au principe de la souveraineté des Etats sur leurs ressources phytogénétiques, et convenait que les droits des agriculteurs deviendraient réalité grâce à un fonds international pour les ressources phytogénétiques. Cette troisième résolution reconnaissait aussi que «les lignées de sélection avancée et le matériel acclimaté par les agriculteurs devraient être disponibles exclusivement à la discrétion de leurs obtenteurs au cours de la période de mise au point». Le principe de «l’accès sans restriction» était ainsi mieux défini par la spécification qu’«accès sans restriction» ne signifiait pas nécessairement «accès gratuit»; en limitant les avantages dérivant de l’Engagement international, y compris l’accès aux ressources génétiques, aux pays qui adhèrent à l’Engagement international; et en affirmant les droits souverains des pays sur leurs ressources phytogénétiques.

Les interprétations concertées font désormais partie intégrante de l’Engagement et ont pour objet d’établir et de maintenir l’équilibre entre l’accès aux nouveaux produits commerciaux de la biotechnologie d’une part et, de l’autre, les variétés cultivées et le matériel sauvage, ainsi que les intérêts des pays développés et en développement, en harmonisant les droits des obtenteurs (innovateurs officiels) et des agriculteurs (innovateurs non officiels).

6.3.5 Révision de l’Engagement international

La résolution 7/93 de la Conférence de la FAO a recommandé que soit révisé l’Engagement international. Les décisions et mandats relatifs à la révision émanent du programme Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED), de la Conférence de Nairobi pour l’adoption du texte convenu de la Convention sur la diversité biologique (notamment la résolution 3) et de la résolution 7/93 de la Conférence de la FAO.

Action 21 recommandait de renforcer le Système mondial de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques et de l’ajuster de manière à tenir compte de l’issue des négociations pour la conclusion d’une Convention sur la diversité biologique, ainsi que de la concrétisation des droits des agriculteurs. La Conférence de Nairobi pour l’adoption du texte convenu de la Convention sur la diversité biologique a adopté la résolution 3 qui identifiait, dans l’accès aux collections ex situ existantes et les droits des agriculteurs, des questions en suspens non traitées par la Convention. La nécessité de trouver des solutions dans le cadre du Système mondial FAO a été reconnue.

La révision de l’Engagement

Faisant suite à ces questions, la Conférence de la FAO, à sa 27e session en novembre 1993, a accueilli cette résolution et a adopté à l’unanimité la résolution 7/93: «Révision de l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques», qui demande au Directeur général de fournir le cadre voulu pour les négociations entre les gouvernements en vue: i) d’adapter l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques pour l’aligner sur la Convention sur la diversité biologique; ii) d’examiner la question de l’accès à des conditions fixées de commun accord, y compris les collections ex situ non couvertes par la Convention; et iii) d’aborder la question de la concrétisation des droits des agriculteurs. Dans cette résolution, la Conférence a demandé instamment que ce processus se déroule par l’entremise de la Commission des ressources phytogénétiques, et de son groupe de travail, en collaboration étroite avec l’organe directeur de la CDB.

La 5e session de la Commission (avril 1994) a reconnu que pour réviser l’Engagement «il faudra agir avec prudence et pragmatisme et procéder par étapes». Les mesures à prendre pour ladite révision peuvent se grouper en trois étapes. La première étape est le renforcement de l’Engagement international par l’incorporation de ses annexes et l’harmonisation avec les dispositions correspondantes de la CDB. La deuxième étape concerne l’accès à des conditions fixées de commun accord aux ressources phytogénétiques, y compris les collections ex situ non couvertes par la Convention, et la concrétisation des droits des agriculteurs. La troisième étape consisterait à conférer un statut juridique et institutionnel à l’Engagement révisé3, et comprendrait aussi la question accessoire de décider comment et par combien d’organismes le texte de l’Engagement révisé devra être approuvé et le nouvel instrument adopté.

3 Les options concernant le statut juridique de l’Engagement révisé sont les suivantes: i) maintien de son statut juridique actuel; ii) adoption en tant qu’accord juridiquement contraignant conformément à l’Article XIV de la Constitution de la FAO; iii) adoption en tant qu’accord juridiquement contraignant sous les auspices de la FAO mais en dehors de son cadre constitutionnel; iv) adoption en tant que protocole juridiquement contraignant de la Convention sur la diversité biologique. Les options institutionnelles pour l’Engagement révisé sont les suivantes: i) un organe directeur; ii) un organe scientifique et technique; iii) un secrétariat.

Par l’entremise de la Commission, les Etats Membres de la FAO ont pris part aux négociations pour la révision de l’Engagement, à ses sessions ordinaires et extraordinaires, et aux réunions inter-sessions du Groupe de contact de la Commission4, depuis novembre 1994. Au cours de ces négociations les pays étudient des systèmes possibles de droits de propriété intellectuelle, y compris l’octroi de brevets et les «systèmes sui generis efficaces», conformes aux dispositions de l’Accord ADPIC et à la CDB et parfaitement compatibles avec elles. Il reste encore à faire en sorte que les technologies élaborées sur la base de ressources phytogénétiques soient disponibles à des conditions compatibles avec la protection des droits de propriété intellectuelle, comme le demande l’Article 16.1 de la CDB. En outre, la Commission prépare un code de conduite sur la biotechnologie qui comprend un volet sur les droits de propriété intellectuelle.

4 Au cours de la 8e session de la Commission, un Groupe de contact, constitué de représentants des pays membres, a été mis sur pied pour faciliter les négociations en cours à propos de l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques. Il est composé de représentants de 40 pays membres et de la Communauté européenne.

On peut donc considérer qu’un progrès important a été marqué au cours du cycle 1999 de négociations, y compris concernant l’Article 15 «Droits des agriculteurs», les pays ayant négocié et approuvé le texte suivant:

«15.1 Les Parties reconnaissent l’importante contribution que les communautés locales et indigènes, ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde, et en particulier ceux qui se trouvent dans les lieux d’origine et de diversification des ressources phytogénétiques, ont apportée et continueront d’apporter à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques qui constituent la base de l’alimentation et de la production agricole dans le monde.

15.2 Les Parties considèrent que la responsabilité de l’établissement des droits des agriculteurs en lien avec les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, incombe aux Etats nationaux. Chaque Partie doit, en accord avec les besoins et les priorités des agriculteurs et selon sa législation nationale, prendre des mesures appropriées pour protéger et promouvoir les droits des agriculteurs, incluant:

a) la protection des savoirs traditionnels concernant les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture;

b) le droit à une participation équitable au partage des avantages tirés de l’utilisation des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture;

c) le droit de participer à la prise de décisions, au niveau national, sur des sujets en lien avec la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture;

15.3 Rien dans cet article ne pourra être interprété dans un sens qui limite les droits nationaux convenus des agriculteurs à conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences/matériel de reproduction».

Durant ces négociations, plusieurs délégués ont reconnu les points communs avec les dispositions de l’Accord ADPIC, et un grand nombre ont perçu que les droits des agriculteurs comportent des éléments utiles pour le développement de systèmes nationaux sui generis.

6.3.6 Droits des agriculteurs

a) Historique

La question des droits des agriculteurs est née des débats tenus à la FAO sur le traitement inégal réservé aux donateurs de matériel génétique et aux donateurs de technologie. Une variété qui présente un intérêt commercial est normalement le produit de l’application des techniques des obtenteurs au matériel génétique des agriculteurs mais, alors que les premiers pourront tirer des revenus des droits de propriété intellectuelle, aucun système de compensation n’est prévu pour les fournisseurs de matériel génétique. Ces débats ont finalement conduit en 1989 à la reconnaissance simultanée au plan international des droits des obtenteurs et des droits des agriculteurs. Cette reconnaissance apparaît dans les résolutions 4/89, 5/89 et 3/91 qui ont été négociées par la Commission et approuvées à l’unanimité par plus de 160 pays à la Conférence de la FAO en 1989 et 1991.

Reconnaissance des droits des agriculteurs

La résolution 4/89 reconnaît «l’énorme contribution que les agriculteurs de toutes les régions ont apportée à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques, qui constituent la base de la production végétale dans le monde entier, ce qui justifie le concept de droits des agriculteurs».

La résolution 5/89 définit les droits des agriculteurs comme «des droits que confèrent aux agriculteurs et particulièrement à ceux des centres d’origine et de diversité des ressources phytogénétiques, leurs contributions passées, présentes et futures à la conservation, l’amélioration et la disponibilité de ces ressources».

Etant donné le caractère non contraignant de l’Engagement international, il n’existe pas de droit en termes juridiques mais seulement l’acceptation de la notion qu’un tel droit devrait être reconnu et concrétisé par la communauté internationale. Il n’y aura, manifestement, aucun droit si l’obligation correspondante n’est pas définie ou juridiquement établie.

La reconnaissance des droits des agriculteurs visait à concilier les vues des pays riches en technologie avec celles des pays riches en gènes, afin de garantir la disponibilité de ressources phytogénétiques dans un système équitable.

La résolution 5/89 appuie le concept de droits des agriculteurs pour «assurer aux agriculteurs tous les bénéfices qui leur reviennent, les aider à poursuivre leur action et appuyer la réalisation des objectifs globaux de l’Engagement international».

Il est donc prévu que la réalisation des droits des agriculteurs permettra aux agriculteurs, aux communautés agricoles et aux pays de recevoir une juste part des avantages découlant de l’utilisation des ressources phytogénétiques (qu’ils ont valorisées, conservées et mises à disposition) et, par là, fournira des incitations et des moyens pour que ces ressources soient conservées et améliorées ultérieurement par les agriculteurs et grâce à la coopération entre ces derniers, les obtenteurs et les services de recherche nationaux et internationaux.

b) Concrétisation des droits des agriculteurs

Mise en œuvre à l’échelon national

En vue de concrétiser les droits des agriculteurs, certains pays en développement envisagent d’inclure un mécanisme national dans le système sui generis national de protection des nouvelles variétés végétales qu’ils mettraient au point au titre de l’Accord ADPIC.

Cependant, pour obtenir des résultats satisfaisants, et compte tenu de l’intérêt à l’échelon mondial que présente le matériel génétique produit par les agriculteurs, la concrétisation des droits des agriculteurs impose une action internationale visant à les compenser au plan mondial. En effet, le matériel génétique utilisé en agriculture provient pour une large part de pays autres que celui où il est utilisé, et il est souvent très difficile, extrêmement coûteux et parfois pratiquement impossible de déterminer le ou les pays d’origine. D’après certaines études réalisées récemment, toutes les régions du monde sont tributaires, pour plus de 50 pour cent de leur production alimentaire de base, de matériel génétique provenant d’autres régions; pour certaines d’entre elles cette dépendance peut avoisiner 100 pour cent.

Le rôle d’un fonds international

Au plan international la réalisation des droits des agriculteurs exigera probablement de nouveaux efforts visant à constituer un fonds international où seraient déposées les contributions des Etats et d’autres Parties.

Compte tenu de ces facteurs, les organes directeurs de la FAO sont convenus qu’un fonds international sera établi pour la réalisation des droits des agriculteurs. La résolution 4/89 estime que ces droits pourraient être concrétisés «selon des modalités appropriées, qui seraient contrôlées par la Commission des ressources phytogénétiques, et notamment par le truchement du fonds international pour les ressources phytogénétiques».

La résolution 3/91 affirme que «les droits des agriculteurs deviendront réalité grâce à un fonds international pour les ressources phytogénétiques, qui appuiera les programmes de conservation et d’utilisation des ressources phytogénétiques, en particulier, mais pas exclusivement, dans les pays en développement»; et que «la conservation effective et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques sont une nécessité urgente et permanente et, par conséquent, les ressources destinées au fonds international et aux autres mécanismes de financement devraient être substantielles, régulières et fondées sur des principes d’équité et de transparence»; et enfin que «par le biais de la Commission des ressources phytogénétiques, les donateurs de ressources génétiques, de fonds et de technologies détermineront et superviseront les politiques, programmes et priorités du fonds et des autres mécanismes de financement, avec les avis des organes appropriés».

La résolution 4/89 établit que «le fonds international devrait être utilisé pour appuyer les programmes de conservation, de gestion et d’utilisation des ressources phytogénétiques, particulièrement dans les pays en développement et dans ceux qui sont des sources importantes de matériel phytogénétique. Il faudrait accorder une priorité particulière à l’intensification des programmes de formation destinés aux spécialistes des biotechnologies et au renforcement des capacités des pays en développement en matière de conservation et de gestion des ressources génétiques, ainsi qu’à l’amélioration de la sélection végétale et de la production de semences».

Un progrès dans la prise en compte des droits des agriculteurs dans l’Engagement

Dans le chapitre 14 d’Action 21, le domaine d’activité G: «Conservation et utilisation des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et pour une agriculture durable», les gouvernements sont appelés, inter alia, et sont invités à prendre de nouvelles mesures pour réaliser les droits des agriculteurs.

Dans ce même cadre, au cours du cycle de négociations tenu lors de la 7e session ordinaire et les 4e et 5e sessions extraordinaires de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture de 1997 et 1998, de nombreux pays ont avancé des propositions pour la concrétisation des droits des agriculteurs, parmi lesquelles des dispositions pour la mise en place de systèmes sui generis nationaux susceptibles d’encourager les innovateurs non officiels, tels que les agriculteurs et les collectivités qui fournissent le matériel phytogénétique (et leurs pays), leur permettant de partager les avantages découlant de leur utilisation. De nombreuses délégations ont reconnu le lien existant entre ces propositions et les dispositions de l’Accord ADPIC.

A sa 8e session, tenue en avril 1999, la Commission est convenue de créer un Groupe de contact pour poursuivre les négociations en vue de la révision de l’Engagement international. Le Groupe de contact a rédigé un texte pour les Articles 11, 12 et 15, ce dernier portant sur les droits des agriculteurs. Les articles en question ont été examinés par la Commission qui a insisté sur la nécessité de tirer parti des progrès très importants accomplis, en vue de soumettre dans les plus brefs délais l’Engagement révisé aux organes directeurs de la FAO.

c) Questions en suspens

Questions pratiques sur le fonctionnement du fonds

A sa 15e session (avril 1993), la Commission a reconnu qu’un certain nombre de questions restaient à résoudre et qu’il fallait les aborder. Il s’agissait notamment de la nature du financement (volontaire ou obligatoire), des liens existant entre les responsabilités financières et les avantages dérivant de l’utilisation des ressources phytogénétiques et de la question de savoir qui doit assumer les responsabilités financières (pays, utilisateurs ou consommateurs). Il restait également à déterminer comment estimer les besoins et droits des bénéficiaires, en particulier des pays en développement, comment les agriculteurs et les communautés locales pourront tirer profit des financements, si le fonds doit être indépendant ou faire partie d’un mécanisme élargi (un guichet du mécanisme de financement de la CDB, par exemple) ou une combinaison de ces deux systèmes; les questions relatives à sa gestion et son opération, etc.

d) Critère d’efficacité

Le fonds doit être créé sur des bases d’équité et d’efficacité

La notion de droits des agriculteurs paraît être fondée sur des bases d’équité et faire appel à la justice. Il serait également motivé de la fonder sur des considérations d’efficacité mondiale, c’est-à-dire d’un bien-être accru pour tous ceux qui sont concernés, un peu comme la justification d’un système de droits de propriété intellectuelle5. La notion de droits des agriculteurs n’est pas seulement une question de justice et d’équité; c’est aussi une garantie que les ressources génétiques sur lesquelles nous dépendons tous seront conservées et continueront d’être fournies, notamment par les agriculteurs qui veillent directement sur les cultivars primitifs. L’identification de mécanismes qui intègrent le coût de la conservation dans le coût de la production devrait constituer un défi pour la communauté internationale.

5 Subramaniam, A. (1992).

e) Rôle du savoir traditionnel

L’industrie semencière internationale et, dans une mesure moindre, l’industrie pharmaceutique sont également tributaires du matériel génétique tiré de variétés agricoles sélectionnées et améliorées par les agriculteurs des pays en développement. Bien que les connaissances des familles tribales et rurales se caractérisent par un niveau élevé d’esprit d’invention, le savoir traditionnel est considéré comme faisant partie des connaissances publiques ou «du domaine public» et est exclu, de ce fait, des droits de propriété intellectuelle. Les produits de ces connaissances, y compris les variétés locales, les cultivars primitifs et la diversité génétique au niveau intraspécifique, fournissent la matière première de la sélection génétique moderne et de la biotechnologie.

La nécessité de renforcer les droits des populations autochtones et des communautés agricoles locales a été reconnue par la Convention 169 de la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail: Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée le 27 juin 1989, lorsqu’elle établit que «des mesures spéciales doivent être adoptées en vue de sauvegarder les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des peuples concernés» (Article 4). Et plus spécialement lorsqu’elle affirme que «les droits des peuples sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécifiquement sauvegardés. Ces droits comprennent celui de ces peuples de participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources» (Article 15.1). «Dans les cas où l’Etat conserve [...] des droits à d’autres ressources dont sont dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c’est possible, participer aux avantages découlant de ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de telles activités» [Article 15(2)].

Donner une valeur économique aux savoirs autochtones

De nouvelles théories sur les droits de propriété intellectuelle soutiennent que la collecte de plantes présentant un intérêt économique sans une forme de compensation perpétue la sous-estimation de la valeur des ressources biologiques, décourageant de ce fait la conservation6. Le manque d’efforts significatifs de conservation que l’on observe dans de nombreux pays en développement, malgré la valeur commerciale potentielle représentée par ces espèces en voie de disparition, a été attribué aux maigres bénéfices tangibles qu’ils ont tirés de la diversité biologique exceptionnelle que renferment leurs forêts7. Il faudra instituer des incitations économiques appropriées en faveur des populations autochtones qui représentent une source d’informations spécifiques sur l’utilisation des ressources génétiques. Du moment que les connaissances culturelles sont importantes pour les innovations biotechnologiques, il importe de leur assigner une valeur économique.

6 Lyons, S. (1991).
7 Ibidem.

La pratique tend à protéger le savoir exceptionnel mais pas les ressources et les matières premières exceptionnelles. Essayer d’étendre la protection au savoir des populations autochtones constitue un défi que devront relever les partisans de cette approche conventionnelle.

Bibliographie

FAO. 1995a. Rapport de la Conférence de la FAO, vingt-huitième session, Rome, 10-31 octobre 1995, C95/REP. Rome.

FAO. 1995b. Rapport du Conseil de la FAO, cent-dixième session, Rome, 2 et 3 novembre 1995, CL110/REP. Rome.

Lyons, S. 1991. «Research Pact may Help Rain Forests Pay for their Keep». Publié dans: Boston Globe. 4 novembre 1991.

Subramanian, A. 1992. «Genetic Resources, Biodiversity and Environmental Protection». Publié dans: Journal of World Trade. Octobre 1992.


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