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9 L’attribution des contrats et le régime de concurrence

Thèmes traités dans le présent chapitre:

• Les objectifs et les principes de bonne gestion dans l’attribution des contrats.

• L’importance générale de la concurrence dans l’attribution des contrats dans le but de parvenir à l’utilisation durable des forêts.

• Cinq méthodes pour l’attribution des contrats, leurs étapes, exigences pour fonctionner et utilisations dans la réalité: vente aux enchères, négociation en régime de concurrence, enchères-négociation et négociation directe.

• Une introduction aux techniques et principes pour une bonne négociation.

9.1 Vue d’ensemble

Avec l’attribution de contrats, le gouvernement a la possibilité d’influer sur l’utilisation des forêts et leur aménagement, et d’assurer que les conditions du contrat sont observées. L’utilisation, pour l’attribution de contrats, de méthodes faisant intervenir la concurrence garantira la transparence, la responsabilité et l’efficacité économique, ainsi que la durabilité des ressources forestières.

Dans ce chapitre, il est démontré que le principal objectif des gouvernements lorsqu’ils attribuent des contrats forestiers, devrait être d’atteindre trois objectifs – le prix le plus élevé pour les ressources allouées, que les resources soient utilisées pour la production de biens et de services très utiles à la société, et que la durabilité des forêts soit assurée. On démontre également que le moyen le plus efficace d’atteindre ces objectifs est d’introduire la concurrence dans le processus d’attribution de contrats. Le chapitre montre comment la concurrence contribue à augmenter: 1) la stabilité des décisions politiques concernant les contrats, 2) la transparence de l’administration des forêts publiques, et 3) la perception des recettes.

Le concept d’efficacité économique et les incidences de la concurrence sur les contrats forestiers font l’objet d’un bref examen. Quatre méthodes d’attribution de contrats sont présentées. La première, la méthode des enchères, du fait qu’elle introduit la concurrence dans le processus d’attribution des contrats, est examinée en détail. Les autres methods présentées sont la négociation en régime de concurrence, l’attribution hybride enchèresnégociation et la négociation directe. Compte tenu du rôle clé joué par la négociation dans tous les processus d’utilisation des resources par le biais des contrats, les principes de négociation sont examinés dans la dernière section.

Ce chapitre s’adresse notamment aux experts techniques et fonctionnaires s’occupant de la conception et de l’attribution des contrats gouvernementaux. Le chapitre intéressera également les individus, les organisations s’occupant d’environnement et non gouvernementales qui participent à la surveillance de l’exécution des contrats d’exploitation forestière sur domaine public ou des contrats d’acquisition de biens et services, ou encore celles prenant part à la surveillance des résultats obtenus par les gouvernements dans la gestion des contrats.

9.2 Attribution des contrats: l’objectif de l’efficacité économique dans les contrats forestiers

En attribuant des contrats, les gouvernements doivent viser principalement à les octroyer aux contractants les plus performants, ceux qui, non seulement possèdent une expérience et une éthique professionnelle, mais qui sont également capables de produire des resultants (contrats d’utilisation) ou fournir des services (contrats d’acquisition) à un coût inférieur. Cela s’appelle la rentabilité de production.L’attribution de contrats aux contractants les plus efficaces a plusieurs conséquences importantes pour le bien-être de la société et la durabilité des ressources forestières. Le contractant le plus efficace est celui qui peut et est dispose à payer le prix le plus élevé pour un contrat d’utilisation ou celui qui offre des services au prix le plus bas en vertu d’un contrat d’acquisition. Cela permet aux gouvernements (dans les contrats d’utilisation) d’obtenir le prix le plus élevé pour les ressources forestières. Ce niveau de prix répond normalement mieux aux attentes de la société, ce qui signifie une plus grande stabilité pour les opérations des contractants.

L’attribution de contrats d’utilisation au prix le plus élevé, et de contrats d’acquisition au coût le plus bas, entraîne aussi une diminution de la rente revenant aux contractants. Si celleci est plus basse, les contractants sont poussés à chercher des innovations et des technologies qui permettent d’augmenter la productivité et sont donc moins enclins à utiliser des methods de production qui entraînent un gaspillage de bois d’œuvre. En même temps, le contractant a une marge plus réduite pour suborner ou corrompre les fonctionnaires.

Les contractants les plus efficaces sont aussi les plus en mesure de supporter le coût du respect des conditions du contrat et d’assumer les coûts découlant de l’emploi des ressources pour la production des biens demandés par la société: l’allocation optimale des ressources. Pour les produits forestiers marchands, cela signifie que l’on utilise le bois d’œuvre pour la production des produits les plus prisés. Par exemple, la production de sciages de grande valeur plutôt que de bois à pâte de faible valeur, ou la production de biens à grande valeur ajoutée qui a debouche sur la création d’un très grand nombre d’emplois et d’activités économiques. Cela signi- fie également de meilleures possibilités d’utiliser des pratiques de gestion durable en meme temps que des prix qui restent compétitifs sur les marchés nationaux et internationaux.

En outre, en attribuant des contrats aux contractants les plus efficaces, les gouvernements obtiennent plus de ressources financiers qui leur permettent d’atteindre l’objectif d’une répartition optimale des ressources. Ces ressources financières accrues peuvent servir à indemniser les secteurs de la société qui subissent les effets négatifs de l’exploitation des forêts et à prendre soin des groupes sociaux moins favorisés. Elles peuvent aussi être investies dans des programmes de conservation et de mise en valeur des ressources.

On appelle efficacité économique le fait de parvenir à l’efficacité en ce qui concerne la production, l’allocation et la distribution. Dans les sections suivantes, on démontre que la concurrence est une condition essentielle pour parvenir à l’efficacité économique, et on examine les méthodes utilisées pour introduire la concurrence dans les processus d’attribution des contrats.

9.3 Le principe de concurrence dans l’attribution des contrats

Parvenir à l’efficacité économique est l’objectif visé par la majorité des actions et programmes dans le secteur public des pays développés et son adoption a été un facteur important dans le progrès économique enregistré dans de nombreux pays en développement durant les dernières décennies. Son application aux contrats forestiers devrait apporter une amelioration sensible concernant le respect des conditions des contrats, et donc faire avancer vers l’utilisation durable des ressources forestières. Le moment est venu de se demander par quells moyens les agents forestiers peuvent-ils poursuivre l’objectif de l’efficacité économique dans l’attribution des contrats? L’expérience a montré que l’introduction de la concurrence dans le processus d’attribution de contrats est un des meilleurs moyens pour atteindre l’objectif de l’efficacité économique. Outre qu’elle facilite la réalisation de cet objectif, la concurrence dans le processus d’attribution des contrats présente deux autres grands avantages pour la gestion durable des forêts:

Réduction de l’incertitude concernant les politiques et les conditions des contrats d’exploitation forestière. Les processus d’attribution en régime de concurrence réduisent l’incertitude normalement associée aux procedures pour la détermination des prix, la selection des contractants et la négociation des conditions du contrat. Le résultat direct est une participation plus intense des parties intéressées et du public à la formation des conditions du contrat, et une stabilité politique accrue dans les décisions prises. Cela entraîne une réduction des risques perçus et de l’incertitude parmi les contractants potentiels. Pour les contrats d’exploitation forestière, moins d’incertitude signifie une augmentation de la valeur du contrat et des revenus potentials du gouvernement provenant du contrat et des ressources forestières. Dans les contrats de fourniture, moins d’incertitude réduit le coût du contrat et améliore le niveau et la qualité des biens et services fournis.

L’incertitude est réduite avec le supplement d’informations dont disposent les contractants potentiels dans le cas d’une attribution de contrats en régime de concurrence, et si les contrats sont rédigés en termes clairs. Cela ne signifie pas, par exemple, qu’il faut fixer les taxes forestières dans les contrats d’exploitation forestière, ou les paiements dans les contrats d’acquisition de biens ou services. Mais cela signifie que la méthode d’établissement ou de révision des taxes ou des paiements doit être clairement établie dans le contrat et parfaitement appliquée. Dans les enchères favorisant la concurrence, toute réduction de l’incertitude augmentera la valeur prévue du contrat du soumissionnaire et fera monter les enchères (Smiley, 1979).

Transparence. Le simple fait que les methods d’attribution concurrentielles exigent que les actions du gouvernement soient élaborées dansle cadre de procédures explicites, et souvent avec l’intervention des services de contrôle, entraîne une amélioration substantielle de la transparence dans la gestion du secteur forestier. La transparence dans l’attribution de contrats forestiers est importante pour réduire les possibilités de subornation et de corruption, arriver à une attribution efficace, faire en sorte que les ressources soient allouées pour leur utilisation la plus utile, et maximiser le rendement financier pour le gouvernement (Banque mondiale, 1997). Généralement, l’emploi d’une méthode faisant appel à la concurrence pour l’attribution de contrats réduit le plus souvent les possibilités de corruption. Si elle est bien utilisée, cette méthode augmente la probabilité de détecter la mauvaise gestion et réduit le montant des recettes publiques et le pouvoir de négociation des fonctionnaires. Dans les pays où ces possibilités pourraient exister, on prêtera particulièrement attention aux prix minimaux, à la sélection des soumissionnaires et au dépouillement des offres ainsi qu’à la distribution des informations. Une méthode et une planification bien décrites à l’avance réduiront également les coûts administratifs.

Les gouvernements peuvent favoriser la concurrence dans l’attribution des contrats à l’aide de plusieurs méthodes. La vente aux enchères, c’est-à-dire une vente publique dans laquelle le soumissionnaire offre un prix supérieur à celui proposé par le soumissionnaire précédent, l’article présenté étant vendu au soumissionnaire le plus offrant, pour des raisons valides, est l’un des moyens les plus recommandés pour introduire la concurrence dans l’attribution des contrats. En introduisant la concurrence entre les divers contractants intéressés à remporter un contrat particulier, les gouvernements seront mieux en mesure de saisir les bénéfices découlant des opérations en conditions d’efficacité économique. Les diverses formes d’attribution de contrats, particulièrement les enchères, leurs avantages, les causes de leurs échecs et les remèdes, sont examinées plus loin.

9.4 Les enchères et les autres méthodes d’attribution des contrats

Quatre méthodes d’attribution de contrats sont examinées dans cette section: enchères, négociation en régime de concurrence, attribution hybride d’enchères-négociation, et négociation directe. Elles sont examinées tour à tour avec les avantages et les inconvénients de chacune, et les conditions dans lesquelles chacune pourrait convenir, comme le niveau de concurrence.

9.4.1 Les enchères et avantages de la concurrence dans l’attribution des contrats

Supposons une situation idéale dans laquelle une forêt d’une superficie connue est onstituée d’une seule espèce d’arbres marchands dont le prix est connu. Dans cette situation, les fonctionnaires essayant d’atteindre l’objectif de l’efficacité économique peuvent appeler toutes les entreprises forestières intéressées à participer à des enchères publiques fondées sur le prix du bois. Plus le prix payé par l’entreprise sera élevé, mieux cela vaudra pour la société. Par conséquent, l’entreprise qui offre le plus, remporte le contrat. Ce type d’enchères est le plus simple et s’appelle enchère publique fondée sur la première offre .

La procédure générale (voir détails à la section 9.4.1.3) qui finit par l’attribution d’un contrat moyennant ce type d’enchère, comporte quatre étapes:

Premièrement, l’annonce de l’enchère. Elle est faite normalement par les moyens de communication officiels du gouvernement à l’échelon national et, si nécessaire, par les médias internationaux.

Deuxièmement, l’acceptation des participants aux enchères ou sélection préalable. Pour être acceptés, les contractants devraient avoir la capacité technique et économique d’entreprendre les actions prévues dans le contrat, et démontrer qu’ils sont responsables, comme pourrait le demander l’organe gouvernemental qui organise les enchères.

Troisièmement, le déroulement des enchères elles-mêmes. Le jour et au lieu fixés dans la notification, le comité des enchères constitué par les fonctionnaires autorisés et les autorités de surveillance rencontrent les soumissionnaires. Ceux-ci font leur offre, par exemple, sur la base du premier prix offert, chaque soumissionnaire offrant un prix plus élevé que le précédent.

Quatrièmement, attribution du contrat. Par un acte formel, documenté à des fins juridiques futures, l’article présenté ou le contrat sont offerts au meilleur offrant. Mais dans la réalité, les fonctionnaires se trouvent rarement dans des conditions idéales. Il existe plusieurs facteurs pouvant causer l’échec des enchères publiques ou porter à des résultats non recherchés. Les fonctionnaires devraient toujours veiller à éviter des situations dans lesquelles les enchères pourraient donner des résultats non optimaux. Parmi les causes les plus importantes de l’échec des enchères, il y a les possibilités de collusion entre les soumissionnaires, des risques de corruption des fonctionnaires, des questions de qualité et des changements de technologie, des problèmes de retard, le petit nombre de soumissionnaires, et le manque d’informations sur la valeur des ressources offertes. Pour faire face à cette situation, divers modèles d’enchères ont été conçus. Certains des types les plus communs sont décrits ci-après avec les situations et raisons qui pourraient décider à les utiliser.

9.4.1.1 Enchères ouvertes

Enchères publiques fondées sur la première offre. L’enchère publique fondée sur la première offre (appelée aussi à la criée) décrite dans la section ci-dessus comme exemple, entre dans la catégorie des enchères appelées enchères ouvertes ou processus d’invitation ouverte à soumissionnaires. Dans ce type d’enchères, tous les soumissionnaires sont réunis pour la vente en même temps et au même endroit (ou reliés électroniquement). Chacun sait ce que ses rivaux sont prêts à payer et fait ou non ses propres offres sur la base de cette information. Les enchères continuent, les soumissionnaires faisant leurs offres à un commissaire priseur qui appelle la prochaine offre, jusqu’à ce que l’offre la plus élevée soit faite. L’offre la plus élevée remporte le contrat d’exploitation forestière, ou l’offre la plus basse le contrat d’acquisition.

Plusieurs autres méthodes d’enchères sont applicables. Les plus communes sont les enchères ascendantes ou descendantes. Dans les enchères ascendantes utilisées pour des contrats d’exploitation forestière, l’offre commence par un prix minimal établi par le gouvernement. Il peut être fixé plus haut en utilisant un prix établi pour le bois et le contrat. L’offre part du prix minimal jusqu’à ce qu’aucun soumissionnaire ne soit plus disposé à offrir plus que le prix précédent. Le contrat d’exploitation forestière est alors attribué à l’offre la plus haute.

Les enchères descendantes, appelées aussi enchères au rabais (Milgrom, 1989), pour les contrats d’exploitation forestière, partent d’un prix plafond, fixé au-dessus de ce qu’on estime que le soumissionnaire est disposé à payer. Le commissaire n’ira pas en dessous d’un prix minimal (établi comme décrit plus haut), que les soumissionnaires ne connaissent pas.

Les enchères ouvertes sont l’un des types d’enchères conçues et utilisées pour les contrats d’exploitation forestière. Elles ne servent pas normalement pour l’attribution de contrats d’acquisition.

Les enchères ouvertes sont appropriées lorsqu’il est facile de réunir les soumissionnaires en un endroit et où ils seront assez nombreux pour éviter la collusion. Les enchères ouvertes sont particulièrement utiles lorsque plusieurs contrats forestiers sont mis aux enchères en même temps et qu’un grand nombre de soumissionnaires sont réunis. S’il y a peu de soumissionnaires dans ce type d’enchères, il sera relativement facile qu’ils se concertent car ils peuvent se rencontrer avant et organiser des offres concertées ou se surveiller durant les offres (Crampes et Estache, 1997).

Klein (1998) a noté «Elles conviennent également lorsqu’une partie des soumissionnaires n’a pas de bonnes informations concernant la valeur de la concession. Avec la vente à la criée, ils sont mieux informés car ils apprennent ce que les autres sont disposés à payer. Si des soumissionnaires pessimistes voient que chacun continue de faire des offres alors qu’ils pensent se retirer, ils pourraient continuer à faire des offres. Et si les soumissionnaires voient que presque tous les autres ont commencé à se retirer, ils réviseront leur évaluation à la baisse».

Lorsqu’il s’agit d’affaires techniquement compliquées, la vente à la criée crée une situation dans laquelle des propositions techniques sont d’abord rendues comparables, puis l’offre commence sur la base d’un paramètre clé, par exemple, du bois d’œuvre commercial ou un prix à l’hectare.

Inconvénients des enchères ouvertes. Ce type d’enchères ne révèle pas ce que le plus offrant aurait pu être disposé à payer (prix de la première offre) car la soumission s’interrompt lorsque le gagnant offre juste un peu plus que la deuxième offre la plus haute, mais que personne ne voit combien aurait pu être offert en plus. L’enchère publique fondée sur la deuxième offre a été conçue dans l’intention d’éviter cet inconvénient.

9.4.1.2 Enchères scellées

Enchères scellées standard. Dans les enchères scellées, les particuliers ou les contractants indépendants préparent leurs offres. Les soumissions sont faites par écrit et ouvertes après la date limite de présentation des offres. Les soumissionnaires ne savent pas combien les autres ont offert à moins qu’ils ne se soient concertés avant. Celui qui offre le prix le plus haut remporte le contrat.

Enchères Vickrey. Une variante des enchères scellées standard est l’enchère publique fondée sur la deuxième offre, connue aussi sous le nom d’enchères Vickrey (Vickrey, W. Counter speculation, auctions, and competitive sealed tenders, Journal of Finance, mars 1961, 16: 8-37). On pretend que dans de nombreuses enchères scellées, ainsi que dans des enchères ouvertes et celles fondées sur la première offre, les soumissionnaires peuvent offrir une somme inférieure au montant maximal qu’ils seraient disposés à payer pour la ressource offerte. Avec les enchères Vickrey, ou enchères «deuxième prix», on résout ce problème en attribuant la resource au soumissionnaire meilleur offrant, mais au second prix le plus haut. «Le soumissionnaire le plus offrant paie le second prix le plus élevé. Dans les enchères fondées sur le second prix, les soumissionnaires offrent ce qu’ils estiment que le contrat mérite. Ils ne pensent pas à d’autres évaluations et ainsi peuvent se concentrer sur l’évaluation de leur propre soumission. Ainsi, rien ne les empêchera d’offrir le montant qu’ils seraient disposés à payer pour la ressource, car s’ils gagnent, ils paieront moins que ce montant » (Klein, 1998). Ausubel et Cramton (1998) ont démontré que les enchères Vickrey entraînent des offres plus élevées que les enchères scellées standard lorsque le transfert successif du bien (contrat) est possible, mais pas nécessairement si le transfert est impossible.

S’il y a peu de soumissionnaires pour la concession, il est probable qu’il y aura un écart important entre les deux soumissions les plus hautes dans les enchères Vickrey, de sorte qu’il sera préférable d’utiliser un système de première soumission (Klein,1998).

Les enchères scellées sont utilisées pour attributer tant des contrats d’exploitation forestière que des contrats d’acquisition de biens et services. Pour les contrats d’exploitation forestière, le contrat est attribué au soumissionnaire le plus offrant ou, dans le cas d’un système à points, au soumissionnaire totalisant le plus de points. Pour les contrats d’acquisition, le contrat est attribué au soumissionnaire offrant le prix le plus bas ou, dans le cas d’un système à points, au soumissionnaire totalisant le plus de points.

Dans les enchères scellées, on fixe habituellement un prix minimal pour les contrats d’exploitation forestière, ou un prix maximal dans le cas des contrats d’acquisition. Ce prix minimal peut être annoncé par les soumissionnaires ou tenu secret. On a constaté que les prix minimaux secrets entraînent des soumissions plus élevées dans les enchères pour le bois (Elyakime et al. , 1997). Cela est peut-être dû au fait qu’en gardant secrets les prix miniaux, on réduit les possibilités de soumissions concertées à bas prix (Klein, 1998).

Plusieurs études ont suggéré que les enchères scellées débouchent sur un prix plus élevé pour les contrats d’exploitation forestière que les enchères ouvertes, car elles donnent moins de possibilités aux soumissionnaires de se concerter tacitement ou ouvertement (Brannman, 1996).

9.4.1.3 Etapes de l’attribution des contrats en régime de concurrence

Les sections précédentes ont montré les avantages découlant de l’introduction de la concur- rence dans le processus d’attribution de contrats forestiers par le biais de soumissions en régime de concurrence. Pour que la concurrence donne de bons résultats, il faut concevoir et planifier avec soin le processus d’attribution de contrats en régime de concurrence. La présente section décrit en détail les différentes étapes de l’attribution de contrats d’exploitation forestière et de contrats d’acquisition dans les systèmes de soumissions en régime de concurrence, de négociation concurrentielle ou hybrides enchères-négociation. On indique en particulier les exigences pour mener le processus d’une manière juste, équitable et transparente. Les systèmes de soumissions en régime de concurrence, ou de négociation concurrentielle et les systèmes hybrides enchères-négociation comportent six grandes étapes:

1. Appel d’offres ou demande de propositions.

2. Annonce du contrat et appel aux éventuels contractants.

3. Sélection préalable des soumissionnaires.

4. Présentation des offres ou des propositions.

5. Examen des offres ou des propositions et sélection des contractants.

6. Négociation des conditions du contrat final.

Appel d’offres ou demande de propositions
Durant la première étape, des specifications détaillées sont mises au point pour les exigencies de la vente des droits forestiers dans le cadre du contrat d’exploitation forestière ou les exigences du contrat d’acquisition. Les critères de sélection du contractant gagnant devraient être clairement définis ainsi que toutes les modalités et conditions du contrat.

Il est nécessaire ici de clarifier la difference entre un appel d’offres et une demande de propositions. Il s’agit dans les deux cas de documents transmis aux contractants intéressés qui décrivent en détail les droits forestiers ou les besoins concernant l’acquisition. Il s’agit dans les deux cas de demandes d’offres faites aux contractants intéressés. Les deux spécifient les dates auxquelles les offres doivent parvenir ainsi que le processus formel d’évaluation des offres et la sélection du contractant gagnant (ou le refus de toutes les offres). Les differences résident dans la spécification des dispositions du contrat. Les appels d’offres sont très spécifiques en ce qui concerne les dispositions relatives à ce qui doit être fait. Les demandes de propositions sont utilisées lorsque la specification détaillée pour le projet d’acquisition, ou la vente ou la location de droits forestiers, ne peut être fournie de manière aussi complete que dans le cas d’un appel d’offres. Dans les demandes de propositions, le gouvernement emploie les compétences des divers contractants pour mieux définir les autres méthodes ou modalités et conditions pour le contrat. En ce sens, la demande de propositions est un processus en deux étapes.

L’appel d’offres ou la demande de propositions sont l’«avant-projet» qui permet au soumissionnaire de déterminer avec précision ce que comporte la préparation d’une soumission et la mise en œuvre du contrat s’il gagne. L’appel d’offres ou la demande de propositions devraient être conçus et rédigés avec soin car ils constituent la base des soumissions. Pour les contrats d’exploitation forestière (baux, licences et permis de brève durée), on procèdera à une évaluation des ressources sur lesquelles porte le contrat avant la publication de l’appel d’offres ou de la demande de proposition, et on déterminera l’offre minimale.

Annonce du contrat et appel aux éventuels contractants
La deuxième étape consiste à annoncer et à rendre public le contrat et à susciter des manifestations d’intérêt, des offres ou des propositions. Le contrat doit être annoncé aux niveaux régional, national ou international; les contractants potentiels peuvent être contactés directement et invités à faire des offres, ou l’on peut recourir aux deux méthodes, annonces et invitations. Le choix de la méthode dépendra de l’envergure et de la nature du contrat, et des soumissionnaires potentiels. L’objectif est de rendre le processus le plus concurrentiel possible. Par conséquent, il faudra attirer le plus grand nombre possible de contractants qualifiés, afin qu’il y ait le plus grand nombre possible de soumissionnaires pour le contrat ou les ressources offertes dans les enchères ou pour la négociation concurrentielle.

La taille du contrat influera sur le nombre de soumissionnaires. Plus le contrat sera important, moins il y aura de contractants qui seront en mesure de répondre aux exigences. Un nombre plus limité de soumissionnaires réduira la concurrence et donc la capacité du gouvernement de saisir ou de négocier une juste part de la valeur de la ressource, ou de garantir le coût le plus bas possible dans les contrats d’acquisition. C’est un fait dont les gouvernements devraient tenir compte lorsqu’ils formulent des politiques concernant le secteur forestier.

Pour attirer les soumissionnaires, le gouvernement devra donner aux contractants le temps nécessaire pour évaluer les exigences du contrat et pour rassembler et présenter les soumissions ou propositions. Le dossier d’information et toute information supplémentaire sur le contrat doivent être disponibles et distributes aux contractants éventuels bien avant les enchères. Lorsque l’on procède à la selection préalable des soumissionnaires, il faut établir des conditions de sélection préalable minimales et les indiquer dans l’annonce.

Plusieurs mesures peuvent être prises pour limiter les possibilités de collusion ou de truquage des offres parmi les soumissionnaires:

• Rédiger l’appel d’offres ou la demande de propositions en y faisant figurer des conditions contractuelles larges afin d’attirer le plus grand nombre possible de soumissionnaires intéressés, et de manière à ce que les soumissionnaires potentiels ne soient pas empêchés inutilement de présenter leurs offres parce qu’ils ne disposent pas de l’équipement ou d’autres ressources nécessaires.

• Spécifier les exigences du contrat et de la soumission en ce qui concerne les composantes du projet, voire par type d’articles plutôt que par soumission unique à prix forfaitaire. Demander de préciser les composantes ou les articles, aidera à comparer les soumissions et à déterminer les points sur lesquels les soumissions diffèrent.

• Demander l’identification de ceux qui participant à la préparation et à l’approbation de la soumission pour le contractant, ainsi que des informations détaillées sur les souscontractants intéressés.

• Chaque fois que possible, augmenter la liste des soumissionnaires qui participent.

Sélection préalable des soumissionnaires Il pourrait être utile d’inviter les soumissionnaires potentiels à présenter des informations sur leurs qualifications, afin de s’assurer qu’ils ont la capacité d’entreprendre et de gérer la forêt et de mener le contrat à bonne fin. Cela pourrait limiter le nombre de soumissionnaires potentiels, mais cela assurera une plus grande uniformité des soumissionnaires, facilitera l’évaluation des offres ou des propositions et réduira le coût administratif de l’attribution des contrats.

La sélection préalable des soumissionnaires peut contribuer à éviter que des soumissionnaires peu fiables prennent part aux enchères. Elle aide aussi le gouvernement à recueillir des informations sur l’intérêt et la disposition à payer des soumissionnaires potentiels (Crampes et Estache, 1997). Elle permet aussi de garantir que tous les soumissionnaires se conformeront à certains critères requis (Klein, 1998). Toutefois, les procédures de sélection préalable peuvent rendre moins objectif le choix des soumissionnaires qualifiés et donc laisser la porte ouverte aux influences, au favoritisme, à la subornation et à la corruption (Klein, 1998).

Les informations présentées pour la selection préalable pourraient renseigner sur la situation financière et la propriété des sociétés, sur les filiales et les compagnies liées, sur les opérations qu’elles mènent dans et en dehors du pays, sur les rapports annuels aux actionnaires et sur les états financiers vérifiés pour les trois dernières années, et fournir des données préliminaires sur les opérations proposées en rapport avec le contrat. Des informations plus détaillées sur les soumissionnaires qualifies pourraient être exigées dans le cadre de leur offre ou de leur proposition.

Droits d’entrée. Les soumissions en regime de concurrence peuvent transférer le coût de la collecte d’informations sur la forêt, le contrat et les conditions du contrat aux soumissionnaires potentiels (Gillis, 1992). Toutefois, les difficultés rencontrées et le prix à payer par les soumissionnaires potentiels pour obtenir des informations sur la forêt, le bois d’œuvre, les dispositions du contrat et le coût de la réalisation des dispositions peuvent poser un sérieux problème dans la mise aux enchères des contrats forestiers. Les contractants potentiels devront payer cher la collecte d’informations et le chevauchement des efforts si chaque soumissionnaire doit recueillir la même information. Les coûts, ainsi que le risque et l’incertitude quant à la fiabilité de l’information, peuvent décourager les soumissionnaires et entraîner des offres plus basses sur les contrats d’exploitation forestière ou plus élevées pour les contrats d’acquisition de biens et services (Gillis, 1992).

Une façon pour le gouvernement de surmonter cette difficulté est d’entreprendre ou de sous-traiter l’inventaire forestier, la collecte d’informations et l’analyse du coût du projet. Il pourra alors mettre les informations à la disposition de tous les soumissionnaires en leur faisant payer un droit d’entrée pour le dossier d’adjudication afin de couvrir les frais de la collecte d’informations (French et McCormick, 1984). Cela pourrait être plus rentable que la collecte d’informations faite indépendamment par chaque soumissionnaire potentiel. Faire payer des droits d’entrée pourrait réduire le nombre de soumissionnaires potentiels, mais offrirait une garantie de sérieux par rapport aux soumissionnaires participant. En outre, cela pourrait faire monter les offres, car les soumissionnaires auraient moins à payer pour recueillir des informations et moins de risques et d’incertitude sur la forêt (French et McCormick, 1984).

Présentation des offres ou des propositions
Lappel d’offres ou la demande de propositions devrait spécifier la date et le lieu où les soumissions doivent être déposées. Cela est habituellement indiqué dans les annonces des contrats.

Lorsque la date limite et le moment sont arrivés, les soumissions sont ouvertes en public et les noms de ceux qui font des offres sont annoncés. La date limite de réception des soumissions devrait être strictement respectée afin d’éviter tout pourvoi ou toute contestation judiciaire. Les soumissions arrivées trop tard ne devraient pas être acceptées. Pour plus de transparence, les soumissions scellées devraient être ouvertes en public, rendant ainsi la corruption, la subornation, l’attribution erronée ou d’autres pratiques illégales plus difficiles à cacher (McAfee et McMillan, 1988).

Les enchères avec offres verbales sont visibles et transparentes, mais elles augmenten les possibilités d’entente secrète entre les soumissionnaires, les menaces tacites ou implicates aux soumissionnaires, et la collusion tacite. Associer les soumissions scellées avec la possibilité d’améliorer les offres verbales lors d’une enchère ultérieure peut combiner certains avantages de l’offre verbale et des soumissions scellées. Toutefois, si l’on veut utiliser cette procédure, il faut avertir les soumissionnaires à l’avance afin qu’ils puissent se preparer et être présents à l’ouverture des envelopes scellées.

Examen des offres ou propositions et selection des contractants
L’étape suivante consiste dans l’examen de toutes les offres ou propositions pour lesquelles il faut suivre quelques directives importantes:

• Les offres ou propositions devraient être évaluées selon les mêmes critères afin d’assurer l’équité, l’impartialité et la transparence. Ces critères devraient être annoncés dans le premier appel d’offres ou la première demande de propositions annoncés ou être disponibles avant que les offres ou propositions soient rédigées.

• Il faudrait évaluer et classer toutes les offers ou propositions qui réunissent les conditions prescrites dans les critères.

• Il faudrait rejeter et ne pas évaluer les offers et propositions qui ne réunissent pas les conditions prescrites.

• Les offres et propositions devraient être évaluées uniquement selon les critères énoncés dans l’appel d’offres ou la demande de propositions du départ.

• S’il est souhaitable de donner la preference aux sociétés nationales, la nature et le degree de cette préférence devraient être précisés dans l’appel d’offres ou la demande de propositions initiaux.

Les critères de sélection devraient prévoir au minimum que:

• Le contractant dispose des moyens financiers suffisants pour faire face à toutes les obligations monétaires associées au contrat.

• La société a la capacité d’organisation, les ressources humaines, l’équipement, l’expérience et les moyens nécessaires pour remplir les modalités et conditions du contrat, et le mener à bien.

• Le contractant a une assurance adéquate, comprenant la responsabilité civile et une assurance-santé et d’invalidité pour ses ouvriers.

• Le contractant doit démontrer par des references ou autres qu’il a déjà rempli avec success des contrats comportant les mêmes modalités.

Avec la sélection préalable des soumissionnaires, tous les soumissionnaires devraient avoir l’expérience et la capacité necessaries pour remplir l’obligation de gestion de la concession. Si toutes les offres ou propositions répondent aux conditions définies précédemment, la décision devrait alors se fonder princi- palement, ou exclusivement, sur les conditions financières des propositions. Dans ce cas, le choix de la soumission gagnante sera facile.

On annonce la soumission gagnante et on informe le contractant choisi du succès de son offre. L’identité du contractant choisi, ainsi que les résultats du processus d’examen, devraient être rendus publics immédiatement après l’examen des offres ou propositions.

Pour assurer l’indépendance du processus d’examen, les gouvernements devraient envisager de créer une équipe d’évaluation indépendante, incluant des parties extérieures, pour administrer le processus d’attribution des contrats. Cela pourrait aider à démontrer l’équité du processus, et rassurer les soumissionnaires et le public quant à l’impartialité du processus d’attribution. Autrement, l’évaluation des offres ou des propositions pourrait être sous-traitée à une organisation indépendante.

Dans le cas des soumissions en régime de concurrence, une fois que les contractants ont présenté leurs offres, ils devraient être obliges juridiquement de remplir les obligations de leur offre ou proposition et être tenus juridiquement responsables. Il est important que les gouvernements soient fermes sur ce point, sinon, le processus d’attribution se transformera en une négociation concurrentielle non réglementée, avec des coûts administratifs supplémentaires. En outre, le gouvernement pourrait lui-même risquer d’être poursuivi par les autres soumissionnaires non gagnants.

Négociation des conditions du contrat final et signature Une fois que le soumissionnaire gagnant a été averti, des représentants du gouvernement et le contractant se réuniront pour mettre au point les derniers détails du contrat et, après cela, pour prendre part à sa signature officielle. Dans le cas d’une négociation concurrentielle, il sera plus facile de modifier les conditions du contrat et il faudra plus de temps pour négocier le contrat final. En outre, la négociation ne portera que sur les détails de la mise en œuvre du contrat. Dans la soumission concurrentielle, tout changement important dans le contrat, à ce stade, nécessitera un nouvel appel d’offres ou une nouvelle demande de propositions, ouvert une fois encore à toutes les parties.

9.4.1.4 Conditions nécessaires pour l’attribution de contrats en régime concurrentiel

Pour que l’attribution de contrats en regime concurrentiel soit réussie, plusieurs exigencies doivent être remplies, en particulier:

• Il faudrait concéder le contrat au soumissionnaire le plus offrant pour les contrats d’exploitation forestière et à l’offre la plus basse pour la fourniture de biens ou de services. Toutefois, on tiendra compte d’autres facteurs, en particulier des competences techniques de la firme, de la nationalité et de la propriété des installations de transformation intérieures locales. La marche à suivre pour examiner ces autres facteurs doit être claire, décrite dans l’appel d’offres et comprise par les soumissionnaires.

• Il faudrait fournir des informations adéquates sur les ressources forestières ou sur le contrat d’acquisition à mettre aux enchères, pour garantir l’offre au prix le plus élevé ou au coût le plus bas.

• Des prix minimaux pour le contrat et des offres minimales devraient être établis pour couvrir les coûts supportés par le gouvernement pour mettre aux enchères et réglementer le contrat.

• Que les enchères soient complètement concurrentielles ou qu’elles consistent en une combinaison négociation-concurrence, il faut que le processus d’attribution des resources soit transparent. La transparence garantira l’impartialité dans les procedures d’attribution et entraînera des offres à des prix plus élevés ou à des coût plus bas en raison des moindres risques pour les contractants.

• Pour que les soumissions en régime de concurrence réussissent, il doit y avoir un nombre suffisant de soumissionnaires pour qu’une concurrence s’établisse entre eux. Toutefois, dans la concurrence pour des contrats d’exploitation forestière, bien souvent, les opérateurs ne sont pas assez nombreux pour qu’une concurrence suffisante s’établisse (Karsenty, 1998).

• Le système de la vente aux enchères doit avant tout éviter la collusion entre les soumissionnaires. Les contractants potentiels doivent être en mesure de recueillir des informations adéquates sur la forêt et le contrat pour lequel ils font des offres (Gillis, 1992). Moins d’informations ou des informations moins fiables risquent de réduire le niveau des offres pour les contrats forestiers, mais cela ne signifie pas qu’il faille rejeter l’option des soumissions en régime de concurrence.

Les enchères avec mise en concurrence peuvent susciter des préoccupations au sujet de la participation des contractants qui ne sont pas propriétaires des installations de transformation, laissant les usines non approvisionnées en bois. Ce problème a été résolu au Cameroun avec l’introduction d’un «droit de préemption» pour les propriétaires des usines de transformation existantes. Selon ce système, les contrats d’exploitation forestière sont des offres concurrentielles, mais si le propriétaire d’une usine de transformation présente dans la zone ne gagne pas l’enchère, il peut proposer l’équivalent de l’offre gagnante (Karsenty, 1998).

Un autre problème concernant les enchères concurrentielles est que les opérateurs nationaux et de petite échelle peuvent être exclus, car ils ne disposent pas toujours des resources financières nécessaires pour rivaliser avec de gros opérateurs étrangers (Karsenty, 1998). Pour y remédier, certains domaines de contrat peuvent être réservés à des opérateurs de petite échelle ou nationaux, ou encore, on peut donner la préférence à ces opérateurs lors de l’attribution des contrats si leurs offres se rapprochent de l’offre gagnante (Karsenty, 1998). Toutefois, ces décisions doivent tenir compte des principes de l’efficacité économique et des objectifs de distribution du gouvernement.

Une autre façon de favoriser les contractants locaux et nationaux est d’utiliser le système à points qui peut comprendre d’autres objectifs de développement nationaux qui incluent des facteurs autres que le prix (Sample Bidding Documents, Banque mondiale, 1986). Le tableau 9.1 donne un exemple d’un système à points (Sample bidding documents, Banque mondiale, 1986).

Les enchères avec mise en concurrence sont la forme la plus commune utilisée par les gouvernements pour sous-traiter la vente de biens et services gouvernementaux ou la vente de droits publics (pour les ondes hertziennes, des droits de prospection et d’exploitation du pétrole, du gaz et des minerais et des baux de production, etc.) (McAfee et McMillan, 1988). En foresterie, les soumissions en régime de concurrence ont été utilisées avec succès pour attribuer des contrats d’exploitation forestière au Venezuela et en Malaisie (Sarawak et peninsula de la Malaisie), au Ghana, en Côte d’Ivoire et plus récemment, au Cameroun (Gillis, 1992; Grut, Gray et Egli, 1991). Des enchères avec mise en concurrence pour la vente de bois à court terme sont communément utilisées en Amérique du Nord, et d’une façon limitée pour les quotas de bois à long terme. Lorsque des informations étaient disponibles, les prix offerts ont été plus élevés que les taxes payées au titre de redevances fixées par l’administration.

9.4.2 Négociation concurrentielle

Dans la négociation concurrentielle, on prend contact avec plusieurs contractants potentials et ils sont invités à soumettre des propositions. Celles-ci sont évaluées sur la base du coût ou du prix, et des modalités et conditions de la proposition. Certains autres facteurs qui pourraient être pris en compte lorsqu’on évalue des offres comprennent les activités et l’expérience du contractant dans des projets ou contrats similaires (références ou recommandations de clients précédents), la capacité de mener à bien le contrat (moyens financiers, main-d’œuvre et capacité d’organisation), et les engagements supplémentaires que les soumissionnaires ont inclus dans leurs propositions. On choisit ensuite la meilleure proposition parmi celles qui réunissent les conditions et modalités finales.

Cette méthode d’attribution des contrats peut être appropriée lorsque le gouvernement est à la recherche d’idées indépendantes des contractants potentiels sur la manière de récolter le bois d’œuvre, d’aménager la forêt ou de fournir des biens et services pour l’aménagement forestier.

Cette méthode présente plusieurs avantages. En premier lieu, la négociation concurrentielle est moins formelle que la soumission en régime de concurrence; ainsi, une fois que le contractant est sélectionné, les principales conditions du contrat peuvent être peaufinées et renforcées au cours de négociations avec le contractant choisi. D’autres solutions proposes par d’autres soumissionnaires peuvent aussi être incorporées dans les négociations afin d’améliorer la proposition globale et le contrat final.

L’aptitude à négocier est très importante dans ce genre d’attribution de contrats, mais le pouvoir de négociation du gouvernement est sensiblement amélioré par rapport à la négociation directe (contrat à fournisseur unique). Le gouvernement dispose d’informations supplémentaires, des coûts et des prix des autres propositions qu’il peut utiliser dans les négociations avec le contractant choisi. En outre, le nombre accru de participants fera monter le niveau des prix et des engagements pour les licences d’utilisation des forêts, ou réduira les coûts offerts dans les contrats pour la fourniture de biens et services.

Un autre avantage de la négociation concurrentielle est que, dans les négociations, le contractant peut expliquer et justifier les divers éléments de son offre, ce qui peut conduire à des arrangements pour partager les risques. La négociation concurrentielle peut aussi aider à établir un rapport plus coopératif entre le gouvernement et le contractant, ce qui facilitera la gestion du contrat pendant toute sa durée. Enfin, ce type de négociation peut presenter des avantages administratifs par rapport à la soumission en régime de concurrence. Elle est plus souple et moins exigeante en termes de processus et de contrôle administratifs. Pour le gouvernement, la négociation concurrentielle réduit les coûts de la préparation des offres par rapport à la soumission en régime de concurrence (Klein, 1998).

Toutefois, la négociation concurrentielle présente des inconvénients non négligeables. Premièrement, elle n’assure pas la transparence car les négociations entre le gouvernement et le contractant choisi ne sont pas soumises à l’examen du public. Elle donne donc lieu à la collusion, à la subornation, à la corruption et au favoritisme politique. Les négociations concurrentielles seront plus coûteuses sur le plan administratif que l’attribution directe, simplement parce qu’il y a plus de contractants potentials et davantage d’offres et de propositions à évaluer. Toutefois, elles ont des chances de conduire à de meilleurs contrats, à des prix plus élevés sur les contrats d’exploitation forestière, à des coûts plus bas sur les contrats pour la fourniture de biens et de services, et à une supervision et à un suivi plus faciles du contrat final négocié. En choisissant cette option, les gouvernements doivent soupeser l’impartialité et la transparence du processus d’attribution et les avantages d’une plus grande souplesse et le potentiel d’un meilleur accord final.

9.4.3 Systèmes d’attribution enchèresnégociation

Dans de nombreux pays et dans de nombreuses situations locales, en particulier dans le secteur forestier, il peut être difficile de parvenir à des conditions concurrentielles pour un fonctionnement efficace du système de soumissions en régime de concurrence. Des systèmes hybrids comprenant des combinaisons de négociation et de soumissions en régime de concurrence, peuvent donc être utiles là où il est difficile de parvenir à des soumissions en régime de concurrence complet.

On a couramment eu recours à des methods hybrides pour attribuer des contrats de prospection et d’exploitation de pétrole et de gaz. Ainsi, en Indonésie, des contrats de prospection sont attribués aux sociétés qui offrent la «prime de signature» la plus élevée (Gillis, 1992). Les primes de signature ont été importantes, en particulier pour des terrains prometteurs. D’après Gillis, les primes de signature pourraient être utiles pour l’attribution de droits de coupe et dans des systèmes de revenues forestiers pour obtenir une part plus importante de la valeur du contrat (rente économique) (Gillis, 1992).

Lorsque les contrats forestiers sont attributes par le biais d’une négociation, le recours à une soumission en régime de concurrence, dans les régions du pays où il existe une concurrence, fournira une indication de la vraie valeur des contrats et constituera par ailleurs une base pour négocier la valeur des contrats forestiers dans d’autres régions du pays (Grut, Gray et Egli, 1991).

9.4.4 Négociation directe ou contrat à fournisseur unique

Dans la négociation directe des contrats, ou contrat à fournisseur unique, il n’y a qu’un contractant qui participe, et celui-ci, avec les fonctionnaires représentant le gouvernement, négocie les conditions et modalités du contrat. Cette méthode est applicable lorsqu’il y a peu de soumissionnaires potentiels, lorsqu’il y a un seul ou peu de soumissionnaires qualifiés, en situation de monopole ou lorsqu’un contractant a les compétences spécialisées requises pour satisfaire aux exigences du contrat.

Si la négociation directe, c’est-à-dire la méthode du contrat à fournisseur unique, est choisie, le gouvernement, afin d’être en bonne position pour négocier, doit disposer d’un maximum d’informations possible sur les conditions de la forêt, la valeur de la forêt, les coûts de l’exécution du contrat et le contractant participant. Il est important que les gouvernements spécifient les exigences du contrat en donnant le plus de détails possible. Il faut également établir une série de critères pour évaluer les propositions faites par le contractant, de manière à ce qu’ils puissent être utilises dans le processus de négociation. L’aptitude à négocier est fondamentale dans le contrat à fournisseur unique. La section 9.5 du present chapitre contient un certain nombre de recommendations pour la négociation dans différentes situations.

La négociation directe offre une certaine souplesse pour négocier les principales conditions du contrat une fois le contractant choisi, et les procédures administratives sont plus simples, moins chères et plus rapides. Cette méthode conviendra donc lorsqu’un contrat doit être finalisé rapidement, par exemple, pour fournir des moyens de lutter contre les feux de forêt en cas d’urgence, la recuperation du bois d’œuvre endommagé, ou pour de petits contrats pour des biens et services. Dans la plupart des cas, la négociation directe ne sera pas appropriée pour attribuer des contrats d’exploitation forestière à long terme, mais elle conviendra seulement pour des contrats d’utilisation à court terme de petites quantités de bois et la récupération de bois endommagé par le feu, les insectes ou les maladies.

Un inconvénient non négligeable de la négociation directe est que le gouvernement est habituellement très défavorisé durant les négociations, en particulier en ce qui concerne les prix. Il dispose généralement de moins d’information sur les coûts et les prix que le contractant, qui est en mesure de préparer et de présenter des données sur les prix et les coûts dans son propre intérêt. Cet inconvenient peut conduire à une augmentation des coûts pour l’achat de biens ou de services, ou à une baisse des recettes pour la vente de droits ou de biens forestiers. Une étude réalisée par le Département de la défense des Etats-Unis a examiné les méthodes utilisées pour l’achat d’armes, comparant la méthode du fournisseur unique avec celle des soumissions en régime de concurrence. L’acquisition concurrentielle a entraîné des économies de 16 à 80 pour cent, avec une moyenne de 51 pour cent (Yuspeh, 1976).

L’autre grand inconvénient de la négociation directe est que le processus est habituellement très secret ou complètement confidentiel. Il ne favorise donc pas la transparence, mais au contraire la subornation et la corruption et expose le gouvernement à des accusations telles que favoritisme, collusion ou conflit d’intérêt.

La négociation directe a été la méthode la plus communément utilisée pour allouer des concessions forestières en Afrique et en Asie (Gillis, 1992). Les concessionnaires potentials présentent une demande pour une concession qu’il se voit attribuer à l’issue de négociations avec l’administration forestière. Cela a ouvert la voie à la collusion et à des «irregularities financières» (Grut, Gray et Egli, 1991; Gillis, 1992). Pour cette raison et parce qu’elle n’a pas produit les bénéfices ou des revenus forestiers potentiels, cette méthode n’est pas recommandée pour les concessions forestières à long terme (Grut, Gray et Egli 1991; Gillis, 1992; Commission mondiale des forêts et du développement durable, 1999).

9.5 Principes et techniques visant à améliorer le pouvoir de négociation

La négociation est une composante importante de la plupart des formes d’attribution de contrat. Dans la négociation concurrentielle et la négociation ou contrat à fournisseur unique, l’aptitude du gouvernement à négocier est un facteur déterminant pour conclure des affaires qui sont justes pour la société et qui assurent l’utilisation durable des forêts. Avec les soumissions en régime de concurrence, l’attribution du contrat ne comporte pas de négociation, mais celle-ci est encore utilisée pour la distribution des produits livrables, les paiements, les détails sur les exigences concernant l’exécution et d’autres points moins importants. Pour mener avec succès les négociations, les gouvernements doivent faire en sorte que les personnes clés soient crédibles dans les négociations des contrats et possèdent les connaissances et la formation necessaries en matière de négociations pour faire du bon travail. Une négociation bien menée exigera moins de temps et d’argent et donnera de meilleurs résultats, de sorte que cette aptitude mérite d’être développée au sein du secteur public.

Il existe de très nombreux ouvrages sur les méthodes et techniques de négociation. La présente section passe en revue des techniques de négociation qui sont largement utilisées, fondées sur le principe de négociation mis au point par Fisher, Ury et Patton du Harvard Negotiation Project (Fisher, Ury et Patton, 1991). Les trois grandes étapes de la négociation ainsi que les caractéristiques spéciales de la négociation dans un cadre international y sont expliquées. Cet examen des négociations se conclut par les moyens d’affronter les déséquilibres dans les pouvoirs de négociation, frequents dans les négociations avec les sociétés internationales.

9.5.1 Modes de négociation

Il y a deux principaux modes de négociation: la méthode concurrentielle traditionnelle, et la méthode coopérative. Dans le premier cas, l’objectif est de gagner. «Gagner» signifie mieux faire, ou obtenir davantage (c’est-à-dire une part plus importante), que l’adversaire. La négociation est considérée comme un jeu à somme nulle dans lequel il y a un gagnant et un perdant. La négociation concurrentielle a généralement un caractère contradictoire et peut donc affecter négativement les rapports entre les deux parties (Stanford, 1994). Du fait que la négociation concurrentielle consiste essentiellement à «se partager le gâteau», on ne se préoccupe guère de «faire le gâteau plus grand». La possibilité d’obtenir des avantages communs est souvent gâchée par le caractère contradictoire des discussions. La négociation concurrentielle comporte l’octroi de concessions en attendant qu’un accord soit conclu. Cette forme de négociation est souvent employée dans les transactions pour les contrats à fournisseur unique dans lesquelles les parties ne prévoient pas un rapport permanent avec la signature d’autres accords contractuels entre eux. Toutefois, de nombreux contrats forestiers comportent des rapports à long terme ou permanents. Une méthode de négociation différente pourrait affecter négativement les rapports de travail permanents établis entre les deux parties, au détriment de l’accord lui-même.

L’objectif des négociations coopératives est d’obtenir le plus possible pour soi-même ou pour sa propre organisation, tout en trouvant un moyen de créer plus de valeur pour les deux parties qu’il serait possible d’obtenir en se faisant mutuellement concurrence. Ce type de négociation favorise les bons rapports de travail entre les parties et se concentre sur les intérêts plutôt que sur le pouvoir de négociation de chaque partie. Ainsi, la stratégie de négociation coopérative cherchera des solutions où «chacun y gagnera» (Fisher, Ury et Patton, 1991). Toutefois, cela ne signifie pas que les deux parties obtiendront ce qu’elles souhaitent, ni que les négociations seront toujours amicales.

La prise de décision en matière de politiques publiques et les contrats forestiers se prêtent à une méthode coopérative pour résoudre les conflits. La formation d’un consensus est particulièrement importante lorsqu’on examine la gamme d’intérêts potentiels qui caractérisent les terres forestières publiques. Dans les négociations coopératives, trouver des solutions convenant à toutes les parties incitera à accepter et à appuyer les accords conclus.

9.5.2 Etapes des négociations

La préparation de la négociation et la participation à celle-ci comportent trois étapes. Chacune de ces étapes souligne certaines parties du cadre général de la négociation.

La collecte de données est la première étape durant laquelle on recueille des informations pertinentes avant d’entamer les négociations; des informations sur les questions, des details du contrat en cours de négociation, les lois, les règlements ou les normes internationaux appropriés, l’information sur les autres parties et leurs intérêts. Dans les négociations, l’information est synonyme de pouvoir. Plus les parties ont d’informations à leur disposition, moins il y a d’incertitude, et plus il y a de chances d’obtenir de bons résultats, satisfaisants pour les deux parties. L’information sur le(s) contractant(s) potentiel(s) aidera à identifier les intérêts que l’autre partie cherche et à obtenir un meilleur résultat. Etre préparé est l’une des étapes les plus importantes dans le processus de négociation.

L’étape de l’analyse, qui est l’étape suivante, comporte l’analyse de l’information pour définir les positions et les stratégies de négociation. L’analyse comprend la création d’options fondées sur l’information recueillie et la connaissance des intérêts et des preoccupations de l’autre partie. Durant l’étape de l’analyse, les négociateurs ou l’équipe doivent determiner la valeur du contrat et des solutions pour le gouvernement et la valeur du contrat et des autres solutions pour l’autre partie. Les négociateurs doivent aussi déterminer la valeur ou le coût d’une solution de «non-accord» pour le gouvernement et pour l’autre partie, et les exigencies pour ce qui concerne le prix et les tâches administratives qu’il faut remplir pour que la négociation de l’accord se poursuive.

La collecte et l’analyse des données doivent être menées avant les négociations face à face. Sans l’analyse, les négociateurs seront incapables d’évaluer s’ils doivent ou non accepter un accord, ou s’ils seraient dans une situation plus avantageuse avec la meilleure solution de «nonaccord ». C’est à ce stade que le mode de négociation est décidé, ainsi que la composition de l’équipe menant la négociation. D’autres facteurs à prendre en considération dans la preparation des négociations comprennent la nécessité d’obtenir des conseils techniques durant les négociations, la composition de l’autre équipe et la fixation du lieu et de la date des réunions.

L’étape de la discussion est celle où ont lieu les négociations face à face. Dans cette troisième phase, les négociateurs et l’équipe doivent s’efforcer de centrer les discussions sur les interest plutôt que sur les positions pour faire en sorte que le dialogue ne devienne pas conflictuel et infructueux.

9.5.3 L’approche coopérative de la négociation

L’approche coopérative de la négociation comporte un certain nombre de points importants qui sont soulignés ci-dessous. Pour un examen complet de la négociation et des modèles coopératifs, le lecteur est invité à se reporter aux références en fin de chapitre.

Accent mis sur les intérêts et non sur les positions

Le premier objectif en préparant et en conduisant les négociations coopératives consiste à se concentrer sur les intérêts des parties. Les interest reflètent les besoins, les souhaits et les preoccupations qui poussent les parties à adopter des positions particulières dans les négociations. Il s’agit notamment de prévoir et de comprendre les problèmes et les intérêts qui risquent d’entrer en jeu dans les négociations et dont il faudra tenir compte. Cela ne signifie pas que les représentants du gouvernement doivent se rallier au point de vue de l’autre partie. Toutefois, la connaissance des problèmes et des préoccupations de l’autre partie peut ouvrir la voie à d’autres solutions réalisables.

Elaboration d’options

Des négociateurs qui comprennent très bien leurs propres intérêts et ceux de l’autre partie sont en mesure de trouver des moyens de server ces intérêts – options pour l’accord (Stanford, 1994). Il y a des avantages importants si ces options sont préparées longtemps à l’avance durant l’étape de l’analyse, ou indépendamment après les premières réunions face à face. Des sessions de négociation qui sont axées sur l’élaboration d’options au bénéfice des deux parties peuvent porter les négociations à un niveau plus constructif, où l’on ne s’attarde plus sur les positions, mais où l’on examine les interest et où l’on élabore de nouvelles options.

Normes objectives

Il est probable que des intérêts conflictuels apparaîtront durant les négociations. Toutefois, il est préférable pour les deux parties que les conflits puissent être évités, contournés ou surmontés durant les négociations. Une façon de minimiser ou de réduire les conflits est de fonder les propositions sur des critères objectifs qui sont indépendants de la volonté des négociateurs ou de l’équipe chargée des négociations. Des exemples de critères objectifs comprennent: des normes reconnues, des lois et règlements établis, des normes professionnelles, des pratiques industrielles, ou des norms communautaires de comportement ou de loyauté. Par exemple, en négociant les prix, au lieu de négocier sur la base de ce qu’un vendeur demande comme prix, ou de ce qu’un acheteur veut payer, il faut essayer de fixer un prix en se fondant sur une norme telle que la valeur marchande, le coût de substitution, la valeur de dépréciation, le marché compétitif ou des prix internationaux.

Impact sur les rapports

Les négociateurs sont souvent devant un dilemma durant les négociations. Ils veulent que la négociation soit un succès, mais ils ne veulent pas risquer de nuire aux rapports avec le contractant, ni de porter préjudice à l’exécution du contrat. Ils souhaitent parvenir à un accord qui sera acceptable pour l’autre partie, un accord satisfaisant les deux parties. Il est donc important que les négociateurs fassent une distinction bien nette entre la substance de la négociation et les rapports entre les parties. Il faut concentrer les efforts de négociation sur le problème, les questions et les conflits dans les intérêts des parties et non pas sur les personnes qui mènent la négociation.

Ecouter attentivement

Des négociateurs efficaces seront capables d’exprimer et de communiquer leurs positions de manière claire et persuasive. Ils sont également capables d’écouter et de comprendre la position de l’autre partie, d’écouter et de comprendre et non pas d’écouter pour preparer une réfutation ou une défense. Si les négociateurs écoutent, et que l’autre partie se rend compte qu’elle a été écoutée et comprise, cela facilitera la négociation et l’élaboration d’options pour résoudre les problèmes.

S’engager ou se retirer

Les négociations peuvent atteindre un point où il faut décider s’il est préférable ou non de conclure un contrat. Dans la phase de l’analyse, en préparation des négociations face à face, il est important d’avoir évalué la solution d’un «non-accord». Si un accord ne peut être conclu qui soit meilleur que l’option du «non-accord», alors il vaudra mieux se retirer. Les négociateurs doivent être prêts à le faire.

9.5.4 Négocier avec des contractants internationaux

Du fait que les négociations pour des contrats forestiers comportent souvent la participation de sociétés ou d’organisations internationales, il est important d’examiner les négociations internationales, y compris leurs compétences et les aspects spéciaux. Premièrement, dans les négociations internationales, les négociateurs ne peuvent supposer qu’un système de valeur commun existera dans les négociations. La culture a un impact profond sur le comportement durant les négociations. La langue, les communications orales et écrites durant les négociations sont souvent mal interprétées (Sunshine, 1990). Les étrangers peuvent ne pas savoir, comprendre ou apprécier les coutumes sociales, les attentes professionnelles partagées ni comprendre complètement les systèmes économiques, politiques et juridiques du pays hôte.

Pour les contractants internationaux, les négociations peuvent aussi être compliquées. Plusieurs ministres du gouvernement hôte peuvent participer aux négociations, il peut y avoir un grand nombre de parties intéressées, et l’accord et les négociations peuvent être très complexes. La négociation d’accords contractuels pour les terres forestières publiques peut comporter la participation de ministres représentant le développement économique, le commerce, l’environnement et l’agriculture et la foresterie. Il est parfois difficile de traiter avec cette équipe et de connaître les exigences, les règlements, les problèmes et les objectifs de tous les participants du pays hôte.

En outre, les négociations internationals comportent un degré élevé de visibilité politique qui exerce une pression sur l’équipe nationale pour parvenir à des accords qui seront populaires sur le plan politique. Le problème consiste à parvenir également à un accord qui soit économiquement bon pour le gouvernement et le pays.

Les négociateurs internationaux efficacies devront avoir une grande sensibilité transculturelle et des dons de communication. Se preparer à des négociations internationales suppose:

• examiner les aspects culturels influant sur l’équipe chargée de la négociation;

• examiner les aspects culturels influant sur l’équipe de négociateurs étrangers;

• évaluer l’interaction potentielle de ces deux cultures dans les négociations;

• faire entrer en jeu la sensibilité transculturelle et les dons de communication dans les stratégies de négociation et dans les négociations;

• renforcer les communications au sein de l’équipe chargée de la négociation de manière à conserver une stratégie de négociation cohérente.

9.5.5 Traiter le problème des déséquilibres de pouvoir

Les déséquilibres de pouvoir entre les parties négociatrices sont particulièrement importants lorsqu’on négocie avec de grandes sociétés ou des firmes internationales. Ces sociétés disposent d’une masse d’informations, de connaissances spécialisées sur les coûts des enterprises forestières, les prix de marché et les valeurs du bois, et des capacités techniques et de négociation. Les institutions gouvernementales auront souvent moins de pouvoir, d’informations et d’expérience. En outre, les grandes sociétés et les grandes firmes internationales sont en mesure de renforcer leur pouvoir de négociation en parlant de transférer un investissement dans d’autres pays offrant de meilleures conditions.

Les organismes gouvernementaux peuvent, du moins partiellement, compenser ces déséquilibres de pouvoir en renforçant leurs informations, en améliorant leur capacité d’analyse et en préparant soigneusement la négociation. Les étapes de la collecte et de l’analyse des données, avant les négociations face à face, sont déterminantes. Une préparation soignée est la clé du succès. Il faut examiner les points forts éventuels du pouvoir de négociation de l’équipe durant la phase de l’analyse. Il y a des avantages pour celui qui organise la négociation car il peut vérifier les calendriers, les installations et accéder facilement à l’appui et au personnel techniques. Il ne faut pas supposer que l’autre partie connaît toutes vos faiblesses. Il faut utiliser les options conçues durant les phases de l’analyse et de la planification pour présenter un dossier de négociation qui maximisera l’attrait pour les intérêts de l’autre partie tels qu’identifiés durant l’étape de l’analyse (Sunshine, 1990).

Durant les négociations face à face, il faut tirer parti de la préparation précédente, en particulier prévoir les objections que l’autre partie pourrait formuler et connaître les autres solutions monétaires ou celles qui ont un caractère quantitatif, qui seront probablement examinées. On continuera de négocier sur la base des mérites et non des positions et à appuyer les intérêts avec des normes objectives. Si l’autre partie est encore occupée à exploiter son avantage dans la négociation, il est essentiel de se préparer à l’avance à se retirer et à adopter la solution de rechange de «nonaccord ». Cette solution devrait être la norme par rapport à laquelle tout accord propose devrait être évalué. Cela pourrait empêcher l’acceptation de conditions et de modalités ou d’un contrat défavorables.

9.6 Résumé du chapitre

• L’attribution de contrats forestiers a un impact important sur la manière dont les forêts publiques sont exploitées et aménagées. En attribuant des contrats d’exploitation forestière, le gouvernement décide «qui aura des droits sur la forêt publique», «dans quels buts et pour quels produits», «comment les forêts sont exploitées» et «comment les forêts publiques sont aménagées».

• L’introduction de la concurrence dans le processus d’attribution des contrats est une condition nécessaire pour atteindre les objectifs de l’efficacité économique et de l’utilisation durable des forêts dans les contrats forestiers.

• Le processus, les procédures et les méthodes pour l’attribution de contrats forestiers sont fondamentalement similaires, qu’il s’agisse de contrats d’exploitation forestière, ou de contrats d’acquisition pour la fourniture de biens et services. Les détails du processus et des procédures différeront, et certaines des méthodes conviendront mieux à certains types de contrat.

• Quatre méthodes d’attribution de contrats forestiers sont décrites (enchères, négociation concurrentielle, attribution hybride enchères-négociation, et négociation directe), les avantages et les inconvénients, ainsi que les situations dans lesquelles chaque méthode peut être utilisée.

• Les enchères sont la méthode préférée et recommandée où la concurrence pour les contrats est possible. Il s’agit de la méthode d’attribution la plus transparente. Elle réduit les possibilités de collusion, de subornation et d’influence. Les enchères introduisent un mécanisme de marché qui portera à des prix qui reflètent de très près les valeurs des ressources dans les contrats d’utilisation, ou les coûts de la fourniture dans les contrats d’acquisition.

• Les négociations concurrentielles comportent un certain degré de concurrence entre les propositions soumises, plus la négociation directe avec le contractant sélectionné. Elles sont appropriées lorsque le gouvernement souhaite recevoir des idées et des propositions, ou lorsque les compétences techniques et la capacité d’organisation des contractants sont importantes. Elles sont plus faciles et plus souples à appliquer sur le plan administratif. Toutefois, elles ne sont pas transparentes.

• Les systèmes hybrides enchères-négociation peuvent associer des éléments de la soumission en régime de concurrence et de la négociation pour s’adapter à des situations particulières, profiter des avantages offerts par chacune et réduire au minimum les inconvénients.

• La négociation directe, ou contrat à fournisseur unique, est appropriée lorsqu’il y a peu de concurrence et pour les contrats de brève durée et de petite envergure. Elle est souple et rapide, mais le processus n’est pas transparent. Son inconvénient majeur est le manque de concurrence. Le gouvernement peut donc ne pas obtenir toute la valeur des ressources dans les contrats d’exploitation, ou peut payer trop dans les contrats d’acquisition.

• La négociation est une composante importante de la plupart des methods d’attribution des contrats, y compris les méthodes faisant intervenir la concurrence. Par conséquent, les capacités de négociation sont très importantes pour parvenir à des contrats efficaces et à une valeur juste pour les ressources, ou à des coûts raisonnables dans les contrats d’acquisition.

• Deux différents modes de négociation sont présentés, la négociation concurrentielle et la négociation coopérative. Cette dernière est recommandée parce que la majorité des contrats forestiers supposent des rapports à long terme avec le contractant. Plusieurs propositions pour des négociations coopératives efficaces sont présentées.

9.7 Références bibliographiques

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