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CHAPITRE 1 - INTRODUCTION


1.1 Généralités
1.2 Définition de l’aquaculture commerciale durable

1.1 Généralités

La FAO, par l’intermédiaire de son Service de la planification du développement des pêches (FIPP), s’est engagée dans un programme d’aide aux pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne, visant à définir et à mettre en place des mesures qui favoriseront l’émergence ou le développement d’une aquaculture commerciale durable. Une série d’études destinées à définir précisément les conditions nécessaires à la création d’une aquaculture commerciale durable a été entreprise. Différents travaux menés dans ce cadre portent sur les mesures en faveur de l’aquaculture commerciale, les investissements et la faisabilité économique des projets d’aquaculture, ainsi que les marchés et les mécanismes commerciaux concernant le poisson d’élevage en Afrique subsaharienne.

Le présent rapport a pour projet de déterminer le cadre juridique, réglementaire et institutionnel indispensable à l’existence d’une aquaculture commerciale durable dans certains pays d’Afrique subsaharienne où les autres conditions de développement de cette activité sont réunies. L’objectif ultime est d’aider ces pays à élaborer un ensemble de lois qui favoriseront le développement d’une aquaculture commerciale, tout en garantissant la mise en place des mesures nécessaires de protection de l’environnement. Sans garantir aucunement l’émergence ou le développement d’une aquaculture commerciale, l’instauration d’un régime juridique viable en constitue une première étape essentielle.

A cet effet, la présente étude passe en revue les éléments indispensables d’une législation efficace de l’aquaculture. Il n’existe certes aucun modèle unique de législation idéale de l’aquaculture, mais pour faciliter un développement commercial durable, une législation efficace doit traiter une série de questions et retenir des solutions choisies dans un éventail restreint d’options. Cette étude repose sur l’expérience acquise par d’autres pays, développés ou en voie de développement, situés dans différentes régions du monde

Le rapport expose ensuite 5 études de cas concernant les régimes législatif, institutionnel et réglementaire applicables à l’agriculture, respectivement en vigueur à Madagascar, au Malawi, au Mozambique, au Nigéria et en Zambie. Pour chaque pays, nous examinons dans quelle mesure le cadre juridique contribue au développement d’une aquaculture commerciale durable et nous recommandons les changements nécessaires pour créer des bases juridiques sûres pour le développement futur. Bien que les conclusions soient propres à chaque pays, elles se rapportent à des questions importantes pour toute la région. Les études de cas consacrées à l’état de la législation de l’aquaculture s’appuient sur les lois et règlements nationaux dont le texte était disponible au siège de la FAO à Rome au début de l’année 2001. Pour le Malawi et la Zambie, ces éléments ont été complétés par les informations recueillies lors des missions effectuées dans ces pays en février 2001.

1.2 Définition de l’aquaculture commerciale durable


1.2.1 Caractéristiques de l’aquaculture commerciale
1.2.2 Nature de la durabilité
1.2.3 Relation entre aquaculture commerciale et aquaculture durable

Les différentes études réalisées dans le cadre de cette série envisagent de la même façon la définition de l’aquaculture commerciale durable. A toutes fins utiles, ces définitions sont récapitulées dans la présente section, en mettant l’accent sur les éléments particulièrement importants pour la détermination du cadre juridique et réglementaire dont dépend l’aquaculture.

1.2.1 Caractéristiques de l’aquaculture commerciale

Le Comité des pêches continentales pour l’Afrique (CPCA) (2000) définit l’aquaculture commerciale comme l’élevage d’organismes aquatiques en s’efforçant d’obtenir une rentabilité optimale. Elle est essentiellement le fait du secteur privé, sans aide financière directe des pays donateurs ou des pouvoirs publics. Cette définition met l’accent sur l’objectif essentiel des exploitations commerciales qui consistent à pratiquer l’élevage des poissons selon un principe de rentabilité optimale, à l’inverse de l’aquaculture rurale1 selon laquelle la plus grande partie de la production est consommée par le producteur et par les membres de sa famille proche. Toutefois, une ferme aquacole n’est pas classée en tant qu’exploitation commerciale du simple fait qu’elle vend du poisson. Les caractéristiques spécifiques d’une exploitation réellement commerciale tiennent à sa vocation professionnelle et à l’utilisation d’une main-d’œuvre salariée au lieu d’un recours exclusif à la main-d’œuvre familiale; ces différents facteurs ouvrent des perspectives de réduction de la pauvreté et d’amélioration du niveau de vie général (Ridler et Hishamunda, 2001).

Cette définition met en évidence les caractéristiques essentielles de la pisciculture commerciale, sans dissimuler le fait que l’aquaculture s’inscrit dans un continuum allant des activités de subsistance jusqu’aux exploitations authentiquement commerciales (Brummett et Williams 2000). Une activité, qui a débuté à des fins de subsistances, peut très bien se transformer dans des conditions adéquates en une entreprise commerciale à petite échelle. De manière générale, les conditions juridiques favorables au développement des petites entreprises commerciales sont identiques à celles qui favorisent les entreprises plus ou moins importantes constituant l’objet essentiel de la présente étude.

1.2.2 Nature de la durabilité

La durabilité a deux significations différentes dans le contexte de l’aquaculture africaine. D’une part, le mot désigne la durabilité financière de l’exploitation aquacole, au sens où elle doit offrir des perspectives de profits concurrentiels ainsi qu’une stabilité à long terme des revenus (CPCA, 2000; Ridler et Hishamunda, 2001). Du point de vue de la législation et des institutions juridiques, la durabilité financière de l’aquaculture est un aspect de son caractère commercial. Il importe ainsi de maintenir durablement des conditions juridiques identiques permettant à l’aquaculture commerciale d’exister purement et simplement, pour que celle-ci puisse prospérer financièrement à long terme. Toutefois, la notion de durabilité est utilisée par ailleurs dans un sens plus classique, lorsqu’il est question de la responsabilité des activités aquacoles eu égard à l’environnement. Il est admis par exemple que l’aquaculture ne doit pas porter atteinte à l’environnement et que, de ce point de vue, un développement durable exige une solidarité entre les générations, de manière à ce que la contribution de l’aquaculture pour les générations futures soit au moins égale à ce qu’elle est pour les générations actuelles (Ridler et Hishamunda, 2001). En ce sens, il convient de signaler que l’aquaculture commerciale risque de comporter des atteintes à l’environnement imposant des coûts externes au reste de la collectivité (Ridler et Hishamunda, 2001). L’atténuation ou l’élimination des atteintes à l’environnement exige donc le recours à différents instruments notamment juridiques. Dans la présente étude, le terme “durabilité” désignera exclusivement la durabilité de l’aquaculture eu égard à l’environnement.

1.2.3 Relation entre aquaculture commerciale et aquaculture durable

En règle générale, vocation commerciale et durabilité de l’aquaculture sont prises en compte de façon distincte par la législation. Pour créer les conditions nécessaires à la réussite commerciale, la loi doit accorder à l’exploitant un droit garanti sur les terres et les eaux indispensables à la ferme aquacole, le droit de récolter la totalité du poisson mis en élevage et la capacité d’empêcher les autres de le faire. Pour assurer que l’aquaculture ne va pas à l’encontre des principes du développement durable, des mesures de protection de l’environnement sont normalement imposées aux termes d’une législation distincte dont le champ d’application ne se limite pas à la pisciculture, mais à de nombreuses autres formes d’utilisation des ressources naturelles.

En pratique, viabilité commerciale et durabilité écologique sont liées de façon inextricable. L’ensemble des dispositions de la législation doit “assurer la compatibilité des besoins de préservation de l’environnement avec les actions d’accompagnement d’une aquaculture efficace au service de l’intérêt général” (Howarth, 1999). La réglementation de l’environnement est par conséquent un élément indispensable d’une bonne législation de l’aquaculture; toutefois, si son application inflige des coûts excessifs à l’exploitant, l’aquaculture ne sera ni commerciale, ni durable, dans l’immédiat comme à long terme, en raison de la difficulté de réaliser des profits. Ce risque ne peut être évité qu’en veillant à ce que la législation de l’environnement soit conçue pour atteindre exactement l’objectif suivant: assurer que les coûts totaux de l’exploitation aquacole, notamment ses coûts externes ou collectifs, ne dépassent pas les avantages recueillis. En outre, la législation de l’environnement doit être conçue et gérée de façon à ce que les objectifs de protection de l’environnement soient atteints tout en évitant d’infliger des coûts inutiles qui freineront le développement.

La section suivante examine dans un premier temps les dispositions juridiques nécessaires pour permettre à l’aquaculture commerciale de prospérer. Elle passe ensuite en revue les mesures de protection indispensables du point de vue de la durabilité écologique, ainsi que le problème délicat à résoudre pour garantir que lesdites mesures de protection soient conçues de façon à ne pas freiner la création d’entreprises commerciales profitables.


1 Souvent qualifiée d’aquaculture de subsistance, à petite échelle ou artisanale.

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