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AFRIQUE ANGLOPHONE

par
Tomme Young

RÉSUMÉ

Le présent chapitre examine les législations forestières existantes, ainsi que quelques propositions de réformes législatives, dans les pays suivants: Afrique du Sud, Botswana, Ethiopie, Gambie, Ghana, Kenya, Libéria, Malawi, Maurice, Namibie, Ouganda, République-Unie de Tanzanie (y compris Zanzibar), Seychelles, Sierra Leone, Soudan, Swaziland, Zambie et Zimbabwe.

Dans ces pays, les nouvelles lois et les projets de lois reconnaissent de plus en plus les valeurs sociales, environnementales et économiques des forêts et les intègrent dans les objectifs de la gestion des forêts. Cela se reflète notamment dans:

Comme on le verra dans ce chapitre, bien que ces tendances générales soient manifestes, il reste des différences marquées d'un pays à l'autre quant aux approches adoptées ou proposées qui, dans certains cas, montrent qu'il y a encore ambivalence ou confusion au regard des objectifs recherchés.

I. INTRODUCTION

Le présent chapitre analyse les tendances et les innovations de la législation forestière, existante ou en projet, dans 19 pays anglophones d'Afrique (Afrique du Sud, Botswana, Ethiopie, Gambie, Ghana, Kenya, Lesotho, Libéria, Malawi, Maurice, Namibie, Ouganda, République-Unie de Tanzanie, Seychelles, Sierra Leone, Soudan, Swaziland, Zambie, Zanzibar[1] et Zimbabwe)[2]. Le terme «anglophone» est utilisé ici au sens large: il englobe des pays dans lesquels la législation forestière est rédigée, ou régulièrement traduite par l'Etat, en anglais, indépendamment des différences de traditions et de systèmes juridiques qu'il peut y avoir entre, par exemple, des pays tels l'Ethiopie, Maurice et le Soudan.

Plusieurs des pays examinés dans ce chapitre ont, depuis 1990, adopté de nouvelles lois et réglementations forestières, ou ont substantiellement révisé celles en vigueur. Beaucoup d'autres ont engagé un processus de réforme de leurs lois et institutions en vue de moderniser ou d'améliorer les programmes et pratiques forestiers. C'est pourquoi le chapitre examine, à la fois, les lois et règlements en vigueur ainsi qu'un certain nombre de recommandations et de propositions législatives récents.

Dans toute l'Afrique anglophone, l'objectif des législations et des politiques forestières a été de concilier et de coordonner les trois rôles fondamentaux joués par les forêts: (i) en tant que composantes des écosystèmes nationaux et régionaux; (ii) en tant que ressources culturelles et sociales; et (iii) en tant que composantes majeures de l'économie nationale à tous les niveaux, qu'il s'agisse des activités économiques des ménages ou du commerce national et international. Ces rôles ont souvent des effets contradictoires sur presque tous les types d'activités concernant les forêts.

Dans la plupart de ces pays, le processus législatif visait à résoudre les problèmes inhérents aux cadres juridiques hérités des régimes coloniaux. Sur la question particulière des ressources naturelles, de nombreuses lois en vigueur ne reconnaissent pas ou n'expriment pas les besoins des populations locales et sont axées sur la production et l'exploitation. Cette approche peut affecter la capacité des Etats à atteindre les objectifs de leur politique forestière nationale.

Dans cette perspective, un certain nombre de pays ont lancé de vastes programmes de réforme des institutions et des législations forestières, et ont introduit ou étudié des modifications à divers aspects du droit forestier. Ces derniers sont, pour les besoins du présent chapitre, regroupés autour des questions suivantes:

Il va sans dire que ces divisions sont artificielles, dans la mesure où les tendances fortes des lois forestières sont intersectorielles et s'observent dans tous ces domaines.

II. QUESTIONS DE DÉFINITION ET DE PROPRIÉTÉ

Les problèmes relatifs à la tenure des terres et des ressources forestières touchent pratiquement à toutes les catégories énumérées ci-dessus. Les contradictions et ambiguïtés juridiques concernant la propriété ou l'utilisation des terres forestières, ajoutées à l'absence de reconnaissance et de clarification légales des droits des populations locales, constituent souvent une contrainte à la gestion efficace des forêts et contribuent ainsi à leur détérioration. Ces facteurs aggravent la nature conflictuelle des relations entre les populations locales et l'Etat au sujet des forêts et, du même coup, n'incitent pas ces populations à protéger les forêts et les poussent parfois, indirectement, à l'exploitation illégale. Ces problèmes peuvent être aggravés par l'existence d'une pluralité de régimes juridiques qui se chevauchant (Neumann; Lawry; Arnold,1998; Angleterre).

Les problèmes plus généraux liés à la réforme agraire avec lesquels de nombreux pays africains sont actuellement aux prises, notamment les efforts entrepris en vue de clarifier les rapports entre les tenures légales et les tenures coutumières, ne rentrent pas dans le cadre du présent chapitre (voir Wily et Mbaya, 2001, pour plus de détails sur cette question). Toutefois, dans le contexte plus restreint de la législation forestière, un certain nombre de questions connexes qui se posent affectent directement les forêts et leur gestion.

2.1 Clarté des définitions

Un problème fréquent tient à l'ambiguïté des définitions juridiques du domaine forestier. Dans de nombreux pays, la tendance est à l'élargissement de la définition du terme «forêt». Auparavant, les domaines forestiers étaient souvent limités aux «forêts et terres boisées», telles qu'un forestier les définirait. Aujourd'hui, toutefois, le terme «forêt» englobe souvent la «forêt sociale», c'est-à-dire tout ensemble d'arbres et de plantes pérennes ligneuses, quel que soit leur espacement ou leur emplacement, dont les populations locales tirent du bois ou d'autres produits forestiers pour leur propre usage ou à des fins commerciales (Fortmann et Nhira).

Dans ce sens, même des zones non boisées peuvent faire partie de la «forêt» si elles peuvent contribuer à la réalisation des objectifs du secteur forestier. Dans la nouvelle loi d'Afrique du Sud, la «forêt» comprend la terre sans arbres, si elle fait partie d'une unité d'aménagement forestier. Le pouvoir d'exproprier les terres à des fins forestières s'étend à l'autorisation d'acheter des terres «qui ne sont pas boisées et qui pourraient ne jamais l'être» (National Forests Act, art. 49 et 50). En Ethiopie, une zone «qui ne porte pas ou que peu de végétaux ou de couvert forestier peut être désignée comme 'forêt protégée' [destinée à être] conservée et le cas échéant boisée» (Proclamation, 1994, art. 7.2).

La définition des forêts est importante pour plusieurs raisons. Par exemple, il arrive que des lois interdisent la coupe à blanc ou la soumettent à des conditions particulières. Afin de satisfaire à ces conditions, les agents forestiers et les exploitants doivent pouvoir déterminer objectivement quelles zones sont gérées comme des «forêts» et quelles activités sont considérées comme des «coupes à blanc» (voir le point 4.2.4 ci-dessous).

En Gambie, la nouvelle loi sur les forêts donne de ce terme une définition objective qui inclut toutes les terres dont le couvert forestier est d'au moins 10 pour cent et la couverture végétale d'au moins 50 pour cent (Forest Act, art. 2). De surcroît, la loi déclare expressément que «les forêts de la Gambie ... couvriront au minimum trente pour cent de la superficie totale [du pays]» (art. 10).

En Sierra Leone, un projet de loi étendrait la «forêt classée» (zone primaire soumise au contrôle de l'Etat) à «la forêt domaniale de production, la forêt domaniale de protection, la forêt communautaire et la forêt contrôlée». A cette fin, le terme «forêt contrôlée» signifie toute étendue de terre qui n'est pas une forêt domaniale ni une forêt communautaire et qui occupe au moins cinq acres dans la zone et dont 60 pour cent du sol au minimum est recouvert par les cimes des arbres» (projet de réforme législative, art. 2).

Une autre question importante concernant les définitions, en particulier en Afrique de l'Est, est celle du statut juridique des mangroves. Celles-ci occupent une place spéciale dans la région du fait de leur importance écologique. Toutefois, la protection des mangroves suscite des préoccupations intersectorielles et parfois des tensions, le plus souvent entre les services des forêts et les services des pêches. La nouvelle loi forestière de Zanzibar inclut explicitement les mangroves dans la définition de la «terre», tout en précisant que ces zones, qui sont à cheval entre la terre ferme et la mer, peuvent être incluses dans la liste des forêts classées soumises à gestion.

2.2 Problème des limites

Dans de nombreux pays, l'application de la loi forestière peut être entravée par la difficulté d'identifier les forêts protégées ou classées sur le terrain. A Maurice, les réserves forestières sont clairement indiquées sur les cartes, mais leurs limites ne sont généralement pas visibles sur le terrain. Les limites entre les parcelles des forêts privées et publiques sont rarement claires. On essaie d'éviter les problèmes pouvant en résulter en considérant à l'avance la question des limites. Toute limite de réserve forestière non signalée ou non marquée peut faire l'objet d'une inspection à tout moment sur ordre du conservateur des forêts, après notification au propriétaire foncier ou à sa demande (Forests and Reserves Act, art. 5). Le propriétaire ou le gestionnaire concerné peut contester les résultats (art. 6). Toutefois, jusqu'à ce que cet examen soit terminé et les limites marquées, aucun propriétaire d'une terre boisée, d'une terre attenante à une réserve délimitée ou d'une terre publique ne peut «détruire» un arbre ou une partie de sa terre, à moins: (i) qu'il n'obtienne au préalable une autorisation spéciale écrite du conservateur; et (ii) qu'il ne cause «pas plus de dommage que nécessaire» durant l'opération (art. 11).

2.3 Propriété des arbres plantés

La propriété des arbres plantés et des arbres poussant naturellement (sur des terres privées, des concessions à bail ou autres) donne souvent lieu à controverses, et les dispositions juridiques en la matière conditionnent parfois le succès des programmes de reboisement et de protection de l'environnement (Angleterre). Les lois ont souvent découragé la plantation d'arbres, soit en imposant des contrôles sur les arbres plantés, soit en créant des doutes quant aux possibilités d'utilisation ultérieure des arbres plantés (Fortmann et Nhira). Certaines nouvelles lois forestières réglementent de façon plus précise les activités liées aux arbres et encouragent le reboisement des terres privées, y compris les terres agricoles.

Au Ghana, un projet de loi prévoit que les arbres plantés sur les terres privées appartiennent au propriétaire de la terre ou à toute personne légalement habilitée à les planter. Les arbres plantés dans des réserves ou des plantations forestières, même s'ils appartiennent à une communauté ou à un autre propriétaire foncier, peuvent aussi appartenir au planteur, sous réserve d'un accord entre le propriétaire, le service forestier et le planteur ou l'exploitant de la forêt (Cirelli, 1998).

En Gambie, la nouvelle loi distingue entre deux types d'arbres: les «arbres forestiers» (c'est-à-dire tous les arbres poussant spontanément, dans et hors des réserves forestières déclarées) et «les arbres plantés hors des zones forestières». Ces derniers appartiennent au propriétaire traditionnel de la terre sur laquelle ils sont plantés, mais ne peuvent être exploités ou ébranchés qu'en vertu d'un permis (Forest Act, art. 6 et 7). Des dispositions similaires existent au Malawi (Forestry Act, art. 37), au Soudan (Forest Act, art. 18(2)) et à Zanzibar (Forest Act, art. 67).

Au Zimbabwe, selon des études récentes, la propriété des arbres plantés sur des terres publiques et même des terres privées ou concédées fait l'objet de diverses revendications conflictuelles. Souvent, le propriétaire, l'acheteur des arbres, le concessionnaire, le village et les individus qui ont planté les arbres et en ont pris soin peuvent tous faire valoir des droits sur ces arbres. Les problèmes qui en découlent ont été étudiés dans le cadre de CAMPFIRE, un programme national de gestion partenariale des ressources naturelles (Bruce et al; Fortmann et Nhira; Clarke).

2.4 Déclaration volontaire de terres forestières protégées

Dans plusieurs pays, d'importantes zones forestières se trouvent sur des terres privées. Un certain nombre de lois récentes reposent sur des approches nouvelles de réglementation des zones forestières privées. L'une d'elles prévoit des mécanismes et des mesures qui incitent les propriétaires privés à déclarer ces zones comme aires protégées et à les soumettre ainsi à des règles spéciales de gestion durable.

En Afrique du Sud, l'Etat n'est habilité qu'à «fournir des services concernant les arbres situés dans toute zone qui n'est pas une forêt domaniale» (National Forests Act, art. 51). Cette compétence n'est pas facile à exercer à cause des risques de conflit entre l'Etat et les propriétaires privés. C'est pourquoi la loi crée un mécanisme facultatif qui profite tant aux propriétaires qu'aux forêts domaniales. Le propriétaire d'une terre forestière déterminée ou toute autre personne physique ou morale peut demander au gouvernement de décider qu'une forêt donnée soit protégée en vertu de la loi (art. 18). Ce faisant, le propriétaire peut bénéficier de certains avantages fiscaux ou autres, et sa terre sera protégée.

Au Ghana, un projet de loi habilite les propriétaires fonciers et les communautés locales à déclarer volontairement des terres «non réservées» (qu'elles soient boisées ou non) comme des «forêts préservées». Il faut alors spécifier les raisons pour lesquelles les populations locales décident de protéger ces forêts (aires traditionnelles ou sacrées, aires d'utilisation communautaire, etc.) et acceptent de soumettre leur exploitation à des conditions et des restrictions en termes d'aménagement (Cirelli, 1998). En retour, le propriétaire foncier et la communauté locale ont droit à une assistance technique pour la gestion et les opérations forestières, peuvent exploiter les arbres conformément au plan d'aménagement forestier et bénéficier d'exemptions fiscales pour les coupes de bois.

2.5 «Expropriation» des terres forestières

Dans les pays étudiés, on tend souvent à résoudre les problèmes posés par les forêts et les ressources naturelles concernant les terres privées ou communautaires en les «expropriant» ou en restreignant les activités pouvant s'y exercer. Ce qui conduit à des «expropriations» aussi bien lorsque la terre est effectivement «acquise» par l'Etat que lorsque les limitations imposées aux droits des propriétaires ou des utilisateurs, du fait de la planification forestière ou d'autres mesures, leur causent de réelles pertes. Les législations tendent actuellement à restreindre de tels pouvoirs d'appropriation de la part de l'Etat (en particulier lorsque le propriétaire s'oppose à la transaction) et à assurer une indemnisation adéquate.

2.5.1 Acquiescement du propriétaire

Lorsque l'Etat essaie d'acquérir des terres, il cherche à mieux tenir compte des souhaits du propriétaire foncier ou de l'utilisateur de la forêt. En Sierra Leone, l'Etat doit «acquérir» une forêt privée (par achat ou location) avant qu'elle puisse être intégrée au domaine forestier. Bien que la décision d'acquérir la terre soit une prérogative du ministre, l'acquisition a lieu par un «arrangement contractuel volontaire» (achat ou location «à des conditions justes»). La loi fixe les mesures propres à assurer que ces contrats soient justes et équitables, comme la protection et la confirmation des droits d'usage forestiers préexistants et la renégociation des montants des loyers d'un commun accord tous les cinq ans (Forestry Act, art. 10(2)).

Dans certaines régions du Nigeria, là où les forêts relèvent généralement des autorités et des lois régionales, le conservateur est habilité à soustraire les réserves «des autochtones» à l'autorité traditionnelle afin d'assurer un contrôle et une gestion adéquats de ces réserves ou de prélever des produits forestiers si cela est nécessaire à des fins d'utilité publique. Mis à part le paiement d'un «prix juste et raisonnable», qui est calculé par l'institution «expropriante», la participation ou l'acquiescement de l'autorité locale n'est cependant pas requis (Kern).

2.5.2 Types d'indemnisation

Lorsque l'acquisition de la propriété est décidée, l'Etat doit définir les modalités de fixation et de paiement de l'indemnité. En la matière, les textes doivent tenir compte du type de propriété à évaluer. Souvent, les pouvoirs publics prévoient une indemnisation en espèces. En pratique, l'indemnisation peut revêtir plusieurs formes, et les nouvelles lois tendent à opter pour divers mécanismes d'indemnisation.

A Zanzibar, lorsqu'une personne a des droits d'usage forestiers sur des terres que l'Etat décide d'acquérir, l'administration doit, sans réduire la capacité de la réserve forestière de répondre aux objectifs pour lesquels elle a été créée, prendre toute mesure possible parmi celles qui suivent:

Lorsqu'une indemnisation est requise, l'Etat peut soit verser de l'argent, soit accorder des droits similaires sur d'autres terres. Une proposition similaire a été faite en Namibie, selon laquelle l'indemnisation prendrait la forme soit de droits équivalents octroyés sur d'autres terres, soit de droits d'accès à des produits forestiers, soit encore, à défaut de ces options, de paiements en espèces (Draft Forest Act, art. 12(5)). A Zanzibar, un usager de la forêt peut demander à être indemnisé si ses droits, cultures ou investissements ont été affectés. En outre, si un propriétaire y a planté des arbres, il doit soit garder la propriété des arbres, soit être indemnisé de leur perte (art. 67). D'autres lois sont moins précises en ce qui concerne les procédures et mécanismes applicables. Au Malawi, par exemple, l'indemnisation est fonction de la valeur des «cultures, arbres, édifices ou ouvrages qui ne peuvent être détachés de la terre» (Forest Act, art. 9(3)(a)).

2.5.3 Autres formes «d'expropriation»

Si les expropriations directes sont relativement faciles à reconnaître, il existe d'autres formes de pertes qui sont moins faciles à cerner et à quantifier. Dans la législation proposée en Namibie, une indemnisation est due en cas de pertes occasionnées par des révisions du plan d'aménagement forestier effectuées à l'initiative de l'Etat, sans l'approbation du gestionnaire de la forêt, de son propriétaire ou de la communauté concernée (Draft Forest Act, art. 11(9)). Une indemnité doit être versée chaque fois qu'une telle révision «diminue substantiellement» les avantages tirés de la forêt communautaire ou de la zone forestière aménagée. Il est prévu que la partie lésée «aura droit à une indemnisation pour la perte subie», mais les modalités de fixation du montant de l'indemnité ne sont pas spécifiées.

Les critères permettant de déterminer les cas d'expropriation sont souvent assez ambigus. En Gambie, une indemnité peut être due chaque fois que des règlements forestiers pour la protection des eaux, des sols ou autres «affectent» une plantation forestière privée (Forest Act, art. 80). A Zanzibar, lorsqu'une réserve forestière est destinée à la conservation, une indemnité doit être versée si cette affectation «altère d'une quelconque façon» les droits des propriétaires (art. 30 de la loi). Ces dispositions exigent la détermination et l'évaluation des pertes qui peuvent s'avérer très difficiles à quantifier.

En revanche, en Afrique du Sud, l'Etat doit indemniser les propriétaires fonciers uniquement pour ce qui concerne les «pertes effectives» qu'ils subissent du fait des restrictions aux utilisations légitimes de leur terre (Environment Conservation Act, art. 34). La valeur des pertes doit être déterminée d'un commun accord autant que possible; sinon, le montant de l'indemnisation est fixé par le juge, à partir de critères juridiques déterminés. La loi prévoit trois niveaux d'appels de ces décisions.

Diverses parties prenantes peuvent avoir droit à une indemnisation. En Namibie, le projet de loi forestière exige qu'une indemnité soit versée aux communautés lorsque leurs terres sont déclarées réserves forestières, ainsi qu'à toute personne occupant légalement une terre domaniale ou communale lorsque celle-ci est déclarée réserve forestière (Draft Forest Act, art. 12(5)). Au Malawi, une approche plus novatrice a été proposée - bien que non incorporée dans la loi forestière de 1997 - selon laquelle, en cas «d'expropriation» de terres coutumières, des indemnités doivent être versées, séparément, aussi bien à la communauté qu'aux individus dont les intérêts sont affectés.

III. ASPECTS SOCIAUX ET COMMUNAUTAIRES

3.1 Participation du public et des communautés à la planification et à la prise de décisions concernant les forêts

La quasi-totalité des pays étudiés encouragent le public à participer plus activement à la gestion des forêts. Reflétant un consensus international en la matière (Principes forestiers de Rio, Programme Action 21, Stratégie pour le développement du secteur forestier de la SADC), ces mesures contribuent également à la réalisation d'objectifs connexes, comme celui d'améliorer les rapports entre les communautés locales et les autorités forestières, de favoriser la gestion privée des forêts, d'augmenter le niveau de vie en milieu rural et de promouvoir l'utilisation nationale des produits forestiers.

Toutes les nouvelles lois examinées prévoient expressément la participation du public, même si celle-ci peut prendre diverses formes, d'un pays à l'autre, aux différents niveaux territoriaux.

3.1.1 Politique et législation

Dans quelques-uns des pays étudiés, le public est appelé à participer jusqu'aux niveaux les plus élevés d'élaboration des politiques et des lois forestières. Par exemple, la loi de Zanzibar prescrit la consultation du public au cours de la préparation du plan national d'aménagement des ressources forestières.

Bien que la loi ne l'exige pas habituellement, la consultation du public et, dans certains cas, les enquêtes sociologiques visant à éclairer les processus d'élaboration des lois et des politiques sont de plus en plus fréquentes. Les enquêtes sont particulièrement importantes pour comprendre les dynamiques d'interaction entre les populations locales et les forêts. Ces dynamiques ayant été jusqu'ici généralement mal comprises, les décideurs et les législateurs ont adopté des mesures inadéquates et restrictives fondées sur le préjugé que les usagers locaux des forêts ont des comportements prédateurs des forêts. Ces mesures ne parviennent en fin de compte qu'à éloigner les communautés locales et autochtones et les populations rurales de la foresterie et des agents forestiers (Richards et Tucker; Repetto, 1988; Ribot; Leach et Mearns; Ojwang; Tarasofsky).

Parmi les pays étudiés, quelques-uns ont créé des institutions chargées d'effectuer des recherches sur ces questions, tant pour étudier la nature, l'ampleur et l'impact des utilisations domestiques des forêts avant d'adopter des mesures, que pour s'assurer que les règlements et contrôles soient adéquats et ne constituent pas un fardeau pour les communautés concernées. Par souci d'innovation, le service forestier du Ghana a mis en place une unité d'aménagement forestier coopérative dans le but de procéder à des études et à des tests sur les dynamiques d'utilisation des ressources forestières par les populations et sur les approches partenariales de leur gestion (Kotey et al). Un tel processus coopératif requiert la participation des populations locales et des représentants d'autres groupes intéressés à la mise au point d'informations précises.

L'expérience du Ghana en matière de participation du public à l'élaboration des lois mérite d'être relevée. Le processus d'élaboration de la nouvelle loi forestière ghanéenne a commencé par l'adoption de «mesures intérimaires», de façon à ce que les solutions proposées puissent être mises à l'essai dans des conditions réelles. Celles-ci ont été élaborées moyennant une collaboration entre des agents forestiers et le public. Grâce à cette collaboration, les nouvelles mesures ont été acceptées par le public, qui y a généralement vu des améliorations. Tenant lieu temporairement de «législation» forestière, ces mesures permettent à l'Etat et aux particuliers exerçant des activités forestières d'évaluer et d'ajuster les mesures appliquées, avant de mettre la dernière touche à la nouvelle législation, laquelle est ainsi élaborée avec la participation du public (Kotey et al).

3.1.2 Réglementations et plans d'aménagement forestier

La quasi-totalité des lois examinées mettent l'accent sur des instruments de participation de la population locale à l'élaboration des règlements forestiers et des plans d'aménagement forestier nationaux et locaux (Namibie, Draft Forest Act, art. 11(3); Afrique du Sud, National Forests Act, art. 54). La participation du public couvre un large éventail de questions, comme le montrent les trois exemples ci-après.

Selon la loi de Zanzibar, les dispositions relatives à la planification nationale, régionale et locale s'appliquent à toutes les ressources forestières. La participation du public est une composante indispensable du processus d'élaboration du plan à tous les niveaux, depuis la planification nationale jusqu'à la planification individuelle, au moment de l'établissement du plan et à chacune de ses révisions. Cette participation consiste en une procédure permettant de «faire connaître le plan au public et lui demander de formuler des commentaires et des avis», en particulier de la part de ceux qui dépendent plus des ressources forestières dans leur vie quotidienne. Ces dispositions s'appliquent à tous ces plans, même au niveau national. Les observations et avis doivent être examinés et «des changements selon les besoins» seront faits avant que le plan ne soit définitivement mis au point et soumis au gouvernement pour approbation du (art. 13 et 31).

La législation de l'Afrique du Sud fait une distinction entre la proposition initiale de règlements et les délibérations sur le texte final à adopter. Les avis au public et les observations complètes présentées par le public sont nécessaires au moment où de nouveaux règlements sont proposés, et l'organe chargé de les élaborer doit prendre en considération toutes les observations reçues. Une fois achevé, le document doit être présenté au parlement, qui peut rejeter le règlement proposé, l'accepter ou demander sa modification par l'organe compétent. Des observations supplémentaires de la part du public ne sont pas requises si le document est renvoyé pour modification (National Forests Act, art. 54 et 72).

En revanche, en Sierra Leone, aucune consultation, avec ou sans contribution du public, n'est requise pour la prise des décisions relatives à l'utilisation - production, protection, etc. - des forêts domaniales ou pour celles qui modifient l'affectation de ces dernières (Forestry Act, art. 10(3) et (5)).

3.1.3 Affectation ou désaffectation des réserves forestières

La participation du public est particulièrement importante lors du classement des terres comme «réserves forestières», «réserves naturelles» et autres catégories de forêts, ainsi que d'éventuelles modifications de ces affectations. Le classement peut influer sensiblement sur les droits de propriété et d'usage de ceux qui possèdent ou utilisent des terres à l'intérieur ou à proximité des forêts, ou encore de ceux qui vivent dans leur voisinage. Dans le passé, le classement se faisait sans consulter ou en associant très faiblement les individus et les groupes intéressés. Par contre, les nouvelles lois tendent à prescrire ou encourager une participation plus active du public à la prise de ces décisions.

(a) Création de réserves forestières

Le niveau de participation aux décisions relatives à la création des réserves varie considérablement d'un pays à l'autre. Selon le projet de loi namibien, la déclaration de nouvelles réserves forestières peut concerner n'importe quelle terre domaniale, à l'initiative directe du ministre et sans la participation du public (Draft Forest Act, art. 12(1)). S'agissant des terres communales, des mesures supplémentaires sont requises: le ministre (ou le conseil régional) doit établir que la gestion durable (i) est nécessaire pour protéger l'environnement ou conserver la diversité biologique et (ii) ne peut être réalisée par le recours à un arrangement forestier communautaire (décrit au point 3.2 ci-dessous). Même si ces conditions sont réunies, le ministre doit rendre public le projet et organiser des consultations, à travers des réunions publiques, pour que les membres de la communauté locale puissent exprimer leurs vues quant à la création et la gestion de la réserve (Id., art. 12(3), 13(1), (2)). A la suite de ces réunions, le ministre doit:

En Afrique du Sud, la loi établit une panoplie complète de mesures sur la participation préalable du public au classement des forêts comme aires protégées ou à l'identification des essences forestières à protéger (National Forests Act, art. 9 et 13). Des dispositions similaires peuvent être prises (mais ne sont pas obligatoires) pour la création des «aires forestières contrôlées», dans lesquelles «des mesures urgentes sont requises pour empêcher le déboisement ou y remédier». Ces mesures comprennent: (i) un avis au public sur le projet de classement l'invitant à formuler ses observations et objections éventuelles; (ii) l'examen par l'administration des observations et objections reçues; et (iii) pour ce qui est des terres en fiducie (trust), une audition publique avec les communautés locales. De plus, la loi permet à toute personne physique ou morale et tout organe de l'Etat de présenter au ministre une requête tendant à protéger une forêt. Ainsi, non seulement un propriétaire ou une communauté peut recourir à ce procédé pour mieux protéger sa propre terre boisée, mais d'autres personnes (propriétaires voisins, usagers des terres, communautés locales, groupes de défense de l'environnement, voire des institutions non forestières) peuvent présenter une telle demande.

Au Malawi, dans les forêts appartenant à plusieurs autorités locales, les terres privées ou coutumières ne peuvent être classées comme aires protégées qu'après (i) consultation des autorités traditionnelles et (ii) motivation du classement par la nécessité de protéger le sol ou d'autres ressources (Forestry Act, art. 26(1)). En outre, les résidents de ces zones ou les autorités traditionnelles qui les gèrent doivent être aidés par le service forestier à s'acquitter de leurs obligations en matière d'entretien et de protection de ces aires. A part les résidents et les autorités locales traditionnelles, aucun autre représentant de la population ne participe à ce processus.

En Ethiopie, une forêt publique ou protégée peut être déclarée comme telle seulement si (i) aucun résident ne risque d'être évincé en conséquence ou si (ii) les résidents concernés sont consultés et donnent leur accord après avoir reçu l'assurance que leurs intérêts seront garantis (Proclamation, art. 4).

La nouvelle loi forestière de la République-Unie de Tanzanie (Forest Act, 2002) prévoit un système élaboré de création des réserves forestières. Les articles 30 et 31 décrivent un processus détaillé comportant:

(b) Changements d'affectation

Dans de nombreux pays, le classement d'une terre domaniale ou communale en réserve forestière a eu pour effet de supprimer tout contrôle local sur les changements d'affectation ultérieurs des terres. En effet, une fois qu'une terre est classée, elle peut être utilisée à toute fin forestière (exploitation commerciale, plantation, réserve naturelle) et peut être éventuellement déclassée. La tendance dans ce domaine n'est pas claire. Plusieurs lois récentes, reconnaissant que les intérêts des populations locales sont touchés par ces changements d'affectation, leur permettent de participer au processus décisionnel. Selon le projet de loi namibien, une réserve forestière située sur une terre communale ne peut être déclassée ou convertie en une réserve naturelle que lorsque (i) l'acte de classement initial de la réserve prévoit explicitement cette possibilité ou si (ii) la même procédure de classement (consultations afin de parvenir à un accord avec les communautés locales) est à nouveau appliquée (Draft Forest Act, art. 14 et 17). Quant aux réserves créées sur les terres domaniales, elles peuvent être instituées sans la participation de la population locale et peuvent aussi être converties ou déclassées sans observations de leur part.

Le reclassement d'une réserve forestière en zone forestière protégée peut cependant obéir à des règles différentes. En Sierra Leone, un tel reclassement peut être effectué ou annulé par décision ministérielle, sans la participation du public (Forestry Act, art. 21). L'effet de cette disposition est tempéré par l'exigence d'un réexamen régulier du statut de toutes les aires protégées placées sous l'autorité de l'administration forestière. Dans ce système, tout classement d'une aire protégée expire automatiquement après cinq ans et peut être renouvelé après examen.

A Zanzibar, le ministre peut convertir une réserve forestière en une «réserve forestière naturelle» à tout moment, à la condition d'indemniser tout détenteur de forêt dont les droits reconnus sur celle-ci ont été «altérés». Ce faisant, il n'est pas nécessaire d'informer le public ni d'organiser des consultations (art. 30). Les réserves forestières et naturelles ne peuvent être déclassées qu'au terme d'une procédure comprenant un avis au public suivi de la possibilité pour les personnes vivant dans le voisinage de la zone forestière de présenter des observations (art. 32 et 61).

Au Zimbabwe, des expériences antérieures ont conduit la population locale à se méfier de toute initiative gouvernementale touchant des terres communales (Fortmann et Nhira). Une loi récente fait obligation au ministre d'engager des consultations avec les autorités locales et de prêter toute l'attention voulue «aux intérêts des habitants actuels et futurs» susceptibles d'être affectés par ses décisions concernant les terres communales. Toutefois, le ministre n'est pas effectivement tenu d'informer le public ni d'organiser des auditions (Communal Land Forest Produce Act, art. 18; voir aussi la loi forestière du Malawi, art. 28).

3.1.4 Autres mesures concernant la participation du public

L'information et la participation du public sont également requises eu égard à d'autres matières forestières. En Sierra Leone, les normes de classification des bois et sciages - qui sont essentielles pour valoriser des produits forestiers locaux sur les marchés internationaux - doivent être déterminées par l'administration forestière en concertation avec «les usagers des forêts, les transformateurs du bois et les consommateurs», conformément à la législation nationale relative à la normalisation (Forestry Act, art. 26). Ces normes sont alors appliquées de façon facultative jusqu'à ce que le ministre les rende obligatoires par voie réglementaire.

3.1.5 Participation aux institutions forestières

La participation du public, utile pour exercer un contrôle sur l'action de l'administration et pour mobiliser l'opinion publique, est tout aussi avantageuse dans les phases de mise en oeuvre des plans et des réglementations. Ces aspects sont pris en compte dans les lois de plusieurs pays étudiés. L'un des procédés les plus courants consiste à informer le public et à l'inviter à donner son avis chaque fois qu'une action ou une décision gouvernementale est susceptible d'aller à l'encontre de dispositions d'un plan ou d'une réglementation ou d'entraîner leur modification (loi tanzanienne sur les parcs et réserves marins, art. 3 et 27).

Au Ghana, le projet de loi vise à prévenir les atteintes aux droits des propriétaires et usagers privés en faisant obligation aux exploitants forestiers d'obtenir une permission du propriétaire ou de l'usager privé avant de prendre toute décision concernant la gestion de la forêt qui puisse porter atteinte aux cultures ou à d'autres intérêts privés (Kotey et al).

Un autre moyen d'assurer et de promouvoir la participation du public consiste à créer des comités consultatifs. Plusieurs pays y ont fait recours pour faciliter la participation du public et des communautés locales. En Afrique du Sud, bien que les milieux naturels protégés relèvent d'un organisme public central, l'administrateur peut est habilité à créer un comité consultatif de gestion pour chacune de ces zones protégées (Environment Conservation Act, art. 17). Le comité est chargé de conseiller l'administrateur en matière de contrôle et de gestion de la zone protégée. Outre l'administration centrale et locale, sont représentés au sein du comité les propriétaires et titulaires de droits réels grevant les terres situées à l'intérieur de la zone protégée, ainsi que les usagers de ces terres. La compétence du comité n'est pas spécifiée, pas plus qu'il n'est précisé si les avis et recommandations du comité doivent être pris en compte par l'autorité gouvernementale chargée de la gestion et du contrôle (voir le point 4.3.2 ci-dessous). Des dispositions semblables existent aux Seychelles (projet de loi sur la conservation et les aires protégées, art. 39): les comités prévus sont habilités à donner des avis, mais ceux-ci ne lient pas nécessairement les personnes qui les reçoivent (Young, 1993).

3.1.6 Responsabilités juridiques des propriétaires forestiers privés

L'une des nouveautés concerne les mesures de protection spéciale des terres privées et les obligations qui en résultent pour leurs propriétaires. En Afrique du Sud, la loi relative à la protection de l'environnement prévoit la manière dont les plans, les réglementations et les instructions applicables aux propriétaires privés sont communiqués aux particuliers détenteurs de ces terres (art. 16(2) et (4)). En outre, les actes du ministère par lesquels des arbres ou des essences sont déclarés protégés peuvent être inscrits sur les titres fonciers des terres où ces arbres ou essences sont situés (National Forests Act, art. 16). L'Etat peut obliger tant les propriétaires que leurs héritiers à observer ces règles. Pour modifier ces dispositions, les détenteurs de droits fonciers dans la zone concernée doivent être préalablement consultés. S'il n'est pas possible de les contacter tous, il est procédé par enquête publique.

3.2 Foresterie communautaire

Les activités forestières en Afrique sont souvent à l'origine de tensions, les agents forestiers étant généralement perçus comme hostiles aux usagers des forêts privées et communautaires et des personnes résidant dans les zones forestières en général, au détriment tant des forêts que du développement rural. Dans plusieurs pays étudiés, la propriété forestière privée est restreinte et les droits d'usage sont limités, alors même que la population locale est largement tributaire des produits et des revenus des forêts (Ribot). En l'absence de mesures les incitant à gérer et protéger les forêts et à se conformer à la législation et à la politique forestières, les résidents locaux peuvent être amenés à considérer les prélèvements illégaux et d'autres activités nuisibles aux forêts comme une fatalité.

Dans la plupart des pays étudiés, on tend à promouvoir des programmes spécifiques de gestion communautaire des forêts et des ressources forestières. A cette fin, il faut remédier à de nombreuses déficiences législatives et politiques, les lois forestières n'ayant pas jusqu'ici fourni un cadre adéquat pour assurer la participation des communautés locales à la gestion des forêts.

3.2.1 Création de forêts communautaires

Les lois récentes prévoient généralement des mécanismes pour la création formelle de forêts communautaires et d'organes locaux chargés de leur gestion.

(a) Accords relatifs à la gestion des forêts communautaires et autres arrangements de gestion communautaire

Pratiquement toutes les lois instituant, sous une forme ou une autre, un cadre pour la gestion des forêts communautaires prévoient la conclusion d'accords entre l'Etat et les communautés pour la création de forêts communautaires et pour la définition des droits et devoirs des communautés qui les gèrent. Ces documents définissent les obligations de la communauté ou du groupe concerné en matière d'environnement et de gestion, ainsi que les avantages corrélatifs, tels que le droit de prélever les produits forestiers, les exemptions de taxes et redevances ou la dispense d'obtention de licences (projet de loi forestière namibien, art. 11(6) et 15; loi forestière du Malawi, art. 31; accord sur les forêts de Sierra Leone, art. 18(1); loi forestière du Lesotho, art. 11(4)).

En Gambie, la création d'une forêt communautaire nécessite la conclusion d'un accord entre la communauté (représentée par un comité) et l'Etat, ainsi que l'adoption et la mise en oeuvre d'un plan de gestion de forêt communautaire. Celui-ci prévoit que, si la communauté respecte les principes de la gestion durable, elle obtient en retour des avantages, dont notamment:

Les législateurs spécifient le contenu de ces contrats de manière plus ou moins précise. Certaines lois laissent les parties (le groupe de gestion de la forêt communautaire et l'Etat) libres d'en négocier les clauses, y compris la nature des avantages consentis. D'autres lois déterminent des conditions particulières, telles les modalités de résiliation de l'accord pour inexécution. En Sierra Leone, plusieurs options sont possibles: la loi dispose seulement que l'accord doit énumérer (i) les droits conférés par l'accord, (ii) les droits préexistants confirmés par l'accord et (iii) les anciens droits supprimés par l'accord (Forestry Act, art. 18; voir aussi la loi de Zanzibar, art. 40(i)).

En vertu de la nouvelle loi sud-africaine, la création des forêts communautaires passe par une négociation contractuelle légalement encadrée. Elle commence par une offre faite par la communauté concernant une forêt particulière, de sa propre initiative ou sur «invitation» ministérielle. L'offre doit notamment traiter des conditions de l'accord et la constitution du groupe communautaire contractant. Après étude de la demande, le ministre peut soit l'accepter ou la rejeter, soit considérer (voire susciter) d'autres offres de la part de la communauté et d'opérateurs forestiers privés. Vient ensuite la négociation de l'accord de gestion de forêt communautaire, qui doit traiter d'un certain nombre de matières, mais dont les dispositions finales peuvent être convenues en toute liberté. Par exemple, la durée de l'accord doit être spécifiée, il n'y a pas de restriction quant à la durée pouvant être choisie (National Forests Act, art. 29-31).

Les accords de gestion communautaire peuvent prendre plusieurs formes, y compris des arrangements de cogestion (partage des responsabilités en définissant les devoirs de chacun), les baux de forêts communautaires et les modalités partenariales. Les lois fixent en général un tel mécanisme, mais certaines laissent aux parties le soin de le négocier (Fortmann et Nhira). On redoute toutefois qu'en laissant les parties négocier entièrement les conditions de l'accord, la population locale, y compris les chefs des villages, ne puisse être défavorisée à cause de son inexpérience. Une assistance gouvernementale ou non gouvernementale appropriée peut alors servir, à la fois, à orienter les choix des fonctionnaires locaux et à renforcer la capacité de négociation des communautés, afin que les discussions et les négociations soient équilibrées et justes.

L'un des mécanismes les plus avancés de gestion communautaire est prévu par la nouvelle loi forestière tanzanienne, intervenue après l'adoption, en 1999, de la loi relative aux terres villageoises. Elle prévoit des arrangements permettant aux villageois de créer des réserves forestières villageoises sur des terres non réservées (art. 32-34). Celles-ci peuvent être instituées au niveau du district et ensuite plus formellement classées au niveau national, après trois ans de gestion effective. Il s'agira en général de terres détenues en indivision par la communauté. La loi envisage également la possibilité de créer des réserves forestières communautaires, dont la propriété est partagée par des sous-groupes villageois ou encore par différents villages (art. 42-48). Enfin, elle prévoit des mécanismes pour la gestion commune, par les villages et l'administration forestière, de réserves domaniales.

(b) Constitution des groupes de gestion forestière communautaire

L'identification ou la création du groupe chargé de gérer une forêt communautaire (qu'on appellera ici «groupe de gestion communautaire», même s'il est nommé différemment selon les pays) s'avère parfois difficile. Il faut notamment définir la composition du groupe et fixer les droits propres à chaque membre. Dans certains cas, on pourra par exemple prévoir la possibilité:

Les lois forestières récentes tentent désormais de garantir un accès raisonnable à tous les membres de la communauté et de faire en sorte que les mesures prises en son nom ne profitent pas injustement aux décideurs (Fortmann et Nhira; Neumann). Elles prévoient en général la possibilité de créer des comités locaux représentatifs, fiables et dotés de fonctions de gestion. La loi tanzanienne, par exemple, précise que l'organe de gestion (le comité de gestion des forêts villageoises) est responsable auprès de la communauté et spécifie les modalités de désignation de ses membres et de prise de décision en son sein.

Le terme «communauté» n'est pas défini de manière précise par la loi de Zanzibar. Celle-ci prévoit néanmoins des mécanismes permettant de définir par consensus, localement et au cas par cas, le mot «communauté» (art. 38 et 39). Toutefois, en recherchant à établir un tel consensus, toute la communauté locale doit être impliquée, même si le groupe de gestion en formation ne comprend pas tout le village, ni tous les habitants de la zone. De plus, la loi spécifie que l'accord de gestion forestière communautaire doit être signé par le groupe de gestion communautaire lui-même et non par son conseil d'administration ou son directeur. La forme de la «signature» n'est pas indiquée, bien qu'il ait été recommandé que, autant que possible, tous les membres du groupe signent (Lindsay). A la conclusion de l'accord, le groupe acquiert la personnalité juridique, après quoi il peut prendre de nouveaux engagements, en accord avec des représentants désignés.

Les lois des autres pays ne traitent pas de ces questions de façon détaillée. Celle de l'Afrique du Sud dispose qu'une forêt communautaire peut être, à certaines conditions, créée au profit de toute communauté désireuse de gérer une forêt domaniale (art. 29). En Sierra Leone, les forêts communautaires sont créées par accord entre le ministre compétent et le chef de la communauté locale. Selon un projet de règlement, la gestion de la forêt communautaire doit être confiée, en vertu d'un accord, à tout organe, société, individu ou association ayant les compétences requises (art. 38). Quant à la loi zambienne de 1999, elle prévoit la constitution d'un comité mixte de gestion des forêts composé de trois citoyens au niveau local ainsi que de représentants du chef local de la commission forestière, de l'autorité gouvernementale locale, des détenteurs de permis et de divers ministères techniques (art. 26).

(c) Pouvoirs des groupes de gestion forestière communautaire

Lorsqu'un groupe de gestion communautaire est mis en place, sa compétence doit être définie - question rarement traitée par le législateur. Dans certains pays, les attributions du groupe sont relativement limitées. Dans d'autres pays, le groupe peut disposer d'un pouvoir normatif et même de pouvoirs de police.

La loi tanzanienne fixe les modalités de la gestion communautaire des forêts. Dans les années 1990, la Tanzanie a donné de exemples intéressants de gestion locale des forêts. Dans la forêt de Duru-Haitemba, à travers des programmes de gestion villageoise, il a été possible de formuler des règles de gestion et de fixer les amendes correspondantes. Chaque village est habilité à définir ses propres règles, mais celles-ci ne deviennent exécutoires qu'après leur approbation par le conseil du district local. Le village peut alors appliquer ces règles, infliger des amendes et utiliser leur produit (Sjöholm et Wily). Ce processus a débouché sur l'adoption de nombreuses règles spécifiques de gestion locale. Par exemple, une règle fait obligation aux femmes qui portent du bois sec d'utiliser de la ficelle pour lier le fardeau sur leur tête afin d'éviter que, pour ce faire, elles n'arrachent l'écorce des arbres (Wily, 1997).

La loi tanzanienne est par ailleurs l'une des lois les plus avancées quant à l'autonomie et la flexibilité de gestion qu'elle reconnaît aux organes de gestion communautaire. A propos des plans de gestion des forêts villageoises, la loi dispose que:

A Zanzibar, les groupes de gestion communautaire ont le pouvoir d'édicter des règles (y compris celui de fixer des redevances et des amendes) qui s'écartent des dispositions de la législation forestière générale, et de les rendre applicables aux membres du groupe et à toute personne autorisée à entrer dans la zone ou à l'utiliser. Ils peuvent également exclure d'autres personnes de la forêt et assurer l'application aussi bien desdites règles que de la loi forestière. En outre, les autorités forestières sont chargées de faire respecter le régime de la foresterie communautaire (art. 40, 41, 42, 44 et 46 de la loi forestière).

En Namibie, les groupes de gestion communautaire peuvent octroyer des permis de coupe et pour d'autres activités dans la forêt communautaire. Ce pouvoir peut être limité par l'accord de gestion forestière communautaire, lequel peut prévoir des conditions particulières pour la délivrance des permis (Draft National Forests Bill, art. 29). En Gambie, le groupe de gestion communautaire peut également être habilité (par l'accord) à octroyer des permis, à en assurer le suivi, à faire appliquer la loi et à administrer des programmes publics (Forest Act, art. 85).

Au Malawi, les pouvoirs du groupe de gestion communautaire sont plus limités. Celui-ci peut formuler des règles qui sont ensuite soumises à l'approbation du ministre (Forestry Act, art. 33). S'il peut gérer les forêts, le groupe ne semble pas disposer d'un pouvoir normatif ou de police. Des recommandations en vue d'une réforme législative permettraient au groupe de gestion communautaire de décider que des parcelles de la forêt communautaire fassent l'objet d'une gestion individuelle (Christy, 1990).

En Sierra Leone, les pouvoirs du groupe communautaire sont encore plus restreints. Lorsque la forêt communautaire fait partie du domaine, elle doit être gérée conformément à un accord conclu avec le service forestier. La communauté peut toutefois, à travers le conseil des chefs, gérer des forêts communautaires non domaniales, avec l'assistance du service forestier si elle le demande (Forestry Act, art. 19). En outre, le groupe communautaire peut louer, concéder ou vendre des coupes de bois ou d'autres produits forestiers, aux prix fixés par l'organe de gestion. La loi spécifie que ces arrangements peuvent donner des avantages et accorder la priorité aux résidents locaux.

3.2.2 Dispositions financières

La question des revenus dérivant des forêts communautaires est traitée de diverses façons. Dans les quelques pays où l'exploitation forestière relève principalement de l'Etat, la loi aborde surtout les modalités d'affectation au groupe de gestion communautaire de la part qui lui revient. Au Malawi, par exemple, il appartient au gouvernement de réglementer ce processus (Forestry Act, art. 32(2)(g)).

Lorsque le groupe de gestion communautaire perçoit de tels revenus, la loi doit préciser la manière dont ces fonds seront utilisés. En général, les recettes servent en premier lieu à replanter et à entretenir la forêt. Dans certains pays, l'emploi des fonds excédentaires est strictement limité, mais il arrive parfois que les groupes de gestion communautaire soient habilités à fixer eux-mêmes les modalités d'utilisation et de distribution des fonds. Selon le projet de loi forestière namibien, l'accord portant création de la forêt communautaire doit prévoir une utilisation ou une distribution «équitable» des fonds excédentaires (art. 15(2)). En Gambie, des fonds spéciaux doivent être alloués pour chaque forêt communautaire et peuvent servir à promouvoir la protection et la mise en valeur des forêts communautaires et l'utilisation durable de leurs ressources, ainsi que le développement de la communauté dans son ensemble (Forest Act, art. 36-38). Au Ghana, les recettes doivent être déposées sur un compte bancaire de la communauté et servir d'abord à couvrir les besoins de la gestion forestière, ensuite à financer d'autres activités de gestion communautaire (Kotey et al). En Gambie, les recettes perçues par la communauté doivent profiter à l'ensemble de ses membres (Forest Act, art. 64).

Néanmoins, en matière de foresterie communautaire, l'utilisation des recettes n'est pas le principal problème financier. La préoccupation majeure est qu'il y ait vraiment des revenus substantiels. En élaborant des programmes de foresterie communautaire, on vise avant tout à inciter les populations locales à participer à la gestion durable des forêts et à leur en donner les moyens. Dans les pays étudiés, les droits d'exploitation commerciale font partie des mesures visant à encourager les communautés à se doter elles-mêmes de programmes forestiers et à respecter les normes de la gestion durable (Ojwang). Les recettes revenant aux communautés participantes sont souvent inférieures aux coûts de la gestion durable, particulièrement durant les premières années et dans les zones où le reboisement est nécessaire. C'est pourquoi, dans bon nombre des pays étudiés, les Etats ont tendance à autoriser, encourager et même aider à négocier des contrats directs entre les communautés locales et les sociétés forestières, étrangères ou nationales, comme en Sierra Leone (Forestry Act, art. 20). Les communautés tirent de ces contrats des avantages directs (prestations contractuelles, emplois rémunérés pour la population locale, etc.) dès les premières années, plutôt que d'attendre le moment de l'exploitation.

Le problème est plus aigu dans les zones déboisées - qui sont généralement les plus disponibles ou affectées au développement de la foresterie communautaire. De ce fait, et compte tenu de la nécessité de tirer de ces zones un revenu dès la création de la forêt communautaire, de nombreux législateurs traitent séparément de la foresterie communautaire dans les réserves dégradées. Au Ghana, la foresterie communautaire tend, dans ces réserves, à établir des relations contractuelles directes entre ceux qui financent les plantations (sociétés forestières, etc.) et les groupes communautaires. Parmi les incitations utilisées à cet effet, il y a l'acquisition de parts dans la plantation, la possibilité d'employer la population locale dans la lutte contre les feux et d'autres travaux contractuels, et même la possibilité d'hypothéquer leurs parts dans la forêt pour obtenir un crédit régulier (Kotey et al). Ces programmes comportent également des mesures de protection de zones forestières sacrées traditionnelles et d'autres zones que la communauté souhaite soustraire à l'exploitation par des tiers.

3.2.3 Révision des accords de foresterie communautaire

La volonté des populations de participer à des activités de foresterie communautaire et d'assumer des responsabilités en matière de gestion durable dépend, en grande partie, du fait qu'elles soient convaincues que leurs droits dans la zone ne seront pas amputés avant de pouvoir profiter des résultats de leurs activités. Le pouvoir de l'Etat de prendre des mesures unilatérales dans l'intérêt des forêts peut toutefois poser des problèmes, tant juridiques que pratiques. Il peut être perçu comme une indication que l'accord ne constitue pas vraiment un contrat engageant les deux parties, ce qui peut amoindrir la confiance de la communauté. C'est pourquoi certains législateurs imposent des limites au pouvoir de l'Etat de réviser les accords relatifs aux forêts communautaires.

En Namibie, le projet de loi ne prévoit la suspension ou la révocation d'un accord de gestion de forêt communautaire que lorsqu'il est violé à plusieurs reprises ou lorsque la forêt a été détériorée et que les mesures nécessaires pour remédier à ces problèmes n'ont pas été prises par l'autorité chargée de sa gestion. Le plan de gestion de la communauté ne peut être modifié unilatéralement par le ministre que si (i) des modifications sont nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le plan et (ii) les consultations avec des groupes forestiers communautaires ne débouchent pas sur un accord quant aux modifications à apporter. Si la révision aboutit à une diminution des avantages découlant de l'accord, une compensation doit être versée (Draft Forest Act, art. 11 et 19). Les lois forestières de Gambie (art. 72) et de Zanzibar (art. 48) contiennent également des dispositions similaires.

3.3 Encouragement des initiatives privées en faveur des objectifs forestiers nationaux

Plusieurs auteurs ont souligné la nécessité de modifier la manière dont les populations locales perçoivent l'importance de la gestion forestière par le recours à des mesures incitatives visant à favoriser leur participation aux programmes forestiers et leur collaboration avec les agents forestiers. Pendant les premières années de ces programmes, les incitations peuvent être déterminantes, dans la mesure où les avantages directs qu'en tirent les populations locales peuvent être limités ou tardifs du fait des longs cycles de croissance des arbres ou de la faible rentabilité des espèces non commerciales. D'où l'intérêt de multiplier les types d'incitations, des paiements en espèces à la fourniture de services en passant par les allègements fiscaux.

Certains programmes d'incitation prévoient des paiements en espèces pour encourager le reboisement (loi forestière de Sierra Leone, art. 4(2)). Les budgets nationaux des forêts ayant généralement été revus à la baisse, d'autres formes d'incitations ont dû être mises en place, telle la fourniture de services et même de biens ayant une valeur financière. Au Libéria, l'Etat est tenu de fournir une assistance technique aux propriétaires forestiers privés. Cela tient au fait que l'exploitation commerciale du bois sur des terres privées est devenue sujette au paiement de taxes et redevances forestières juste avant l'adoption du règlement instituant des aides aux propriétaires. En Ethiopie aussi les propriétaires privés peuvent bénéficier d'une assistance technique pour la mise en valeur de leurs forêts (Proclamation, art. 3 et 6.1).

En Afrique du Sud, la loi forestière encourage le reboisement et la gestion par les populations locales qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas participer aux programmes de foresterie communautaire. Information, formation, conseils, vulgarisation, semences, plants, voire aides financières ou matérielles peuvent être fournis, à titre d'incitation, aux groupes et individus d'une localité, qu'ils participent ou non aux actions de foresterie communautaire. Ces incitations visent à encourager des activités telles que les plantations à petite échelle et les reboisements locaux (National Forests Act, art. 32). D'autres instruments de promotion des activités forestières privées consistent à fournir des compensations et des aides financières, ainsi que l'appui à la négociation des règles à respecter par les propriétaires pour bénéficier des incitations (art. 21).

IV. PROBLÈMES D'ENVIRONNEMENT

Les lois forestières des pays étudiés tendent à accorder une importance grandissante aux aspects environnementaux de la gestion forestière. Cette tendance générale se répercute sur presque toutes les questions abordées dans le présent chapitre. L'intégration des principes environnementaux dans la planification de la gestion, par exemple, est évoquée dans la partie V. Les préoccupations environnementales se reflètent également dans les relations entre les programmes forestiers et les programmes sur la biodiversité (aires protégées, faune sauvage, ressources génétiques) ainsi que d'autres programmes relatifs aux ressources naturelles.

4.1 Aires protégées

Les aires protégées revêtent une importance particulière dans les pays d'Afrique anglophone où l'écotourisme et les activités connexes sont économiquement significatifs. Les lois forestières de plusieurs pays (Afrique du Sud, Ethiopie, Ghana, Liberia, Nigeria) comportent des dispositions qui traitent des aires protégées, de la gestion de la faune, des études d'impact écologique et d'autres problèmes d'environnement. Dans certains pays, du reste, ce sont les lois forestières qui régissent principalement la faune et les aires protégées. Souvent, toutefois, les règles de classement des forêts protégées et des réserves forestières naturelles sont distinctes de celles concernant la création de parcs nationaux et d'autres aires protégées[3]. Dans ces cas, il importe d'assurer une bonne coordination entre les différentes administrations compétentes.

L'Afrique du Sud dispose ainsi d'un mécanisme de coordination par lequel un fonctionnaire est d'abord chargé d'évaluer les besoins de toutes les aires protégées. Sur la base de cette évaluation, l'administration peut confier la gestion de toute aire protégée à l'autorité locale ou l'institution gouvernementale la plus indiquée, à condition que celles-ci acceptent la tâche qui leur est confiée (Environment Conservation Act, art. 16(6); National Forests Act, art. 8).

A Zanzibar, les «réserves forestières naturelles» constituent une catégorie distincte qui fait l'objet d'une attention particulière à des fins de protection (art. 49 à 62 de la loi), mais elles restent des «réserves forestières» relevant du secteur forestier (art. 18). Les modalités institutionnelles de création et de gestion des «parcs nationaux» à Zanzibar sont en cours d'élaboration. Entre-temps, le classement comme «réserves forestières naturelles» permet à l'administration forestière d'assurer à ces dernières un degré de protection élevé, dans le but final d'intégrer l'aire ainsi classée dans un système de parcs nationaux (art. 34; Lindsay).

4.2 Biodiversité et protection des espèces

La protection et la gestion durable des forêts sont indissociables de la conservation des espèces naturelles et des ressources génétiques. La législation forestière joue un rôle important à cet égard, mais elle peut être distincte d'autres lois relatives à la biodiversité ou, parfois, faire double emploi avec elle. D'où le souci de veiller à la coordination de ces textes, tout en reconnaissant le rôle spécial de la législation forestière en la matière. Certains pays intègrent des dispositions traitant de la faune dans la loi forestière. C'est le cas du Liberia (Forestry Development Authority Act, art. 3 et 4), de l'Ethiopie (Proclamation, art. 7), du Ghana (Forestry Commission Act, art. 7(2)). Toutefois, ces questions font généralement l'objet d'une loi spécifique et relèvent parfois d'institutions ou de ministères distincts.

A Zanzibar, la conservation de la faune en forêt est provisoirement régie par la loi forestière, en attendant qu'une loi particulière sur la faune soit adoptée (Lindsay). Le projet de loi namibien prévoit pour sa part que la gestion des forêts et la protection de la nature relèvent d'administrations séparées mais coordonnées (Christy, 1995).

L'inventaire, l'étude et la protection des espèces végétales sont souvent négligés par les lois relatives à la biodiversité. De plus en plus, la législation forestière permet de remédier à cette lacune, notamment par la coordination des responsabilités institutionnelles à l'égard de la conservation des ressources génétiques et de la protection de la biodiversité et des écosystèmes (espèces animales et végétales). Certaines lois forestières traitent expressément des fonctions des agents forestiers en matière de biodiversité (art. 3 et 4 de la loi sud-africaine; art. 22 du projet de loi namibien; décret tanzanien sur les arbres réservés). Ces fonctions, élargies, peuvent englober la protection des éléments biotiques des forêts. Au Liberia, des incitations fiscales encouragent la plantation d'espèces végétales de faible importance commerciale mais de grande valeur écologique ou génétique (Schmithüsen).

4.3 Coordination entre le secteur forestier et d'autres secteurs

Le souci de renforcer la compréhension et la coordination entre les ministères et les organismes qui s'occupent d'environnement a conduit de nombreux pays à mettre en place des mécanismes visant à améliorer la collaboration et la communication interinstitutionnelles, en particulier entre les institutions qui s'occupent des ressources naturelles (forêts, pêche, faune, eaux, mines, sols, climat, etc.). Bien que la nécessité d'une gestion intégrée des ressources naturelles soit généralement reconnue, il arrive souvent qu'une telle coopération soit handicapée par des rivalités institutionnelles ou des ambiguïtés législatives.

4.3.1 Liens entre lois forestières et lois environnementales

Nombre de lois forestières récentes fixent des conditions ou imposent des restrictions en matière d'autorisations non forestières qu'elles rendent applicables aux activités forestières. En Namibie, l'exploitant doit respecter non seulement les clauses du contrat de gestion forestière et des autorisations propres à chaque activité, mais aussi des prescriptions dans le domaine de l'environnement; le cas échéant, il est tenu de réparer les dommages qu'il cause à l'environnement (art. 25-31 du projet de loi et 4-8 du projet de règlement). La législation environnementale s'applique à la gestion forestière notamment par le biais de l'étude de l'impact écologique, qui est requise pour:

Au Soudan, la législation forestière fait obligation à toute institution qui projette d'attribuer une terre à un quelconque projet d'en avertir l'entreprise forestière nationale (National Forest Corporation, FNC). L'approbation de l'attribution par la FNC doit être précédée par une étude d'impact du projet sur les forêts et l'environnement (art. 20 de la loi forestière). En Gambie, la loi fixe les conditions du défrichement des forêts et d'autres activités pouvant porter atteinte aux forêts, dont parfois une étude d'impact écologique dans les termes de la loi sur l'environnement (National Environment Management Act). Lorsqu'une telle étude n'est pas obligatoire, l'opérateur doit obtenir l'accord du service forestier (Forest Act, art. 81 et 82).

4.3.2 Organes consultatifs intersectoriels

Une autre façon de favoriser la communication entre institutions consiste à créer une commission ou un comité intersectoriel. Ce type de structures n'est pas nouveau, mais on tend aujourd'hui à les remanier, en élargissant leur composition et leur mandat. Au Ghana, les membres du comité directeur des forêts représentent l'administration des forêts et toutes les catégories d'industries et de propriétaires forestiers (Forestry Commission Act, art. 2). Selon un projet de loi, une commission de douze membres représentant un plus large éventail d'intérêts forestiers, y compris le secteur privé, serait mise en place (Kotey et al).

Les facteurs sociaux sont parfois pris en compte dans la composition des commissions. En Afrique du Sud, la loi forestière prévoit la création d'un conseil consultatif des forêts domaniales (art. 33-40) comprenant, outre des représentants des divers groupes ayant des intérêts financiers, environnementaux, traditionnels, etc., d'autres composantes de la société, notamment les personnes désavantagées du fait de la discrimination et les personnes qui effectuent certaines activités forestières (reboisement, transformation du bois) sur une petite échelle. Sur appel public à candidatures, la sélection finale est opérée par le ministre. Le conseil est chargé de donner des avis sur toutes questions relatives aux forêts, que le ministre doit examiner et prendre en considération.

Les tâches de ces commissions sont très variables. Elles vont de la supervision directe (Ghana) à l'émission d'avis sur toutes questions forestières (art. 6 du projet de loi forestière de Namibie; art. 17 de la loi forestière du Malawi; art. 33-40 de la loi forestière d'Afrique du Sud). Rares sont cependant les commissions habilitées à peser directement sur les décisions et actions des services forestiers.

4.3.3 Autres mécanismes de coordination

Certains pays ont recours à des méthodes de coordination plus directes. Au Kenya, des protocoles d'entente interservices, notamment entre l'administration forestière et le service de la faune, ont permis de délimiter les responsabilités, de définir les modalités de coopération et de réduire les conflits de compétence. Ce protocole permet ainsi aux deux institutions de travailler ensemble ou séparément (Ojwang).

V. QUESTIONS LIÉES À LA GESTION ET AU COMMERCE

Nombre de pays étudiés comptent sur la mise en valeur des forêts et l'exportation des produits forestiers pour développer leurs économies nationales. La durabilité des forêts y est donc perçue comme cruciale. Traditionnellement, le droit forestier a davantage mis l'accent sur l'exploitation que sur la planification et la gestion durable. La législation actuelle a tendance à promouvoir l'incorporation des principes de durabilité dans le secteur forestier à travers la planification de l'aménagement forestier.

5.1 Planification de la gestion forestière

La planification de la gestion forestière, prévue par la plupart des lois récentes, traite de tous les aspects de la foresterie et des impacts des activités forestières sur les écosystèmes forestiers. La législateur prévoit généralement que l'élaboration des plans d'aménagement incombe au gouvernement aux niveaux national et régional, avec des solutions diverses pour les plans des forêts de particuliers ou des zones concédées[4]. La participation du public est souvent essentielle dans ces processus (voir 3.1.3 ci-dessus). Au-delà de ces dispositions générales, plusieurs tendances se dégagent en matière de planification.

5.1.1 Principaux éléments de la planification forestière

Le contenu des plans d'aménagement est en général similaire dans les pays étudiés. Certaines lois, encore peu nombreuses, disposent que la délivrance des permis et la prise de décisions relatives à la gestion des forêts doivent se faire en conformité avec les prescriptions du plan (art. 69 de la loi de Zanzibar; art. 9(1) du projet de règlement de Namibie; art. 3(2),(5) du projet de règlement de Sierra Leone). La loi d'Afrique du Sud énonce les principes de gestion forestière durable à respecter pour la délivrance des autorisations et devant déterminer la décision à prendre. Ils doivent être appliqués différemment selon qu'il s'agit de boisements naturels ou de plantations forestières, en tenant compte des objectifs de conservation de la biodiversité comme des intérêts économiques (art. 3).

En conditionnant l'octroi des permis au respect du plan d'aménagement forestier, on met en exergue l'importance de la planification, même si cela ne ressort pas explicitement de la loi. Toutefois, une disposition législative spécifique à cet effet clarifierait davantage les pouvoirs des fonctionnaires à l'égard des forêts. En Ouganda, le manque de directives précises aux agents chargés de l'octroi des permis leur a conféré une marge de manoeuvre excessive, ce qui a souvent conduit à des pratiques de conservation médiocres et parfois entraîné des abus de pouvoir (Anywar).

5.1.2 Planification de la gestion des terres forestières privées

La manière dont les plans d'aménagement forestier s'appliquent aux terres privées varie largement entre les pays étudiés. Les lois récentes tendent à imposer ou à encourager la mise en œuvre de diverses mesures en matière de gestion des forêts privées.

L'étendue de ces prescriptions dépend du niveau d'autonomie accordé par la loi aux propriétaires fonciers. En Namibie, les droits de propriété privés sont solides et bien protégés. La planification de la gestion forestière sert de base à la définition de rapports consensuels entre l'Etat et les citoyens (Christy, 1995). Le projet de loi forestière, bien que permettant aux propriétaires de forêts non classées d'utiliser à leur gré les produits qu'elles recèlent, les oblige à respecter le plan d'aménagement y afférent (art. 28).

De la même manière, en Sierra Leone, dans les forêts domaniales non concédées et dans les forêts communautaires, la préparation d'un plan est prévue «dans la mesure du possible» mais n'est pas une condition préalable à l'exploitation ou à l'aménagement de la forêt. Le ministre peut cependant, de façon discrétionnaire, exiger un plan pour la création de toute forêt communautaire. En Afrique du Sud, où les droits des propriétaires forestiers privés sont relativement bien établis, l'obligation d'élaborer un plan d'aménagement forestier s'étend aux terres privées, mais plusieurs formes d'assistance peuvent être reçues de la part de l'Etat dans ce cadre (art. 4(1) de la loi sur les forêts domaniales).

Dans les pays où l'Etat est en droit d'imposer des restrictions aux propriétaires fonciers privés, la tendance est soit d'exiger un plan d'aménagement pour chaque forêt, soit de faire obligation aux propriétaires forestiers privés de se conformer au plan régional ou national existant. En Gambie, tout propriétaire d'une forêt de plus de 25 hectares doit préparer un inventaire forestier (ou louer les services de l'administration forestière pour ce faire). S'il souhaite couper des arbres ou exploiter d'autres produits forestiers, il doit préparer un plan d'aménagement, approuvé par l'administration forestière (art. 95 et 99 de la loi forestière).

5.1.3 Révision des plans

La révision des plans peut être prévue ou non dans des délais déterminés par la loi. En principe, le plan d'aménagement doit être régulièrement mis à jour afin de ne pas devenir obsolète et pour qu'il puisse utilement servir de fondement à la mise en valeur et la protection de la forêt concernée. Il est également important de savoir combien de temps et de ressources humaines et financières seront requis au cours de tout le processus de planification. C'est pourquoi les lois forestières prévoient en général une révision périodique du plan, assortie de la possibilité d'effectuer des ajustements ponctuels au plan chaque fois que nécessaire (Lindsay).

On trouve un exemple de cette approche dans la loi de Zanzibar, qui prévoit un examen et une révision complets du plan national de gestion des ressources forestières tous les dix ans, ainsi qu'un examen à mi-parcours et des évaluations périodiques lorsque l'administration juge nécessaire de procéder à une actualisation du plan. Si l'examen conduit à une révision du plan, celle-ci doit être effectuée conformément à la procédure prévue à cet effet par la loi (art. 14).

5.1.4 Supervision de la gestion forestière

Les services forestiers font face à un problème commun en matière de gestion forestière: l'insuffisance de leurs personnels pour exercer un contrôle régulier des activités forestières. Jadis, les lois chargeaient l'Etat de superviser l'ensemble des opérations forestières, ce qui était à la fois peu réaliste et inefficace. En conséquence, les ressources humaines et matérielles ont été parcimonieusement affectées, ce qui a diminué l'efficacité des organismes forestiers, très peu profité aux forêts et nettement détérioré les relations avec les populations locales (Cirelli, 1996).

On a tendance aujourd'hui à limiter les domaines dans lesquels l'Etat doit axer ses interventions pour assurer un contrôle de l'application de la loi. Par exemple, la loi forestière gambienne, plutôt que d'interdire ou de réglementer strictement tout défrichement en forêt, ne traite que de la coupe à blanc dans les forêts de plus de 100 mètres carrés (art. 2). A cet égard, la forêt s'entend de toute zone ayant plus de 10 pour cent de couvert arboré.

A Zanzibar, la loi forestière assujettit l'octroi des permis de coupe à la préparation par le demandeur d'un plan d'exploitation chaque fois que la superficie concernée est supérieure à deux hectares. L'administration peut cependant requérir des plans d'exploitation pour des zones moins étendues lorsqu'ils sont nécessaires pour garantir des pratiques d'exploitation adéquates (art. 71). L'action de l'Etat est ainsi axée sur les entreprises forestières importantes, à l'exclusion des bûcherons, sauf lorsqu'ils commercialisent le bois.

5.2 Régulation économique et commerciale des forêts

5.2.1 Nouvelles formes de concessions

Dans les législations récentes, on observe une évolution des modalités de gestion, par les opérateurs commerciaux, des forêts publiques, communautaires et parfois privées. Là aussi, un équilibre est nécessaire. Les lois doivent donner aux exploitants forestiers une sécurité suffisante pour les inciter à investir, tout en veillant à ce qu'ils aient la capacité de protéger les ressources forestières. A cet égard, la tendance dominante est de subordonner l'octroi des concessions au respect, par les opérateurs forestiers commerciaux, des objectifs environnementaux et sociaux.

Au Ghana, la nouvelle législation forestière a remplacé les concessions traditionnelles antérieures par le «contrat d'utilisation du bois» pour toute exploitation du bois (Cirelli, 1998; Kotey et al). Il s'agit d'un contrat entre l'Etat et l'exploitant soumis aux conditions ci-après:

(i) appel d'offre ouvert à toutes les personnes remplissant les conditions requises (non disqualifiées pour avoir commis des actes illégaux ou pour d'autres raisons);

(ii) conclusion suivant une procédure permettant à la communauté détentrice de la terre d'exprimer ses avis et attentes concernant la zone objet du contrat et les modalités de gestion de la forêt;

(iii) soumission par le contractant d'un plan d'exploitation spécifiant les modalités opérationnelles ce celle-ci, y compris sur le plan environnemental et social;

(iv) planification des opérations d'aménagement forestier;

(v) participation de la population locale à la définition des prestations sociales du contractant et des obligations respectives des contractants et des communautés;

(vi) dispositions relatives au contrôle des coupes à l'extérieur de l'exploitation; et

(vii) droit du propriétaire ou de l'exploitant dont les terres sont situées dans la zone objet du contrat d'interdire la coupe dans leurs terres ou de demander une indemnisation des dommages qui en résultent (Timber Resource Management Act, 1997).

Plusieurs autres pays ont adopté des dispositions similaires liant les concessions et les baux forestiers à l'application des normes d'aménagement forestier durable, notamment quant à la mise en oeuvre des plans de gestion et à la réalisation des objectifs environnementaux et sociaux, dont la participation des populations locales[5]. Un permis spécial peut aussi être exigé pour la récolte du bois ou d'autres activités, même si ces opérations sont effectuées en conformité avec le contrat.

En Afrique du Sud, la loi prévoit plusieurs types d'arrangements, dont les servitudes et les baux. Elle requiert également des permis pour la plupart des activités forestières, même pour les détenteurs de baux (loi sur les forêts domaniales, art. 23(3), 24, 26, 27, 28(4)). Elle prévoit en outre des «accords pour la vente de produits forestiers provenant d'une forêt publique ou d'une forêt communautaire» (art. 28). Toute personne ayant un droit sur des produits forestiers provenant d'une forêt publique doit conclure un tel accord. Elle innove en interdisant que ces accords servent à fournir des quantités de produits forestiers qui dépassent le rendement soutenu autorisé.

On tend par ailleurs à promouvoir les accords de concession à long terme afin de gagner la confiance des investisseurs et d'encourager les investissements privés (Waite). Par contre, la déchéance est encourue par les concessionnaires qui ne respectent pas les accords, et ces derniers ne peuvent obtenir de futures concessions que s'ils se sont conformés aux précédents accords.

La loi ghanéenne relative à la gestion des ressources ligneuses vise en outre à créer un processus transparent permettant de garantir de justes prix pour les concessions et un équilibre entre intérêts locaux et nationaux. Au Ghana comme ailleurs, divers facteurs ont contribué à diminuer les revenus procurés par les concessions forestières. D'abord, dans certains cas, le prix des concessions forestières a été fixé par la loi, rendant leur ajustement difficile même lorsque la valeur augmente sensiblement. Ensuite, la négociation des concessions est souvent confiée aux autorités locales, alors que celles-ci ne sont pas spécialisées et expérimentées en la matière. De plus, les négociateurs utilisent parfois les négociations pour obtenir des avantages personnels. Il en est résulté des contrats qui ont permis à des exploitants extérieurs d'accéder aux ressources forestières pour une fraction de leur valeur. Du reste, même lorsque les négociations sont conduites au niveau central, l'influence financière relative des exploitants forestiers peut conduire à une moindre prise en compte des droits des agriculteurs locaux et des intérêts de l'économie locale (Kotey et al).

5.2.2 Réglementation des permis

Le recours aux permis a tendance à se généraliser à toutes sortes d'activités forestières. Outre ceux requis pour l'exploitation, les divers opérateurs y sont assujettis, qu'il s'agisse des transporteurs, charbonniers et scieurs ou encore des importateurs et exportateurs de produits forestiers[6].

En Gambie, les exploitants forestiers, les propriétaires de scieries et les marchands de bois doivent obtenir une autorisation distincte pour chaque type d'activité, dont la possession atteste que l'intéressé est qualifié pour entreprendre ce type d'activité. De plus, des permis spécifiques peuvent être requis pour des actions particulières (projet de règlement forestier, art. 27-33 et 34-40). Au Ghana, les propriétaires de scieries doivent s'enregistrer auprès de l'assemblée du district local et obtenir un permis chaque fois qu'ils utilisent une scie à chaîne pour couper des arbres (règlement relatif aux arbres et au bois). Les permis contribuent en général à diminuer les actes illégaux et augmenter la qualité des produits commerciaux locaux, mais dans le cas des petites exploitations forestières, leur délivrance peut devenir un lourd fardeau tant pour l'administration que pour les exploitants, sans apporter des avantages significatifs (Christy, 1995).

5.2.3 Alliances volontaires et assistance spéciale aux petits opérateurs forestiers

La création de coopératives volontaires et d'alliances commerciales peut donner aux petits opérateurs forestiers un pouvoir de négociation accru et l'accès à des services d'experts. Parallèlement, le démantèlement des mécanismes collectifs mis en place par les opérateurs plus puissants et expérimentés permet de contrer les pouvoirs des monopoles. En Gambie, des groupements de marchands de bois de feu sont créés dans cette optique (Foley). En même temps qu'on élimine les incitations au regroupement des commerçants du bois, on encourage les initiatives unitaires des producteurs de bois (Ribot).

Des aides spéciales peuvent aussi venir en appui aux petites opérations forestières, notamment en matière d'aménagement, ainsi qu'aux industries de transformation des produits forestiers. Au Liberia, par exemple, les petits exploitants forestiers bénéficient d'aides publiques en vertu de règlements qui leur sont spécialement applicables. Des avantages particuliers sont également octroyés aux petits opérateurs forestiers, et des règles distinctes s'appliquent à la récolte du bois dans les petites exploitations forestières (règlement sur les permis d'exploitation).

Dans d'autres pays, il est prévu des redevances spéciales pour les petits propriétaires de forêts ou des incitations pour les encourager à commercialiser les produits forestiers. Au Malawi, une stratégie visant à encourager les propriétaires fonciers coutumiers à gérer leur forêt de manière durable a été mise au point. Les exploitants forestiers qui respectent les principes de la gestion durable peuvent recevoir une assistance publique et bénéficier d'exemptions fiscales (Christy, 1990). Les graves problèmes de déforestation qu'a connus l'Ethiopie ont entraîné diverses réformes, notamment des incitations accrues au reboisement par les autorités locales (Mulugeta).

5.2.4 Questions de transport

De nombreux changements sont intervenus en ce qui concerne le transport des produits forestiers aux marchés et points de vente. Les permis et taxes de transport, bien que conçus pour réduire les prélèvements illégaux, empêchent parfois les producteurs ruraux d'avoir accès aux marchés forestiers (Ribot). De plus, les transporteurs et les vendeurs de bois opèrent souvent de façon oligopolistique, limitant ainsi encore plus leur accès au marché et faisant baisser artificiellement les prix payés aux producteurs de bois locaux.

Le remaniement des lois et des institutions traitant des transports a été entrepris de différentes manières. Des règles de transport spéciales sont édictées pour les producteurs locaux et les groupes communautaires. Ainsi, selon le projet de loi namibien sur les forêts, lorsqu'un permis de transport est requis, il ne peut être refusé si les produits forestiers ont été prélevés conformément au plan d'aménagement forestier (art. 30).

De nombreux forestiers des pays étudiés pensent que les contrôles des transports restent nécessaires pour la bonne application des lois forestières. Contrairement à l'exploitation illégale, qui peut être facilement opérée sans être détectée, le transport des produits forestiers est difficile à cacher. Il est en outre plus aisé de doter en personnel des points de contrôle en forêt que de surveiller tout le domaine forestier. Les permis de transport peuvent donc servir à limiter post facto les prélèvements illégaux.

5.2.5 Problèmes d'exportation

Dans plusieurs pays africains, le bois est important pour l'économie nationale en tant que produit d'exportation. Maints pays ont été confrontés aux problèmes posés par une forte demande extérieure de produits forestiers à bas prix, ainsi que les transactions illégales dérivant du trafic international. De tels problèmes exigent une coopération régionale, que la SADC par exemple essaie de résoudre à travers sa stratégie sur le secteur forestier (art. 2.1.14).

(a) Contrôle des exportations illégales et exportation de produits forestiers prélevés de manière non durable

Les moyens mis en oeuvre pour contrôler les transactions de bois illégales combinent les contrôles directs des prélèvements et les permis d'exporter, auxquels s'ajoutent peu à peu les accords régionaux et la certification.

(i) Programmes régionaux

La conclusion d'accords de coopération régionaux visant à améliorer le contrôle des exportations de produits forestiers est à l'étude, notamment en Afrique de l'Est (Ojwang). Les lois nationales et les contrôles aux frontières s'avèrent insuffisants à eux seuls, d'autant plus que peu de pays ont adopté des dispositions innovantes sur les activités transfrontières.

La loi forestière du Malawi, par exemple, traite en détail de la coopération internationale en matière de forêts. Elle autorise le directeur du service forestier à passer des accords de gestion transfrontière et à instituer des mécanismes «propres à assurer une utilisation et une commercialisation durables des ressources forestières au-delà des frontières», tels que ceux permettant de vérifier la légalité des produits forestiers importés ou exportés. En outre, le ministre est expressément habilité à prendre des arrêtés de mise en œuvre des conventions et accords internationaux ayant trait aux forêts (art. 76-80).

(ii) Certification des forêts et du bois

La «mondialisation» du secteur forestier se reflète dans les lois de la région. Quelques-uns des pays étudiés sont des membres producteurs de l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT). Comme tels, ils sont tenus en vertu de l'Objectif 2000 de l'OIBT de n'exporter que le bois provenant de sources durables. Plusieurs pays sont aussi membres de la Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC), qui s'est attachée à élaborer une politique forestière régionale coordonnée avec les autres politiques sectorielles des ressources naturelles, notamment celles de la pêche et de la faune.

L'Organisation africaine du bois (OAB) et plusieurs des pays étudiés ont commencé à établir des normes pour la certification forestière (Kotey et al. Taal). Initialement motivées par des intérêts commerciaux, ces initiatives ont évolué avec les processus d'élaboration des critères et indicateurs de gestion forestière durable et avec le besoin de les appliquer sur le terrain aux forêts et aux reboisements (Garba; Crossley). Etablis sur une base régionale pour les différents types de forêts, ces critères et indicateurs définissent des éléments objectifs d'évaluation pays par pays, voire forêt par forêt. Après une évaluation initiale des différentes conditions, des examens réguliers peuvent établir le niveau de déforestation ou la mesure dans laquelle les facteurs de durabilité augmentent. L'évaluation de ces critères est ensuite une condition préalable à la certification. L'OAB estime cependant qu'il faut veiller à ce que la certification ne créé pas de confusion en perturbant les marchés du bois et en limitant les perspectives de gestion durable des forêts (Taal).

L'établissement de critères, d'indicateurs et de normes pour la foresterie commerciale est en cours dans plusieurs pays étudiés. Au Ghana, le processus a commencé dans le cadre d'un projet de développement participatif, associant des représentants des utilisateurs des forêts, des exploitants forestières et d'autres intérêts forestiers et écologiques (Kotey et al). Il a été relativement facile d'impliquer tous ces acteurs car la plupart des opérateurs estiment qu'un système de certification officielle aura un effet bénéfique sur le commerce du bois.

Lorsque des critères et indicateurs sont adoptés dans une région ou un pays, ils peuvent servir de base à la mise en place d'un programme de certification permettant d'attester que le bois a été «exploité de manière durable» avant de pouvoir être exporté. Dans la perspective d'éventuelles décisions de l'OMC en matière de commerce du bois (telles que celles relatives au commerce du thon), l'Objectif 2000 de l'OIBT est généralement considéré comme un facteur de continuité des exportations de bois dans l'avenir (Tarasofsky).

Bien que l'importance de la certification forestière soit largement reconnue dans les pays étudiés, peu d'entre eux ont déjà légiféré en la matière. Les dispositions les plus détaillées ont été adoptées en Afrique du Sud, où la loi sur les forêts domaniales prescrit, au titre des mesures de gestion durable des forêts, que le ministre:

Les normes peuvent être de portée nationale ou locale, voire propres aux forêts. Elles peuvent être limitées géographiquement ou s'appliquer à des types particuliers de forêt. Elles peuvent concerner les propriétaires de forêts privées ou toutes autres catégories de personnes. A cet égard, une attention spéciale doit être prêtée aux conditions régionales, sociales, économiques et environnementales. Sur la base des critères, indicateurs et normes mis au point, le ministre doit élaborer un programme de certification et d'autres incitations en faveur de la gestion forestière durable (art. 4(2) et (6)).

b) Satisfaction de la demande extérieure

Le bois étant sous-évalué, les prix du bois et des concessions payés par des sociétés étrangères sont souvent assez faibles. Une solution à ce problème peut consister à restreindre le commerce intérieur et international de produits forestiers. Au Ghana, un projet de loi prévoit en ce sens:

Un autre moyen consiste à restreindre les produits exportables. On estime généralement que l'exportation de grumes ou de bois séché à l'air n'est pas souhaitable, étant donné que le découpage et le séchage à l'étuve sont deux méthodes possibles pour fournir de la valeur ajoutée au pays producteur. Alors que cette question de valeur ajoutée continue d'être l'objet de débats, le problème juridique qui demeure important est de savoir comment concevoir et appliquer les restrictions à l'exportation de produits forestiers. De nombreux pays ont interdit l'exportation ou fortement taxé les opérations indésirables, comme l'exportation de grumes ou de bois séché à l'air (ATO, «TED Case Studies»; Garba).

Ces mesures sont de plus en plus nombreuses dans les pays étudiés, mais les avis divergent quant à leur utilité et aux résultats obtenus. Souvent, elles ne font qu'accroître les pressions sur le marché, les prix du bois illégal et les incitations financières pour se soustraire à la loi. De surcroît, ces mesures peuvent aller à l'encontre des efforts accomplis en vue d'améliorer les échanges commerciaux régionaux tendant à réduire ou éliminer les barrières non tarifaires, augmenter le rendement de l'exploitation forestière, améliorer la qualité des produits exportés, etc. (Politique de la SADC dans le secteur forestier, art. 2.2.6).


[1] Bien que faisant partie de la République-Unie de Tanzanie, Zanzibar dispose de sa propre législation forestière.
[2] Il n'a pas été possible, dans le cadre du présent chapitre, d'examiner les projets de lois actuellement à l'étude au Kenya et en Ouganda. Pour de brefs aperçus sur les discussions en cours au sujet de la réforme des lois forestières dans ces deux pays, on renvoie le lecteur à Wily et Mbaya (2001).
[3] En Tanzanie, par exemple, le règlement interdisant la coupe dans les forêts des bassins versants de la réserve naturelle d'Amani (Amani Nature Reserve Rules, Prohibition of Harvesting in Catchment Forests) a institué cette réserve à vocation forestière en application de la loi forestière et non de la loi relative aux aires protégées.
[4] Exemples : Stratégie du secteur forestier de la SADC (art. 2.1.7 et 2.1.14); Gambie (art. 96-99 de la loi forestière et art. 10-12 du règlement forestier); Liberia (partie III du règlement relatif à l'aide aux propriétaires privés de terres forestières); Namibie (art. 10 et 11 et 24-27 du projet de loi forestière); Zanzibar (art. 11-15 de la loi forestière); Malawi (art. 24-26 de la loi forestière); Soudan (art. 9 de la loi forestière).
[5] Namibie (projet de loi forestière, art. 11(7),(8), 16 et 31); Sierra Leone (loi forestière, art. 8 et 11; projet d'accord sur les concessions - qui requiert un plan d'aménagement, un plan de travail, un registre des coupes et des investissements locaux dans des installations de transformation du bois); Malawi (loi forestière, art. 36).
[6] Exemples : Zanzibar (art. 73 de la loi), Malawi (art. 45-54 de la loi forestière), Soudan (art. 15, 16, 18, 19 et 29(1) de la loi forestière), Tanzanie (règlements forestiers), Afrique du Sud (art. 23 de la loi sur les forêts domaniales), Sierra Leone (projet de règlements sur les forêts), Namibie (art. 25-31 du projet de loi sur les forêts et art. 4-6 du projet de règlements sur les forêts).

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